Lorsque le général de Gaulle quitte le pouvoir en 1969, le bilan de la coopération franco-allemande s′avère comme1 « chaotique et peu fructueux et plutôt négatif ». Le successeur du général de Gaulle, Georges Pompidou, hérite ainsi d′une situation délicate.
D′un côté, en effet, la crise de 1968 a eu des conséquences qui se feront sentir durablement. L′affaiblissement relatif de la France renforce d′autant la position de la République fédérale.
Par ailleurs, la relation franco-allemande s′insère dans2 un système multilatéral qui évolue rapidement, en particulier sous l′effet du « choc Nixon ». Elu à al fin de l′année 1968, le nouveau président américain s′engage dans une nouvelle démarche vis-à-vis de l′Union soviétique, comme il l′annonce en février 1969 devant le Conseil permanent de l′OTAN à Bruxelles: « Nous terminons une période de confrontation et entrons dans une ère de négociations (...). Nous engagerons des négociations avec l′Union soviétique sur une vaste série de questions, dont certaines affecteront directement nos alliés européens ».
Contenu
Introduction
1 Contexte historique : politique de détente ET lancement de l’ ostpolitik
1. Le monde bioploaire entre en detente
2. Brandt et le lancement de la nouvelle Ostpolitik
2. Le malaise neerlandais vis-a-vis de l’ Ostpolitik et ses origines recentes
1. Années 1960 : Méfiance erronnee des Pays-Bas face a l’Europe gaulliste de modele franco-allemand
2. Années 1970 : Réaction et réticences néerlandaises face a l’elan de la nouvelle Ostpolitik de Brandt
3. Jugements divers de l’ Ostpolitik par la presse neerlandaise
3 Reticences et considerations françaises a L’egard De L’ Ostpolitik
1. La position ambiguë de la France
2. Modification de l’attribution des roles a cause de L’ Ost- Politik et reaction de la politique française
Conclusion
references
Introduction
Les élections allemandes au Bundestag du 28 septembre 1969 aboutissent à une petite coalition entre les sociaux-démocrates du SPD et les libéraux du FDP. Pour la première fois dans l’histoire de la République fédérale allemande (RFA), les conservateurs chrétiens de la CDU/CSU ne participent pas au gouvernement. Ainsi, cette coalition sociale-libérale sous la chancellerie de Willy Brandt (SPD), qui a été le Ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement précédent, pouvait se mettre d’accord sur la poursuite sérieuse d’une nouvelle politique vis-à-vis des pays de l’Est, y compris la République démocratique allemande (RDA). Or, cette nouvelle Ostpolitik forme la base la plus importante de la Petite Coalition Brandt/Scheel.[1]
Quelques mois plus tôt, le 17 mars, les pays du Pacte de Varsovie plaide dans la Déclaration de Budapest pour le lancement d’une Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe, regroupant tous les Etats du continent. En même temps ils ne considèrent plus la RFA comme Etat revanchiste ou militariste et la reconnaissance de la ligne Oder-Neisse ainsi que celle de la RDA ne sont plus considérées comme précondition d’éventuelles négociations. A la fin des années 1960, Moscou et Washington se trouve égal à égal en matière d’armes nucléaire stratégiques. C’est en 1969 que l’Union soviétique est plus conquise qu’auparavant par la voie de dialogue avec l’Occident. La course aux armements a mis en danger la base fiscale de son économie planifiée. Mais il y a aussi de bonnes raisons pour les Etats-Unis qui ont dépensé de sommes gigantesques dans leur guerre au Viêt-Nam d’entamer une course vers la détente.
Dans les relations Est-Ouest, un changement de perception éclate au grand jour, ainsi aplanissant le chemin pour une ère de détente. Mais cela ne signifie pas que des considérations politico-stratégiques dans un monde bipolaire ne joueront plus un rôle déterminant dans le choix des politiques et des perceptions. Nous voulons ainsi aborder les arrière-pensées ainsi que réticences de deux voisins occidentaux de la RFA, les Pays-Bas et la France. A la fin, on discutera les parallèles et les différences des regards néerlandais et français face à la nouvelle Ostpolitik ouest-allemande.
I – Contexte historique : Politique de détente et lancement de l’ Ostpolitik
1. Le monde bipolaire entre en détente
Les années 1950 ont été marquées par la conviction que toute détente devrait se baser sur le « progrès » dans la question allemande et que toute reconnaissance du statut quo était inimaginable. Lancé par le « choc Nixon », on entre dans une nouvelle ère dans la perception de la confrontation des blocs. Or, la détente est devenue la condition pour la solution de la question allemande. Elu à la fin de l’année 1968, le nouveau président américain s’engage dans une nouvelle démarche vis-à-vis de l’Union soviétique, comme il l’annonce en février 1969 devant le Conseil permanent de l’OTAN à Bruxelles : « Nous terminons une période de confrontation et entrons dans une ère de négociations (…). Nous engagerons des négociations avec l’Union soviétique sur une vaste série de questions, dont certaines affecteront directement nos alliés européens ». Les deux super-puissances se trouvant d’un côté dans une guerre coûteuse au Viêt-Nam, et de l’autre, compromettant le financement de son économie planifiée, Washington et Moscou visent ainsi à diminuer leurs dépenses militaires. En plus, à la fin des années 1960, l’URSS dispose le même nombre d’armes nucléaires stratégiques que les Etats-Unis. De fait, des négociations sur la limitation des armes nucléaires et stratégiques s’ouvrent : SALT (Strategic Arms Limitation Talks) -I et ABM (Anti-Ballistic Missile)[2], signés en mai 1972 entre Nixon et Brejnev.
Alors, le progrès dans la question allemande n’est plus considéré comme condition ni pour des accords de contrôle d’armement, ni pour une politique de détente.[3] La construction du Mur de Berlin en 1961 a démontré l’évident fait que la question allemande est devenue fortement insoluble. La reconnaissance du statut quo européen ainsi marquera la base de toute relation entre l’Est et l’Ouest, le but d’une réunification allemande devenu importun. C’est dans cette logique que l’ Ostpolitik de Brandt a été généralement acceptée, notamment grâce à son caractère affermissant le statut quo sur le continent. Mais aussi d’immenses réticences concernant sa direction restent quand même.
2. Brandt et le lancement de la nouvelle Ostpolitik
Un mois après les élections au Bundestag de septembre 1969 qui aboutissent à une Petite Coalition entre le SPD et le FDP, le nouveau chancelier Willy Brandt annonce dans sa déclaration gouvernementale le lancement d’une nouvelle Ostpolitik: « Même si deux Etats existent en Allemagne, ils ne sont pas bien étrange l’un à l’autre ; leurs relations mutuelles ne peuvent être que d’une façon particulière. »[4]
Cela, en même temps, signifie la fin de la « doctrine Hallstein » qui depuis 1955 avait considérablement compliqué les relations vis-à-vis de l’Est. Au cœur de celle-ci se trouvait la revendication de la RFA à représenter seule l’Allemagne, c’est-à-dire tout le peuple allemand. Tout contact avec la RDA était considéré comme « acte inamical » (unfreundlicher Akt). Cette doctrine fut remplacée par une politique de rapprochement par rapport à des pays de l’Est en général et une approche réconciliatrice envers la RDA en particulier. Brandt considérait tout rapprochement pan-allemand comme indicateur d’une détente entre l’Ouest et l’Est.[5] Une déclaration sur la renonciation à la force avec l’URSS, une autre comprenant la reconnaissance des frontières avec la Pologne et le Traité de normalisation (Grundlagenvertrag) de 1972 avec la RDA ainsi que d’autres traités avec les pays de l’Est formaient les éléments constitutifs de la nouvelle Ostpolitik de Brandt.
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II – Le malaise néerlandais vis-à-vis de l’ Ostpolitik et ses origines récentes
1. Années 1960 : Méfiance erronée des Pays-Bas face à l’Europe gaulliste de modele Franco-Allemand
Sous la direction de De Gaulle et d’Adenauer, l’Europe entre dans une ère de coopération franco-allemande (1958-1963). En 1960, le président de la République française initie un plan d’institutionnalisation de la coopération de la CEE des Six en remplaçant le principe de supranationalité par l’intergouvernementalité.[6] Ceci provoque de fortes réticences des petits pays. Il est ainsi que deux ans plus tard, le ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas, Joseph Luns, en coopération avec son collègue belge, Spaak, bloque le plan franco-allemand d’établir une Union politique[7] (plans Fouchet) en utilisant leur « préalable anglais » car ceci ignorait la Grande-Bretagne et le lien atlantique.[8] Les Pays-Bas craignaient une Europe sous le leadership français, qui s’émancipe des Etats-Unis.[9] De cette perspective, l’axe Paris/Bonn menaçait la sécurité européenne, qui devrait être garantie par l’OTAN, sous l’égide anglo-saxonne.[10] Cependant il était clair que des bonnes relations avec la France ont été prioritaires pour la RFA, grâce au désir d’ancrage des Allemands au sein de la coopération européenne et aussi le but de réintégration totale dans l’Europe n’a été possible qu’avec le soutien parisien.[11] Mais la perception néerlandaise de l’opposition entre l’entente franco-allemande et l’alliance de sécurité atlantique persistait. En août 1962, l’ambassadeur van Vredenburch exprime la méfiance néerlandaise vis-à-vis d’une hégémonie franco-allemande : « Nous Néerlandais avons appris sous Napoléon à ce qu’une Europe française pouvait ressembler, et sous Hitler avons-nous appris à ce qu’une Europe allemande pouvait ressembler. Il ne me semble pas difficile de prévoir qu’une Europe sous une hégémonie franco-allemande et plus tard germano-française – dit avec précaution – ne correspondra pas à notre caractère national et probablement n’est pas de l’intérêt pour notre peuple. »[12] Néanmoins, La Hague n’avait pas des instruments efficaces d’éviter le coude à coude entre Paris et Bonn qui, après l’échec de l’Union politique en 1962, le 22 janvier 1963 trouvait son apogée dans le Traité de l’Elysée sur la coopération franco-allemande[13]. On se trouvait ainsi dans une Europe de plus en plus intergouvernementale, continentale et anti-atlantique (voire gaulliste). C’est dans ce sens que Wielenga reconnaît un paradoxe de la politique étrangère des Pays-Bas entre 1960 et 1962 comme celle-ci avait provoqué l’entente franco-allemande ainsi que l’affaiblissement de l’OTAN, ce dernier extrêmement redouté à La Hague.[14] Alors, au début des années 1960, les Néerlandais sont fortement réticentes vis-à-vis de la politique allemande, qui se montrait désormais de plus en plus consciente de son propre poids en testant prudemment des alternatives par rapport à la coopération euro-atlantique. Avec la chancellerie du chrétien-démocrate Ludwig Erhard (1963-1966), les craintes néerlandaises se réduisaient considérablement.[15]
C’est en Erhard que le camp l’euro-atlantiste remporte. La Hague éprouve de la sympathie pour le scepticisme du nouveau chancelier Erhard par rapport au général de Gaulle.[16] Mais l’insatisfaction des Pays-Bas persiste au même titre que le dilemme de la politique étrangère allemande entre l’orientation atlantique et la nécessité d’un lien fort la France sous de Gaulle (important pour la Communauté européenne) semble s’affermir. C’est sur celle-ci que la critique néerlandaise vis-à-vis de la politique de « laisser-faire » du gouvernement Erhard se développe.[17]
[...]
[1] Peter BENDER, Die “Neue Ostpolitik” und ihre Folgen, Munich : dtv, 1995, p. 151 et Arnulf BARING, Machtwechsel. Die Ära Brandt-Scheel, Munich : dtv, 1984, p. 199 ; cité par EIJGENDAAL, p. 75.
[2] Mais son existence n’aura été que de 30 ans. Le 13 décembre 2001, Colin Powell annonce le retrait des Etats-Unis du traité antimissiles balistiques. La date du 13 juin 2002 marque ce retrait officiel.
[3] WIELENGA, p. 135.
[4] Dans l’original, il est dit : « Auch wenn zwei Staaten in Deutschland existieren, sind sie doch für einander nicht Ausland ; ihre Beziehungen zu einander können nur von besonderer Art sein. »
[5] « Ostpolitik der Regierung Brandt », dans : Digital Publishing, Das 20. Jahrhundert, 1968-1996, Munich : Digital Publishing, 1996.
[6] WIELENGA, pp. 101-102.
[7] Pour le projet de traité de l’Union politique voir : http://mjp.univ-perp.fr/europe/1962cinq.htm.
[8] WIELENGA, pp. 101 et 106.
[9] Voir aussi le mémorandum des membres néerlandais de la Haute Autorité et des Commissions de la CEE de mai 1961 : Internationaal Instituut voor Sociale Geschiedenis, Amsterdam. Sicco L. MANSHOLT (1945-1995). Commissaris voor de landbouw en vice-voorzitter van de Commissie van de Europese Gemeenschapen. Ingekomen stukken en doorslagen van uitgaande brieven (1958-1961), p. 97. URL: http://www.ena.lu?lang=11&doc=12193.
[10] WIELENGA, p. 102.
[11] Ibid., pp. 102-103.
[12] WIELENGA, p. 104, cité dans D. HELLEMA, « Factor Duitsland in de Nederlands buitenslandse politiek », in: Friso WIELENGA (éd.) Duitse buur. Visies uit Nederland, Belgi ë en Denemarken 1945-1995, La Hague, 1996, p. 94 ; dans l’original, il est dit : « Wir Niederländer haben unter Napoleon erfahren, was ein französisches Europa bedeutet, und unter Hitler lernten wir, wie ein deutsches Europa aussehen könnte. Es scheint mir nicht schwer vorherzusagen, dass ein Europa unter einer französisch-deutschen und später deutsch-französischen Hegemonie – vorsichtig ausgedrückt – nicht unserem Volkscharakter entsprechen wird und wahrscheinlich nicht im Interesse unseres Volkes liegt .»
[13] Pour le texte du Traité voir : http://mjp.univ-perp.fr/defense/1963elysee.htm.
[14] WIELENGA, p. 107.
[15] Ibid., p. 104.
[16] Ibid., pp. 116-117.
[17] Ibid., p. 118.
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