Dans l'affichage et la publicité en généeral, une langue contrôlée par une extrème minorité de spécialistes est exposée au public le plus grand imaginable, c'est-à-dire à la population entière. La langue publicitaire devient alors un des sujets principaux de tout débat linguistique et de toute politique sur ce plan. Ainsi, c'est naturel qu'elle joue un rôle assez important dans le conflit linguistique au Canada (i. e. surtout au Québec), un rôle que le travail ici présent va essayer d'exposer.
Je commencerai d'abord par décrire l'axe principal du conflit et les deux positions qui le définissent, et sur le plan idéologique (i. e. sur le plan de la politique générale), et, plus concrètement, sur le plan publicitaire. Ensuite j'exposerai le déroulement de la transition de la langue publicitaire depuis les années 1960, ce qui mènera à un aperçu des efforts et des effets de politique linguistique contemporaine sur le plan publicitaire.
L'objectif de mon travail est d'analyser pourquoi la publicité du Canada francophone à subi cet énorme changement, et comment la politique linguistique parfois draconique de la Province du Québec y a contribuée.
Table des matières
1. Le conflit linguistique publicitaire
1.1. Point de départ : le bilinguisme
1.1.1. Sur le plan idéologique
1.1.2. Sur le plan publicitaire
1.2. L’objectif : l’unilinguisme
1.2.1. Sur le plan idéologique
1.2.2. Sur le plan publicitaire
2. La transition linguistique dans la publicité québécoise
2.1. Avant I960 : la situation de départ
2.2. La Révolution tranquille
2.3. 1977 et après
3. La situation aujourd’hui
3.1. Efforts officiels
3.1.1. Francisation
3.1.2. Implantation terminologique
3.2. Les effets
3.2.1. Amélioration de la langue
3.2.2. Succès de l’industrie publicitaire québécoise
4. Conclusion
A. Publicité bilingue : affiches à pivots
A.l. Nom propre
A.2. Emprunt
A.3. Chiffre ou signe
A.4. Création / néologisme
A.5. Terme anglais
A.6. Terme français
A.7. Absurdités
B. Exemple d’implantation terminologique : les ventes promotionnelles
Introduction
Dans l’affichage et la publicité en général, une langue contrôlée par une extrême minorité de spécialistes est exposée au public le plus grand imaginable, c’est-à-dire à la population entière. La langue publicitaire devient alors un des sujets principaux de tout débat linguistique et de toute politique sur ce plan. Ainsi, c’est naturel qu’elle joue un rôle assez important dans le conflit linguistique au Canada (i.e. surtout au Québec), un rôle que le travail ici présent va essayer d’exposer.
Je commencerai d’abord par décrire l’axe principal du conflit et les deux positions qui le définissent, et sur le plan idéologique (i.e. sur le plan de la politique générale), et, plus concrètement, sur le plan publicitaire. Ensuite j’exposerai le déroulement de la transition de la langue publicitaire depuis les années I960, ce qui mènera à un aperçu des efforts et des effets de politique linguistique contemporaine sur le plan publicitaire.
L’objectif de mon travail est d’analyser pourquoi la publicité du Canada francophone à subi cet énorme changement, et comment la politique linguistique parfois draconique de la Province du Québec y a contribuée.
1. Le conflit linguistique publicitaire
Pour comprendre le conflit linguistique au Canada, il est primordial que l’on comprenne qu’il ne s’agit pas d’un conflit entre le français et l’anglais. Personne ne tente plus à supprimer aucune de ces langues.
Or, la lutte qui se déroule sur le plan linguistique est une lutte non entre deux langues, mais entre deux points de vue sur la coexistence de deux langues, c’est-à-dire entre Vunilinguisme et le bilinguisme. Chacune de ces deux positions de politique linguistique est reliée à son tour à tout une idéologie, comportant des points de vues différents sur la politique générale, notamment sur la question de l’indépendance du Québec.
Au fait, dans ce conflit, la politique linguistique et la politique générale sont presque impossibles à séparer. Au Québec, c’est donc possible qu’une réduction de la moyenne de fautes linguistique dans l’affichage d’alimentation soit discutée dans une publication officielle et présentée comme une victoire politique.1
1.1. Point de départ : le bilinguisme
Le bilinguisme est la façon de comprendre le Québec comme une province bilingue au sein d’un Canada bilingue. Y « vivre en anglais » devrait ainsi être autant possible qu’y « vivre en français ».
1.1.1. Sur le plan idéologique
Cette idée d’un Québec bilingue est étroitement liée à des causes de politique générale important surtout pour la population anglophone. Ce sont par exemple le désir d’être enseigné en anglais n’importe oû, le désir de ne pas être forcé à parler une langue autre que sa langue maternelle et surtout le désir de garder l’unité du Canada.
Il y a des groupes de pression politiques luttants pour le bilinguisme, notamment Alliance Quebec, qui énumère six motivations principaux dans son « Mission Statement », parmi elles :
- Aider la reconnaissance de l’anglais comme langue officielle dans le Québec.
- Opposer toute violation des droits constitutionnels ou des droits internationaux de l’homme.
- Insister que toute violation du principe de la légalité, tout mépris des cours de jugement et toute révolution anticonstitutionnelle motivés par un désir de sécession sont inacceptables.2
Entre les lignes, cela montre qu’Alliance Quebec considère les anglophones du Québec comme opprimés linguistiquement par la politique du gouvernement provincial. Les bilin- guistes exigent que la langue française ne soit pas supporté davantage que l’anglais, tout en acceptant un éventuel déclin du français langue minoritaire.
1.1.2. Sur le plan publicitaire
Le bilinguisme ne voit en les deux langues du Canada que deux façons différentes, mais équivalentes, de communiquer. La conséquence de ce point de vue pour la publicité est claire : la langue d’un texte publicitaire n’est d’aucune importance. Considérant le Canada comme un pays bilingue avec l’anglais comme langue majoritaire, il serait alors le plus logique de concevoir tous les textes en anglais et de les traduire en français pour le marché québécois, voire même les concevoir comme “affiches bilingues” dès le départ (cf. section 2.1).
Bien sûr, tout cela ne fonctionne que si on considère le Québec une simple partie d’un pays à culture homogène, un marché canadien comme tous les autres.
1.2. L’objectif : l’unilinguisme
Pour l’unilinguisme de l’autre côté, les régions francophones comme le Québec ne sont pas seulement des parties d’un Canada bilingue où, par hazard, la langue majoritaire est le français. Au contraire : ce sont des régions où le français est la seule langue, où le français definit la culture, et où la non-francophonie est une exception.
1.2.1. Sur le plan idéologique
Il faut alors défendre la francophonie au Québec pour défendre l’identité nationale québécoise (« terriennité, minoritaireté, américanité, catholicité, latinité et francité »3 ). La croissance de l’anglophonie dans une région francophone n’est pas une simple fluctuation naturelle, mais un développement dangéreux.
Les unilinguistes rejettent donc le bilinguisme officiel au niveau fédéral, et essaient d’assurer la survie de la langue française au Québec et dehors du Québec (comme à Montfort4 ) par tous les moyens politiques et légaux disponibles.
Toute dégéneration de la langue pourrait mener à des résultats ratals pour la francophonie et donc pour la culture. Pour éviter ce danger, un des objectifs les plus importants est de ne pas laisser la variation linguistique rompre le rapport entre le français québécois et le reste de la francophonie. Le gouvernement du Québec a donc « pour politique linguistique de faire du français international la langue d’usage au Québec »5.
Comme but politique, les unilinguistes désirent en général une plus grande indépendance du Québec, parfois même la sécession (sous forme de “souveraineté-association”). Parmi les groupes de pression de politique linguistique et générale, on compte le Mouvement National des Québécois (MNQ), les Sociétés Saint-Jean-Baptiste et des partis politiques comme le Parti Québécois (PQ).
1.2.2. Sur le plan publicitaire
Dans la publicité, l’unilinguisme implique que les affiches au Canada francophone devraient être originales, ces régions étant considérées comme un marché différent du Canada anglophone. Les affiches bilingues ou traduites de l’anglais sont alors inacceptables.
En plus, l’effet de la publicité sur la langue d’usage doit être pris en conscience : quand le français publicitaire est mauvais, son immense exposition au publique pourrait endommager le niveau général de la langue. Il faut alors lutter non seulement pour l’unilinguisme francophone dans la publicité, mais aussi pour la qualité et l’originalité de la langue empruntée. L’idéal serait d’améliorer le français parlé par la publicité, c’est-à-dire d’utiliser la publicité comme instrument d’aménagement linguistique.
2. La transition linguistique dans la publicité québécoise
Pendant la deuxième moitié du XXe siècle, la publicité au Québec à subi un changement énorme. Ce développement était dû surtout à la Révolution tranquille, ce mouvement vers un renouvelement de l’identité du Québec et de toute la francophonie au Canada.
2.1. Avant 1960 : la situation de départ
En I960 et avant, la publicité au Québec était largement bilingue ou bien traduite de l’anglais. « [La] publicité québécoise prend naissance aux alentours des années soixante-dix. Auparavant, elle sera, pour l’essentiel, tributaire de la publicité anglophone (...) dont elle aura à assumer la traduction, simple et plate. »6 En effet, c’est déjà en 1795 qu’on peut observer les premières affiches bilingues dans La Gazette de Montréal.7
Le mot clé ici est celui du « Toronto French » : les bureaux de publicité du Canada anglophone, basées pour la plûpart à Toronto, traduisaient leurs campagnes publicitaires de l’anglais en français ; une industrie publicitaire originairement francophone n’existait pas. Les bureaux étaient alors convaincus que « la seule différence notoire entre les deux consommateurs canadiens était le revenu disponible »8. Cela menait souvent à des résultats dérisoires : on essayait de lancer une dentifrice « Cue » sur le marché québécois9, on traduisait « Never got bed with a cold » par « Ne couchez jamais avec un froid »10, ou bien on demandait -malentendu culturel plus que linguistique- aux ménagères québécoises d’envoyer leur recette favorie de plum-pudding11.
Les barbarismes les plus effroyables, quant à la syntaxe, avaient quand même lieu non pas dans la publicité entièrement traduite, mais dans les affiches dites bilingues, dont l’espèce la plus commune était l’affiche à pivot (pour des exemples cf. appendix A). Un pivot plus ou moins commun à l’anglais et au français y est entouré par deux “ailes” de phrase, dont une anglaisa et une françaisa, afin que l’affiche puisse être comprise en deux langues.
Ce bilinguisme mène à des constructions peu correctes, à l’acceptance des “monstres” syntaxiques, et, finalement, à la détérioration du grammaire des affiches.12
2.2. La Révolution tranquille
En général, on date le début de la Révolution tranquille de I960. Il s’agit d’une transition non seulement de la politique linguistique ; Yves Lever « utilise la formule ‘Révolution tranquille’ pour désigner cette gerbe symbolique qui rassemble tous les changements profonds de la société québécoise pendant la décennie[19] 60. >>13.
Cette époque voit des manœuvres économiques ciblés à l’établissement d’une puissante “économie nationale québécoise”, très proches d’ailleurs à la politique économique traditionellement étatiste de la France (style Planification), flanqués de réformes de l’administration et du système éducatif, qui sera désormais indépendent du clergé14.
Ainsi le Québec moderne est né, et dans le sein des nouvel organismes administratifs, économiques et éducatifs, une nouvelle génération de francophones prend son essor et demande être représentée, demande vraiment « travailler et vivre en français au Québec >>15.
Cette génération aide á l’advent d’un nouveau nationalisme. Jean Lesage, élu en 1962 sous le slogan de « Maîtres chez nous », devient le premier chef de gouvernement à appeller la province « l’Etat du Québec » - deux phrases-clés pour la nouvelle fierté nationale québécoise, une nouvelle confiance en soi. Sur le champ techno-économique, la construction de nouvelles centrales hydroélectriques de grande echelle (e. g. le barrage “Manie 5”) et l’exposition universelle à Montréal, en 1967, en sont les symboles.16
« La langue de chez nous » est, bien sûr, un des éléments les plus importants de cette culture québécoise mi-(re)trouvée, mi-(ré)inventée pendant la Révolution tranquille. La publicité en est la forme la plus exposée, et Lever note alors :
Un point d’entente, toutefois, entre les jeunes intellectuels populistes et l’Office gouvernemental, c’est qu’il faut accentuer l’affichage français de Montréal, éliminer les discriminations basées sur la langue dans l’emploi, promouvoir l’utilisation de termes français dans tous les domaines.17
Ainsi, l’heure de la Révolution tranquille est aussi l’heure d’un jeune licencié de sciences sociales de l’Université de Montréal, qui avait travaillé comme traducteur pour Steinberg, grande chaîne d’alimentation canadienne, et, plus tard, pour des agences de publicité aux noms anglais (Vikers h Benson, Lovick, Thompson), jusqu’à y atteindre la position de directeur des services français - tout en pleine époque du « Toronto French ». C’est l’heure de Jacques Bouchard, « Roi du slogan »18, dit père de la publicité québécoise.19,20
Fondateur du « Publicité-Club de Montréal » en 1959, il établit, en 1962, la premiére agence de publicité vraiment québécoise, le BCP. Son travail théorique sur le caractère du consommateur québécois et son maniement de la langue française mènent à des nombreuses campagnes à grand succès21. Il publique aussi des livres sur la publicité et sa théorie, dont « Les 36 cordes sensibles des Québécois »22, une réflexion générale sur l’identité nationale québécoise, fondée dans des recherches sociologiques, dans des études de marché et dans son experience dans la publicité, devient aussitôt un livre-culte.
La carrière de la publicité québécoise, francophone et unilingue, si étroitement liée à la personne de Bouchard, n’aurait pas été possible sans les premières mésures de politique linguistique de la province :
- en 1961, l’Office de la langue française (OLF) est créé, avec « [le] mandat de ‘veiller, sous la direction du ministre, à la correction et l’enrichissement de la langue parlée et écrite »23 ;
- en 1967, l’étiquetage des produits alimentaires en langue française est imposée par le ministère de l’Agriculture24 ;
- en 1969, la Loi pour promouvoir la langue française au Québec (loi 63) installe l’objectif gouvernemental de faire du français la langue prioritaire du travail et de la publicité25 ;
- en 1974, la Loi sur la langue officielle (loi 22) impose le français comme langue officielle
[...]
1 Cf. Maurais, Jacques. La langue de la publicité des chaînes d’alimentation. Étude sur la qualité de la langue et sur l’implantation terminologique. Volume 18, Dossiers du Conseil de la langue française. Éditeur officiel du Québec, 1984, p. 77.
2 Cf. Alliance Québec. Alliance Quebec Mission Statement. (URL: http://www.alliancequebec.ca/ Main_English/mission.htm) - visité le 2003-06-16.
3 Bouchard, Jacques. Les 36 cordes sensibles des Québécois. D’après leurs six racines vitales. Montréal : Editions Héritage, 1978, p. 23.
4 Philpot, Robin. Chapeau à SOS Montfort. (URL: http://OTw.ssjb.com/02-2/3-montfort.html) - visité le 2003-06-23.
5 Maueais, p. 9.
6 Nevert, Michèle. La langue qu’on affiche. Le jeu verbal dans le slogan publicitaire au Québec. Montréal : VLB Éditeur, 1992, p. 10.
7 Cf. Paré, Marcel. Petite histoire de la publicité française au Canada. META, 17 (1972), no. 1, p. 52.
8 Bouchaed. 36 cordes, p. 22.
9 Ibid., p. 23.
10 Bouchard, Jacques. Message (...) diffusé à la remise des Prix Jacques-Bouchard au Spectrum de Montréal, le (...) 17 mars 1999. (URL: http://www.prixjacques-bouchard.qc.ca/message.htm) - visité le 2003-06-25.
11 Bouchard. 36 cordes, p. 23.
12 Cf. Léonard, Martine/Françoise Siguret. « La route de l’expansion road » ou l’impasse de la publicité bilingue. META, 17 (1972), no. 1, pp. 56-71.
13 Lever, Yves. Révolution tranquille. (URL: http://OTw.cM.org/~lever/Revo.html) - visité le 200306-25.
14 On note un rôle important du Concile vaticanique de 1962-1965 dans ce développement.
15 wIbid.
16 Cf. Lever.
17 1TIbid.
18 Publicité-Club de Montréal. Qui est Jacques-Bouchard? [sic]. (URL: http://www. prixjacques-bouchard.qc.ca/bouchard.htm) - visité le 2003-06-25.
19 Cf. ibid.
20 I1 faut noter qu’il y avait, bien sûr, de la publicité francophone au Québec d’après-guerre avant Bouchard, surtout à la radio (cf. Paré, pp. 53-54) ; toutefois elle était presque invisible au grand public.
21 Exemple souvent cité : la campagne « Lui, y connaît ça! » pour la Brasserie Labatt (cf. e. g. Nevert).
22 Bouchard. 36 cordes.
23 Maurais, p. 9.
24 Cf. ibid.
25 Cf. Hayward, A.. La législation linguistique québécoise : principaux repères. (URL: http://qsi.lver. queensu.ca/french/Cours/312/Loi\'/,20101 .htm) - visité le 2003-10-15.
- Quote paper
- Matthias Warkus (Author), 2003, Le conflit linguistique au Canada à travers les textes publicitaires, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/24255
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