Commentaire littéraire du chapitre 4 de Germinal de Zola en environ 5-6 pages.
Seminararbeit Universität Basel Institut de français.
Germinal
(Première partie, chap. IV)
Germinal, fameuse œuvre écrite par Emile Zola (1840-1902), a été publié en 1884 et appartient à la série des « Rougon-Macquart » englobant vingt romans au total. Les dures conditions de travail dans les mines de Montsou y sont relatées avec exactitude formant ainsi un quasi-témoignage de la vie des mineurs à cette époque. Comme son titre l’indique, Germinal, en tant que premier mois du printemps dans le calendrier révolutionnaire, met en scène l’idée de renouveau. Dans ce contexte-ci, à savoir la révolte des mineurs, il s’agit d’une redéfinition des valeurs et du combat pour l’égalité entre les hommes mené par le protagoniste Etienne Lantier. Dans notre extrait, situé au chapitre IV de la première partie du roman, les conditions de travail effroyables des haveurs et des herscheurs dans la mine sont décrites en détails insistant sur l’aspect réaliste de la scène. Les moyens permettant la mise en scène du supplice des mineurs sont nombreux mais peuvent être distingués les uns des autres par rapport à leurs thèmes. Nous verrons donc, dans notre explication, d’une part, en quoi la description détaillée de la mine incarne un véritable enfer et, d’autre part, les moyens mis en œuvre pour nous permettre de l’imaginer en tant que telle. Puis, dans un second temps, nous analyserons plus précisément la souffrance dans son aspect collectif, soit que tous mineurs sans exception souffrent le martyr ce qui créé un regard homogène de leur situation. Enfin, nous étudierons plus précisément l’émergence du personnage d’Etienne dans l’extrait en tant qu’individu à part au regard différent, et, plus largement, en tant que symbole de l’individualité.
La mine est mise en avant comme lieu cadre du récit dès le début de notre extrait et en particulier au paragraphe quatre. Dans les premiers paragraphes, la mine, et plus précisément, la veine dans laquelle les mineurs havent est décrite avec exactitude à plusieurs niveaux. Le premier niveau concerne le langage. En effet, on constate l’emploi du réseau lexical de la mine par la présence de termes spécifiques tels que « haveur » (l.1), « veine » (l.3), « houille » (l.5) et « rivelaine » (l.6), etc. Dans un souci de compréhension, le terme « rivelaine » nous est même défini comme étant « le pic à manche court » (l.6). Ce vocabulaire spécifique montre la volonté de Zola de décrire avec la plus grande précision possible le milieu dans lequel ses personnages évoluent. Le second niveau de description concerne la perspective narrative dans ces premiers paragraphes. La focalisation zéro est à noter étant donné que le narrateur en sait plus que ses personnages et est même capable de restituer les pensées et faits et gestes de chacun. Le narrateur semble également être omniscient, hétérodiégétique et extradiégétique car il ne fait pas partie intégrante de l’histoire, ne correspond ni à un personnage, ni à un spectateur de la scène et en sait plus que les personnages. En exemple, il est important de souligner des termes annonciateurs et récurrents de l’extraits qui donnent des indices à la suite des évènements: la présence de l’humidité en « ruisseaux et en mares » (l.53) annoncent la future inondation. Nous notons malgré tout la présence de nombreux déictiques tels que « là » (l.3), « en bas » (l.7), « au-dessus » (l.7), « tout en haut » (l.7), etc. qui contribuent au réalisme et à l’imagination de la scène décrite. Contribuant au réalisme, la description détaillée de la veine et des actions des personnages dans des termes évoquant la précision est à noter, par exemple au paragraphe un, aux lignes deux et trois, la précision géométrique des lieux « quatre mètres environ » et « cinquante centimètres ». Cette foule de détails renforce l’impression d’horreur qu’évoque la mine transcrite au paragraphe quatre. La description de la mine en termes péjoratifs et associés à la mort renforce l’idée que quelque chose de grave se produira dans ces lieux, en association avec la souffrance et les mauvaises conditions de travail. La présence d’un lexique se rapportant à la mort et à l’enfer confirme, en effet, cette idée de mauvais présage, notons: « mort » (l.21), « ténèbres » (l.21), « spectrales » (l.26) et « crime » (l.27). Le choix des mots et des couleurs pour décrire la mine est également important. La présence du noir de l’obscurité dans une mesure majoritaire, de la couleur rouge « rougeâtres » (l.24) ainsi que les faibles lueurs évanescentes renforce également l’idée de malaise et de mauvais présage. Notons que l’association de ces couleurs précises et de leurs significations sont récurrentes dans la littérature fantastique et souvent synonyme de l’introduction d’un élément surnaturel dans le récit. Il ne va pas sans dire que toutes ces associations au sein de ce paragraphe contribuent fortement à rendre la scène singulière. L’étrangeté de la mine et son aspect effrayant sont accentués par la faible visibilité et la perception réduite. Ainsi deux sens apparaissent et amplifient ce sentiment d’insécurité, le premier étant la vue qui ne permet de voir que des parties de corps humains et non les individus dans leur intégralité: « une rondeur de hanche, un bras noueux, une tête violente » (l.26), le deuxième sens concerne l’ouïe, de même que pour la vue, des sons proviennent de part et d’autres mais ne peuvent être attribués à un individu en particulier: « le halètement des poitrines », « le grognement de gêne et de fatigue » (l.29) et ces sons sont, en plus, transformés par la mine: « les bruits prenaient une sonorité rauque, sans un échos dans l’air mort » (l.21). Cette association de parties de corps humains multiples avec des sons venant de toute part renforce l’idée de nombre importante dans l’extrait.
Nous en venons donc à notre seconde partie qui se basera sur le thème de la souffrance collective. Comme nous l’avons précédemment évoqué, l’idée de nombre est renforcée par la multitude sous tous ces aspects et, naturellement, par l’utilisation récurrente du pluriel: « les quatre haveurs» (l.l), «les uns au-dessus des autres» (l.l), «ils» (l.2), etc. On insiste également sur le groupe plutôt que sur l’individu du fait que la description concerne dans un premier temps le plan d’ensemble soit le positionnement des individus et non leurs caractéristiques particulières et spécifiques. Ils connaissent tous le manque de place et le même travail dans des conditions extrêmes. Ils sont d’ailleurs représentés par leur fonction au début de l’extrait, par le titre «haveur» et non par leurs prénoms relatifs. Ce n’est qu’au deuxième paragraphe qu’ils possèdent des prénoms sans pour autant entrer dans les détails. Nous n’avons aucune information sur leurs caractéristiques spécifiques hormis le fait qu’à la ligne 49, il nous est dit que Maheu est le père de Zacharie. Là encore s’impose la notion de famille par l’introduction des liens de parenté qui selon la définition-même évoque l’idée de groupe. Nous savons, de plus, que dans l’œuvre, la famille Maheu est importante ce qui explique le fait que le lien de parenté entre Maheu le père et son fils Zacharie soit explicité alors qu’aucun autre élément identitaire n’est indiqué dans l’extrait. Si la souffrance apparaît comme collective, elle est néanmoins montrée sous son aspect individuel par la description au paragraphe trois qui montre Maheu comme celui qui « souffrait le plus », ce qui indique que les autres souffrent également. L’exemple de la souffrance de Maheu ne vise néanmoins pas à l’humaniser et à marquer son individualité, étant donné la comparaison à un puceron à la ligne 19. Il ne s’agit donc que d’un exemple de la souffrance à son paroxysme visant à montrer le pire sort parmi le groupe d’individus. Notons que les quatre haveurs ont tous une position inconfortable dans la même veine. De plus, les quatre éléments naturels sont présents dans cette partie de l’extrait et annoncent la fin tragique de Maheu (et celles de nombreux autres haveurs): la chaleur associée au feu et à la mort, l’humidité annonciatrice de l’inondation, l’air lourd et pesant associé à la mort (« mortel » l.13) ainsi que la terre par la présence de la houille et du schiste. Ces quatre éléments présentent un danger mortel et causent la souffrance des haveurs par leur hostilité au sein de la mine. Ces éléments s’opposant et se différenciant dans la nature ont cette caractéristique commune qu’est la souffrance. Cependant, d’autres oppositions sont à observer et notamment celle entre les hommes résignés qui ne voient plus que l’argent qui découle du travail fourni, explicité à la ligne 33 « avares de leur temps » et la nouvelle génération qui a peur des conséquences, à la ligne 48 « peur que ça n’éboule ». Dans cette série d’oppositions s’inscrit également la figure d’Etienne.
Tandis que dans notre deuxième partie, nous avons accentué notre analyse sur la souffrance collective, cette troisième partie traitera plus particulièrement de la naissance de l’individualité dans le récit avec l’apparition du personnage d’Etienne à la ligne 35. Nous constatons que les personnages sont essentiellement présentés selon leur rôle dans la mine et leurs actions liées au travail, concernant Etienne il en est autrement. Il est le seul possédant un surnom « l’aristo » qui est mis en relation avec un statut social, même s’il ne présente pas la réalité étant donné qu’Etienne n’est pas un aristocrate mais nous supposons qu’il est considéré comme tel par le raffinement de ses manières et son inexpérience dans les mines. C’est ainsi qu’il se distingue des autres, il n’est pas né dans la région, il est étranger aux coutumes et au travail qui est réalisé ici. Son manque d’expérience est d’ailleurs souligné dans l’extrait puisqu’il n’est que «herscheur» (l.70) et est en formation avec Catherine. Cette opposition entre « haveurs » et « herscheur » est nettement visible autant dans la structure du récit que dans la forme de son énonciation : tout d’abord « haveurs » n’apparaît qu’au pluriel tandis que «herscheur» lui n’apparaît qu’au singulier. Leurs tâches ne sont pas les mêmes mais permettent le bon fonctionnement de la mine et sont donc complémentaires ce qui met l’accent sur la valeur du travail en groupe plutôt que sur l’individu en lui-même. Ainsi, nous en déduisons que l’individu dans ce contexte ne se définit que par son travail en groupe et qu’Etienne se différencie également d’une autre manière que par son statut de nouveau, d’apprenti en formation. Cette différence se remarque par son apparition dans le texte, c’est Zacharie qui s’adresse à lui dans un discours direct ce qui rend la scène plus vivante et donc, par extension, le personnage d’Etienne également. En échos au personnage d’Etienne apparaît Catherine qui se charge de sa formation. A la ligne 59, on constate un changement de perspective, il s’agit d’une focalisation interne qui permet de transcrire ce que Catherine a précédemment expliqué à Etienne. A partir de la ligne 61, la focalisation change à nouveau et nous permet de voir la scène par les yeux d’Etienne, les termes « s’habituaient », « n’aurait pu dire son âge », etc. restituent les pensées intérieures d’Etienne et nous permettent de visualiser le personnage de Catherine sous l’angle de perception d’Etienne. Les marques de jugement insistent sur cette vision de la jeune femme: « gamine », « la force de cette enfant », etc. Ce passage en focalisation interne s’arrête à la ligne 68 et laisse place à la focalisation zéro. La focalisation change à nouveau à la ligne 72 et restitue cette fois-ci la pensée des haveurs: « il fallait prendre garde..., on se coulait à plat ventre, avec la sourde inquiétude d’entendre brusquement craquer son dos ». Ces changements de focalisation permettent de restituer l’individualité des personnages qui ne sont plus seulement définis par leurs tâches mais également par leurs inquiétudes. Cette partie de l’extrait permet d’insister davantage sur les pensées d’Etienne quijuge la scène d’un œil neuf et s’étonne même de la force de Catherine qui malgré son apparence est une femme forte. Sa manière de détailler Catherine traduit une certaine admiration qui est annonciatrice de la suite des évènements (de sa future relation avec cette dernière) bien qu’elle soit également vue comme « une de ces bêtes naines qui travaillaient dans les cirques » qui vise bel et bien à la déshumaniser. Etienne est donc le seul à apparaître comme un individu à part entier capable de penser, de juger son environnement avec un regard neuf.
Ainsi, cet extrait met en scène la souffrance et les conditions de travail déplorables des mineurs en insistant sur l’aspect diabolique de la mine. La description détaillée de la mine, le manque d’air, sa chaleur, son humidité et le danger qu’elle évoque font place à l’inquiétude aussi bien chez certains haveurs que chez le lecteur qui se sent pris par l’atmosphère obscure et la mise en scène des lieux. La présence de focalisations zéro et interne dans le récit favorise la mise en image et en condition. Nous constatons ainsi au sein d’un groupe l’émergence d’un individu particulier, Etienne, qui annonce le changement aussi bien par ses différences en comparaison avec les autres que par son propre point de vue.
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- Camille Cotillon (Autor:in), 2009, Commentaire littéraire d'un extrait de Germinal de Zola (Chap IV), München, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/161261
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