André Gide traite, dans le roman « Les faux-monnayeurs » et dans la « sotie » « Les caves du Vatican », de profonds problèmes esthétiques et éthiques. De manière moins évidente au lecteur, il s'occupe aussi des conflits qui peuvent se produire entre des motivations esthétiques et éthiques. Ainsi, il met en relief les champs de discussion principaux de la philosophie pratique de son époque.
Dans le travail ici présent, je vais essayer de montrer comment la pensée esthétique peut répondre aux questions que la réflexion éthique laisse ouvertes, mais aussi, à quels conflits ceci peut mener. En chemin, il sera nécessaire de traiter un autre conflit similaire, celui de la détermination et la décision; je vais aussi rencontrer et décrire certains motifs nietzschéens et darwiniens, la fonction de l'expérience esthétique et le rôle de la cohérence et de la sincérité dans les textes.
Inhaltsverzeichnis
1 Introduction
2 Définitions
2.1 Éthique
2.2 Esthétique
3 La relation entre l’éthique et l’esthétique
3.1 L’esthétique comme un bien entre autres
3.2 L’esthétique de l’existence
4 Détermination et décision
4.1 Détermination
4.2 Décision
4.3 L’« acte gratuit »
5 Cohérence et sincérité
5.1 Cohérence
5.2 Sincérité
6 L’expérience esthétique
7 Nietzsche et Darwin
8 Tentative de conclusion
8.1 Situation des acteurs
8.2 L’esthétique comme solution
8.3 Jugements
« [L]a grande faiblesse de l’école symboliste, c’est de n’avoir apporté qu’une esthétique ; toutes les grandes écoles ont apporté, avec un nouveau style, une nouvelle éthique, [...] une nouvelle façon de voir, de comprendre l’amour, et de se comporter dans la vie. »1
1 Introduction
André Gide traite, dans le roman « Les faux-monnayeurs » et dans la « sotie » « Les caves du Vatican », de profonds problèmes éthiques et esthétiques. De manière moins évidente au lecteur, il s’occupe aussi des conflits qui peuvent se produire entre des motivations esthétiques et éthiques. Ainsi, il met en relief les champs de discussion principaux de la philosophie pratique de son époque.2
Dans le travail ici présent, je vais essayer de montrer comment la pensée esthétique peut répondre aux questions que la réflexion éthique laisse ouvertes, mais aussi, à quels conflits ceci peut mener. En chemin, il sera nécessaire de traiter un autre conflit similaire, celui de la détermination et la décision ; je vais aussi rencontrer et décrire certains motifs nietzschéens et darwiniens, la fonction de l’expérience esthétique et le rôle de la cohérence et de la sincérité dans les textes.
Beaucoup plus riche en citations valables pour une interprétation philosophique que « Les caves du Vatican », ma source principale sera « Les faux-monnayeurs », que je vais aussi utiliser comme base de comparaison.
2 Définitions
Pour les termes « éthique » et « esthétique », il y a une multitude de définitions. Je vais donner celles qui sont considérées les définitions standard.
2.1 Éthique
Ordinairement, on appelle éthique (du grec êjoc [éthos], « habitude », « coûtume », « usance ») l’étude de la morale, c’est-à-dire l’étude des exigences généralement valides envers les actes humains, surtout de ceux qui concernent le bon et le mal.3
2.2 Esthétique
Autrefois, on appelait « esthétique » toute étude de la perception, de ce qui apparaît aux sens. Au fait, le mot grec aÒsjhsic [aísthêsis], qui est à la racine du terme, veut dire rien autre que « perception sensuelle ». Depuis Baumgarten et Kant, le terme à pris un sens plus étroit ; aujourd’hui, il signifie la discipline philosophique qui traite de la différence entre le beau et le laid, dans les arts en particulier.4
L’ensemble de l’éthique et de l’esthétique est souvent appelé axiologie, l’étude des valeurs (du grec cÐa [axía], « valeur »), surtout dans ces écoles philosophiques où les deux disciplines sont considérées similaires.
3 La relation entre l’éthique et l’esthétique
La pensée éthique réfléchit sur la question si des actes sont justifiables ou interdits, c’est-à-dire s’ils sont en conformité avec des normes ou s’ils les enfreignent. Elle marque les limites d’un champ. Au-delà de ceci, on pourra aussi demander de l’éthique d’évaluer, de l’ensemble des actes permis, quels sont les plus désirables : elle devrait tracer un certain chemin à travers de ce champ.
On voit qu’au sein de l’éthique, au moins deux disciplines distinctes existent : l’éthique normative, qui traite la justifiabilité des actes, et l’éthique eudémoniste, ou éthique de la bonne vie5, qui traite leur désirabilité.
L’esthétique peut servir à établir une échelle de désirabilité selon laquelle des actes ou même des modes de vie peuvent être classés.
3.1 L’esthétique comme un bien entre autres
Dans le déroulement de la vie, certains modes d’agir sont liés à des objets ou des situations esthétiques. Ils peuvent être appelés « praxes esthétiques », et il peut y avoir de bonnes raisons pour croire que la valeur de ces praxes est plus haute que celle des praxes non esthétiques. Seel offre l’argument que ces praxes, ayant leur but en elles-mêmes, permettent d’éprouver une liberté positive et de rencontrer des possibilités de choix fondamentales.6
N’importe si on accepte cet argument, le concept que l’esthétique constitue un bien est populaire et presque universellement accepté.
Il est important d’observer qu’ainsi, les autres biens qui pourraient exister (satisfaction de désirs primordiaux, compassion, pensée abstraite, ...) gardent leur indépendance. L’esthétique n’est pas le seul chemin qui mène à la bonne vie.
3.2 L’esthétique de l’existence
D’un point de vue plus radical, l’esthétique devient le seul point focal de la bonne vie : ce qui rend une vie bonne est l’aspect esthétique de la vie en soi. La bonne vie est un objet d’art, œuvre de l’individu artiste - une pensée qui se trouve dans l’antiquité, chez Nietzsche, mais aussi chez Michel Foucault7.
Dans les deux textes de Gide, plusieurs caractères semblent artificiels, comme des produits de leur propre activité artistique. Le cas extrême est celui d’Alfred Jarry, qui apparaît volontiers comme une caricature de soi-même,
« jocrisse étrange, à la face enfarinée, à l’œil de jais, aux cheveux plaquées comme une calotte de moleskine »8.
Étrangement, ce caractère grotesque est la seule personne réelle à faire apparence dans le roman. Gide a peut-être voulu exprimer ainsi ses doutes envers le concept d’une vie gouvernée par l’esthéticisme.
4 Détermination et décision
Le problème du classement des actes selon leur désirabilité exige que d’abord, une choix entre des actes différents soit possible. Or, il y a de forts arguments pour la détermination de tout acte. Reste la question si cette détermination, si elle existe, est de sorte de permettre à l’individu de s’en échapper ou non.
S’il est possible, cet échappement prend la forme d’une décision pour une choix ou l’autre, une décision qui pourrait être guidée par la réflexion éthique ou esthétique.
4.1 Détermination
« Évidemment l’organisme cédait aux mêmes incitations que l’héliotrope lorsque la plante involontaire tourne sa fleur face au soleil [...]. Le cosmos enfin se douait d’une bénignité rassurante. Dans les plus surprenants mou-vements de l’être on pouvait uniment reconnaître une parfaite obéissance à l’agent. »9
Anthime Armand-Dubois, biologiste du XIXe siècle, exprime ici un point de vue appelé déterminisme dur, une hypothèse réductioniste qui compte que tout individu est, comme tout objet mort, entièrement déterminé par des circonstances extérieures. Un démon laplacien qui connaîtrait l’état exacte de toutes les particules de l’univers dans un seul moment autant que toutes les lois de la nature pourrait ainsi extrapoler son état à tout autre instant. Un champ de mots entier (« volonté », « choix », « décision », « contrainte ») perdrait toute signification si on prenait cette théorie au sérieux, et l’éthique deviendrait un projet absurde.
Cette sorte de déterminisme dont personne ne pourrait jamais se libérer n’est pas le déterminisme qui est proéminent dans le reste des deux textes de Gide.
« Les romanciers nous abusent lorsqu’ils développent l’individu sans tenir compte des compressions d’alentour. La forêt façonne l’arbre. A chacun, si peu de place est laissée ! Que de bourgeons atrophiés ! Chacun lance où il peut sa ramure. La branche mystique, le plus souvent, c’est à de l’étouffement qu’on la doit. »10
Cette citation donne l’idée d’une détermination moins dure, d’une préformation des caractères, des personnalités, par leur environnement. Ce déterminisme social qui fait
[...]
1 Gide, André. Les faux-monnayeurs. Paris : Gallimard, 1925, p. 139, Passavant à Olivier.
2 « Les caves du Vatican » est paru en 1914 et son action se déroule dès 1890 (mention directe); celle de « Les faux-monnayeurs », paru en 1926, a lieu vers 1907 (Alfred Jarry vit encore, et on boit du vin de 1905).
3 Prechtl, Peter. Ethik. Dans Franz-Peter Burkard et id. (éd.). Metzler-Philosophie-Lexikon. Stuttgart/Weimar : J. B. Metzler,21999.
4 Lüthe, Rudolf. Ästhetik. Dans Franz-Peter Burkard et Peter Prechtl (éd.). MetzlerPhilosophie-Lexikon. Stuttgart/Weimar : J. B. Metzler,21999.
5 Chez Seel, « éthique concrète », cf. Seel, Martin. Ästhetik als Teil einer differenzierten Ethik. Zwölf kurze Kommentare. Dans : Id., Ethisch-Ästhetische Studien. Francfort-sur-le-Main, 1996, p. 11.
6 Cf. Seel, pp. 12sq.
7 Ibid., p. 20.
8 Gide. Les faux-monnayeurs, pp. 285sq.
9 Gide, André. Les caves du Vatican. Paris : Gallimard, 1922, p. 13.
10 Idem. Les faux-monnayeurs, p. 268, journal d’Édouard.
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- Matthias Warkus (Autor:in), 2006, La relation problématique entre l'esthétique et l'éthique dans "Les faux-monnayeurs" et "Les caves du Vatican" d'André Gide, München, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/80549
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