Depuis 1960, les indicateurs sociaux des anciennes colonies françaises1 en Afrique transsaharienne ne se sont pas améliorés, les infrastructures se sont dégradées, et les États se sont lourdement endettés. L’aggravation des problèmes fait que les anciennes colonies africaines demeurent les « damnés de la terre2 », quarante ans après leur accession à l’indépendance et après quarante ans d’aide au développement et de coopération franco-africaine. Mais ces États sont-ils vraiment indépendants ? La France, n’a-t-elle pas investi de larges sommes dans le développement et la coopération avec ses anciens partenaires de la Communauté française ? Ne suit-elle pas une politique « de fidélité, de solidarité et son ambition pour l’Afrique3 », n′est-elle pas marqué par « des sentiments d’estime, de respect et d’affection4 » ? On peut donc se demander si les anciennes colonies en Afrique transsaharienne ne se trouvent pas dans une situation de coopération bilatérale avec la France, ou si elles sont encore dans une relation néocolonialiste, contrôlée indirectement par des pouvoirs capitalistes, économiques et politiques. Mais les accusations lancées contre la France sont-elles justifiées ?
Pour répondre à cette question nous allons considérer le contexte historique à partir de la conférence de Brazzaville en 1944 qui posa le cadre de la coopération franco-africaine. Nous allons ensuite considérer les mécanismes de cette coopération et les raisons qui ont mené la France à abandonner son projet colonial pour offrir à ses colonies un partenariat entre États souverains.
Afin de maintenir la cohérence et la lisibilité du texte, ainsi que pour limiter le sujet à l’essentiel, nous aborderons les relations politiques entre la France et ses anciennes colonies en Afrique transsaharienne dans leur ensemble5 . Nous ferons une brève introduction dans le sujet : elle épargnera au lecteur des éléments plus embrouillés et souvent contradictoires de la politique française en Afrique transsaharienne.
Index
Abréviations
Introduction
1ère partie – Un certain système de coopération
- Dépendance, indépendance et coopération
- Changements et continuité
2ème partie – L’auto-décomposition d’un système
- Clientélisme néocolonial
- Un système non durable
- L’acte final ?
3ème partie – Considérations
Conclusion – deuxième décolonisation ou maintien du statu quo ?
Bibliographie .
Abréviations :
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Introduction
Depuis 1960, les indicateurs sociaux des anciennes colonies françaises[1] en Afrique transsaharienne ne se sont pas améliorés, les infrastructures se sont dégradées, et les États se sont lourdement endettés. L’aggravation des problèmes fait que les anciennes colonies africaines demeurent les « damnés de la terre[2] », quarante ans après leur accession à l’indépendance et après quarante ans d’aide au développement et de coopération franco-africaine. Mais ces États sont-ils vraiment indépendants ? La France, n’a-t-elle pas investi de larges sommes dans le développement et la coopération avec ses anciens partenaires de la Communauté française ? Ne suit-elle pas une politique « de fidélité, de solidarité et son ambition pour l’Afrique[3] », n'est-elle pas marqué par « des sentiments d’estime, de respect et d’affection[4] » ? On peut donc se demander si les anciennes colonies en Afrique transsaharienne ne se trouvent pas dans une situation de coopération bilatérale avec la France, ou si elles sont encore dans une relation néocolonialiste, contrôlée indirectement par des pouvoirs capitalistes, économiques et politiques. Mais les accusations lancées contre la France sont-elles justifiées ?
Pour répondre à cette question nous allons considérer le contexte historique à partir de la conférence de Brazzaville en 1944 qui posa le cadre de la coopération franco-africaine. Nous allons ensuite considérer les mécanismes de cette coopération et les raisons qui ont mené la France à abandonner son projet colonial pour offrir à ses colonies un partenariat entre États souverains.
Afin de maintenir la cohérence et la lisibilité du texte, ainsi que pour limiter le sujet à l’essentiel, nous aborderons les relations politiques entre la France et ses anciennes colonies en Afrique transsaharienne dans leur ensemble[5]. Nous ferons une brève introduction dans le sujet : elle épargnera au lecteur des éléments plus embrouillés et souvent contradictoires de la politique française en Afrique transsaharienne.
Un certain système de coopération
Dépendance, indépendance et coopération
La fameuse Conférence de Brazzaville de janvier 1944, regroupant les gouverneurs de l'Afrique française, se présente comme l’acte initial des relations gaulliennes avec l’Afrique française transsaharienne post-coloniale. Pendant cette conférence, plus ou moins formellement rejetée par les gouverneurs et leurs administrations, Charles de Gaulle formulait son espoir de voir évoluer les institutions indigènes vers une autonomie interne au sein d’une « Communauté française » afin de remplacer les colonies de « l’Empire français »[6].
Pour un grand nombre de participants (Européens), la conférence offrait une vision plus dynamique de la colonisation mais tous craignaient que « les jours du colonialisme [soient] révolus[7] ». Cependant, la constitution de 1946 affirmait clairement l’appartenance des territoires d’outre-mer (les colonies) en tant qu’éléments constitutifs de la République « indivisible ». Toute idée d’indépendance ou d’autonomie était ainsi réfutée ; Il n’y avait donc pas la place pour une fédération ni aucun self-government[8].
Ce n’est qu’en août 1958 que le général de Gaulle donna un coup d’accélérateur au processus d’indépendance des territoires d’Outre-mer en prononçant à Brazzaville un deuxième discours annonçant la décolonisation. Ainsi, la Conférence de Brazzaville de 1944 fut le point de départ de l’évolution relativement paisible de l’Empire colonial classique vers la coopération franco-africaine moderne, en passant par l’Union française et l’éphémère Communauté française. Cette Communauté, établie avec la Constitution de 1958, était également la première tentative pour établir une sorte de « famille franco-africaine » qui s’appuyait sur une autonomie intérieure pendant que « la politique étrangère, la défense, la monnaie, la politique économique et financière, ainsi que la politique des matières premières stratégiques » restaient sous le contrôle français[9]. Elle se constituait de manière commune autour des institutions communautaires : Sénat, Présidence, Conseil exécutif et Cour arbitrale. Selon la Constitution, c’était le Conseil des chefs d’États et de gouvernement à Versailles[10] qui devait être l’organe suprême de la Communauté[11]. En réalité le rôle essentiel appartenait à Charles de Gaulle qui gardait de larges pouvoirs peu contrebalancés dans cette Communauté qui n’était ni une union de simples collectivités administratives ni une union internationale d’États étrangers.
Mais en 1960 toujours confrontée non seulement aux demandes d’une indépendance immédiate mais aussi à la continuation de la coopération comme « un lien privilégié avec l’ancienne métropole française[12] », la Communauté éclata. Après cet éclatement, le Secrétaire d’État à la Communauté quitta ses fonctions et devint ministre de la Coopération. Ce ministère à été crée sur le débris de la Communauté afin de « réserver une aide privilégiée aux États liés à la France[13] ». Son but était, dans le contexte post colonial de guerre froide, de « gagner la confiance et l’amitié des pays [afin] d’obtenir un appui diplomatique et militaire en certaines circonstances »[14].
La Coopération s’inscrivait dans un cadre bilatéral et concernait principalement trois domaines – la défense, la monnaie et la politique économique.
La coopération militaire franco-africaine a toujours été particulière car la France s’est distinguée en étant la seule ancienne puissance coloniale à maintenir des bases militaires sur le continent africain après l’indépendance de ses colonies. Les accords de défense ainsi que l’assistance militaire technique (AMT) formèrent le cadre théorique de la Coopération militaire, les accords de défense remontant pour la plupart au temps de la Communauté. S’ils ont parfois été dénoncés, comme à Madagascar en 1973, ils ont rarement été révisés, car cette présence militaire a des objectifs bien définis : assurer la défense musclée des intérêts stratégiques français et africains, offrir une force de dissuasion et protéger les structures en place.
C'est ainsi que l’armée française est intervenue militairement à plusieurs reprises sur le terrain[15], grâce à un réseau de forces présentes sur plusieurs bases et des échanges permanents avec les armées nationales. En plus d'une présence militaire importante, la France est également bien présente dans les économies locales, notamment grâce à la mise en place d'un système monétaire particulier.
Les mécanismes de Coopération monétaire actuels remontent quant à eux à l’officialisation de la zone franc en Afrique (ZFA) en 1939. En 1945 une réforme monétaire créa le franc CFA[16] que l’indépendance des territoires africains ne fit pas disparaître. Bien au contraire : les accords signés dans le cadre de coopération entre 1959 et 1962 ont crée deux banques centrales liées à la France pour gérer les deux nouveaux francs CFA[17] ayant une parité identique et bénéficiant d’une libre convertibilité par rapport au franc français au sein d’une Union monétaire[18].
Après quarante ans la présence des gouvernements français dans la politique monétaire de ses anciennes colonies transsahariennes reste encore dominante, comme le démontre la stabilité de la parité du franc CFA qui est restée inchangée entre 1960 et 1994, avant de subir une dévaluation abrupte de 50% par rapport au franc français.
Enfin, la coopération économique se manifeste par l‘importante participation des entreprises françaises dans les économies locales dans la mesure où il existe un soutien structurel de la politique française. Mais les détails de la participation des entreprises françaises mériteraient une étude approfondie, ce que nous ne pouvons pas faire ici[19].
Dans ces trois champs de Coopération l’aide publique au développement (APD) joue un rôle prépondérant : 40% de l’aide globale au développement cible l’Afrique qui reçoit une aide par habitant deux fois plus élevée que l’Asie. Théoriquement, l’APD a pour but d’aider les économies des pays à se développer rapidement. Dans ce contexte l’APD inclus des subventions, des dons et des prêts : ces derniers, majoritaires au départ, ont diminué depuis les années 1980 au profit des dons. Cependant, le caractère bilatéral de l’APD demeure, car aidant d’avantage de mener une politique étrangère discrète, débudgétisé et libéré du contrôle parlementaire, bien que les rapports parlementaires sur la Coopération[20]
[...]
[1] Notamment les anciennes fédérations de l’AOF, l’AEF et les mandats du Cameroun et du Togo ainsi que l’ancienne colonie belge du Congo (Zaïre).
[2] Fanon, 1961 : p.2
[3] Dominque de Villepin, intervention devant l’Assemblée nationale, 18 juin 2003
[4] Jacques Chirac, discours prononcée le 22 juillet 1995 à Libreville
[5] Pour ceux qui désirent approfondir les thèmes abordés nous proposons une liste de lecture en fin d’ouvrage.
[6] De Courcel, 1988, pp. 291-292
[7] Plantey (15/03/2005)
[8] Quantin, 1982 : p. 6
[9] Néra, 1960 : p. 63
[10] Le siège du Conseil est fixé à Paris mais le Président pouvait le réunir dans une autre ville en particulier dans la capitale d’un État africain.
[11] Néra, 1960 : p. 16
[12] Guéna, 1962 : p. 16 ; Banrerey, 1986 : p. 26
[13] Pignion, 1962 Le ministère de la Coopération, le secrétariat général pour les Affaires africaines et malgaches et le ministère des affaires étrangères se trouvaient généralement en tensions sur leurs compétences concernant les relations franco-africaines, causées par l’ambiguïté de leur domaines. Cette constellation a résulté dans une certaine compétition et confusion, ainsi que dans un changement perpétuel dans les structures de la Coopération franco-africaine.
[14] Jeanneney, 1963
[15] Les interventions principales ont été en Cameroun (1957-1964), Mauritanie (1961-1969, 1979), Togo (1963, 1986) Congo-Brazzaville (1963), Gabon (1964, 1990), République Centrafrique (1966, 1979), Biafra (1968, intervention indirecte), Côte d’Ivoire (1970, 2002 - ), Niger (1974), Sahara occidentale (1976-1978), Zaïre (1977-1978, 1997 - ), Rwanda (1990, 1994), Djibouti (1991), Tchad (1968 - ).
[16] Le franc des colonies françaises d’Afrique
[17] Franc de la communauté financière africaine et franc de la Coopération financière en Afrique centrale
[18] Les deux banques sont tenues de déposer au moins 65% de leurs réserves auprès du Trésor français tout en pouvant recourir sans limitations aux avances du Trésor.
[19] Pour une étude approfondie sur le rôle du capital français privé veuillez vous rapporter à Jacques Marseille : « Empire colonial et capitalisme français » aux Editions Albin Michel.
[20] Rapports Pignion, 1961; Jeanneney, 1963; Gorse, 1971; Abelin, 1975; Vivien, 1982; Hessel, 1990; Vivien, 1990; Michailof; 1993
- Quote paper
- M.A. Florian Heyden (Author), 2005, De la politique extérieure de la France en Afrique transsaharienne - Coopération ou Néocolonialisme? , Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/52230
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