Les attaques verbales contre une femme portant l’hijab, les vitrines cassées d’une boucherie halal ou des gribouillages au sang de porc sur le mur d’une mosquée. Ce sont des exemples officiellement enregistrés comme incidents anti-islamiques. Le quota de crimes haineux semblables a augmenté les dernières années au Québec. Le mouvement de droite nationale dans cette province du Canada est considéré comme un des plus actifs du pays et ses membres exposent une attitude xénophobe combinée à une idée radicale de l’identité québécoise. Les tensions culminèrent violemment en un attentat fatal en février 2017, au cours duquel un étudiant franco-canadien de 27 ans tua six hommes innocentes dans une mosquée près du campus de l’Université Laval. Il reste le choc. Et la question : Comment le Canada multiculturel propagé par le premier ministre Justin Trudeau et cet incident brutal peuvent-ils s’entendre ? Barbara Perry – experte en extrémisme de l’institut technologique de l’Université d’Ontario – argumente : « Le Québec a – à cause de son développement historique spécifique et de son isolation culturelle – un problème particulier avec l’islam. » (cf. Die Zeit 2017) Mais de quels aspects du développement historique est-il question ici? Et comment doit-on comprendre l’isolation culturelle de laquelle Perry parle ? Dans le cadre de ces deux questions clés, le texte suivant essaie de refléter la connexion entre l’histoire linguistique et l’islamophobie d’aujourd’hui présente au Québec.
Le Québec – Une c onnexion entre son histoire li nguis tique et l’islamophobie d’aujourd ’hui ?
Les attaques verbales contre une femme portant l’hijab, les vitrines cassées d’une boucherie halal ou des gribouillages au sang de porc sur le mur d’une mosquée. Ce sont des exemples officiellement enregistrés comme incidents anti-islamiques. Le quota de crimes haineux semblables a augmenté les dernières années au Québec. Le mouvement de droite nationale dans cette province du Canada est considéré comme un des plus actifs du pays et ses membres exposent une attitude xénophobe combinée à une idée radicale de l’identité québécoise. Les tensions culminèrent violemment en un attentat fatal en février 2017, au cours duquel un étudiant franco-canadien de 27 ans tua six hommes innocentes dans une mosquée près du campus de l’Université Laval. Il reste le choc. Et la question : Comment le Canada multiculturel propagé par le premier ministre Justin Trudeau et cet incident brutal peuvent-ils s’entendre ? Barbara Perry – experte en extrémisme de l’institut technologique de l’Université d’Ontario – argumente : « Le Québec a – à cause de son développement historique spécifique et de son isolation culturelle – un problème particulier avec l’islam. » (cf. Die Zeit 2017) Mais de quels aspects du développement historique est-il question ici? Et comment doit-on comprendre l’isolation culturelle de laquelle Perry parle ? Dans le cadre de ces deux questions clés, le texte suivant essaie de refléter la connexion entre l’histoire linguistique et l’islamophobie d’aujourd’hui présente au Québec.
Dans le contexte de l’histoire de la colonisation deux noms sont très éminents : D’une part Jacques Quartier, sa découverte du fleuve Saint Laurent en 1534 étant la condition pour le peuplement dans cette région et d’autre part Samuel de Champlain, marquant avec sa fondation de la ville de Québec en 1608 un important jalon pour la colonisation. (cf. Pöll 2017: 3) Toutefois, à cause du climat rigide, des maladies et des confrontations constantes avec des peuples autochtones et les forces armées anglaises, la colonisation réussit seulement après plusieurs décennies. Ce fut au 17ième siècle que les colons québécois purent développer une infrastructure économique grâce au commerce de la fourrure et de la pêche. En conséquence, ils formèrent un contrepoids économique et politique aux Anglais sur le continent. Ce fut aussi à ce moment que le terme de la Nouvelle France apparut pour la première fois et que le royaume français avec ses colonies consolida sa position comme pouvoir mondial. (cf. Barmeyer : 145)
Mais qui étaient les personnes qui venaient au Québec avec le désir d’y trouver une vie meilleure et quelle « langue » parlaient-ils ? Des études généalogiques modernes prouvent que les colons venaient principalement de la Normandie, du Poitou, de l’Île-de-France et de l’Aunis. (cf. Dulong 1973 : 408) Non seulement des artisans, des paysans ou des marins, mais aussi des membres de la classe supérieure étaient recrutés de façon ciblée car le plan était d’établir le Québec comme centre principal de la francophonie en dehors de la France continentale. Pourtant ces ambitions furent finalement rompues avec la Guerre de Sept Ans (1756 – 1763) qui commença à l’origine en Europe – quand les grandes puissances de l’époque se bataillaient pour la succession de l’Autriche – mais se diffusa aux colonies et représenta à grande échelle une guerre pour la suprématie mondiale. En bref la France perdit avec la Conquête Anglaise en 1763 une grande partie de ses territoires aux autorités coloniales britanniques mais put au moins imposer que par exemple Haïti, la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion restent sous la couronne française. Spécifiquement pour la population francophone au Québec la Conquête Anglaise signifiait qu’ils étaient certes « acceptés » et pouvaient rester résident sur leur territoire – contrairement aux Acadiens en 1749 – mais en même temps que d’importants porteurs de la langue française, avant tout les membres de la classe supérieure et les hommes d’affaires, durent retourner en France. En conséquence, un arrêt de contact intensif avec la patrie française, duquel résulta une isolation linguistique et culturelle, eut lieu.1 Ce vide crée était rempli par des immigrants britanniques et l’anglais devint la langue de l’économie, de la participation politique et de la promotion sociale pendant que le français était stigmatisé et opprimé stratégiquement. Aujourd’hui, scientifiques, sociologues et linguistiques classifient cette situation comme une diglossie classique, ce qui signifie que le superstrat anglais évinçait progressivement le substrat français, ce qui eut aussi un changement de statut des deux langues pour effet : Quand un Franco-Canadien parlait français dans un lieu public, les gens réagissaient de façon très hostile avec un « Speak white ! ». Il y eut aussi une publication sur la population francophone au Québec avec le titre « Les nègres blancs d’Amérique » publié en 1979. (cf. Pöll: 77)
Avec l’ Acte de l’Union en 1840, l’anglais fut défini comme seule langue parlementaire, manifestant le début officiel des intentions d’assimilation du français. La fondation du pays Canada, vingt-six ans plus tard, en accord avec le principe du bilinguisme, ne représente qu’une atténuation apparente. Ainsi, les postes clés étaient presque exclusivement occupés par des Britanniques, ce qui conduisit à un sentiment d’hétéronomie et à un complexe d’infériorité de la part de la population francophone. En 1887, la grande majorité des 1.4 millions d’habitants du Québec étaient français, cependant 80% des postes de direction étaient dans les mains des Anglais, qui recevaient d’ailleurs en moyenne 35% plus de salaire. (cf. Barmeyer: 152) À cause de la discrimination de la communauté francophone et de leur langue, au courant du 20ième siècle la nécessité de l’organiser apparut de plus en plus. Les débuts furent marqués par la fondation de la Société du Parler Français qui publiait entre autres des glossaires et des grammaires. Les Franco-Canadiens pouvaient aussi atteindre autres « petits » objectifs pour la promotion du français, comme par exemple les billets de transport (1910) et les billets de banque (1935) disponibles dans les deux langues. Les efforts de la communauté francophone culminèrent avec succès après trois décennies dans la Révolution Tranquille : Le terme exprime des nombreux changements politiques, sociaux, économiques mais aussi linguistiques ainsi que leur implémentation pacifique dans les années soixante. Sous la direction de l’homme politique Jean Lesage, la Révolution Tranquille permit aux Franco-Canadiens d’exprimer une fierté ouverte pour leur origine et par conséquence la devise existant depuis 1939 « Je me souviens » atteignit une nouvelle popularité. Au cours de cette période, la communauté francophone développa assez de confiance en elle pour revendiquer des exigences linguistiques et put établir avec l’ Office Québécois de la Langue Française une institution officielle qui jusqu’à aujourd’hui est dédié à l’objectif de préserver la langue française.2 En 1977 la révolution montrait un grand succès au niveau politique : Après plus de deux cents ans d’une domination anglaise les conditions étaient inversées et le français devenait la seule langue officielle au Québec. Mais avec les « victoires » des francophones dans la province émergea aussi un mouvement de séparatisme qui conduisit aux tensions intensives avec le reste du pays. Les aspirations de souveraineté québécoise furent justifiées avec la situation linguistique spécifique de la région ainsi que sa force économique. En 1980 et 1995, deux référendums ayant avec 59% et 51% contre l’autonomie de la province des résultats très proches, eurent lieu. Ces deux événements importants et historiquement relativement récents montrent que sur des points essentiels de l’identité des Franco-Canadiens – est-ce qu’on se voit en tant que part du Canada ou non ? – il n’y avait pas de consensus clair au sein même de la communauté. Sur ce sujet, il est intéressant de noter que malgré son intégration en tant qu’une des dix provinces de la fédération canadienne, plusieurs représentants officiels désignent Québec comme « pays ». (cf. Barmeyer: 5) Si ainsi la perception de certaines parties de la population est évidemment celle d’une démarcation du reste du Canada, est-ce qu’on peut alors comprendre la tendance aux incidents anti- islamiques comme une tentative de définir sa propre identité ex negativo ?
À cet égard les chiffres officiels de l' Institut de la Statistique du Québec offrent des indices : Le groupe d’immigration le plus grand entre 2012 et 2016 étaient les français et les chinois (8,6%), suivi par les algériens (6,4%), les haïtiens (6,1%), les iraniens (5,8%) et les marocains (5%) – signifiant que presque un quart venait d’un pays traditionnellement islamique, ce qui fait du Québec la province avec le deuxième taux le plus élevé de résidents de confession musulmane. (cf. Institut de la Statistique du Québec: 94) De plus, il faut ajouter que les québécois connaissent depuis les années soixante un état organisé de manière séculaire et c’est pourquoi ils ne semblent pas seulement avoir des problèmes d’acceptation de la religion en général mais avec l’islam en particulier, qui, avec ses traditions « étrangères » et avant tout depuis l’incident 9/11, subissait une grave dévaluation en Amérique du Nord. En 2015 l’ex-premier ministre Stephen Harper a spécifiquement recherché les sympathies de la droite, proclamant les traditions islamiques « barbares » et rappelant déjà fortement la stratégie électorale populiste de Donald Trump deux ans plus tard. (cf. Die Zeit 2017)
Si une langue exprime toujours la dynamique d’une culture et est liée avec une préservation d’identité, quel est aujourd’hui le statut du français à la suite de son développement historique linguistique ? Selon les informations officielles une grande majorité de 78% des gens dans la province souligne le français comme étant la langue maternelle et le moyen de communication spontané – la seule exception notable est la métropole internationale de Montréal, où l’anglais est avant tout utilisé dans un contexte commercial. (cf. Statistics Canada 2011) Cependant, dans un cadre plus grand, on peut noter qu’à la suite du processus de la mondialisation, l’anglais comme langue internationale gagne de plus en plus d’importance et défend jusqu’aujourd’hui sa suprématie sur le continent nord-américain principalement à cause du pouvoir économique et politique des États-Unis. C’est pourquoi le scientifique culturel Christoph Barmeyer parle du Québec comme d’un petit « village gaulois » (cf. Barmeyer: 147) qui lutte contre un discours d’homogénéisation mondiale et s’efforce de préserver son patrimoine français.
Mais prenons en compte les informations sur le Québec énumérées ci-dessus – comment peut-on alors comprendre la situation actuelle dans la province en résumé ? Est-ce qu’il y a une connexion entre son histoire linguistique et l’islamophobie d’aujourd’hui ? Certainement les plus de deux cents ans d’oppression par les Britanniques et la langue anglaise jouent un rôle important pour l’identité québécoise et sa « défense instinctive » aujourd’hui. L’émergence d’une assurance francophone à la suite de la Révolution Tranquille dans les années soixante et des référendums sur l’indépendance en 1980 et 1995 montre que les jalons de la formation d’identité sont encore relativement jeunes au Québec. De plus le complexe d’infériorité profond de la communauté francophone, qui se poursuit avec la mondialisation et la domination de la langue anglaise en Amérique du Nord, entraîne une insécurité générale de la population et dans les cas extrêmes une attitude défensive xénophobe. Cependant les meurtres brutaux de février 2016 doivent être compris comme un acte unique extrémiste, qui est clairement rejeté par la majorité de la population et conduit au contraire à des déclarations de solidarité avec la communauté musulmane au Canada. (cf. Die Zeit 2017) Au cours des prochaines années, l’orientation politique future que prendra le Québec ainsi que le statut occupé par la langue française dans la région se montrera. bibliographie :
Barmeyer, Christoph (2006): Frankreich in Amerika? Zur kulturellen Ausnahmestellung von Québec. In: Amerika und wir. US-Kulturen – Neue europäische Ansichten. Hg. von Eduard Wiecha. München: Rainer Hampp.
Dulong, Gaston (1973): Bibliographie linguistique du Canada français. Québec: Presses de l’Université
Laval.
Pöll, Bernhard (2017): Französisch außerhalb Frankreichs: Geschichte, Status und Profil regionaler und nationaler Varietäten. Tübingen: Niemeyer.
{ HYPERLINK https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2011/as-sa/fogs-spg/Facts-pr- eng.cfm?Lang=eng&GK=PR&GC=24 }{HYPERLINK https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2011/as-sa/fogs-spg/Facts-pr-eng.cfm?Lang=eng&GK=PR&GC=24 }[letzter Aufruf: 11.09.2018]
{ HYPERLINK https://www.mightytraveliers.com/warum-die-quebecois-die-franzosischeren-franzosen-sind/ } [letzter Aufruf: 11.09.2018]
{ HYPERLINK http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/population-demographie/bilan2017.pdf } [letzter Aufruf:10.09.2018]
{ HYPERLINK https://www.zeit.de/politik/ausland/2017-02/kanada-anschlag-moschee-quebec-einwanderungspolitik }{ HYPERLINK https://www.zeit.de/politik/ausland/2017-02/kanada-anschlag-moschee-quebec- einwanderungspolitik } [letzter Aufruf: 10.09.2018]
[...]
1 Jusqu’aujourd’hui une prononciation ancienne ainsi que des archaïsmes dans la morphologie et le lexique se trouvent dans le français québécois et représentent un vestige de ce temps. Une vue d’ensemble des descriptions détaillées chez Pöll, Bernhard (2017): Französisch außerhalb Frankreichs: Geschichte, Status und Profil regionaler und nationaler Varietäten. Tübingen: Niemeyer. p. 89 – 95.
2 La jeune génération d’aujourd’hui grandissant avec des séries cultes américaines et la musique pop anglaise critiquent la stricte politique linguistique de l’ Office Québécois de la Langue Française dont les lignes directrices semblent parfois bizarres, ainsi par exemple le bien connu Kentucky Fried Chicken devient Poulet frié Kentucky ou dans le menu on ne trouve pas un cocktail mais un coquetail. (cf. Mightytraveliers)
- Quote paper
- Anonymous,, 2018, Le Québec. Une connexion entre son histoire linguistique et l’islamophobie d’aujourd’hui ?, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/461654