Afin d’éviter les conséquences économiques et sociales néfastes causées par les défaillances des entreprises et de permettre le redressement de celles-ci, le législateur a formulé des réglementations spécifiques sur la prévention des difficultés des entreprises, qui ont été insérées dans le code de commerce et qui ont fait l’objet de réformes successives.
Le législateur s'est directement référé à la devise «Mieux vaut prévenir que guérir», qui complète le système de traitement constitué par une procédure collective, sans avoir à assurer le traitement de l'entreprise malade par la procédure de redressement judiciaire ou même d'avoir à constater sa mort par la liquidation judiciaire, cette nouvelle politique législative vise à trouver des difficultés avant que le préjudice ne soit trop important.
I. Les cas d'alerte
A. Le principe de continuité d'exploitation
B. Les faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation
II. La procédure d'alerte
A. Première phase : la demande d'explication au président du conseil d'administration
B. Deuxième phase : la délibération du conseil d'administration
C. Troisième phase : le rapport spécial du commissaire aux comptes à l'assemblée des actionnaires
Bibliographie
Afin d’éviter les conséquences économiques et sociales néfastes causées par les défaillances des entreprises et de permettre le redressement de celles-ci, le législateur a formulé des réglementations spécifiques sur la prévention des difficultés des entreprises, qui ont été insérées dans le code de commerce et qui ont fait l’objet de réformes successives.1
Le législateur s'est directement référé à la devise «Mieux vaut prévenir que guérir», qui complète le système de traitement constitué par une procédure collective, sans avoir à assurer le traitement de l'entreprise malade par la procédure de redressement judiciaire ou même d'avoir à constater sa mort par la liquidation judiciaire, cette nouvelle politique législative vise à trouver des difficultés avant que le préjudice ne soit trop important.
Cela conduit à tenter d'améliorer l'information sur l'entreprise, d'une part l'information périodique annuelle, semestrielle ou trimestrielle, en rendant obligatoires, dans certains cas, les documents comptables et prévisionnels, d'autre part l'information importante ou ponctuelle au moment où les difficultés apparaissent (situation de cessation de paiement, décision de redressement judiciaire, etc..)2. C'est cette dernière idée que traduit la procédure d'alerte qui est mise en œuvre par certaines personnes disposant, à un titre ou à un autre, d'un droit de regard sur l'entreprise (associés, comité d'entreprise, commissaire aux comptes).
La procédure d'alerte vaut pour la totalité des entreprises commerciales, mais avec des changements qui prennent en considération la spécificité des organes de la société anonyme.
Chacune des personnes auxquelles la loi confie un rôle dans les procédures d'alerte est appelée à jouer, alternativement, un rôle actif ou un rôle passif : l'information obtenue dans la procédure est bien sûr communiquée à celui qui a déclenché cette procédure, mais elle est transmise aussi aux autres organes.
Par exemple, le commissaire aux comptes se verra nécessairement communiquer les éléments de réponse fournis par les dirigeants, même lorsque la procédure a été lancée par le comité d'entreprise.
De ce fait, le commissaire aux comptes lorsqu’il est en possession d’une information, a l’obligation (rôle actif)3 de faire connaitre à son client les conséquences éventuellement dommageables résultant des données relatives à cette information.
Cependant, le sujet doit être limité ici à l'alerte que le commissaire aux comptes donne lui-même, celle dans laquelle il est acteur principal.
Il faut tout d'abord envisager les cas d'alerte, avant de préciser la procédure imposée par la loi.
I. Les cas d'alerte
L'article 230-1 de la loi du 24 juillet 19664 sur les sociétés commerciales, introduit par la loi n°84-148 du 1er mars 19845, dispose :
« Le commissaire aux comptes, dans une société anonyme, demande des explications au président du conseil d'administration ou au directoire qui est tenu de répondre, dans les conditions et délais fixés par décret, sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation qu'il a relevé à l'occasion de l'exercice de sa mission ».
De cet article, il ressort que les cas d'alerte sont centrés sur le risque d'interruption de l'activité et la dégradation de la situation de la société qui peuvent déboucher sur une cessation de paiement6, ce qui suppose que soit cerné au préalable le principe de continuité d'exploitation.
A. Le principe de continuité d'exploitation
Les comptes de l'entreprise sont différents, selon qu'ils sont établis dans la perspective de la vie normale de l'entreprise ou au contraire dans celle d'une prochaine liquidation.
En effet, les organisations professionnelles d'experts comptables, notamment à l'échelle internationale, ont les premières suggérée que les états financiers périodiques devaient être établis en fonction du principe de continuité de l’exploitation.
Or « la continuité de l’exploitation est une convention comptable d’établissement des comptes annuels utilisée par les dirigeants pour l’établissement de ces comptes.
Les commissaires aux comptes se réfèrent à cette même notion, d’une part, pour émettre une opinion sur les comptes, d’autre part, pour apprécier s’il y a lieu de déclencher la procédure d’alerte 7 ».
L'article8 14 dispose que, pour l'établissement des comptes annuels, « le commerçant, personne physique ou morale, est présumé poursuivre ses activités au-delà de l’exercice en cours (Exercice N) ». Il est impossible d’anticiper la cessation de l’entreprise pour (l’exercice N+1), les comptes sont supposés être établis dans une optique de continuité infinie de son exploitation.
La loi du 1 er mars 19849 fait référence à ce même principe.
Selon une définition qui a été proposée : « La continuité de l’exploitation serait constituée par un état d'équilibre des flux financiers, pendant une période de référence, d'une unité économique indépendante, sans réduction sensible du rythme et de l'étendue de ses activités10 ».
Un tel état d'équilibre suppose que l'entreprise, sans recourir à des moyens artificiels, fait face à l'ensemble de ses obligations, tant à l'égard des salariés que de ses clients et fournisseurs, tant en ce qui concerne les engagements bancaires que les charges fiscales et sociales mais aussi qu'elle est en mesure de renouveler ses actifs.
A l'inverse, si l'une de ces conditions n'est plus remplie, on va pouvoir considérer qu'il existe une menace pour la continuité de l'exploitation.
B. Les faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation
Quels sont les indices que l'on va devoir considérer comme révélateurs d'une dégradation et donc de nature à compromettre la continuité de l'exploitation ? Certains faits de nature financière ressortent directement de l'examen des comptes, ainsi les capitaux propres négatifs, les amortissements insuffisants, les non-paiements de factures ou de cotisations sociales, capacité d’autofinancement insuffisante.
Les autres de nature opérationnelle ne se traduiront que plus tard dans les comptes : par exemple, l'échec d'une campagne publicitaire pour un produit nouveau, l'existence de difficultés dans la gestion du personnel (grève difficile, licenciements collectifs pour motif économique), perte d’un marché important ou changements technologiques11.
L'alerte « porte sur tout fait que le commissaire aux comptes relève lors de l'examen des documents qui lui sont communiqués ou sur tout fait dont il a connaissance à l'occasion de l'exercice de sa mission12 ».
Cette rédaction est relativement large. En effet, la mission du commissaire aux comptes, même en ce qui concerne la certification des comptes, suppose l'accès à un grand nombre de documents.
De plus, le commissaire surveille le respect de la loi sur les sociétés commerciales. Par ailleurs, il bénéficie de l'information qui résulte du déclenchement de la procédure d'alerte par d'autres personnes, par exemple par le comité d'entreprise.
Nombreuses sont donc les sources d'information susceptibles de révéler des faits pouvant conduire le commissaire aux comptes à donner lui-même l'alerte.
Cependant, en vertu du principe de non-immixtion dans la gestion de l’entreprise, il est interdit au commissaire aux comptes de donner des conseils pour remédier aux difficultés et participer à la mise en œuvre des mesures13.
II. La procédure d'alerte
Instaurée par la loi n° 84-148 du 1er mars 198414, cette procédure oblige les commissaires aux comptes à alerter les dirigeants sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation (L.234-1 et suivant du Code de Commerce).15
Trois phases peuvent être distinguées dans la procédure d'alerte déclenchée par le commissaire aux comptes.
A. Première phase : la demande d'explication au président du conseil d'administration
Une fois que le commissaire aux comptes découvre qu’il existe un risque pour la continuité de l'entreprise, il adresse une demande d'explications aux dirigeants, notamment au président du conseil d'administration ou du directoire de la société anonyme.
Le président du conseil d’administration ou éventuellement le directoire dispose d’un délai de quinze jours au maximum, à partir de la réception de la demande d'explications, pour répondre au commissaire aux comptes. Il doit le faire par lettre recommandée avec accusé de réception16.
Dans sa réponse, le président du conseil d’administration ou le directoire « donne une analyse de la situation et précise, le cas échéant, les mesures envisagées »17
Rien n'empêche que, dans un premier temps, un dialogue s'instaure entre le commissaire aux comptes et les dirigeants, en dehors des formes légales.
En revanche, celles-ci doivent être respectées dès le moment où le commissaire aux comptes a exprimé sa demande d'explications de manière officielle.
En effet, lorsque les dirigeants de l’entreprise apportent au commissaire aux comptes des mesures permettant d’assurer la continuité de l’exploitation, le commissaire aux comptes sera amené à porter un jugement sur ces mesures pour décider de suspendre ou non la procédure d’alerte.18
Lorsque le commissaire aux comptes est convaincu par les explications du président et que ses inquiétudes quant à la continuation de l'exploitation se trouvent apaisées, la procédure d'alerte s'arrête là; elle se limite à cette première phase.
[...]
1 Loi n° 84-148 du 1 mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises, dont la dernière mise à jour est le 24 mai 2019
2 Omar Drissi Kaitouni, Séminaire « Communication financière », ISCAE, 2011
3 Gérard Lejeune et Jean-Pierre Emmerich, Réglementation professionnelle et déontologie de l’expert comptable et du commissaire aux comptes, Gualino, 2016
4 Loi n°66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales dont la dernière mise à jour des données de ce texte est le 01 janvier 2003, Légifrance
5 Loi 84-148 du 1 mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises suivant le code de commerce dont la mise à jour est le 24 mai 2019, Légifrance
6 EL Mernissi Mohamed et EL Mernissi Lamya, Traité marocain de droit des sociétés, LexisNexis, 2019
7 Mémento Pratique, Audit et commissariat aux comptes, Edition Francis Lefebvre, 2015
8 Code de commerce, Abrogé par Ordonnance 2000-912 2000-09-18 art. 4 JORF 21 septembre 2000
9 Livre V du code de commerce : Loi relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises, 1984
10 J. Paillusseau et G. Petiteau, Les difficultés des entreprises, A. Colin 1985, N°126
11 Norme d’exercice professionnel (NEP 570, & 8) révisée a été homologuée par arrêté du 26 mai 2017 publié au J.O.N° 0134 du 9 juin 2017
12 Décret n° 67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales dont la mise à jour est le 01 Juillet 2007
13 Mémento Pratique, Audit et commissariat aux comptes, Edition Francis Lefebvre, 2015
14 Loi 84-148 du 1 mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises suivant le code de commerce dont la mise à jour est le 24 mai 2019, Légifrance
15 Laura Siné, Droit des sociétés, Dunod et Francis Lefebvre, 2015/2016
16 Art. L 234-1, al. 1 et R 234-1 de la procédure d’alerte du code de commerce
17 Décret n°67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales, dont la mise à jour des données de ce texte est le 01 juillet 2007, Légifrance site web officiel du Gouvernement français
18 Gérard Lejeune et Jean-Pierre Emmerich, Réglementation professionnelle et déontologie de l’expert comptable et du commissaire aux comptes, Gualino, 2016
- Citation du texte
- Rachid El Harraz (Auteur), 2020, Mise en œuvre de la procédure d’alerte par le commissaire aux comptes dans le cadre de la prévention des difficultés des entreprises, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/950692
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