Le Japon est un pays avec une longue tradition. Cette tradition se traduit par son histoire culturelle, politique et économique. Le pays est connu pour sa montée en puissance dans les années 1980 quand il semblait pouvoir menacer la suprématie des Etats-Unis sur le plan géopolitique. Avec son éthique de travail et son système économique innovateur, les produits nippons sont devenus connus et appréciés dans le monde entier. Aujourd’hui, peu fait penser à cette époque. Le monde économique ne ressemble plus à celui du 20ème siècle. Les Etats-Unis sont toujours la puissance géopolitique mondiale. La Chine est devenue le « champion mondial de l’exportation » et accompagnée par d’autres pays émergents tels que l’Inde, le Brésil, la Russie et l’Indonésie, la Chine est en train de devenir le nouveau géant mondial. Et le Japon ? Normalement le pays devrait profiter du nouvel ordre mondial. Les pays occidentaux,notamment l’Europe et les Etats-Unis, craignent une perte d’influence dans les années à venir. Les régions émergentes, surtout les pays asiatiques, sont en pleine croissance et se caractérisent par un développement économique rapide. Cependant, le Japon se trouve en difficulté. Après l’éclatement de la bulle spéculative au début des années 1990s, le Japon fait face à une phase de moindre croissance et à un recul de son niveau des prix. Le Japon a perdu du terrain par rapport à la concurrence internationale et rencontre des problèmes structurels au sein de son économie. Il sera donc intéressant à observer si le Japon pourra retrouver toute sa vigueur dans les prochaines années. Ce travail essayera de répondre à cette question en présentant les forces et les faiblesses de l’économie japonaise. Parallèlement, il essayera à l’exemple d’Abenomics de présenter les outils de gestion politiques qui peuvent – négativement ou positivement – influencer la compétitivité d’une économie nationale. Il y a non seulement une réponse à la question comment un pays doit être structuré pour réussir dans le monde économique du 21ème siècle. Il y’en a beaucoup. Ce travail essayera de présenter les points les plus importants et d’illustrer dans quelle mesure la politique économique du Japon peut activement surmonter la déflation et ramener le pays sur le chemin de la croissance.
Inhaltsverzeichnis
Table des Figures
Avant-propos
Introduction
Résumé
Executive Summary
Première Partie – Etat de l’art
1. La crise du Japon dans les années 1990s
2. Le Japon d’aujourd’hui:une analyse de la situation économique
2.1 La structure économique du Japon
2.1.1 Le développement du PIB se caractérise par une forte volatilité
2.1.2 Le Japon se trouve dans une phase de déflation
2.1.3 Le Japon est une économie ouverte et orientée vers l’international
2.1.4 Le dualisme du marché de travail pèse sur la productivité et le niveau de salaire
2.1.5 Le développement démographique est un défi pour la société japonaise
2.1.6 Les coûts énergétiques sont élevés et surchargent le secteur industriel
2.1.7 Le secteur agricole est protectionniste et fortement subventionné
2.1.8 Les problèmes structurels du secteur privé
2.2 La situation fiscale du Japon
2.2.1 Le Japon fait face à une dette publique excessive
2.2.2 Les problèmes fiscaux sont plutôt structurels que cycliques
2.2.3 La politique d’impôt doit être modifiée
2.2.4 Les versements d’intérêt sur la dette publique sont en recul
2.3 La politique monétaire du Japon et la lutte contre la déflation
2.3.1 Introduction de l’assouplissement quantitatif (QE) en
2.3.2 Introduction de l’assouplissement monétaire global (CME) en
3. Les trois flèches d’Abenomics et leurs caractéristiques principaux
3.1 Idée et Concept
3.2 La première flèche: les mesures au niveau de la politique fiscale
3.2.1 Le vote pour un programme de stimulation
3.2.2 Une réorientation de la politique d’impôt
3.3 La deuxième flèche: les mesures au niveau de la politique monétaire
3.4 La troisième flèche: le statu quo des réformes structurelles Deuxième Partie – Contribution Personnelle
4. Abenomics: une politique appropriée pour revitaliser le Japon?
4.1 Le développement économique après la mise en place d’Abenomics
4.2 Hypothèse 1: Evaluation de la politique fiscale
4.2.1 L’effet du programme de stimulation est difficile à quantifier
4.2.2 Le rôle de la politique d’impôt
4.2.2.1 Confirmer l’augmentation de TVA
4.2.2.2 L’augmentation de TVA ne doit pas défavoriser les ménages à faibles revenus
4.2.2.3 Comment utiliser les revenus supplémentaires de la TVA?
4.2.2.4 Une baisse de l’IS nécessite des économies dans d’autres domaines
4.2.2.3 Introduire un système de déduction pour les fonds propres
4.2.3 Synthèse récapitulative
4.3 Hypothèse 2: Evaluation de la politique monétaire
4.3.1 Les effets de l’assouplissement quantitatif et qualitatif
4.3.2 Risque de dépasser les objectifs et de créer une bulle spéculative
4.3.3 Impact sur le marché des titres d’Etat
4.3.4 Le QQE ne doit pas compromettre les réformes structurelles
4.3.5 Le QQE favorise les grandes entreprises et déclenche des inégalités sociales
4.3.6 La perception de la BOJ et le respect de son statut juridique
4.3.7 Synthèse récapitulative
4.4 Hypothèse 3 : Evaluation des réformes structurelles
4.4.1 Remarques générales
4.4.2 Il faut des réformes plus ambitieuses sur le marché de travail
4.4.3 Restructurer le système d’éducation pour augmenter le capital humain
4.4.4 Restructurer le secteur électrique et favoriser la croissance verte au Japon
4.4.5 Libéraliser le marché agricole
4.4.6 Réformer le secteur financier pour augmenter le capital à risque
4.4.7 Améliorer le gouvernement d’entreprise
4.4.8 Participer aux accords internationaux de libre-échange
4.4.9 Synthèse récapitulative
5. Conclusion et Limites
6. Bibliographie
Table des Figures
Figure 1: La croissance du Japon dans les années 1980s et 1990s
Figure 2: La performance économique du Japon par rapport à d'autres pays
Figure 3: Composition du PIB japonais
Figure 4: Développement du taux d'inflation
Figure 5: Corrélation entre le dualisme du marché de travail et la productivité
Figure 6: Le mix énergétique au Japon
Figure 7: Comparaison internationale des prix de l’énergie
Figure 8: Subventions accordées au secteur agricole
Figure 9: Comparaison des encaisses moyennes des entreprises cotées
Figure 10: Les pays avec les dettes publiques les plus élevées
Figure 11: Les déficits annuels japonais
Figure 12: La disparité entre les recettes et les dépenses fiscales
Figure 13: La répartition des revenus d'impôt japonais en
Figure 14: Comparaison internationale de la TVA
Figure 15: Les versements d'intérêt sur la dette publique
Figure 16: Les taux d'intérêt des prêts bancaires
Figure 17: Comparaison des bilans des Banques Centrales I
Figure 18: Comparaison des bilans des Banques Centrales II
Figure 19: L'objectif de base monétaire
Figure 20: Prévisions des indicateurs économiques
Figure 21: Impact de la TVA sur la croissance du PIB et la dette publique
Figure 22: Développement des prix d'actifs
Figure 23: Taux d'intérêt sur les obligations d'Etat japonaises
Figure 24: Perception de la politique monétaire
Figure 25: Les réformes structurelles et leur impact économique
Avant-propos
Le Japon est un pays avec une longue tradition. Cette tradition se traduit par son histoire culturelle, politique et économique. Le pays est connu pour sa montée en puissance dans les années 1980 quand il semblait pouvoir menacer la suprématie des Etats-Unis sur le plan géopolitique. Avec son éthique de travail et son système économique innovateur, les produits nippons sont devenus connus et appréciés dans le monde entier.
Aujourd’hui, peu fait penser à cette époque. Le monde économique ne ressemble plus à celui du 20ème siècle. Les Etats-Unis sont toujours la puissance géopolitique mondiale. La Chine est devenue le «champion mondial de l’exportation» et accompagnée par d’autres pays émergents tels que l’Inde, le Brésil, la Russie et l’Indonésie, la Chine est en train de devenir le nouveau géant mondial. Et le Japon? Normalement le pays devrait profiter du nouvel ordre mondial. Les pays occidentaux, notamment l’Europe et les Etats-Unis, craignent une perte d’influence dans les années à venir. Les régions émergentes, surtout les pays asiatiques, sont en pleine croissance et se caractérisent par un développement économique rapide. Cependant, le Japon se trouve en difficulté. Après l’éclatement de la bulle spéculative au début des années 1990s, le Japon fait face à une phase de moindre croissance et à un recul de son niveau des prix. Le Japon a perdu du terrain par rapport à la concurrence internationale et rencontre des problèmes structurels au sein de son économie.
Il sera donc intéressant à observer si le Japon pourra retrouver toute sa vigueur dans les prochaines années. Ce travail essayera de répondre à cette question en présentant les forces et les faiblesses de l’économie japonaise. Parallèlement, il essayera à l’exemple d’Abenomics de présenter les outils de gestion politiques qui peuvent – négativement ou positivement – influencer la compétitivité d’une économie nationale. Il y a non seulement une réponse à la question comment un pays doit être structuré pour réussir dans le monde économique du 21ème siècle. Il y’en a beaucoup. Ce travail essayera de présenter les points les plus importants et d’illustrer dans quelle mesure la politique économique du Japon peut activement surmonter la déflation et ramener le pays sur le chemin de la croissance.
Introduction
«Macroeconomic policy can never be devoid of politics: it involves fundamental trade-offs and affects different groups differently.» (Joseph Stieglitz)
Le monde du 21ème siècle se trouve dans un processus de changement. La mondialisation avec la libéralisation des flux commerciaux, monétaires et humains renforce les interdépendances entre les économies mondiales. Il y a des crises internationales et des distorsions géopolitiques qui font que le monde devient une entité plus complexe. Par conséquent, les dirigeants politiques et les cadres font face à des nouveaux défis qui n’existaient pas auparavant. Ils doivent se familiariser avec le nouvel ordre mondial pour savoir prendre des décisions responsables et socialement acceptables.
Dans ce monde qui se trouve dans un processus de bouleversement, il devient de plus en plus difficile d’assurer la compétitivité d’un pays. La politique économique mondiale fait face à des nouveaux défis car il est devenu plus difficile de prévoir les conséquences de ses actions. Pour moi, en tant qu’étudiant de sciences de gestion, il est important d’avoir une connaissance approfondie des tendances macroéconomiques pour savoir gérer une entreprise qui fait partie d’un système économique international. Il est indispensable de comprendre comment la politique économique d’un pays peut influencer la performance d’une entreprise et d’une économie dans sa totalité. Pour cette raison, ce travail traitera la nouvelle politique économique de Shinzo Abe qui pose des nombreuses inconnues pour les acteurs économiques. La question clé de ce travail est la suivante: Abenomics est-il la bonne politique économique pour ramener le Japon sur le chemin de la croissance?
Afin de répondre à cette question, ce mémoire se divise en cinq chapitres. Dans le premier chapitre de ce travail, nous présenterons le début de la crise économique du Japon avec un bref récapitulatif sur l’éclatement de la bulle spéculative dans les années 1990s. Le deuxième chapitre servira à présenter l’économie japonaise d’aujourd’hui dans sa totalité. Elle sera analysée de manière détaillée, en se focalisant sur la structure économique, la situation fiscale et la situation sur le marché monétaire. Dans le troisième chapitre, les trois flèches et les objectifs principaux de la nouvelle politique économique Abenomics seront présentés. Le quatrième chapitre analysera cette politique mise en place et abordera la question dans quelle mesure Abenomicspourra présenter un risque pour le développement futur de l’économie japonaise. Afin de répondre à cette question, ce mémoire traitera trois hypothèsesdont chacune fera référence à une flèche d’Abenomics. Et finalement, dans le cinquième chapitre, nous tirerons la conclusion et mettrons les points les plus importants en perspective. Parallèlement, nous montrerons les limites de ce mémoire et les champs d’analyse qui nécessiteront une analyse encore plus approfondie.
Résumé
Le Japon est en mode de crise. L’ancien exemple type pour une économie croissante et innovatrice se trouve en difficulté depuis le début du 21ème siècle. Le pays souffre toujours des répercussions de l’éclatement de la bulle spéculative sur le marché immobilier en 1990. Depuis, le Japon ne réussit pas à atteindre une croissance économique stable et à quitter la phase de déflation. De plus, l’économie japonaise fait face à un grand nombre de défis y compris le vieillissement de la population, un manque de compétitivité de certaines industries et une dette publique assez élevée. Le nouveau Premier Ministre Shinzo Abe introduit une politique économique sans précédent qui a pour objectif de ramener le Japon sur le chemin de la croissance et de faire augmenter le niveau des prix. Pour atteindre ces objectifs, Abenomics – tel est le nom de cette politique économique - se sert de trois flèches différentes: une politique fiscale bipartie qui vote pour des programmes de stimulation et qui opte simultanément pour une consolidation budgétaire à long terme. Une politique monétaire qui inonde les marchés financiers avec beaucoup de liquidité. Et des réformes structurelles qui doivent éliminer les déficits structurels de l’économie japonaise. Abenomics fait l’objet de nombreux débats dans la communauté internationale. Pour cette raison, ce travail abordera les risques et les chances de réussite qui sont liés à Abenomics.
Ce mémoire de fin d’études fait en sorte que le succès d’Abenomics reste difficile à quantifier et que la pondération des trois flèches est assez ambiguë. A première vue, Abenomics est une initiative dans la bonne direction car les perspectives de croissance et le niveau des prix montrent une tendance favorable. Néanmoins, il faut constater qu’Abenomics a également ses faiblesses et que les trois flèches nécessitent des réajustements. Sur le plan fiscal, le gouvernement doit faire plus d’efforts pour consolider son budget et réduire la dette publique. Il est nécessaire que le gouvernement mette en place une stratégie de consolidation à long terme qui pourra atteindre les objectifs de consolidation.
La politique monétaire de la BOJ est liée à des risques. Le programme d’assouplissement quantitatif et qualitatif (QQE) baisse les taux d’intérêt sur la courbe de rendement et essaie de diminuer les coûts de financement des entreprises. Mais le QQE ne cible pas l’économie dans sa totalité. Les PME profitent dans une moindre mesure de la politique monétaire expansionniste qui favorise les grands groupes multinationaux. Une prolongation du QQE peut déclencher des distorsions sur les marchés financiers sans véritablement stimuler l’activité de l’économie réelle. Il est donc recommandé de supprimer progressivement le programme de QQE et d’instaurer des mesures qui favorisent les entreprises de taille moyenne.
Quant aux réformes structurelles, le gouvernement ne répond pas aux attentes des analystes. Le gouvernement doit faire plus d’efforts en ce qui concerne la modernisation de son modèle économique. Il est évident que la réussite d’Abenomics dépende principalement de la volonté du gouvernement de mettre en place des réformes afin d’éliminer les déficits structurels du pays. Il reste beaucoup de travail à faire sur plusieurs domaines. Le Japon doit augmenter sa faible productivité de travail et libéraliser certains secteurs de son économie. Le gouvernement devrait opter pour une réforme approfondie du marché de l’énergie et du secteur agricole. Parallèlement le pays doit adapter son système social au vieillissement de la population pour ne pas surcharger ses caisses sociales. Pour résumer, il est indispensable que le gouvernement réforme son économie afin de ne pas laisser passer les opportunités que la politique monétaire et fiscale lui avaient données.
Executive Summary
The Japanese economy is currently in a crisis. The ancient role model for an innovative and successful economy is in economic trouble since the beginning of the 21st century. The country still suffers from the aftereffects of the burst of the real estate bubble at the beginning of the 1990s. Since then, Japan did not manage to come back on the road to recovery and to overcome the phase of deflation. Moreover, the country has to deal with a variety of challenges such as the demographic change, a lack of competitiveness of certain industries and a high public debt. The new Japanese Prime Minister Shinzo Abe introduces an unprecedented economic policy which shall bring Japan back to growth and increase the level of prices. In order to achieve these objectives, Abenomics – named after the Prime Minster currently in office – is based on three different arrows. Firstly, a fiscal policy that is characterized by fiscal packages and the ambition to enforce budget consolidation. Secondly, an aggressive monetary policy that provides the financial markets with a lot of liquidity. And thirdly, structural reforms that should eliminate structural deficits within the Japanese economy. Abenomics is part of a variety of economic discussions all around the world. For this reason, this thesis evaluates the potential risks and the probability of success that get along with Abenomics.
This bachelor thesis comes to the conclusion that the success of Abenomics is difficult to quantify and that there are readjustments needed. At first glance, the growth perspectives and the expected level of prices show the right tendency. Nevertheless, Abenomics has its weaknesses and the three arrows needs to be modified. In terms of fiscal policy, you have to say that the Japanese government has to do more efforts to consolidate the fiscal budget and reduce the public debt. It is necessary that the government implements a long term strategy in order to accomplish fiscal consolidation.
The monetary policy is equally characterized by its risks. The monetary easing decreases the interest rates along the yield curve and gives companies cheaper access to financial instruments. But the quantitative and qualitative easing (QQE) is not the right instrument in order to improve the financial situation of SMEs. Instead, it favors multinational corporations without having a big impact on the real economy. Moreover, a continued use of QQE could release financial market distortions. It is therefore recommended to progressively stop the QQE and to introduce measures that favor SMEs.
The structural reforms did not fulfill the market expectations so far. It is obvious that the success of Abenomics depend heavily on the government’s willingness to approach the country’s structural problems. The government has to implement reforms that strengthen the productivity of its major industries and liberalize certain economic sectors. At the same time, the country has to adjust its social system since it has one of the oldest populations in the world. This fact already stresses the capacity of its social system. To conclude, you can say that the government has to enforce its efforts to modernize the Japanese economy. Otherwise it would leave the opportunities behind that the monetary and fiscal policy have recently created.
Première Partie – Etat de l’art
1. La crise du Japon dans les années 1990s
Au milieu du 20ème siècle, le Japon est en train de devenir le nouveau géant économique mondial. En fabricant des produits de haute technologie aux prix raisonnables, le Japon devient la contrepartie des Etats-Unis sur le plan économique et géopolitique. C’est la raison pour laquelle en décembre 1989, l’économiste américain Lawrence Summers (Secrétaire du Trésor des Etats-Unis 1999-2001) dit que «ceux auraient probablement raison qui pensent que le Japon sera une plus grande menace aux Etats-Unis que l’union soviétique»[1]. Le secteur automobile et la construction des appareils électroniques constituent à l’époque l’échine de l’économie nippone. Des entreprises telles que Honda, Toshiba, Sony et Toyota deviennent des symboles nationaux pour la montée en puissance de l’économie japonaise et le sont jusqu’aujourd’hui.
La période entre la fin de la deuxième guerre mondiale est les années 1990 est une période de haute croissance et de prospérité économique. De 1950 à 1970, la croissance moyenne annuelle du Produit Intérieur Brut (PIB) japonais s’élève de 9% à 10% avec un taux d’inflation modéré d’environ 4%. Brièvement interrompu par le choc pétrolier en 1973 et 1974, le pays est un modèle par excellence pour un développement économique favorable.[2] A l’époque, le Japon paraît être la Chine du 20ème siècle. Mais les prévisions des analystes ne se confirment pas. La période de croissance est interrompue par l’éclatement d’une bulle spéculative sur le marché immobilier et le marché boursier au début des années 1990. A l’époque, la période de la création de la bulle spéculative se caractérise par trois facteurs coexistants: une forte augmentation des prix d’actifs, une expansion de la masse monétaire et de crédits et une surchauffe de l’économie. Parallèlement, le niveau d’inflation est relativement stable tout au long de la période bien que le Japon se trouve dans une phase de prospérité depuis plusieurs années.[3]
Dérégulation des marchés financiers
Traditionnellement, le système bancaire japonais et les marchés financiers sont strictement régulés et supervisés par le Département du Trésor japonais. Mais dans les années 1980, une libéralisation des marchés financiers est mise en place qui mine la profitabilité des institutions bancaires. Les banques craignent que les grandes entreprises deviennent financièrement plus indépendantes et qu’elles aillent chercher des moyens de financement ailleurs. La dérégulation renforce la pression compétitive entre les banques ce qui a pour résultat que les banques accordent des prêts aux clients qui possèdent une moindre solvabilité. En particulier, les banques accordent plus de prêts aux petites et moyennes entreprises (PME). Cette politique de crédit laxiste fait augmenter les risques des banques par rapport à leur perspective de profit ainsi que le volume de crédit en circulation.[4] Cette expansion du volume de crédit est parallèlement accompagnée par une politique monétaire expansionniste de la Banque Centrale du Japon (BOJ).
Politique monétaire expansionniste à la fin des années 1980
Etant donné que l’économie japonaise ne donne aucun présage d’une inflation, la BOJ ne voit pas la nécessité d’augmenter ses taux directeurs. Le niveau de prix du marché des biens et services est stable et la préservation de la stabilité de prix n’est donc pas un objectif imminent de la BOJ. En plus, la signature de l’Accord de Plaza en 1985 renforce la pression internationale sur la BOJ de poursuivre une politique expansionniste.[5] Cet accord, […] signé par les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne, avait pour but de dévaluer le dollar, notamment vis-à-vis du yen, s’entendre sur des politiques communes de stabilisation des taux de change et de corriger les déséquilibres commerciaux en faisant progresser le libre échange».[6] En se basant sur les développements économiques des années précédentes, l’accord doit entre autres réduire le déficit de la balance commerciale américaine et diminuer les surplus japonais. Suite à la signature de l’accord, la valeur du yen s’apprécie tandis que celle du dollar diminue. L’appréciation du yen a pour conséquence que la BOJ favorise une stimulation de l’économie domestique en poursuivant une politique monétaire expansionniste. La signature des Accords du Louvre (1987) engage également la BOJ à stimuler la demande intérieure du pays afin de réduire les excédents de la balance commerciale japonaise.[7]
Boom d’investissement dans l’immobilier et sur le marché boursier
L’environnement économique décrit ci-dessus déclenche le déplacement des investissements vers les marchés immobiliers et boursiers. L’augmentation de la masse monétaire et l’excédent en liquidité favorisent des investissements dans la construction, l’immobilier, le commerce et sur le marché boursier. Surtout dû à l’appréciation du yen, la contribution des exportations à la croissance du PIB et les marges des entreprises exportatrices baissent constamment.[8] Le niveau faible des taux d’intérêts accélère les investissements dans des titres qui permettent un rendement supérieur au niveau de l’inflation. Par conséquent, les cours de la bourse japonaise augmentent de +42,6% en 1986, +39,9% en 1988 et +29,0% en 1989. Les prix des terrains commerciaux des six plus grandes villes japonaises montrent la même tendance: +33,8% en 1987, +41,8% en 1988 et +25,1% en 1989.[9] En somme, les prix des biens immobiliers augmentent de +142% entre 1986 et 1991.[10] Il y a des investisseurs institutionnels ainsi que des entreprises privées qui investissent de plus en plus dans des actifs alternatifs. Par exemple, en 1987, Toyota réalise 40% de son bénéfice hors de la production automobile, notamment avec des opérations boursières et autres. Chez Sony, cette part s’élève jusqu’à deux tiers du bénéfice.[11]
1990: La bulle spéculative éclate
Mais en 1990, les attentes des acteurs économiques changent. En même temps, la politique monétaire devient plus restrictive car la BOJ monte le taux directeur de 2,75% en mai 1989 à 6% en août 1990. La bulle spéculative éclate et le Nikkei 225 passe de 38 943 points fin décembre 1989 à 23 849 points fin 1990. Il y a également une chute des prix immobiliers qui suit celle du marché boursier. Les prix immobiliers perdent 87% de leur valeur maximale avant la crise.[12] Le krach a en premier lieu un impact néfaste sur le système bancaire. Les créanciers ne peuvent plus rembourser leurs dettes, la valeur des garanties est détruite.[13] Par conséquent, des institutions bancaires doivent amortir leurs prêts en défaut à la hauteur de $952 milliards de dollar.[14] A la fin de 1989, environ 27% des prêts bancaires sont utilisés pour des activités spéculatives, les soi-disant Bubble Loans.[15]
Les pertes des banques déclenchent une contraction du crédit, en anglais credit crunch, parce que les banques ne se font plus confiance entre elles. La crise du système financier se traduit rapidement par une crise de l’économie réelle. La construction de logements (-5,4% en 1991, -5,8% en 1992) et les investissements des entreprises (-6,8% en 1992, -8,5% en 1993) présentent des taux de croissance négatifs. De plus, la consommation des ménages baisse constamment (+4,5% en 1990, +2,9% en 1991, +2,4% en 1992, +1,4% en 1993). Ce développement se traduit également par une chute significative des taux de croissance annuels du PIB (Cf. Fig. 1).
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Figure 1 : La croissance du Japon dans les années 1980s et 1990s Source: Dourille-Feer (2005)
Mise en place d’un policy-mix pour lutter contre la récession
Pour lutter contre la récession, le gouvernement japonais et la BOJ essaye de stimuler l’économie. Le gouvernement essaye d’amortir la baisse significative de l’économie privée avec un renforcement des investissements publics (+3,6% en 1991, +14,6% en 1992, +15,0% en 1993).[16] «[…], le gouvernement lança douze plans de relance entre août 1992 et octobre 2000, injectant un montant cumulé de 161,1 trillions de yen, soit environ 31% du PIB 2000 ».[17] Principalement, les législateurs se focalisent sur cinq leviers principaux: les travaux publics, le soutien au logement, les aides financières aux banques en difficulté, les crédits bonifiés aux PME et les crédits d’impôts aux ménages. Dans la période de 1994 à 1998, la somme des allègements d’impôts s’élèvent à ¥16,7 trillions de yen.[18]
Parallèlement, la BOJ baisse le taux directeur de 8% en 1991 à presque 0% en 1995. Avec cette baisse du taux d’intérêt, la Banque Centrale veut relancer l’économie et stabiliser le déclin des prix d’actifs. Mais l’économie réelle ne réagit pas comme attendu surtout dû à une récession de bilan. Une telle récession de bilan provoque que les entreprises privées n’investissent plus, même avec un taux directeur proche de 0%. Les entreprises ainsi que les banques préfèrent rembourser leurs dettes afin de nettoyer leurs bilans. Pendant certaines années, les remboursements de dettes s’élèvent à 30 billions de yen, ce qui correspond à 6% du PIB japonais.[19]
A posteriori, le policy-mix n’est pas tant efficace que prévu car l’augmentation des investissements publics et la baisse du taux directeur ne préviennent pas une tendance déflationniste. Les allègements d’impôts ne stimulent pas considérablement la demande intérieure puisque la plupart de revenus supplémentaires est épargnée par les ménages privés. Par conséquent, les allègements d’impôts risquent de ne pas être très efficaces. Par contre, une augmentation des dépenses publiques se traduit entièrement par une augmentation de la demande agréée. En particulier, grâce aux investissements publics, le pays ne subit pas une explosion du taux de chômage et une baisse significative du PIB.[20] Néanmoins, les programmes de stimulation font augmenter les déficits budgétaires du pays, notamment dû à une faiblesse de recettes dans les années 1990.[21] Concrètement, la dette publique augmentait d’environ 70% au début des années 1990 à plus de 180% du PIB en 2005.[22] En ce qui concerne le travail de la BOJ, il y a des économistes qui disent que la politique monétaire avant la crise était trop laxiste tandis que celle mise en place après l’éclatement de la bulle n’était pas assez réactive pour amortir les effets néfastes de la crise. La BOJ avait peur de regonfler la bulle.[23] A moyen terme, un stop-and-go-policy du gouvernement japonais et de la BOJ empêche que le Japon quitte la phase de récession plus tôt. Lorsque l’économie montre un signe de relance, le gouvernement arrête ses activités de stimulation afin de consolider le budget fiscal. Mais dû à la récession de bilanqui affecte une grande partie de l’économie, une stimulation permanente serait nécessaire pour ne pas laisser tomber l’économie en arrière. Cette stop-and-go-policy prolonge la récession du Japon d’au moins cinq ans.[24]
En résumé, la bulle spéculative japonaise s’explique par plusieurs phénomènes. L’origine de la bulle est une surchauffe de l’économie, une politique monétaire expansionniste et une surestimation des acteurs économiques.[25] La dérégulation des marchés financiers et la politique de crédit des institutions financières accélèrent la spirale. Après l’éclatement de la bulle, le policy-mix mis en place par la BOJ et le gouvernement ne résout pas les problèmes. Une récession de bilan au sein de l’économie mine l’efficacité de la politique monétaire. En plus, les allègements d’impôts ne contribuent pas considérablement à la croissance parce que les ménages ainsi que les entreprises veulent nettoyer leurs bilans. En plus, l’élasticité d’impôt est traditionnellement basse au Japon.[26] A posteriori, cette crise peut être identifiée en tant que déclencheur de la «décennie perdue» japonaise. L’économie entre dans une phase de récession et de déflation qui l’accompagne jusqu’aux années 2000. Par la suite, nous analyserons la situation économique du Japon dans le 21ème siècle et examinerons l’état actuel du pays sur le plan économique et géopolitique.
2. Le Japon d’aujourd’hui:une analyse de la situation économique
Dans le deuxième chapitre de ce mémoire, l’économie japonaise d’aujourd’hui sera présentée dans sa totalité. Cette partie aura pour objectif de se familiariser avec le système économique du Japon du 21ème siècle et de comprendre les faiblesses et défis du Japon sur le plan économique. Afin de présenter la situation macroéconomique et géopolitique du Japon, ce travail procèdera une approche à trois étapes.
Premièrement, la structure économique du Japon sera analysée de façon détaillée. Dans le cadre de cette partie, le travail se focalisera entre autres sur le développement du PIB et celui du taux d’inflation. Nous évaluerons également le rôle de la consommation privée, des exportations et des investissements direct à l’étranger (IDE). Parallèlement, cette analyse abordera d’autres sujets spécifiquement attachés au Japon tels que le changement démographique, le marché de l’énergie régulé, le secteur agricole peu compétitif et le dualisme sur le marché de travail.
Deuxièmement, ce dossier mettra l’accent sur la situation fiscale du Japon. Nous élaborons la dette publique élevée du Japon et l’accumulation déficits annuels. En même temps, nous examinerons les postes de dépenses les plus importants ainsi que la politique d’impôt du gouvernement japonais.
Et finalement, dans un troisième pas, l’analyse traitera la situation monétaire du Japon. Lors de cette partie, l’analyse se focalisera sur la politique monétaire de la Banque Centrale japonaise, le développement des taux directeur ainsi que les coûts de refinancement du gouvernement. Cela veut dire que le développement des obligations d’Etat et le marché financier joueront également un rôle prédominant. Tous les aspects mentionnés ci-dessus seront présentés avec un focus sur les années entre 2005 et 2012 avant la mise en place d’Abenomics.
2.1 La structure économique du Japon
Avec un PIB d’environ $4,9 billions de dollar en 2013, le Japon est la 4ème puissance économique mondiale derrière les Etats-Unis, la Chine et l’Inde.[27] Il y a 127 millions d’habitants qui vivent dans le pays et qui produisent un PIB par habitant de $35.317 de dollar en 2012. Aujourd’hui, la plupart de la performance économique est réalisée par les services (commerce, transports, télécommunications, finance, assurances, immobilier et autres) qui correspondent à 73,2% du PIB total. De plus, l’économie se caractérise par son industrie manufacturière (automobiles, pièces électroniques, construction, produits chimiques etc.) qui contribue environ 19,2% au PIB.[28]
La production automobile et l’industrie électronique sont le cœur de l’industrie japonaise. L’industrie automobile est le deuxième producteur de véhicules dans le monde. Le Japon est le siège de six des vingt premiers constructeurs automobiles mondiaux, notamment Toyota (1er), Renault-Nissan (4e), Honda (8e), Suzuki (10e), Mazda (14e) et Mitsubishi (16e). Le secteur se caractérise par une grande stabilité. Cette stabilité se traduit par une croissance de 10,5% en 2009 malgré le début de la crise financière. De plus, le Japon est également le plus grand fabricant des pièces électroniques. Il y a des entreprises connues telles que Sony, Casio, Mitsubishi Electric, Panasonic, Canon, Fujitsu, Nikon, Yamaha etc.
Malgré sa longue tradition industrielle, les services jouent un rôle prédominant dans l’économie japonaise. Aujourd’hui, ils représentent environ deux tiers de la performance économique du pays. En plus, le Japon possède la troisième plus grande bourse internationale avec une capitalisation du marché de $3.3 billions de dollar en décembre 2011. Le pays est également le siège de 326 entreprises qui sont notées dans le Forbes Global 2000.
La contribution du secteur agricole au PIB total est marginale et ne représente que 1,2% en 2012. Néanmoins, l’agriculture reste un segment important pour l’économie nippone et est souvent au centre des débats politiques. Le secteur est protectionniste et fortement subventionné par l’état. Le pays est autosuffisant en termes de riz et poissons mais dépend dans autres domaines en premier lieu des importations américaines.[29]
2.1.1 Le développement du PIB se caractérise par une forte volatilité
Quand on analyse le développement récent de l’économie japonaise, on peut constater que la croissance annuelle du PIB se caractérise par une forte volatilité (Cf. Fig. 2). On peut observer que la performance économique du Japon est inférieure à la performance des pays de l’OCDE. La croissance du PIB américain et le développement économique dans la zone OCDE sont relativement congruents. La zone euro perd du terrain après la crise financière de 2009 par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE et ne peut pas atteindre le niveau d’avant la crise. Le Japon montre à peu près la même tendance sauf que le pays est disproportionnellement impacté par crise. La performance du PIB japonais représente un recul significatif par rapport aux reculs subis aux Etats-Unis, dans la zone euro et dans la zone OCDE dans sa totalité.
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Figure 2 : La performance économique du Japon par rapport à d'autres pays Source: OCDE
En 2007, la croissance du PIB s’élève à 2,2%. Après la faillite de la banque d’investissement américaine Lehman Brothers, le Japon entre dans une phase de récession. Le pays fait face à un recul de sa performance économique avec une baisse du PIB de -5,5% en 2009. Cette chute de la performance économique se traduit majoritairement par une baisse significative des exportations et une chute de la production industrielle (Cf. Fig. 3). Les exportations japonaises baissent de -12,5% dans le dernier trimestre 2008 et de -36,8% dans le premier trimestre 2009. Parallèlement, la production industrielle décline de -15,0% dans le dernier trimestre 2008, de -34,0% dans le premier trimestre 2009 et de -27,6% dans le deuxième trimestre 2009.[30] La chute des exportations et le déclin de la production industrielle sont les raisons principales qui font que le Japon est encore plus impacté par la crise financière que d’autres pays industriels. Mais il y a également d’autres facteurs qui entravent le redressement de l’économie après la crise. Y compris sont la crise interbancaire et la manque de confiance parmi les institutions financières.
En ce qui concerne le système bancaire, la crise de subprime met beaucoup de pression sur les bilans et les ratios commerciaux des banques japonaises. Cette charge limite leur volonté d’accorder des crédits et des moyens de financements aux entreprises. Selon la BOJ, le volume de crédit accordé aux entreprises pour financer des investissements en biens d’équipement baisse de -9% dans le troisième et de -10% dans le dernier trimestre 2008.[31] Cette politique de crédit restrictive a également une influence négative sur la production industrielle du pays.
Le gouvernement réagit avec une augmentation de la demande publique pour affaiblir le recul du PIB en 2009. Le gouvernement met en place deux budgets fiscaux supplémentaires à la hauteur de ¥130 billions de yen pour assurer le fonctionnement de l’économie.[32] Mais l’augmentation de la demande publique est entièrement compensée par un recul des autres indicateurs économiques. Le gouvernement ne peut pas empêcher l’entrée en récession. La reprise de l’économie en 2010 est majoritairement portée par les investissements privés. L’année d’après, le Japon est fortement impacté par la catastrophe nucléaire de Fukushima, qui est déclenchée par un séisme et un tsunami de la côte pacifique de Tohoku. Suite à l’incident, le gouvernement japonais décide de fermer temporairement toutes les centrales nucléaires du pays. Cette fermeture fait augmenter les coûts d’énergie et diminue la sécurité d’alimentation énergétique.[33] De plus, beaucoup d’établissements industriels tels que des sites de production et des entrepôts sont abîmés, certaines chaînes logistiques ne fonctionnent plus à cause d’une circulation limitée des moyens de transport. Par conséquent, on peut constater une baisse temporaire de la production industrielle et un recul des exportations.[34]
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Figure 3 : Composition du PIB japonais Source: FMI
En 2012, les travaux de reconstruction après la catastrophe de Fukushima contribuent à une augmentation du PIB et un redressement de la performance économique. Les dépenses de reconstruction investies par le gouvernement s’élèvent à environ 1,5% du PIB et sont soutenues par une consommation privée assez stable.[35] Ces deux facteurs permettent de maintenir un niveau de croissance favorable qui est supérieur à 1,5%. Avec ce niveau, le développement économique récent du Japon est plus favorable que celui de l’Allemagne mais inférieur aux taux de croissance des Etats-Unis. Cette fois-ci, la forte consommation privée aide à stabiliser l’économie tandis que les exportations souffrent d’une appréciation du yen par rapport au dollar. Lors de la crise de la dette dans la zone euro, le yen est la valeur refuge des investisseurs. En 2012, le yen est de 45% supérieur à sa valeur nominale et de 27% supérieur à sa valeur réelle de 2007. Cette appréciation pèse à nouveau sur la performance de l’industrie exportatrice et la production industrielle. C’est la raison pour laquelle la production industrielle est un cinquième en-dessous de sa valeur maximale de 2008.[36]
2.1.2 Le Japon se trouve dans une phase de déflation
Le niveau de prix est un des plus grands problèmes de l’économie japonaise depuis des années (Cf. Fig. 4). Depuis le début des années 2000, le Japon se caractérise par un niveau de prix assez faible et proche de 0%. Entre 2000 et 2006, le Japon ne respecte jamais le taux d’inflation envisagé par la Banque Centrale japonaise qui s’élève à 1%. Pour terminer cette tendance déflationniste, la BOJ réagit avec une baisse des taux d’intérêt à court terme et une expansion de la masse monétaire. Le nombre d’interventions de la BOJ au cours de la décennie précédente est multiple, tout en essayant de ramener le Japon sur le chemin de la croissance et augmenter le niveau de prix. Juste entre mars 2002 et juin 2003 la masse monétaire sur les marchés financiers augmente de 58% due à la BOJ qui injecte régulièrement de la liquidité dans le système financier.[37] La lutte contre la tendance déflationniste est les mesures prises par la BOJ seront examinées de manière plus détaillée au cours de ce mémoire (cf. chapitre 2.3). Pour la période après 2006, on peut constater que le niveau de prix commence à se récupérer. Le taux d’inflation s’élève à 1,4% en 2008 et dépasse donc l’objectif de la BOJ. Mais ce redressement est ensuite interrompu par le krach sur les marchés financiers en automne 2008. Suite à la faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers, le taux d’inflation tombe encore en-dessous de 0% en 2009 et reste inférieur à 0% jusqu’à la fin de l’année 2012.
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Figure 4 : Développement du taux d'inflation Source: OCDE
Quand on analyse les différents composants du taux d’inflation, on peut constater une stagnation de prix pour les produits d’alimentation depuis 2009. Depuis le début de la crise, la structure de prix des produits alimentaires reste relativement stable. Il est également évident que les consommateurs japonais font face à une grande volatilité des prix d’énergie. En général, on peut constater que les prix d’énergie sont en pleine croissance depuis l’année 2007. Malgré une baisse exceptionnelle des coûts énergétiques en 2009 (-11,2%), les prix d’énergie pèsent sur les ménages et entreprises japonaises. On peut en déduire que le développement des prix d’énergie ne reflète pas le développement économique du pays. La croissance du PIB entre 2007 et 2012 s’élève à 1,7% au total tandis que les coûts énergétiques croissent de 12,2% pendant la même période.[38] Le rôle et le développement du secteur énergétique en Japon sera également un élément clé par la suite de ce chapitre (cf. chapitre 2.1.6).
La tendance déflationniste est un frein pour l’économie japonaise pour une raison simple. Lorsque le niveau de prix actuel est en baisse, les acteurs économiques attendent que le niveau de prix futur baisse également. Il est donc possible que les ménages ainsi que les entreprises reportent leurs achats et investissements dans le futur ce qui ralentit le développement de l’économie aujourd’hui.[39]
2.1.3 Le Japon est une économie ouverte et orientée vers l’international
L’industrie exportatrice est toujours un pilier de l’économie japonaise. En particulier dans les premières années du 21ème siècle, la croissance du pays a été majoritairement tenue par les exportations. En 2012, les exportations de biens et service représentent 14,7% du PIB après un pic de 17,7% en 2008.[40] Les partenaires commerciaux se trouvent principalement en Asie car le Japon réalise 18,1% de ses exportations en Chine, suivi par les Etats-Unis (17,8%), l’union européenne (13,3%) (UE), la Corée du Sud (7,7%), le Thaïlande (5,5%) et le Hong Kong (5,1%). La Chine est également le partenaire favorisé en termes des importations. Presque un quatrième (21,3%) des importations viennent du nouveau géant économique.[41] Malgré le fait que le Japon entretient des relations économiques intenses avec ses pays voisins, l’union européenne reste un partenaire commercial important pour le Japon. L’échange entre la communauté d’Etats européens et le Japon s’élève à plus du tiers du PIB mondial. Le Japon est donc un partenaire et investisseur commercial important pour l’union européenne. En revanche, les pays européens sont un débouché important pour les entreprises nippones. Comme les chiffres l’indiquent, l’UE est pour le Japon le troisième marché d’exportation après la Chine et les Etats-Unis.[42]
Le Japon fait partie des pays les plus développés dans le monde entier. Il est spécialisé dans la fabrication des produits technologiques et est connu pour sa sophistication. Cette structure économique se traduit également par la répartition des exportations. Les machines et le matériel de transport représentent 58,3% du total des exportations de marchandises. Les articles manufacturés y contribuent 13,3%, les produits chimiques et produits connexes 10,3%. Selon les principales importations, les combustibles minéraux, lubrifiants et produits connexes représentent 32,1% du total des importations de marchandises. Ils sont suivis par les machines et le matériel de transport avec 20,8% et les articles manufacturés avec 8,6%.[43]
La croissance du Japon est traditionnellement portée par sa forte industrie exportatrice. La contribution des exportations à la croissance du PIB se trouve en constante augmentation. En 2000, les exportations représentent 11% du PIB, en 2008 elles représentent déjà plus que 17%. Tout au long de la même période, l’ouverture commerciale[44] augmente de 20% à presque 35%. Sachant que le Japon entretient des relations économiques approfondies avec les pays étrangers, il est évident que cette structure fait que le Japon est plus vulnérable aux chocs externes.[45] Ajouter à cela, il faut constater que plus de 90% des exportations japonaises se composent des produits avec une forte élasticité de la demande par rapport aux revenus. En premier lieu, il s’agit des produits industriels de haute technologie et des biens d’équipement. Sachant que la demande de ces produits dépend fortement du développement conjoncturel mondial, le Japon fait face à un déclin de ses principaux marchés d’exportation, notamment l’Europe et les Etats-Unis. Ces deux régions sont ensemble les pays destinataires pour plus de 40% des exportations japonaises. En même temps, le Japon souffre d’une performance mitigée des pays émergents asiatiques (Indonésie, Corée du Sud, Malaisie) et de ceux qui se trouvent en voie de développement (Thaïlande, Cambodge, Viêtnam, Taiwan etc.). Aujourd’hui, environ 50% des exportations japonaises vont dans ces pays.[46]
Etant donné que l’industrie exportatrice joue un rôle primaire dans l’économie japonaise, la balance des paiements courants du Japon est traditionnellement positive. Elle augmente de 2% en 2001 à 5% du PIB en 2007. Mais le pays se trouve dans un développement négatif depuis le début de la crise financière en 2008. Une appréciation réelle du yen de +27,75% entre juillet 2007 et septembre 2012 affecte les entreprises exportatrices et leur donne un désavantage concurrentiel par rapport à d’autres pays. La dépréciation du yen de -23,75% entre octobre 2012 et avril 2014 ne peut pas entièrement amortir l’appréciation précédente ce qui fait que la balance des paiements courants ne s’élève qu’à 0,7% en 2013.[47] De plus, il faut constater que la compétitivité des entreprises japonaises diminue à l’échelle internationale. La part des exportations nippones au niveau mondial est en recul par rapport à celles de la Chine et de la Corée du Sud. Les entreprises japonaises souffrent également d’une détérioration de leur profitabilité. Cette baisse de profitabilité est certainement due à l’appréciation du yen dans les dernières années. L’appréciation de la monnaie force les entreprises à vendre leurs produits avec une marge moins élevée à l’étranger.[48] Parallèlement, les fluctuations régulières du yen par rapport au dollar et à l’euro influence la performance des entreprises exportatrices. Un grand nombre d’entre elles s’est décidé de délocaliser leurs productions à l’étranger pour éviter les fluctuations monétaires. En conséquence, le Japon fait face à une délocalisation disproportionnelle de ses industries clés. Aujourd’hui, plus de 20% de la production industrielle est délocalisée à l’étranger. En 2015, il est probable que l’industrie automobile va fabriquer plus de véhicules à l’étranger qu’au Japon.[49]
La performance économique du Japon est directement liée à celle de ses partenaires commerciaux. Le développement modeste des exportations dans les années précédentes s’explique par l’abaissement conjoncturel dans les partenaires commerciaux tels que la Chine et d’autres économies de la communauté ANASE (Association des nations de l'Asie du Sud-Est). Etant donné que ces pays entretiennent des relations économiques intensives avec le Japon, l’économie nippone est directement impactée par un ralentissement de croissance et un recul de la demande. Néanmoins, il y a également des problèmes structurels au Japon qui entravent un redressement des exportations. Y inclus sont l’appréciation du yen, la délocalisation disproportionnelle de l’industrie manufacturière ainsi que la perte de compétitivité de certains secteurs par rapport aux industries étrangères. Ceci est par exemple le cas pour le secteur informatique.[50]
Par conséquent, le Japon fait face à une détérioration de sa balance commerciale.[51] En 2008, la balance commercial est positive et représente 1,2 % du PIB. Après une balance commerciale à une hauteur de 2,0% en 2010, elle devient négative et passe à -1,8% en 2013. Ce développement est principalement dû à une augmentation forte des importations qui passent de 11,4% en 2010 à 16,0%
[...]
[1] Cf. Hassel (2011): Japan war das China des 20. Jahrhunderts, p.1
[2] Cf. Dullien et. al. (2010): The World Economy in Crisis: The Return of Keynesianism?, p.92
[3] Cf. Shiratsuka (2003): Asset Price Bubble in Japan in the 1980s: Lessons for Financial and Macroeconomic Stability, p.3
[4] Cf. Dullien et. al. (2010): The World Economy in Crisis: The Return of Keynesianism?, p.96 et cf. Shiratsuka (2003): Asset Price Bubble in Japan in the 1980s: Lessons for Financial and Macroeconomic Stability, p.7
[5] Cf. Dullien et. al. (2010): The World Economy in Crisis: The Return of Keynesianism? p.97
[6] Cf. Dourille-Feer (2005): L’économie du Japon, p.42
[7] Cf. Dullien et. al. (2010): The World Economy in Crisis: The Return of Keynesianism?, p.92, p.97
[8] Cf. Dullien et. al. (2010): The World Economy in Crisis: The Return of Keynesianism?, p.94 et cf. Dourille-Feer (2005): L’économie du Japon, p.53
[9] Cf. Dourille-Feer (2005): L’économie du Japon, p.51
[10] Cf. Koo (2008): Lessons from Japan’s Lost Decade, p.70
[11] Cf. Hassel (2011): Japan war das China des 20. Jahrhunderts, p.1
[12] Cf. Koo (2008): Lessons from Japan’s Lost Decade, p.71
[13] Cf. Dullien et. al. (2010): The World Economy in Crisis: The Return of Keynesianism?, p.97
[14] Cf. Koo (2008): Lessons from Japan’s Lost Decade, p.70
[15] Cf. Dullien et. al. (2010): The World Economy in Crisis: The Return of Keynesianism?, p.98
[16] Cf. Dourille-Feer (2008): L’économie du Japon, p.52
[17] Cf. Dourille-Feer (2005): L’économie du Japon, p.54
[18] Cf. Dourille-Feer (2008): L’économie du Japon, p.54
[19] Cf. Koo (2008): Lessons from Japan’s Lost Decade, p.71
[20] Cf. Koo (2008): Lessons from Japan’s Lost Decade, p.71-72
[21] Cf. Doruille-Feer (2005): L’économie du Japon, p.55
[22] Cf. Kawai et Takagi (2009): Why was Japan hit so hard by the financial crisis?, p.7
[23] Cf. Dullien et. al. (2010): The World Economy in Crisis: The Return of Keynesianism, p.102-103
[24] Cf. Koo (2008): Lessons from Japan’s Lost Decade, p.72
[25] Pour des informations plus détaillées en ce qui concerne la création des bulles spéculatives, cf. Fisher, Irving (1933): The Debt-Deflation Theory of Great Depressions
[26] Cf. de Mooij et Saito (2014): Can Japan Afford to Cut Its Corporate Tax?, p.2
[27] Cf. Banque Mondiale
[28] Cf. OCDE: Profil statistique du Japon
[29] Cf. Economy Watch (2013): Japan Industry Sectors, p.1
[30] Cf. Kawai et Takagi (2009): Why was Japan hit so hard by the financial crisis?, p.2
[31] Cf. Kawai et Takagi (2009): Why was Japan hit so hard by the financial crisis?, p.3
[32] Cf. Iwaisako (2010): Japanese Macroeconomic Policy Management after the Global Financial Crisis, p.798
[33] Cf. Schiff et Bayoumi (2012): Japan: Staff Report for the 2012 Article IV Consultation, p.3
[34] Cf. Collins (2011): Great East Japan Earthquake and Trade Impact, p.2
[35] Cf. Schiff et Bayoumi (2012): Japan: Staff Report for the 2012 Article IV Consultation,, p.5
[36] Cf. OCDE (2013): Economic Surveys: Japan, p.14
[37] Cf. Baig (2003): Understanding the Costs of Deflation in the Japanese Context, p.13
[38] Cf. OCDE: Profil statistique du Japon
[39] Cf. Elwell (2010): Deflation: Economic Significance, Current Risk and Policy Responses, p.1
[40] Cf. OCDE, Profil statistique du Japon
[41] Cf. Statista (2012): http://www.statista.com/statistics/270101/main-export-partners-for-japan/
[42] Cf. Union européenne, External Actions: http://eeas.europa.eu/japan/relationship_en.htm
[43] Cf. OCDE (2013): Economic Surveys: Japan, p.8
[44] L’ouverture commerciale est définie comme suit: (Exportations + Importations)/PIB
[45] Cf. Kawai et Takagi (2009): Why was Japan hit so hard by the financial crisis?, p.9-10
[46] Cf. Kawai et Takagi (2009): Why was Japan hit so hard by the financial crisis?, p.4
[47] Cf. Schiff J. et Bayoumi T. (2012): Japan: Staff Report for the 2012 Article IV Consultation, p.21
[48] Cf. Kumagai (2014): Examination of Japan’s Export Competitiveness: Monthly Review, p.3-5
[49] Cf. Economist (2014): The mystery of Japan’s sluggish exports, p.1
[50] Cf. Kuroda (2012): Japan’s Economy: Achieving 2 percent inflation, p.3
[51] Balance commerciale = Exportations de biens – Importations de biens
- Quote paper
- David Schmengler (Author), 2015, Entre Déflation et Récession. Abenomics est-il la bonne politique économique pour ramener le Japon sur le chemin de la croissance?, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/301479
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