Cette étude vise à caractériser la dynamique de la forêt classée d'Anguédédou, l'une des dernières reliques forestières périurbaines de la ville d'Abidjan, en utilisant la télédétection et les systèmes d'information géographique (SIG).
L'étude traite de la dynamique de la forêt classée d'Anguédédou, l'une des dernières reliques forestières périurbaines de la ville d'Abidjan. Créée en tant que forêt classée par l'administration coloniale en 1930, elle est aujourd'hui gérée par la Société de Développement des Forêts (SODEFOR). La forêt est caractérisée par un climat subéquatorial et une pluviométrie abondante. En utilisant la télédétection et les systèmes d'information géographique (SIG), l'état d'utilisation des terres de la forêt est analysé. Les données indiquent que la superficie de la forêt a diminué de 25% par rapport à 1986. Il est intéressant de noter que les terres cultivées ont augmenté, tandis que la superficie des plantations d'hévéa est restée constante. Ce travail se situe à l'interface de l'environnement physique et humain et utilise une approche inductive pour comprendre les interactions entre les éléments du géosystème.
Inhalt
RESUME
LISTE DES SIGLES
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : LA FORÊT CLASSEE DE L'ANGUEDEDOU UN GEOSYSTEME DYNAMIQUE
Chapitre 1 : Cadre théorique de l'etude
Chapitre 2 : Situation de la methodologie (données et méthodes)
DEUXIEME PARTIE : IMPACT ENVIRONNEMENTAL DE L'EVOLUTION DE LA FORÊT CLASSEE
chapitre 3 : Les conditions ecologiques naturelles et humaines des sites etudies
chapitre 4 : Expression de l'emprise humaine environnante
TROISIEME PARTIE :IMPACT SOCIO-ECONOMIQUE DE LA DYNAMIQUE
Chapitre 5 : Les pressions humaines sur le capital naturel forestier : nature et intensite
Chapitre 6 : Les impacts ecologiques et anthropiques et la dynamique de la foret d'anguededou
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
GLOSSAIRE
ANNEXES
TABLES DES MATIERES
LISTE DES ILLUSTRATIONS
DEDICACE
A mon père ANOGBRO Sounan Edgard
Et
Ama mère feu KOFFI Adjoua Adèle
Remerciements
Je voudrais rendre grâce à Dieu tout puissant qui m'a donné la force et le moral de surmonter les nombreuses difficultés rencontrées dans la réalisation de cette thèse.
Celle-ci ne s'est pas faite sans difficulté; elle a été menée grâce à certaines personnes et structures que j'aimerais remercier.
Mes remerciements et reconnaissances ne peuvent traduire exactement les sentiments que j'éprouve à l'égard de M. BECHI Grah Felix, mon Directeur de thèse, Professeur Titulaire de Géographie à l'Université Alassane Ouattara. Il a manifesté tout au long de ce travail tant d'attention et de délicatesse. Au cours de nos entretiens, par ses observations et ses critiques, il m'a fait découvrir des aspects essentiels de la discipline. La gratitude et l'admiration que je porte à ce Maître de la Géographie sont très grandes.
Mes remerciements vont aussi à M. Koffi Kan Emile, Maître de conférences à l'Université Alassane Ouattara de Bouaké, qui a bien voulu accepter, malgré ses nombreuses charges, de présider le contrôle de mon travail. Sa disponibilité et son soutien sans détour m'ont été d'une grande utilité dans l'aboutissement de ce travail, je lui dis merci.
Je n'oublierai pas M. SORO Nambégué, Maître de conférence à l'Université Alassane Ouattara de Bouaké qui a aussi pris la peine de diriger mon travail, ses remarques judicieuses m'ont été d'une aide précieuse, qu'il en soit remercié.
je rends un hommage particulier à tous les maîtres qui m'ont formé aux disciplines de la géographie physique, notamment à MM. TRA Bi Zamblé, Béh DIOMANDE, tous respectivement Maîtres de Conférences à l'Université Alassane Ouattara de Bouaké.
Je voudrais tout d'abord exprimer ma profonde gratitude aux enseignants de l'Université d'Abidjan-Cocody, notamment à ceux de l'Institut de Géographie Tropicale (IGT) et du Centre Universitaire de Recherche Appliquée en Télédétection (CURAT). Je tiens également à remercier l'ensemble des structures institutionnelles avec lesquelles nous avions eu la joie de travailler. En cela, je cite, la SODEFOR d'Abidjan, le Centre National de la Recherche Agronomique (CNRA), la station scientifique de Lamto, le Ministère des Eaux et Forêts (MINEF) et l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD) de Côte d'Ivoire.
Je suis particulièrement reconnaissant à celui qui a suivi pas à pas le déroulement de ce long cheminement, Monsieur Mamadou SANGARE, le Directeur Général de la SODEFOR ; Monsieur Brahima DIOMANDE, Chef de service cartographie de la SODEFOR pour la mise à ma disposition les données cartographiques durant tout le long de mon stage, sans oublier Mme DJAKO Rosamonde.
Résumé
La forêt classée d'Anguédédou est l'une des dernières reliques forestières périurbaines de la ville d'Abidjan. Erigée en forêt classée par l'administration coloniale en 1930, elle est aujourd'hui gérée par la Société de Développement des Forêts (SODEFOR). Sa végétation appartient au domaine de la forêt avec un climat subéquatorial et une pluviométrie abondante pouvant atteindre en moyenne 1440 millimètres par an. La présente étude se propose de caractériser la dynamique à l'aide d'une classification supervisée au travers de la télédétection et des SIG. Spécifiquement, l'étude vise à analyser l'état de l'occupation du sol de la forêt. L'atteinte de l'objectif a nécessité le recours aux données telles que des images Landsat TM, ETM+ et OLI, des données cartographiques et de terrain. L'analyse de la végétation montre qu'en 2016, la forêt classée d'Anguédédou était constituée de 35% de forêt contre 60 % en 1986. La forêt a donc connu une régression au cours des 20 dernières années. En 2016, les sols nus représentaient 28% contre 34% en 1986. Au cours de cette période, les sols nus ont gagné en superficie. Les cultures vivrières repressentaient 40% en 1986 tandis qu'en 2016 elles étaient de 12%. Les superficies occupées par les cultures vivrières ont enregistré une importante augmentation. Les plantations d'hévéa n'ont pas enregistré d'évolution en termes de superficie. Elles sont restées plutôt constantes avec 11% de couverture. L'ensemble de mes travaux se situe à l'interface du milieu physique et du milieu humain dans une démarche inductive incluant le géosystème. Il s'agit, à partir de l'étude des interactions entre les éléments du géosystème, d'appréhender le milieu globalement, c'est-à-dire comme un ensemble dans lequel les éléments naturels et les éléments humains entretiennent des rapports dialectiques.
Mots Clés :Dynamique - Anguédédou-Forêt périurbaine - Télédétection - SIG
Abstract
The classified forest of Anguédédou is one of the last peri-urban forest relics of the city of Abidjan. Erected as a classified forest by the colonial administration in 1930, it is now managed by the Société de Développement des Forêts (SODEFOR). Its vegetation belongs to the forest domain with a subequatorial climate and abundant rainfall that can reach an average of 1440 millimeters per year. This study proposes to characterize the dynamics using a supervised classification through remote sensing and GIS. Specifically, the study aims to analyze the state of forest land cover. Achieving the objective required the use of data such as Landsat TM, ETM+ and OLI images, cartographic and terrain data. The analysis of the vegetation shows that in 2016, the Anguédédou classified forest consisted of 35% forest against 60% in 1986. The forest has therefore experienced a regression over the past 20 years. In 2016, bare soil represented 28% compared to 34% in 1986. During this period, bare soil gained in area. Food crops fell by 40% in 1986 while in 2016 they were 12%. The areas occupied by food crops have increased significantly. Rubber plantations have not recorded any change in terms of area. They have remained fairly constant with 11% coverage. All of my work is located at the interface of the physical environment and the human environment in an inductive approach including the geosystem. It is, from the study of the interactions between the elements of the geosystem, to apprehend the environment globally, that is to say as a whole in which the natural elements and the human elements maintain dialectical relations.
Keywords: Dynamics- Anguédédou - Peri-urban forest - Remote sensing - GIS
Liste des sigles
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INTRODUCTION GÉNÉRALE
1. Justification du choix du sujet
Depuis le début du xxème siècle, face au développement des activités économiques (industrialisation, agriculture intensive et intensive, etc.), l'humanité fait le constat de la diminution des ressources naturelles. Du coup, les nations sont gagnées par une conscience environnementale se traduisant par les grandes conférences (Roland de Miller, 1998, p. 90).
L'« environnement » va occuper désormais une place de choix. D'ailleurs, les inquiétudes réelles sur la pérennité des ressources naturelles sur l'état et devenir de la planète débutent dans les années 1970 dans les pays développés. La conférence de Stockholm en 1972 marque effectivement le début de cette conscience environnementale. Un nouveau concept voit le jour : le développement durable. Cela traduit qu'un développement qui se veut pérenne devra veiller à ce que les ressources soient protégées ou renouvelées. Il s'en suit la conférence de Rio de Janeiro (1992). Cette conférence fait la promotion du développement durable par la protection de l'environnement. C'est l'idée de base de la convention sur la biodiversité. La Côte d'Ivoire a certes ratifié ces accords et a même pris des dispositions législatives et politiques, mais il en demeure pas moins que l'environnement reste un domaine fragile.
Les transformations notables affectent toutes les composantes écologiques. Les précipitations annuelles ont diminué en moyenne de 0,5 % par an entre 1965 et 1980 (Halle etal, 2007). Les sols continuent de subir une dégradation importante (Halle etal, 2007).
De ce qui précède, nous pensons que la dynamique de la forêt classée de l'Anguededou, ses impacts environnementaux et socio-économiques est le cadre idéal qui peut contribuer à la recherche scientifique notamment la problématique de la transformation des milieux naturels. Sans doute, le fait de se trouver dans un domaine théoriquement écologique qu'est la forêt classée-donne plus de motivation scientifique. Or, cette zone est densément humanisée (Coulibaly, 1974). Les changements des paysages constituent un évènement majeur pour les ressources naturelles à travers les perturbations que cela entraîne. La forêt classée est définie comme « un massif forestier, étendue boisée, relativement grande, constituée d'un ou de plusieurs peuplements d'arbres, arbustes et arbrisseaux (fruticée), et aussi d'autres plantes indigènes associées.» (Aubreville, 1957). Elle n'est que l'aspect visuel d'un ensemble composite du paysagedecettezone ; elle a un support matériel (relief et surtout le sol) sur lequel elle repose. La perturbation de la forêt classée (peuplement végétal fermé comparativement aux savanes) a des conséquences certaines sur les sols et la biodiversité. De toutes les manières, étudier la forêt classée et comprendre ce milieu, demeure à toujours un enjeu. Il ne s'agit pas de s'inscrire dans un champ polémique de la génèse des forêts classées, mais d'arriver à dégager les évolutions auxquelles est soumis ce milieu. La forêt classée de l'Anguédédou est un champ d'exercice intellectuel. Par ailleurs, étudier le couvert forestier du Sud de la Côte d'Ivoire n'est plus une nouveauté. Nombre de travaux à propos de cette thématique du « couvert forestier » méridional ont produit des informations multiples (Beaudou etal, 1980 ; Koli Bi, 1982 ; Filleron, 1995 ; Koli Bi, 2009). Il n'est donc pas question de remise en cause de ces travaux, mais d'une certaine manière de contribuer à une meilleure connaissance des forêts ivoiriennes en mettant l'accent sur les évolutions actuelles.
2. Pertinence scientifique du paradigme
Le concept de géosystème, issu de la géographie soviétique, a été introduit en France par le géographe Georges Bertrand vers la fin des années 60 (Bertrand, 1968; Beroutchavili-Bertrand, 1978). Concept intégrateur, il inclut l'écosystème en prenant en compte, non seulement les interactions entre les systèmes vivants et leur environnement, mais plus largement, les interrelations entre le milieu biophysique et les activités des sociétés humaines. Concept unificateur, son objectif est en outre d'aborder de manière globale les rapports entre nature et société en s'appuyant sur une démarche systématique.
L'intérêt d'étudier la dynamique de la forêt classée de l'Anguédédou, réside dans le fait qu'elle est l'éléments observables qui permet d'approcher le fonctionnement de l'exploitation des aires protégées (Milleville,1987).
Les pratiques sont définies comme les manières concrètes de faire des populations (Teissier, 1979). La notion de pratique sous-entend que le fait technique ne peut être dissocié de l'acteur et du contexte, et que la pratique est le résultat d'un choix de l'acteur prenant en compte un contexte et des objectifs particuliers. La notion de pratique se différencie de celle de technique dans la mesure où la pratique est de l'ordre de l'action alors que la technique est de l'ordre de la connaissance. Les deux notions sont fortement liées car les pratiques résultent de la mise en application de techniques (du « savoir » au « faire ») et que les techniques sont des référentiels élaborés à partir de cas pratiques (du « faire » vers le « savoir ») (Landais et Deffontaines, 1988). Les pratiques des populations sont des sujets de recherche à part entière depuis bientôt trente ans. Au départ, des chercheurs ont commencé à s'intéresser à la notion de pratiques à partir de constatations sur la difficulté des transferts de techniques : les décisions prises par les agriculteurs correspondaient rarement à celles prévues par les chercheurs. Ce courant s'est développé par la suite pour aboutir à une « approche des techniques agricoles qui considère les agriculteurs et agricultrices comme décideurs et acteurs. Il s'intéresse de manière privilégiée aux pratiques agricoles, c'est-à-dire à la manière dont les techniques sont mises en œuvre dans le contexte de l'exploitation, mais aussi dans celui d'une société locale, caractérisée par son histoire, son fonctionnement » (Landais et Deffontaines, 1988, Op. Cit). Au nombre des forêts classées, celle de l'Anguédedou a été retenue pour cette étude. Cette forêt classée, assez-bien conservée, constituée de 66% de forêt dense, 19% de mosaïque forêt-cultures à dominance forêt et de 15% de plantations forestières (SODEFOR, 1999) est une forêt vitrine de la SODEFOR. Elle a fait l'objet de plusieurs séries d'enrichissement (Aubréville, 1936 ; 1953 : Bcaufort, 1972) et de reboisement avec des espèces telles quel'Antandrophragma angolense, Khaya ivorensis,etc.Aussi, sa proximité avcc la capitale économique ivoirienne en fait-elle une forêt privilégiée pour le grand Abidjan (Zoro Bi et Kouakou, 2004, p. 45).
De ce qui précède, notre étude permet de contribuer à la recherche scientifique sur la question de la transformation des milieux naturels. Sans doute, le fait de s'intéresser à une zone écologique comme la forêt classée donne plus de crédit scientifique à cette étude tandis que le reflet de la sensibilité à une prise de conscience étatique sur la préservation du patrimoine forestier ne peut être négligée.
3. Portée socioéconomique de l'étude
Le facteur position a également été un critère déterminant dans le choix du sujet de notre étude. La position représente ici la situation géographique de la forêt classée étudiée. Selon Dollfus (1971), la position d'une unité géographique résulte de la conjonction d'un ou de plusieurs systèmes en relation avec les activités et les fonctions de l'unité. En effet, la forêt classée de l'Anguédédou a été choisi parce qu'elle est toute circonscrite dans l'aire d'influence du Grand Abidjan. C'est à l'intérieur de cette zone urbaine que nous avons ainsi choisi cette forêt classée.
La position de cette forêt classée dans la dynamique urbaine façonne son histoire et exerce un impact sur ses habitants (Hilgers, 2012). Cela est confirmé par les positions géographiques des grandes usines à l'intérieur du Grand Abidjan.
Une organisation mieux structurée de la ville d'Abidjan et une surveillance plus large, renforcées, doivent permettre à la forêt classée de l'Anguédédou de bénéficier d'un statut particulier. Néanmoins, les habitants aux alentours de la forêt classée partagent généralement la conscience de leur position située entre le milieu rural et la grande ville qui s'articulent et 11
nécessitent chacun la mise en œuvre d'une approche analytique spécifique (Hilgers, 2012). Cette position stratégique occupée par la forêt classée de l'Anguédédou avec une planification menée par les pouvoirs publics depuis les indépendances, doivent en principe permettre de bénéficier des atouts subséquents pour sa protection. Mais, contrairement à ce que l'on s'attendait à voir, cette tendance a donné lieu à une infiltration incontrôlée, prédatrice d'espace, et une dégradation croissance de cette forêt classée sans développement économique.
4. Situation géographique de la zone d'étude
La forêt classée d'Anguédédou est située au Nord-Ouest du district Autonome d'Abidjan. Elle est comprise entre 5°23'2,97'' de latitude nord et 4°8'20'' longitude ouest (Figure 1). La forêt classée de l'Anguédédou est traversée par l'autoroute du Nord reliant la capitale économique Abidjan à Yamoussoukro, la capitale politique du pays. Cette forêt est limitée au Sud par la commune de Yopougon, à l'Est par le Parc National du Banco, au Nord par les communes d'Anyama et d'Abobo et au Sud-Ouest, par la commune de Songon.
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La superficie de la forêt classée de l'Anguédédou est passée de 9148,76 ha en 2018 (République de Côte d'Ivoire, 2018, p.1) à 8501,49 ha en 2020 (République de Côte d'Ivoire, 2020, p.2).
Cette forêt porte le nom de la rivière"Anguédédou" (ouNgrédimi), qui la traverse et la limite partiellement sur sa bordure ouest, rivière orientée du nord au sud et se jetant dans la lagune Ébrié à une trentaine de kilomètres à l'ouest d'Abidjan. À l'est et au sud-est est limitée par les communes d'Abobo et Yopougon. La forêt périurbaine de l'Anguédédou, est une forêt classée du domaine permanent de l'Etat de Côte d'Ivoire. Son classement remonte à l'arrêté N°2314 A.G du 22 novembre 1930. La délimitation et le bornage de la forêt a été réalisée entre 1943 et 1953 par l'administration coloniale. Sa gestion est du ressort de la Société de Développement des Forêts (SODEFOR) depuis 1992. L'Unité de Gestion Forestière de l'Anguédédou, qui est l'une des structures déconcentrées de la SODEFOR en assure les différentes opérations d'aménagement, de surveillance et de protection de la forêt. La forêt périurbaine de l'Anguédédou est située aux environs immédiats d'Abidjan, précisément en périphérie Nord- Ouest. Elle est limitée aux Sud par la commune de Yopougon, à l'Est par le parc du Banco, au Nord par les communes d'Anyama et d'Abobo et au Sud-Ouest par la commune de Songon.
Ces communes concentrent une multiplicité d'ethnies autochtones et non autochtones. L'étreinte de ces communes sur la forêt, la soumet à une forte emprise humaine du fait du rapprochement et de l'étalement de l'habitat urbain.
5. Structuration de la thèse
Mes recherches sont fondées sur une vision triptyque du milieu naturel à partir de trois systèmes différents et solidaires : le géosystème, l'agrosystème et le socio-système. Ces systèmes sont différents parcequ'ils ont chacun leur propre fonctionnement. Le fonctionnement du géosystème obéit aux lois écologiques, tandis que l'agrosystème traduit le fonctionnement de l'espace agraire. Le socio système montre, quant à lui, la logique du système social des populations dans sa relation avec le milieu. Mais ces systèmes évoluent ensemble, d'une façon déséquilibrée, la modification de l'un créant nécessairement des dysfonctionnements dans les deux autres et vice versa. Sur cette base, et en restant dans l'analyse systémique, " un système est un ensemble d'éléments différents les uns des autres mais solidaires dans l'accomplissement d'un but ", il me paraît inconcevable de chercher à comprendre séparément chacun des systèmes sans se mettre dans une vision d'interaction. Ces trois systèmes sont en réalité des sous- systèmes d'un système global qui est l'espace géographique.
L'étude des rapports dialectiques entre l'évolution des sociétés rurales et l'évolution des milieux apparaît alors dans toute sa complexité. La variabilité bioclimatique actuelle, l'accroissement rapide de la population agricole et la course à l'appropriation des espaces encore favorables à l'agriculture rendent en effet de plus en plus complexe la gestion des milieux. Il est évident que ces phénomènes sont ressentis avec une très forte acuité dans les zones les plus dégradées et à fort déficit hydrique. L'incertitude de la bonne gestion des milieux et la nécessité de l'atténuation des effets des modifications environnementales interpellent sur les nouvelles stratégies à mettre en œuvre et les nouveaux comportements à adopter. On montre ainsi la sensibilité du bien-être humain aux évènements environnementaux et aux systèmes environnementaux et des systèmes de production. Toutefois, ces incidences ne sont pas faciles à saisir à cause de la complexité des faits intégrant les motivations humaines, ces dernières n'étant pas toujours clairement perceptibles.
L'espace géographique, vu sous cet angle, est pour moi le point d'encrage d'une géographie du développement. En effet, il s'avère de plus en plus que les résultats de recherche sur le milieu naturel ne peuvent devenir des instruments d'aide à la décision que mis en relation avec les perceptions locales et les représentations sociales. Ce sont de ces perceptions que découlent les stratégies des populations locales pour atténuer les contrecoups des modifications environnementales, remodelant ainsi le paysage. D'un autre côté, les modifications actuelles de l'environnement ont bouleversé les rapports homme-nature dans les paysanneries africaines, posant ainsi la question des mutations dans les représentations, les valeurs et les pratiques. On est en plein dans cette géographie. C'est ce qui court depuis quelques décennies. La biogéographie, les modifications des états de surface, l'anthropologie des peuples ont été longuement et finement étudiées. Il reste maintenant à faire interagir ces disciplines pour gérer durablement l'espace géographique. Pour moi, le géographe doit être au cœur de la pluridisciplinarité, c'est à dire qu'il doit assurer le lien entre toutes les sciences environnementales. Il s'agit de favoriser un enrichissement mutuel entre les sciences de la nature (météorologie, climatologie, hydrologie, géologie, botanique...) et les sciences humaines (sociologie, anthropologie, géographie humaine, économie,).
Cependant, cette étude obéira aux objectifs fixés dans notre étude afin de répondre aux différentes questions que nous nous sommes posées. Notre travail s'appuiera donc sur trois parties. D'abord, il s'agit dans la première partie, de présenter le géosystème de la forêt classée de l'anguededou. Cette partie comporte deux chapitres que sont respectivement le cadre théorique et la methodologie de recherche. Ensuite, dans la deuxième partie, nous analysons l'impact environnemental de l'évolution de la forêt classée de l'Anguédédou avec deux chapitres que sont respectivements les conditions écologiques naturelles et humaines des sites étudiés et les impacts environnementaux. Enfin, dans la troisième partie, nous analysons les impacts socio-économiques et perspectives. Cette dernière partie engendre deux chapitres avec respectivement les pressions humaines sur le capital naturel forestier : nature et intensité et les impacts écologiques et anthropiques et la dynamique de la forêt d'Anguédédou.
Tableau 1 : Tableausynoptique
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PREMIERE PARTIE : LA FORÊT CLASSEE DE L'ANGUEDEDOU UN GEOSYSTEME DYNAMIQUE
Le paysage forestier est un objectif qui s'inscrit dans le domaine de l'espace biogéographique. En fait, le géosystème, plus que toutes les sciences, a érigé le paysage forestier en un objet spécifique et privilégié (Avocat, 1982). C'est une réalité géographique. On aurait alors tendance à scinder la réalité et à spécialiser les milieux biogéographiques, le thématiser en chacune de ses formes, en chacun de ses objets. En adjectivant chacun d'eux, on aurait un paysage végétal, un paysage pédologique, un paysage urbain, un paysage rural, un paysage géomorphologique, etc. (Koli Bi, 2009). Mais, le milieu biogéographique traduit à lui seul les interactions complexes des conditions naturelles et des activités humaines. C'est pourquoi, le paysage forestier pris comme un objet inerte est soumis à une dynamique continuelle d'ou les dynamiques que l'on y observe et ce, de façon spatiale et temporelle. Etudier la dynamique du couvert forestier de l'Anguededou demande que l'on aborde ces paysages dans ces composantes physiques au plan spatial et temporel.
CHAPITRE 1 : CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE
Le géosystème peut être considéré comme le résultat, à un moment donné, de l'utilisation de l'espace et de la gestion des ressources faites par une population (Monnier, 1981). Cette gestion est effectuée en fonction des données physiques du milieu, des représentations que la société se fait de celui-ci, de ses valeurs culturelles et sociales et de son histoire politique et/ou économique (Lizet et Ravignan, 1987 ; Baudry et Tatoni, 1993 ; Domon et al., 1993). Le géosystème agit comme un indicateur du temps, mais aussi comme un indicateur des pratiques anthropiques à un instant t. Il peut être considéré comme une expression visuelle d'un territoire, ou tout au moins, d'une portion de territoire. A travers l'analyse et la compréhension des états de surface, les questions de territoire et d'environnement peuvent être mieux appréciées. L'analyse et la compréhension des paysages passent par le support de l'interdisciplinarité. Le lien qui unit la nature à l'Homme en Afrique noire au travers des modes de vie, des pratiques agricoles ou rituelles implique de traiter cette question sous des angles différents, au regard de disciplines travaillant sur les milieux ou de celles traitant des sociétés (Fairhead et Leach, 1994).
La Côte d'Ivoire se divise en deux grandes régions géologiques : d'une part le socle cristallin du socle (schistes, granites, gneiss et roches vertes) et d'autre part, le bassin sédimentaire composé en maie nure partie des sables argileux du Tertiaire et des sables quaternaires du littoral L'origine et la composition des matériaux, ainsi ue ia morphologie généraie du terrain, sont les principaux facteurs qui orientent la classification es sols. Ces facteurs, liés les uns aux autres, permettront sur le terrain de définir des paysages typiques à l'intérieur desquels sont groupés les profils pédologiques, qu'il serait impossible de représenter séparément à l 'échelle 1/200 000 proposée.
On étudiera donc de façon synthétique la géologie, la géomorphologie et le réseau hydrographique des deux formations que l'on rencontre dans le bassin sédimentaire : au nord, les sables du Continental terminal (sables néogènes ou sabies tertiaires), au sud, les sables quaternaires du cordon littoral.
L'étude du cadre physique du domaine d'étude prendra en compte deux sous-ensembles d'éléments physiques dont le premier regroupe la géographie physique et le second se rapporte à la biogéographie. Enfin, le dernier élément est relatif à la végétation.
1.1. État des connaissances sur la question
1.1.1. La dynamique forestière naturelle
Le développement des arbres relève des croissances enhauteur et en diamètre, qui ne sont pas nécessairement concomitantes. Oldeman (2009, p.41) a montré que chez les jeunes arbres, conformes à leur modèle initial, la hauteur est généralement supérieure ou égale à 100 fois le diamètre et devient inférieure lorsque l'individu atteint sa maturité et émet de nombreuses réitérations. Cette relation ne doit pas être entendue comme une droite de régression procédant d'une analyse statistique de deux paramètres mais comme le résultat d'une analyse morphologique cas par cas. Elle varie en fonction de la vigueur des individus;ainsi les arbres juvéniles ont tendance à croître plus rapidement en hauteur afin d'atteindre la lumière;installés dans la voûte, la croissance en épaisseur prendra le relais assurant une meilleure exploitation de l'espace occupé.La croissance en hauteur reste difficile à mesurer dans les forêts tropicales, c'est pourquoi l'essentiel des observations concerne des augmentations de diamètre. Les arbres de cette taille ont atteint lavoûte et privilégient alors la croissance en diamètre;les plus petits privilégient encore la recherche de la lumière, donc la croissance en hauteur;les plus vieux sont entrés dans une phase de sénescenceet voient leurs performances diminuer. L'accroissement moyen sur le diamitre en forêt naturelle non perturbée est estimé à moins de 1,6 mm par an. En 1948,Gazel a observé des accroissements moyens ; sur 10 ans variant de 3 à 4,4 mm par an pour la population supérieure à 15 cm de diamètre. I1 faut cependant noter que les croissances moyennes ne sont pas représentatives de la dynamique des individus;en effet, dans les petites classes de diamètres, la faible Croissancemoyenne est due, entre autres raisons, à la grande rapidité de croissance de quelques individus associée à la forte mortalité de nombreux jeunes arbres. Les croissances moyennes mesurées par espèce varient de 0,5 mm pour le Bocoa à 30 mm/an pour les Cecropia.Les variations intraspécifiques et interspécifiques peuvent également être importantes, selon les conditions du milieu.
De nombre ux auteurs (Cf. par exemple Sousa 1 984, Pickett & White 1 985) ont montré qu'une telle dynamique est provoquée par trois grandes catégories d'événements qui opèrent de manière hiérarchisée à différentes échelles de temps et d 'espace. La première catégorie comprend les chablis qui ouvrent des clairs dans la forêt et entretiennent une hétérogénéité topographique à petite échelle. La deuxième catégorie englobe un ensemble complexe et très divers de perturbations d 'origine animale, par exemple les attaques d'insectes ou de champignons qui affaiblissent ou tuent les arbres, mais surtout l'action de ces "ingénieurs" écologiques comme on les appelle parfois (Jones et al. 1994) que sont beaucoup d'animaux. Les travaux de génie forestier réalisés par les Castors créent des habitats nouveaux. Une hétérogénéité spatiale à plus grande échelle qui se traduit par une mosaïque de compartiments d'âge et de structure très divers. A l'échelle de quelques dizaines ou centaines d'hectares, des trouées et clairières alternent avec des massifs plus compacts. Les causes et les fonctions de cette hétérogénéité vont être examinées dans les paragraphes suivants ; elles sont capitales pour le fonctionnement du système dans son ensemble et le maintien de sa diversité biologique. Tels sont les éléments de structure les plus caractéristiques de la forêt naturelle qui n'est ni un amoncellement de broussailles impénétrables ni une belle structure "cathédrale". On est frappé par la diversité de tout ce qui la compose. Quand on exprime, à l'aide d'indices mathématiques appropriés, la diversité biologique des espèces animales en fonction de quelqu'expression de la diversité de structure du "décor" forestier, on trouve une relation hautement significative (Recher 1971, Blondel et al. 1 973). Les oiseaux, groupe le mieux connu à colonisables par de nombreuses espèces de plantes et d'animaux terres très et aquatiques.
De manière générale, la dynamique forestière naturelle se traduit par la variation dans le temps et l'espace des paramètres structuraux du couvert, c'est-à-dire à la fois le feuillage et la partie ligneuse (troncs et branches). L'écosystème forestier que l'on observe à un instant donné (i.e.l'équilibre instantané) se caractérise par une occupation dans l'espace de différents éléments : un cortège floristique, un nombre d'individus, une structure de la population en strates, une répartition des individus en classes d'âge. La présence de cortèges (associations au plan phytosociologique) est conditionnée par une adaptation des différentes espèces à une amplitude plus ou moins grande des conditions pédologiques et climatiques. Dès qu'un facteur change, l'équilibre est virtuellement rompu et toute l'espèce qui sort de son champ d'adaptabilité disparaît. Tous les organismes possèdent une aptitude spécifique à maintenir leurs fonctions constantes lors de modifications des facteurs extérieurs (propriété d'homéostasie physiologique). Chaque organisme et chaque espèce possèdent vis-à-vis des facteurs qui agissent sur eux une tolérance écologique plus ou moins large. Les individus peuvent partiellement élargir leur domaine de tolérance par adaptation physiologique. La plage de tolérance et d'optimum ne varie pas seulement en fonction des organismes et des espèces, mais aussi en fonction de l'âge. Si l'oscillation d'un facteur de l'environnement n'implique qu'une variabilité temporaire, alors l'adaptation de l'individu n'est pas durable et reste opportuniste et réversible. Le déroulement des processus dynamiques forestiers devient plus aisé à comprendre lorsqu'ils sont étudiés sur le terrain, notamment à partir de profils forestiers (Oldeman, 1974). Mais cette méthode reste complexe, longue et coûteuse, et elle ne peut finalement être appliquée qu'à quelques sites du domaine tropical forestier
1.1.2. La dynamique induite par les activités humaines
Si l'homme est actuellement, et de loin, le principal agent de transformation du milieu, l'anthropisation n'en demeure pas moins, dans sa complexité, difficilement quantifiable. Au long de ce qui précède et ailleurs (Alexandre, 1981a, 1982c, 1984, 1986), nous avons montré comment des perturbations croissant en intensité ou en fréquence, conduisent, avec des phénomènes de “seuil”, à des dynamiques de reconstitution differentes. Si nous présentons ici une sorte de synthèse de l'anthropisation vue sous l'angle des potentiels florisitiques, c'est surtout afin de faciliter des comparaisons avec d'autres éclairages ou d'autres milieux...
L'homme ici ne crée pas de trouées capables de stimuler le dynamisme végétal, il crée cependant, pour ses campements, des vides en sous-bois qui restent longtemps visibles (Guillaumet, com. pers.) et doit jouer un rôle plus diffus, mais important, en rarifiant les animaux de chasse et en dispersant involontairement certaines espèces. A long terme cela doit modifier la composition floristique de la forêt et, partant, sa structure et donc tout son dynamisme. A l'instar de Jean (1975), nous distinguerons les populations itinérantes, pratiquant une agriculture sans retour sur les parcelles cultivées, des essarteurs sedentaires qui rebrûlent selon un cycle souvent précis des parcelles déjà cuItivees auparavant, fertilisées par la “jachere” forestière. Le mot “jachere”, par opposition a “friche”, désigne une technique agricole efficace destinee a eliminer les adventices et restaurer la fertilité du sol pour le remettre en culture ultérieurement (Sigaut, 1985). L'ampleur de la pression foncière dans cette région peut s'observer à travers l'installation des populations dans des enclaves à l'intérieur de la for (Kaboré, 2010 ; Kpoda, 2010). Hahn-Hadjali (1998) souligne que presque tous les groupements végétaux de la zone sont soumis à l'influence anthropozoïque. Les changements d'occupation des terres sont souvent connus mais c'est leur ampleur qui diffère selon le type de pression et les conditions écologiques et environnementales.
La dynamique forestière induite par les activités humaines est particulièrement lacunaire concernant l'influence des fortes pressions de population sur les espaces forestiers tropicaux, pression qui découle d'une mobilité fonctionnelle pour développer de nouvelles cultures. L'observation des systèmes pionniers de colonisation en zone de forêt dense montre que les défrichements sont souvent expéditifs et rapides, ces surfaces fortement déboisées (coupes à blanc) n'étant que très exceptionnellement cultivées en continu. Les changements d'états de surface forestiers sont beaucoup plus permanents en zone périurbaines ou à proximité des axes routiers, empruntant des modes de diffusion spatiale de type centrifuge qu'il est possible de reproduire par modélisation statistique (Mertens et Lambin, 2000 ; Brouet al., 2004). L'accessibilité physique des zones forestières, en fonction du réseau routier, reste en effet un facteur important dans la conversion des forêts tropicales puisque les axes de transports canalisent les mouvements de population et les infiltrations clandestines en forêt protégée (Laporte, 1999). Mais ce fait n'est ni nouveau ni une condition principale. Ainsi, à l'époque coloniale, le déplacement forcé de populations le long des routes ne représentait pas une volonté des'installer en zone forestière, dans une logique agrosylvopastorale, mais plutôt un fait politique. Ainsi, à l'échelle de la Côte d'Ivoire, Avenardet al.(1974) notent pour la forêt classée de l'Anguédedou que la distribution contemporaine de la population reflète davantage les mouvements de populations.
1.1.3. Le suivi cartographique des états de surface
Depuis le congrès de Yangambi (Trochain, 1957), la typologie des milieux africains se fonde sur une approche physionomique. Cette approche est développée afin de permettre une interprétation des photographies aériennes plus aisée à partir des données relevées sur le terrain. Cette base a servi également à dresser une cartographie de la répartition de la végétation à l'échelle de l'Afrique (White, 1986). Ce système est très bien documenté et sert encore de référence actuelle dans la définition des types de végétation naturelle, comme d'autres typologies à l'échelle africaine (Olsonet al., 1983). Cependant, les surfaces anthropisées, c'est-à-dire les forêts dégradées ou secondaires, ne sont pas prises en compte, alors qu'elles représentent des surfaces considérables.Depuis le début des années 1990, le système ICT (Zonneveld, 1989) intègre l'utilisation du sol dans la typologie. Ces thématiques sont définies afin de pouvoir être distinguées sur les photographies aériennes. Cette approche a été utilisée avec succès en Côte d'Ivoire (De Rouwet al., 1990). Néanmoins, les cartographies forestières établies ensuite à l'échelle régionale à partir de photographies aériennes présentent un traitement lacunaire des états de surface dégradés. Les informations retenues sont trop génériques pour décrire les différents états de la végétation. A la fin des années 1990, la SODEFOR met en œuvre une série cartographique forestière très complète sur les états de surface au sein des forêts classées. La typologie présentée est plusexhaustive puisqu'elle retient les états de surface forestiers, agricoles, mais aussi les parcelles dégradées selon un certain gradient d'atteinte du milieu forestier. Mais, ces cartes ne concernentque des espaces très localisés. Afin de représenter l'évolution des états de surface à différentes dates la plupart des cartographies utilisent une légende prédéfinie. Toutefois, plusieurs problèmes se posent lorsquel'on veut renouveler ces analyses : les typologies évoluent avec le temps. La distribution des espèces peut changer et d'autres combinaisons inédites de facteurs écologiques peuventapparaître. Afin de répondre à cette demande, des modèles intégrant la variation des couverturesvégétales dans l'espace sont développés. Ils illustrent l'extension de chaque espèce dans l'espaceet dans le temps (Van Rompaey, 1996). La conception d'un Système d'Information Géographique (SIG) regroupant des informations sur le milieu et socio-économiques de la zone d'étude peut également répondre à la caractérisation des milieux et des espèces menacées par la déforestation (Gautieret al., 1999). Afin de rendre compte de l'évolution spatio-temporelle du milieu tropical humide entraînée par le phénomène de déforestation, certains outils à forte répétitivité spatio-temporelle sont indispensables.
1.1.4. La détection des changements
La détection de changement est la mise en œuvre de techniques ayant pour but de repérer, de mettre en évidence, de quantifier et, enfin, de comprendre l'évolution temporelle ou le changement d'états d'un objet ou d'un phénomène à partir d'une série d'observations à différents instants. Dans le domaine de la télédétection, les observations temporelles sont assurées par des capteurs embarqués sur des plates-formes satellites ou encore sur des avions. Ces capteurs fournissent des images multidates de la portion de la surface terrestre pour laquelle on désire étudier des phénomènes dynamiques particuliers.
a-Les théories de détection du changement en forêt
Le domaine de la détection de changement est très riche et diversifié en termes d'applications et de techniques de traitements spécifiques à ces applications (Singh, 1989 ; Coppin et Bauer, 1996). Cependant, comparativement, très peu de publications abordent le sujet d'une définition d'une méthodologie générale pour de telles applications. Une telle démarche permet pourtant d'organiser, de structurer et de mettre en commun des techniques de traitements pour mener au mieux une application de détection de changement. Moussu (1988) propose une définition d'une méthodologie de détection des phénomènes dynamiques dans une chronique d'images. De manière résumée, se fondant sur un certain nombre d'applications mettant en jeux l'analyse d'images multidates pour la détection de changement, il dégage une méthodologie mettant en œuvre trois grandes étapes, qu'il labelle ainsi :
- la rectification géométrique : l'étude d'images multidates nécessite en général l'étude de l'évolution d'un pixel ou d'un groupe de pixels au travers des différentes images. C'est la raison pour laquelle une rectification géométrique de toutes les images de façon à les rendre superposables est souvent la première étape de l'analyse ;
- l'étalonnage des valeurs de pixel : la détection de changement mettant en jeu des mécanismes plus ou moins complexes de comparaison sur les valeurs de pixel, comme, par exemple, des mesures de luminance, il est important de corriger les variations de ces mesures qui ne sont pas dues à des modifications de la scène observée mais aux biais de mesure ou à des modifications des conditions d'observation. Ces corrections peuvent être d'ordre physique ou déterministe. Cette démarche revient à expliciter les différents processus physiques acteurs des modifications indésirables sur les mesures de luminance. Ces modifications peuvent être d'ordre statistique : on essaiera alors de corriger dans leur globalité, moyennant certaines hypothèses, les variations sur les mesures par des procédés comme la régression linéaire par ajustement aux moindres carrés ; la détection des phénomènes en mouvement : cette étape finale constitue le traitement spécifique à l'application en question qui permettra le filtrage, la décision et la mise en évidence des phénomènes dynamiques liées à l'application. Hanaizumi et Fujimura (1992), quant à eux, proposent, en amont des étapes identifiées par Moussu, un travail préparatoire sur la définition des changements à étudier. Cette étape préalable, aussi abordée par Coppin et Bauer (1996), doit permettre non seulement de restreindre le domaine de recherche des phénomènes dynamiques à étudier mais aussi de définir les mesures nécessaires et les méthodes de mise en évidence des phénomènes susceptibles d'apparaître lors des observations. De plus, Hanaizumi et Fujimura généralisent la notion d'étalonnage limitée par Moussu à l'obtention de luminances normalisées issues d'observation de même nature (même observable mesuré). Cette nouvelle étape, qu'ils nomment normalisation, doit aussi prendre en compte les différences de définitions spectrales pour la mesure des luminances à chaque instant d'observation. Le problème d'applications de détection de changement à partir d'observations temporelles multisources est donc ici abordé. La superposabilité géométrique des images semble être un pré-requis et l'impact d'éventuelles erreurs de superposabilité sur les résultats de la détection des changements n'est pas soulevé. Enfin, la théorie de la détection des phénomènes en mouvement, qui a pour but la présentation et la confirmation des résultats bruts provenant de l'étape de détection précédente. Ces deux propositions méthodologiques présentent bien sûr des points communs mais aussi des notions complémentaires. Nous avons essayé de classer les différentes techniques employées dans le cadre d'application de détection de changement de forêt suivant des objectifs ou des notions communes. Cette classification par objectifs a permis d'organiser et d'établir un cadre conceptuel sous formes d'étapes.
b-Les modèles de la dynamique forestière
Les modèles de la dynamique des peuplements forestiers constituent un outil privilégié d'aide à la décision : comme instruments de simulation, ils permettent notamment d'évaluer et de comparer la réponse des peuplements à divers traitements sylvicoles. La qualité prédictive du modèle retenu finalement est discutée, aux niveaux de l'arbre et du peuplement, dans divers contextes d'utilisation opérationnelle. De manière générale, les modèles numériques sont associés à des grandeurs physiques mesurables dans l'espace et le temps et concernent la prévision, donc l'action. Les modèles qualitatifs, eux, sont affranchis d'unité et s'adressent plutôt à l'intelligibilité (Thom, 1984). La dynamique forestière est une abstraction jugé essentiels (les interactions entre les arbres pour les ressources du milieu) ; on regroupe des processus qu'on ne connaît pas suffisamment bien (par exemple la mortalité des arbres représente à la fois l'herbivorie des semis, la mort naturelle ou celle due à la foudre, au vent ou à une maladie) ; on choisit de ne pas considérer des facteurs jugés moins importants (par exemple le rôle des oiseaux dans la dissémination). L'analyse quantitative du modèle permet de tracer, par exemple, l'évolution dans le temps de la biomasse par espèce, qui peut être comparée avec des données de terrain (similitude numérique). L'analyse qualitative permet, par exemple, de remarquer des structures dans la distribution spatiale des espèces qui seront aussi comparées aux relevés de terrain (similitude structurelle).
Cela amène de Marsily (1997) à proposer de définir les contraintes d'utilisation d'un modèle, par analogie avec les contraintes auxquelles sont soumises les tragédies grecques : contraintes d'unité de lieu, d'unité d'action et d'unité de temps. Si un modèle satisfait à la contrainte d'unité de lieu, c'est qu'il est utilisé strictement pour un domaine d'espace particulier. C'est le cas par exemple pour le modèle de simulation du trafic automobile d'une rue : le modèle ne peut pas être utilisé pour une rue différente. La contrainte d'unité d'action spécifie que si l'action modélisée vient à changer, le modèle n'est plus valable. Si dans un modèle de simulation de la dynamique forestière, une nouvelle espèce est considérée dont le mode de reproduction essentiel est la reproduction végétative, et que ce processus n'est pas considéré dans le modèle, alors le modèle ne peut prétendre fournir des résultats valides. La contrainte d'unité de temps stipule que si le temps apporte des modifications notables au système, alors le modèle est de nouveau réduit au silence. Ainsi si un événement climatique ou anthropique vient modifier l'état du système modélisé, l'état du système simulé par le modèle sera nécessairement inadéquat. Après l'abandon d'une culture, un incendie, une coupe, le paysage se transforme. Sans intervention humaine, il s'y produit, de stade en stade, une succession de formes végétales aboutissant à la reconstitution de l'écosystème caractéristique de la zone climatique concernée. Il s'agirait donc d'une évolution ordonnée et prévisible, dont la formation terminale, de structure et de composition floristique stable dans les conditions définies par le climat régional, a pris le nom de climax.
La propriété la plus étonnante inhérente à ce paradigme succession-climax est la convergence de façon répétitive de l'écosystème vers l'état stationnaire terminal, quel que soit l'état de retour qu'il a subi à cause d'une perturbation. Cette propriété est partagée par les processus statistiques connus sous le nom de chaîne de Markov homogène (Horn, 1975b).
En dynamique forestière, les modèles par trouée sont des modèles centrés individu qui aboutissent à une réelle synthèse de connaissances. Ces modèles sont plus connus sous leur nom anglo-saxon de "gap models" ou encore sous la classification de modèles type JABOWA-FORET, du nom des deux premiers modèles par trouée développés au cours des années soixante-dix (Botkin et al., 1972, Shugart and West, 1977).
On trouve dans Van der Maar et al. (1994) trois définitions différentes de la trouée ("gap"), celles de Brokaw, Runkle et Riéra. Brokaw définit un modele de dynamique forestiere comme "a hole in the canopy extending through all levels down to an average height of 2 m above ground" (un trou dans la canopée, dans lequel toute végétation a une hauteur inférieure à 2 m). La définition de Runkle est "the ground area under a canopy opening extending to the bases of the canopy trees surrounding the canopy opening" (la surface au sol sous une ouverture dans la canopée, s'étendant jusqu'à la base des arbres en bordure d'ouverture) et Runkle ne considère parmi les arbres en bordure en question que ceux qui ont une hauteur supérieure à 10-20 m et un diamètre de plus de 25 cm. Celle de Riéra est "the liberation of a biovolume in which regeneration is possible" (zone où un biovolume est libéré, rendant la régénération possible).
c- L'utilisation de l'imagerie
L'utilisation d'images satellites à basse résolution spatiale est particulièrement adaptée à l'étude de la distribution de la végétation à l'échelle continentale, voire nationale. En effet, la maille allant de 1 km à 1° et la répétitivité journalière des satellites tel que NOAA-AVHRR ou SPOT Végétation (SPOT4) sont des atouts indispensables à ces études. Toutefois, la faible résolution des images amène de nombreux problèmes pour l'établissement d'une légende intégrant les différents états de surface identifiés sur le terrain. A l'échelle d'un continent, plusieurs travaux ont montré qu'il est possible de discriminer les grands biomes, par exemple pour l'Afrique (Guillemynet al.,1993 ; Gond, 1995 ; Gondet al.,1997 ; GLC, 2000). De plus, depuis le milieu des années 1990, une méthodologie de classification multi-thème a été proposée par l'IGBP (International Geosphere-Biosphere Programme) afin de pallier la simple classification forêt/non forêt (Belward et Loveland, 1995). Cette méthode, utilisée pour diminuer les erreurs d'interprétation, est très réductrice et n'apporte qu'une estimation du couvert réel. Il est bon de rappeler qu'une classification correspond à l'action d'extrapoler, sur l'ensemble de l'image satellite des zones tests préalablement choisies lors de campagnes de terrain et dont on connaît la signification thématique, à partir de méthodes mathématiques et d'approches statistiques. Ainsi, les pixels de l'image sont répartis dans des catégories pré-établies par la classification. Les pixels réunis au sein de ces différentes classes ont des caractéristiques radiométriques communes correspondant à des objets géographiques similaires ou très proches. Cependant, les difficultés de discrimination des états de surface à partir des images à basse résolution sont dues essentiellement aux caractéristiques du pixel. En effet, un pixel de 1 km de côté couvre un ensemble de végétation mixte. Le signal radiométrique correspond à l'ensemble des couverts compris au sein du pixel. De ce fait, une grande partie de l'information est ‘absorbée' par le signal et ne reflète pas la réalité terrain (Puig, 2001). On observe notamment cette perte d'information sur les zones de transition.Les pixels vont y êtreclassés suivant le pourcentage de forêt qui caractérise cet espace. L'utilisation d'images à haute résolution spatiale est alors pertinente afin de pallier ces difficultés. Les satellites tel que Landsat-TM possèdent une résolution spatiale très fine (de 20 à 30 mètres) mais la répétitivité temporelle est faible (16 jours pour Landsat). Ces images permettent donc d'obtenir des indications précises sur la déforestation au détriment d'une vision globale. L'interprétation et la classification des images se fait à partir de la connaissance de la signature spectrale des objets à identifier. De ce fait, le travail de terrain est l'étape indispensable au traitement pertinent d'une image (Chatelainet al.,1996). En outre, la résolution spatiale de 20 à 30 mètres permet d'obtenir une interprétation fiable des états de surface puisque la taille des pixels donne un rendu réaliste des états de surface. Toutefois, les principales difficultés rencontrées sont dues aux caractéristiques écologiques du milieu tropical. Une limite théorique existe en effet lors de l'utilisation de la télédétection dans le contexte de paysages tropicaux à la fois forestiers et agricoles. Résultat d'une dynamique complexe, la forêt tropicale humide est constituée d'un assemblage d'unités élémentaires différentes et très hétérogènes (Puig, 2001). Les parcelles agricoles sont très petites et imbriquées au sein de la végétation naturelle. En outre, l'utilisation de l'agriculture multistratifiée rend très difficile la distinction entre végétation naturelle et parcelles agricoles (Dupriez et De Leener,1993).
Les études sur le suivi des états de surface tropicaux se sont énormément diversifiées ces dernières années avec le développement de nouveaux capteurs et l'établissement de nouvelles méthodes. L'évolution annuelle de la biomasse est étudiée afin de montrer l'évolution phénologique de la végétation (Tucker, 1979 ; Justiceet al.,1985), mais aussi pour effectuer une estimation des surfaces forestières (Saderet al.,1989). Ces études se basent sur l'utilisation du NDVI (Normalised Difference Vegetation Index, Rouseet al.,1974). Toutefois, cet indice de végétation comporte une limite très importante pour l'étude du milieu tropical puisqu'il sature dans les valeurs élevées (Price et Bausch, 1995). Les images à haute résolution spatiale servent également à établir une cartographie des milieux forestiers et de leur évolution (reconquête forestière et déforestation) sur certaines zones (Chatelain, 1996 ; Puig et Guelly, 1996 ; Chatelainet al.,1996). En effet, l'image satellite à haute résolution spatiale est actuellement la plus efficace pour discriminer les états de surface de manière répétitive dans le temps. Chatelain (1996) utilise des images Landsat-TM diachroniques afin d'estimer la dynamique de la forêt.
d- Compositions colorées
L'identification des objets à cartographier nécessite l'élaboration de compositions colorées ou images fausses couleurs. L'affichage sur un écran d'ordinateur d'une image numérique enregistrée par un capteur s'effectue en associant au canal « rouge » du système d'affichage, l'image enregistrée par le canal « rouge » du capteur, au canal vert le canal vert, etc. L'image résultante correspond donc fidèlement à ce que l'œil d'un observateur direct aurait vu l'image d'un objet de couleur rouge est rouge, etc. Pour pouvoir visualiser cette information, on associe aux bandes spectrales du système d'observation des couleurs d'affichage (rouge-vert-bleu), qui ne leur correspondent pas nécessairement. Ce faisant, on crée des compositions colorées, appelées parfois «images en fausses couleurs» (O'Neill, 1996). L'interprétation visuelle de compositions colorées multi-dates permet d'utiliser les caractéristiques de l'image comme la texture, la taille, la forme, le voisinage des objets et les connaissances propres de l'interprète.
Dans la présente étude, les compositions colorées sont obtenues par l'affichage à l'écran de trois bandes d'images dans les canaux de base (Rouge/Vert/bleu) en vue d'offrir au photo-interprète une synthèse de l'information. Les compositions colorées sont faites à partir des bandes 3, 4, 5 et 7 de Landsat TM (image de 1986) et ETM+ (image de 2000). Ces compositions colorées comprennent les canaux TM4, TM5 et TM7 de l'image 1986, et les canaux ETM4, ETM5 et ETM7 de l'image 2000. Les canaux du proche infrarouge (TM4 et ETM4) s'affichent dans le rouge, ceux de l'infrarouge moyen (TM5 et ETM5) dans le bleu et enfin ceux de l'infrarouge réflectif (TM7 et ETM) dans le vert. A la suite des compositions colorées, pour plus de précautions concernant un travail d'occupation du sol, plusieurs indices sont pour le plus abordable.
Dans cette étude, l'algorithme utilisé pour la classification est le « maximum de vraisemblance » qui se présente comme la plus efficace dans la production des cartes
(Bonn F et Rochon G, 1992). A travers cet algorithme, la distribution des pixels, au sein de chaque classe suit une loi normale. En effet, les pixels sont affectés aux échantillons les plus proches selon la distance bayésienne, qui calcule la probabilité qu'a un pixel d'appartenir à une classe donnée. Le pixel est affecté à la classe pour laquelle la probabilité est la plus forte.
Cette méthode classe tous les pixels sauf si on pratique un seuil de probabilité en dessous duquel les pixels n'ont pas d'affectation.
e-Estimation de l'exactitude des images classées
L'estimation consiste à vérifier l'efficacité de la méthode choisie pour la classification. Elle consiste à évaluer la classification par l'élaboration et l'analyse de la matrice de confusion. Les résultats de la matrice de confusion sont comparés aux paramètres texturaux.
Après la validation de la classification, on procède à l'amélioration de la qualité de l'image classifiée. En effet, suite à la procédure de classification, il subsiste généralement un faible taux de pixels isolés, généralement mal classés, souvent situés à la limite entre deux plages d'affectations distinctes (figure 12). Ceux-ci donnent un aspect « poivre-sel » à l'image qui peut s'avérer gênant pour une représentation cartographique. Il est donc nécessaire d'imposer un certain degré de généralisation de l'environnement et ce, en ignorant les hétérogénéités locales au profit de la classe d'objet qui domine dans le voisinage.
Pour ce faire, on utilise des opérateurs morphologiques pour améliorer les images classifiées. Ainsi, on applique sur l'image des opérations de dilatation suivies d'une
érosion avec un filtre de taille 3x3. Ces opérateurs procèdent, d'abord, par élimination des pixels isolés, ensuite, à une homogénéisation des classes en supprimant toutes les hétérogénéités locales. Ils ont l'avantage d'homogénéiser le contenu des classes sans grande modification de l'information (Figure 02).
Figure 02 : Représentation d'une image classifiée
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Source : O'Neill, 1996
f-Des images satellites au suivi cartographique
Les études sur le suivi des états de surface tropicaux se sont énormément diversifiées ces dernières années avec le développement de nouveaux capteurs et l'établissement de nouvelles méthodes. L'évolution annuelle de la biomasse est étudiée afin de montrer l'évolution phénologique de la végétation (Tucker, 1979 ; Justiceet al.,1985), mais aussi pour effectuer une estimation des surfaces forestières (Saderet al.,1989). Ces études se basent sur l'utilisation du NDVI (Normalised Difference Vegetation Index, Rouseet al.,1974). Toutefois, cet indice de végétation comporte une limite très importante pour l'étude du milieu tropical puisqu'il sature dans les valeurs élevées (Price et Bausch, 1995). Les images à haute résolution spatiale servent également à établir une cartographie desmilieux forestiers et de leur évolution (reconquête forestière et déforestation) sur certaines zones (Chatelain, 1996 ; Puig et Guelly, 1996 ; Chatelainet al.,1996). En effet, l'image satellite à haute résolution spatiale est actuellement la plus efficace pour discriminer les états de surface de manière répétitive dans le temps. Chatelain (1996) utilise des images Landsat-TM diachroniques afin d'estimer l'évolution des couverts forestiers au sein de la forêt classée de l'Anguédédou. A partir d'un travail de terrain utilisant une méthode de relevés botaniques linéaires et son intégration au sein des images satellites, il parvient à estimer le degré de déforestation des espaces forestiers, mais aussi à cartographier les espaces dégradés à partir du changement d'hétérogénéité de la canopée. Cet indice d'hétérogénéité fournit des informations très utiles pour décrire les différents stades de dégradation des formations forestières. D'autres travauxcherchent à montrer les relations entre les changements socio-économiques et la déforestation (Mertenset al.,2000 ; Kouadioet al.,2000 ; Mertenset al.,2001). Enfin, l'utilisation denouveaux outils, comme les images radars ou les images issues de satellites de suivis atmosphériques (Meteosat) pour l'étude des milieux tropicaux peut se révéler intéressante pour les nouvelles perspectives qui sont offertes. Un dernier champ de recherche apparaît comme très prometteur, mais il reste encore austade des études théoriques. Ce sont les analyses multi-échelles de la végétation (Hayet al.,1997 ; Hayet al.,2002 ; Wickset al.,2002 ; Hayet al.,2003 ; Hallet al.,2003 ; Hall et Hay, 2003). Dans ces travaux en cours, ces auteurs considèrent les paysages comme des systèmes qui exigentune approche multiscalaire afin de comprendre, contrôler et prévoir leur comportement. Dans cecontexte, les technologies de télédétection représentent le point d'émission de données primaires pour effectuer l'analyse des paysages. Pour ce faire, Hay (2002) développe une démarche analytique qui s'appuie sur l'influence spatiale des objets dominants composant une scène quel'on veut utiliser dans les différentes résolutions spatiales. Il met en place une analyse multiscalaire dans le cadre d'objets spécifiques permettant de manière automatique de définir les seuils critiques du paysage, les frontières d'écotones et le grain. Toutefois, l'étude du paysage à partir d'un modèle spatial dépend principalement des processus physiographiques et physiologiques ; mais aussi des évolutions temporelles et spatiales de la forêt. Pour détecter les principaux changements spatiaux, trois composantes fondamentales sont exigées : un ensemble de données multiscalaires, un changement de cadre de détection appliqué à l'ensemble des données et un procédé développé pour tracer les images-objets aux différentes résolutions. Les résultats montrent que cette approche a les capacités de détecter automatiquement les changements aux différentes résolutions utilisées. L'intérêt de cette démarche est de combiner les atouts de chaque outil à basse et haute résolution spatio-temporelle afin d'étudier de manière exhaustive un territoire.
1.1.5. Le cadre institutionnel de la gestion forestière et son évolution
Le ministère de l'Environnement, des Eaux et Forêts (Direction de la Protection de la Nature) est chargé de la gestion des parcs nationaux et des réserves. Sous son autorité agit l'Office Ivoirien des Parcs et Réserves (OIPR) qui est opérationnel depuis 2004. L'OIPR est chargé, pour l'ensemble des parcs et réserves sur lesquels il exerce son autorité, de lagestion de la faune, de la flore, et de leur biotope et du patrimoine foncier ; de l'exercice de la police administrative et judiciaire ; et de la mise en œuvre d'une politique de gestion durable. Il s'appuie sur des directions de secteurs qui sont directement rattachées à la direction générale et aux structures annexes (Fondation, Conseil de gestion, Comité local, conseil scientifique). L'OIPR est chargé de la mise en œuvre du Programme Cadre de Gestion des Aires Protégées (PCGAP), qui définit la politique et les programmes sur une base commune à l'ensemble des espaces protégés. Le PCGAP qui a une durée de 10 à 12 ans, fonctionne selon trois phases : d'abord, le développement de l'OIPR et l'exécution des actionsd'urgence, puis l'actualisation ou l'établissement des plans de gestion et enfin la recherched'investissements et la valorisation des aires protégées par l'écotourisme. Ainsi, pourréussir à mettre en œuvre ces différentes phases, le PCGAP s'appuie sur quatre plans quisont : le plan d'aménagement et de gestion (durée de 10 ans, révisable à 5 ans) ; le plan d'affaire (mobilisation des ressources financières nécessaires ; le plan de développementde la zone périphérique ; et le plan de valorisation écotouristique.Le Gouvernement de Côte d'Ivoire, très préoccupé par les problèmes environnementaux, a formulé en 1995, une stratégie nationale de gestion des parcs et réserves. Le Programme Cadre de Gestion des Aires Protégées (PCGAP) en est l'outil opérationnel. Ce programmeest dans sa phase de préparation active. En effet, à partir des stratégies existantes, notamment le Plan Natonal d'Action Environnementale (PNAE) et la stratégie de gestiondes Parcs Nationaux et Réserves, le PCGAP est appelé à devenir un programmed'Investissement Sectoriel à long terme sur l'ensemble des Parcs Nationaux et Réservesdu pays, en vue de leur pérennisation pour les générations futures. Ce programme s'estassigné trois nouveaux objectifs : un objectif global, à long terme, est de préserver unéchantillon de la biodiversité du Pays à travers la conservation des Parcs Nationaux et Réserves Analogues. Des objectifs fondamentaux que vise ce programme est d'améliorerla capacité de gestion des parcs et réserves de Côte d'Ivoire, et de mettre en place une gestion moderne des parcs, entre autres, une participation accrue des Organisations Non Gouvernementales (ONG), des populations riveraines et du secteur privé.
Un objectif complémentaire à atteindre est de mettre en place un système cohérent de parcs et d'aires périphériques. Par ailleurs, la mise en œuvre du Programme de Gestion des Aires Protégées s'appuiera essentiellement sur les grandes composantes que sont : l'Office qui sera chargé de la gestion, l'aménagement, la coordination, la promotion et la valorisation des aires protégées ; les aires protégées : composante essentielle pour la mise en œuvre des plans d'aménagement et la gestion au plan local ; la Fondation pour le financement à long terme des charges récurrentes générées par la gestion des aires protégées. L'identification du contenu réel du programme se fait à travers différentes études relatives aux aspects suivants : d'abord, la faisabilité institutionnelle et législative du PCGAP et le financement à long terme des aires protégées. Ensuite,l'optimisation de la gestion technique des aires protégées, la formation et la participation des populations riveraines à la gestion des aires protégées ; la mise en place d'un système d'information géographique (SIG) et d'un programme d'Education-Information-Communication (EIC). Enfin, la coordination du programme avec la recherche, l'évaluation de l'Impact Environnemental (IEC) et de l'aspect économique du programme. C'est pourquoi, dès 1966, a été créée, une Société d'Etat pour le Développement des Plantations Forestières, la SODEFOR. Elle a pour mission d'assurer l'exécution des plans de développement de la production forestière et des industries connexes ainsi que de compenser la dégradation rapide des formations ligneuses par le reboisement de 300 000 hectares, à raison de 10 000 hectares par an. Ce dernier objectif est rapidement passé au second plan face aux besoins de financement de l'Etat. En effet, à la fin des années 1980, la SODEFOR n'avait replanté que 80 000 hectares alors que le rythme de déboisement s'élevait à 500 000 hectares par an. Il faut aussi noter que, les ministères compétents successifs restent faibles face aux dynamiques paysannes encouragées par les pouvoirs publics. Ce n'est qu'à la fin des années 1980 que l'État ivoirien, soutenu par les bailleurs de fonds, s'est donné les moyens d'une véritable politique environnementale. Le Plan directeur forestier, arrêté pour la période 1988-2015, en établit les bases et fait de la SODEFOR l'outil principal de cette politique. Après s'être vue confier la gestion de l'ensemble des forêts classées en 1986, la SODEFOR a reçu mandat de réformer le fonctionnement de la filière bois et en particulier le système d'allocation des ressources forestières.
L'impact de l'intérêt accordé à la conservation se manifeste également par le nombre de plus en plus grandissant des Organisations Non Gouvernementales (ONG) locales et des Clubs de la nature dont l'influence sur les politiques nationales de conservation s'est souvent avérée positive. Des ONG internationales ont également une longue histoire d'intervention en Afrique. Il s'agit entre autres de African Wildlife Foundation (AWF), Birdlife International, Conservation Internationale (CI), Wildlife Conservation Society (WCS), et de World Wildlife Found (WWF). Concernant les mesures de conservation, de la forêt classée de l'Anguédedou, du fait de son statut, est soustrait à toute exploitation des ressources naturelles, sauf à des fins touristiques. Un plan d'aménagement, mis en œuvre n'a pas conduit aux résultats escomptés et de fortes pressions anthropiques menacent actuellement le site. Depuis 1979, aucune recherche scientifique approfondie n'a été menée dans la forêt classée de l'Anguédédou, à l'exception d'un dénombrement aérien des éléphants et des buffles réalisés en 1987. Aucun financement n'a été attribué pour la recherche dans cette forêt depuis le prêt BIRD d'IVC 1698, mis à disposition de 1983 à 1986.
1.1.6. Situation des forêts classées
Les forêts classées sont l'une des catégories du domaine forestier de l'Etat qui comprend entre autres : les forêts protégées ; les périmètres de protection et les reboisements. Les forêts classées consistent en un règlement de l'espace ou périmètre déterminé, délimité et aborné que l'on souhaite conserver en l'état pour des raisons diverses. Il est donc interdit l'exercice de certains droits d'usage portant sur le sol forestier, cause des dégradations, c'est le cas des défrichements.
Conscient de l'importance des biens faits des forêts, en Côte d'Ivoire, plusieurs périmètres ou domaines ont été classées. Les premiers classements de forêts remontent au cours des années 1920. A l'époque le domaine forestier classé de l'Etat était répartit sur sensiblement 218 massifs forestiers et couvrait une superficie d'environ 3.995.200 hectares sur toute l'étendue de territoire dont 70% en zone forestière et pré-forestière et 30% en zone de savane (SODEFOR).
Les statistiques indiquent qu'en 1960, le pays comptait 234 forêts classées d'une superficie globale d'environ 4,2 millions d'hectares qui aujourd'hui sont estimées à 231 forêts classées couvrant une superficie globale environ 4 millions d'hectares (Ministère Eaux et Forêts, 2016). Parmi celles-ci, il ne reste plus que 1,3 millions d'hectares de forêts encore non dégradée selon la SODEFOR. Cependant, malgré des ressources limitées, les responsables de la SODEFOR estiment avoir doté à 61% des forêts classées du pays depuis 1993, d'un plan d'aménagement et réalisé le reboisement de 210.000 hectares de forêts en 50 ans. Toutefois, le bilan de la gestion du couvert forestier est mitigé. De plus, la SODEFOR a perdu la quasi-totalité de son acquis en raison de la crise socio- politico-militaire de 2002 à 2011, qui a secoué et divisé en deux le pays. Selon les experts de la SODEFOR, plus de deux millions d'hectares de forêts, soit 113 forêts classées qui étaient situées en zone contrôlée par la rébellion au Nord, ont été pillées par une exploitation anarchique, créant des dégâts importants (Communication SODEFOR, septembre 2016).
Cela dénote du niveau de dégradation de nos forêts. Il faut noter que cette situation de perte à grande vitesse des forêts ivoiriennes n'est pas un phénomène récent. Depuis des décennies l'alerte avait été lancée et les statistiques estimaient en 1997 cette dégradation à 30% de la superficie totale des forêts classées des zones forestières et pré forestières comprenant 149 massifs pour environ 2.715.000 hectares.
Pourtant, les droits d'usage portant sur les fruits et les produits forestiers sont limités. Il s'agit du ramassage de bois morts, de la cueillette des fruits et des plantes alimentaires ou médicinales, de l'exploitation des bois d'industrie et de service, des parcours des animaux. Dans ces forêts classées, l'exploitation est subordonnée à la délivrance d'un permis d'exploitation indiquant les conditions de cette exploitation (cahier des charges). Toutes ces dispositions sont prises dans l'optique de pérenniser l'existence des forêts car les forêts jouent un rôle important dans l'évolution des sols, de la faune, de la flore, du cycle de l'eau, de l'équilibre du milieu et même de la production agricole. De nos jours, la caractéristique essentielle actuelle de ces forêts classées est la succession de formations végétales souvent associées : forêt dense fermée, forêt dense ouverte, forêt dégradée, association forêt-culture, cultures, friches et jachères.
Les résultats de l'étude réalisée (2009) par Société française de réalisation d'étude et de conseil (Sofreco) par système de télédétection des forêts classées en Côte d'Ivoire entre 1998 et 2008 révèlent une véritable dégradation de celles-ci. Les forêts fermées de certains domaines forêts classées auraient même disparu avec l'évolution du temps. Il s'agit des forêts de Go Bodiénou (61 642 ha), Irobo (40 864 ha), Mopri (32 300 ha), Téné (30 036 ha).
Ces mêmes statistiques indiquent également que sur l'ensemble des forêts classées sous la gestion de la SODEFOR, seulement une soixantaine (60) de forêts classées en-dessous du 8ème parallèle dispose d'un plan d'aménagement rédigé dont une dizaine en application ou exécution. La plupart des forêts classées au nord du pays sont délimitées sur des plans mais pas ou partiellement délimitées sur le terrain.
1.2. Le concept de l'étude
1.2.1. La forêt et la dynamique forestière
La question des relations entre la forêt et la dynamique forestière apparaît à l'heure actuelle comme un problème majeur dans les études touchant au développement rural des milieux tropicaux comme la Côte d'Ivoire. L'importance de cette question tient au fait que les évolutions environnementales actuelles imposent de profondes dynamiques dans le cadre forestier. Celles-ci se rapportent à la mobilité spatiale de la population agricole, aux modes de gestion des terres, aux modes d'accès à la terre, aux méthodes culturales, aux types de cultures, etc. Ces processus sont pourtant à l'origine de la dynamique des formations forestières et savanicoles. D'un point de vue environnemental, la disparition de l'écosystème forestier entraîne un blocage de nature structurelle du système agricole ivoirien. Léonard et al. (1996), indiquent en effet que l'épuisement des réserves forestières ne permet plus la reproduction de la société agraire par propagation des fronts pionniers. Celle-ci va devoir se faire dans un espace fermé, les paysans étant contraints de mettre en place des systèmes de production qui ne dépendent plus de l'existence d'un capital de” précédent-forêt», aussi bien en ce qui concerne les cultures vivrières que les cultures pérennes.
Des recherches approfondies doivent être entreprises sur les interactions qui existent entre la raréfaction des ressources naturelles, les dynamiques des forêts et l'évolution de l'espace rural. Comprendre la réalité de la mobilité spatiale de la population agricole me paraît indispensable pour comprendre l'évolution du milieu rural. L'analyse des données de recensement de la population (à différentes dates) et les données d'enquêtes socio-économiques sont susceptibles de renseigner sur les niveaux d'attractivité des différentes régions. L'impact du dynamisme spatio-temporel de la population agricole sur le paysage se traduit par une pression foncière variable suivant le type de milieu et le type de culture. À l'échelle du massif forestier, l'étude de l'évolution de l'occupation du sol permet de comprendre la dynamique spatio-temporelle des relations entre forêt et agriculture. L'évaluation du niveau de «réserve» des terres par habitant aboutit à la mise en évidence de milieux différents en termes de vulnérabilité. En effet, devant la raréfaction des ressources forestières dans certaines régions, les réserves forestières ne suffiraient pas à combler les besoins des populations riveraines. Ils se verraient obligées de pratiquer une agriculture très destructrice, laissant peu de temps de jachère au milieu. Dans un contexte de raréfaction des ressources forestières qui est celui de la Côte d'Ivoire, le couplage des données agro-forestières avec les données de télédétection sur les réserves forestières doit déboucher sur l'étude des risques de disparition des massifs forestiers. L'ampleur de ces risques est liée (entre autres facteurs) à l'implantation des villages, au poids de la population rurale en périphérie des îlots forestiers et aux aménagements et infrastructures. Ces risques sont sources de contrainte à la protection des forêts classées.
Pour Legrand (1998), il devient de plus en plus urgent de créer des politiques et des programmes pour limiter les effets négatifs de l'activité humaine sur l'environnement. L'auteur interpelle ici, les autorités sur la menace de la dégradation de l'environnement occasionnée par les diverses actions et activités de l'homme. Pour mieux prendre en compte la question latente des relations entre dynamiques des forêts et mutations environnementale.
Dans le rapport final du Profil Environnemental de la Côte d'Ivoire (2006), Halle B.etal,dressent les conclusions de la synthèse des différents aspects environnementaux de la Côte d'Ivoire.
a-Une solution également adaptée aux études phénologiques
En complément des inventaires statiques des surfaces forestières (cartographie menée la plupart du temps à partir d'inventaires floristiques), il est apparu nécessaire de comprendre et de caractériser leur mode de fonctionnement à des échelles régionales ou continentales, sur des périodes saisonnières ou interannuelles. Depuis une vingtaine d'années, la télédétection spatiale a donc été appliquée à l'étude des écosystèmes africains dans divers domaines : suivi phytosanitaire de la végétation, détection des feux, mesure de la dégradation forestière (Achardet al., 2002). De nombreuses recherches se sont d'abord portées sur la recherche de correspondances entre certaines phases végétales et les caractéristiques radiométriques observées, le comportement spectral d'un objet variant selon sa nature. Celui de la végétation évolue en fonction des saisons, mais aussi de l'état sanitaire de la plante (Bonn et Rochon, 1993). Le rayonnement solaire incident reçu par une surface peut être réfléchi,transmis ou absorbé par celle-ci, en différentes proportions selon la longueur d'onde, la géométrie d'observation, la nature et la structure des objets composant la surface. C'est la réflectance qui est finalement captée par les satellites d'observation de la Terre.
Pour une géométrie d'observation donnée, celle-ci varie principalement en fonction de la quantité de biomasse verte (qui peut être caractérisée par un indice foliaire), du taux de recouvrement par la végétation ainsi que de la nature et de la structure (rugosité) du sol. On peut en fait distinguer trois grands domaines spectraux en fonction des processus biochimiques différents des feuilles :
Le visible(400-700 nm) est une bande du spectre de forte absorption du rayonnement lumineux par les pigments foliaires. Les feuilles présentent une réflectance et une transmittance faibles, avec un maximum de réflectance vers 550 nm (bande spectrale du vert). La chlorophylle, en moyenne dix fois plus nombreuse que les autres types depigments dans une feuille saine, possède deux bandes d'absorption dans le bleu (430-450 nm) et le rouge (640-660 nm), et masquent les pics d'absorption d'autres pigments foliaires comme les caroténoïdes (vers 450 nm).
Le domaine proche infrarouge(700-1300 nm) se distingue parce que la fraction de rayonnement absorbé par la feuille est très faible et présente peu de variations. Les pigments foliaires étant transparents à ces longueurs d'onde, le niveau de réflectancedépend essentiellement de la structure anatomique des feuilles (réflexion de surface, diffusion interne intercellulaire, contenu en eau).
Le moyen infrarouge(1300-2500 nm) est, comme le visible, une bande de forte absorption du rayonnement électromagnétique. Les propriétés optiques sont affectées essentiellement par l'eau des feuilles, mais aussi par les composés biochimiques des tissus foliaires (lignine, cellulose, protéines) qui constituent la matière sèche. Les principales bandes d'absorption de l'eau se situent vers 1200, 1450, 1940 et 2500 nm, mais même entreces bandes (1650 et 2200 nm), l'absorption par l'eau n'est pas nulle.
Mais toutes ces propriétés électromagnétiques fluctuent selon l'espèce, le stade de croissance et la géométrie de la feuille. La composition floristique du couvert forestier influence la réponse satellitaire de manière importante, puisque la radiance varie non seulement suivant la structure et la couleur du feuillage, mais aussi suivant l'assemblage des cimes. Cette réponse n'est pas constante au cours de l'année et varie suivant l'état physiologique du peuplement végétal. La notion de signature spectrale n'est donc pas exacte car en fait, elle correspond à un assemblage d'éléments divers et non pas un ensembled'objets identiques. Ainsi, l'inclinaison des feuilles varie en fonction du type de végétation, mais aussi du stade de croissance et parfois même de l'heure de la journée. La hauteur du couvert et la taille des feuilles conditionnent aussi les probabilités de transmission et d'interception des photons dans le couvert. La structure d'un couvert végétal est en fait le facteur le plus important qui conditionne le champ de rayonnement tridimensionnel à l'intérieur de celui- ci et qui explique la variation directionnelle de la réflectance observée (Knyazikhinet al., 1998). Lorsqu'il atteint le couvert végétal, le rayonnement électromagnétique qui a été transmis par l'atmosphère interagit avec les différents éléments aériens qui le composent (feuilles, troncs, branches, tiges) et avec le sol sous-jacent. La dépendance directionnelle du rayonnement réfléchi est donc essentiellement déterminée par lastructure du couvert (arrangement spatial des différents organes aériens) et la rugosité du sol sous-jacent. L'étude des spécificités spectrales de la flore permet donc l'analyse physiologique de la couverture végétale, à partir de la télédétection et d'indices plus ou moins calés sur les propriétés optiques des milieux végétaux. Mais la couverture végétale (notamment la canopée pour les milieux forestiers) demeure le facteur dominant et le plus facilement accessible par la télédétection optique, sans qu'il soit toujours possible d'aller au- delà de cette seule vision simplifiée. Cela peut donc amener à certaines confusions car une couverture végétale pourtant très dense n'est pas toujours associée à un milieu arboré (Photo 1)
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(Créditphoto, ANOGBRO P., Août2019)
Plus récemment, la télédétection a également permis de spatialiser certains paramètres structuraux forestiers pour ainsi initialiser les modèles simulant leur dynamique et fonctionnant à des échelles supérieures à celles de la mesure de terrain (Kasischke et Christensen, 1990 ; Chave, 1999). Mais la mise au point d'une méthodologie générale d'extraction d'information quantitative à partir des mesures satellitaires passe aussi par la compréhension, et donc la modélisation, de l'interaction entre l'onde électromagnétique et les constituants de la surface (sol ou/et végétation) : modèle de réflectance dans le domaine optique et proche infrarouge, ou de rétrodiffusion dans le domaine des micro-ondes actives. Il s'agit donc d'une étude de compréhension préalable à la restitution des paramètres de surface par inversion de ces modèles, ce que les physiciens appellent ‘problème inverse' (Proisy,1999). La plupart du temps, cette inversion ne peut être résolue de manière analytique et doit donc être analysée comme une optimisation pendant laquelle est recherché un jeu de valeurs des paramètres décrivant la surface observée qui explique ‘au mieux' les observations satellitaires.
b-La notion spécifique de formations forestières anthropiques
La définition de la forêt tient donc obligatoirement compte de l'emprise humaine qui intervient sous de nombreuses formes. Un peuplement forestier tropical est en effet souvent le résultat d'une organisation basée sur les besoins de l'exploitation du couvert ligneux et/ou de son espace propre. Les formations forestières anthropiques regroupent notamment les jachères et les diverses cultures pérennes et annuelles à différents stades de maturité. Il convient aussi de distinguer les formations post-culturales qui évoluent vers des brousses secondaires puis vers des forêts secondaires, avec des cultures pérennes et un couvert arborescent dont le sous-bois est entretenu. Il faut alors plutôt parler de type de répartition résiduelle de la forêt. Les plantations forestières (ou forêt de plantation) sont en revanche des forêts établies par plantation et/ou semis dans un processus de boisement ou reboisement. Elles se composent d'espèces introduites ou, dans certains cas, d'espèces indigènes. Finalement, un mélange étroit existe en zone guinéenne, entre la gestion humaine des espaces forestiers qui explique certaines transitions franches entre zones forestières, et certaines discontinuités peu visibles constituées par des gradients écologiques complexes(Van Rompaey, 1993).
Ces différents éléments sont dépendants de l'usage agricole de la forêt, que l'on peut définir sous le terme d'agroforesterie, soit l'ensemble des surfaces boisées dans une zone principalement agricole, cet espace formant un agro-système forestier. Mais le terme d'agro- foresterie est plus une construction sémantique qu'une réalité tropicale (Dupriez et De Leener, 1993). Le terme d'agriculture multiétagée devient plus approprié dans le contexte tropical où la gestion des terroirs répond véritablement à une gestion tridimensionnelle des champspuisque l'étagement est physique, chronologique, écologique, fonctionnel et économique. Hallé (1992) rappelle en effet que dans toutes les régions tropicales, les paysans savent créer, gérer et exploiter des systèmes agroforestiers qui cumulent dans un même volume troisactivités que les occidentaux séparent : l'agriculture, l'élevage et la foresterie. Il s'agit d'une utilisation intensive de la terre, avec une grande diversification agricole. Dans ce cadreagronomique, les cycles culturaux diffèrent et donc se chevauchent. Le calendrier agricole peut alors devenir extrêmement complexe puisque lié aux cycles végétatifs, à la gestion évolutive de la biomasse culturale sur le moyen et le long terme, aux travaux agricoles variés. L'organisation du travail est donc complexe mais cependant relativement souple puisque basée sur différentes activités potentielles. L'aménagement spatial du ‘champ forestier' n'est donc pas véritablement établi initialement mais traité comme une multitude de micro-parcelles et de micro-volumes dont les caractéristiques culturales et environnementales sont déterminées par l'arrangement des étages culturaux. Le choix entre pratique de complantation ou bien de culture pure repose sur les objectifs de l'exploitant et ses capacités de travail. Les exploitations monospécifiques peuvent être monofonctionnelles (une seule production, par exemple l'hévéa) ou plurifonctionnelles (plusieurs productions, exemple de la palmeraie avec fruits, palmes, sève). La monospécificité est essentiellement une conception née de la période coloniale. Elle repose souvent sur un défrichement intégral de la terre, un semis régulier avec une densité optimale, un apport de variétés à hauts rendements, une rectification minérale des sols, une mobilisation de la main d'œuvre et un changement des circuits économiques. Encore très récemment, les forestiers français qui ont fortement participé à la conception et à la direction de la politique forestière tropicale, considéraient la diversité et la richesse floristique des forêts comme ‘un handicap au planéconomique' (Carbiener, 1995). Mais cet auteur fait remarquer que l'ordre est un grand ennemi de la forêt et un non-sens écologique, surtout en domaine tropical. L'ordre apparent de la forêt est en réalité signe de fragilité, de déséquilibre et de pauvreté, donc de désordre écologique puisque ‘la complexité biologiqueest sacrifiée sur l'autel de l'ordre théorique et de la méthode'.
c-La patrimonialisation forestière
La patrimonialisation dans la gestion des aires protégées provient d'une réflexion scientifique dans laquelle la prise en considération des dimensionsmatérielle et immatérielle apparaît comme une condition intrinsèque de la gestion durable des forêts (Cormier Salem, 2005). La nécessité d'inclure ces deux facettes, la dimension naturelle et la dimension culturelle, dans l'analyse des conflits de gestion des forêts, oblige une réflexion approfondie sur les processusde « patrimonialisation » des espaces forestiers locaux et sur leurs effets (Godard,1980). Il s'agit d'attribuer un statut particulier à un bien dont la disparition constitue une menace pour les équilibres sociaux et écologiques. Pour Cormier et Roussel (2002), la notion de patrimoine est davantage revendiquée, lorsque le risque de la disparition des biens ayant une valeur se fait sentir. L'élan de protection d'un patrimoine répond donc au souci de sa préservation. À partir des propos Cormier et Roussel (2004 ; 2005), reconnaître à un objetune dimension patrimoniale, c'est lui attribuer deux particularités exclusives. D'une part, il doit être administré de façon à assurer son passage intergénérationnel,c'est-à-dire servir de courroie de transmission de valeurs entre plusieurs générations. D'autre part, il est censé être un élément significatif de la conscience collective. Dans cette optique, son statut ne se décrète pas, il est généralementrevendiqué comme tel par un ou des groupes sociaux. Selon Babelon et Chastel (1994), reconnaitre à un objet naturel comme patrimoine, c'est vouloir lui attribuerdeux caractéristiques essentielles, à savoir pouvoir faire l'objet d'une « consciencepatrimoniale » et bénéficier d'une assurance de gestion « intergénérationnelle ».En effet, la notion de patrimoine permet de définir l'une des facettes de la gamme de rapports que les sociétés entretiennent avec la nature. Dans cetteperspective, le concept de patrimoine naturel permet de restituer l'évolution desliens entre les registres patrimonial, territorial et social (Cormier-Salem, 2005). Pour reconnaître cette transmissibilité entre les générations, la démarche patrimoniale part du principe d'une gestion négociée à travers un contrat social entre les parties prenantes (Andriananja et Raharinirina, 2005). Les ressources patrimonialisées suscitent, dès lors, des défis importants de conciliation entre la conservation de l'intégrité des forêts, les dynamiques de leur appropriation et les usages communautaires des ressources.Sous cet angle, notamment dans la perspective d'une vision critique des conditions de durabilité de la conservation de ces espaces forestiers, Di Méo (1991) identifie trois fonctions essentielles au patrimoine : la fonction identitaire,qui réfère au lien social et à l'appropriation collective des ressources naturelles, la fonction valorisante, qui renvoie aux retombées économiques et à l'enchérissement du foncier (transactions foncières), et la fonction légitimant, qui est reliée aux sens que les acteurs attribuent à leurs actions, favorables ou non,aux modes de conservation étatique. L'approche de gestion patrimoniale des ressources naturelles situe ainsi l'enjeu des politiques forestières entre une pluralité d'acteurs qui manifestent souvent des intérêts divergents au sujet de la gestion locale d'une même ressource (Cormier-Salem et Roussel, 2004). En Afrique tropicale, le statut coutumier des terres est l'une de ces formes de patrimoine culturel. À ce processus de patrimonialisation considéré comme endogène, se greffe un processus opposé, qualifié d'exogène (Cormier-Salem etRoussel, 2004). Ce dernier, composé en général de réserves forestières et de la faune, de réserves intégrales et de parcs nationaux, constitue l'objet central des politiques patrimoniales des États. Les relations entre ces constructions patrimoniales et le territoire est un facteur déterminant pour l'analyse des politiques forestières et du développement durable des communautés concernées par les dites politiques. À l'intérieur de cette étude, la notion de patrimonialisation des forêts permet de comprendre les facteurs qui opposent les composantes de la stratégie exogène de conservation forestière de l'État et le mode endogène du rapport des populations locales à la forêt, ainsi que les relations intercommunautaires qu'elle créée. Du reste, l'approche patrimoniale permet, outre les fonctions et les caractéristiques déjà mentionnées, d'appréhender les conditions de conciliation et d'arbitrage des impératifs d'une durabilité forte (conservation-développement), priorisée par la politique environnementale de l'État et une durabilité faible (appropriation-transmission), dans la logique de résistance des communautés locales de la forêt classée de l'Anguédédou aux pratiques de la SODEFOR.
d-L'Homme au centre des dynamiques forestières
Ces connaissances environnementales doivent être complétées en fonction destransformations du milieu depuis les trente dernières années, comme par exemple la conquête des parcelles en jachère depuis les années 1970 parChromolaena odorata(Gautier, 1992). D'un point de vue écologique, il faut tenir compte des profondes variations hydroclimatiques enregistrées régionalement, changements qui pourraient influencer les évolutions phytogéographiques à moyen et long terme (Chave, 1999 ; Bigotet al.2002). La déforestation et la dégradation des forêts sont aussi influencées par une gamme de problèmes structurels liés au système économique international ainsi qu'aux caractéristiques socio-économiques du pays lui même (Chaléard, 1994). Il faut prendre en compte l'importance du facteur anthropique dans ladégradation des espaces forestiers. L'Afrique Occidentale a connu depuis plusieurs décenniesune croissance urbaine accélérée, entraînant de nombreux bouleversements dans les campagnes. Cette évolution est surtout marquée par la transformation des cultures vivrières en cultures à butcommercial. Le cas ivoirien, par ses singularités autant que par sa conformité à un modèled'ensemble africain, est représentatif de cette mutation. Toutefois, il demeure difficile de définirune exploitation agricole en Côte d'Ivoire. On retient la définition développée par J.L. Chaléard (1994) :‘l'exploitation est une unité de production, constituée par des parcelles de cultures permanentes ou temporaires. Le planteur est en priorité un producteur de café ou de cacao destinés à l'exportation'.
1.2.2. La théorie des systèmes
La théorie générale des systèmes est l'étude interdisciplinaire des systèmes. Un système est un conglomérat cohésif de parties interreliées et interdépendantes qui peuvent être d'origine naturelle ou humaine. Chaque système est délimité par l'espace et le temps, influencé par son environnement, défini par sa structure et son objectif, et exprimé par son fonctionnement. Un système peut être plus que la somme de ses parties s'il exprime une synergie ou un comportement émergent (Durand, 1979).
La modification d'une partie d'un système peut affecter d'autres parties ou l'ensemble du système. Il peut être possible de prévoir ces changements dans les schémas de comportement. Pour les systèmes qui apprennent et s'adaptent, la croissance et le degré d'adaptation dépendent de la façon dont le système est engagé avec son environnement. Certains systèmes prennent en charge d'autres systèmes, en conservant l'autre système pour éviter les pannes. Les objectifs de la théorie des systèmes sont de modéliser la dynamique, les contraintes, les conditions d'un système et d'élucider des principes (tels que le but, la mesure, les méthodes, les outils) qui peuvent être discernés et appliqués à d'autres systèmes à tous les niveaux d'imbrication, et dans un large gamme de domaines pour obtenir une équifinalité optimisée (Bertrand, 1978)..
La théorie générale des systèmes consiste à développer des concepts et des principes largement applicables, par opposition aux concepts et principes spécifiques à un domaine de la connaissance. Il distingue les systèmes dynamiques ou actifs des systèmes statiques ou passifs. Les systèmes actifs sont des structures d'activité ou des composants qui interagissent dans les comportements et les processus. Les systèmes passifs sont des structures et des composants en cours de traitement. Par exemple, un programme est passif lorsqu'il s'agit d'un fichier disque et actif lorsqu'il s'exécute en mémoire. Le domaine est lié à la pensée systémique, à la logique machine et à l'ingénierie des systèmes. Le concept de géosystème, issu de la géographie soviétique, a été introduit en France par le géographe Georges Bertrand vers la fin des années 60 (Bertrand, 1968 ; Beroutchavili-Bertrand, 1978). Concept intégrateur, il inclut l'écosystème en prenant en compte, non seulement les interactions entre les systèmes vivants et leur environnement, mais plus largement, les interrelations entre le milieu biophysique et les activités des sociétés humaines. Concept unificateur, son objectif est en outre d'aborder de manière globale les rapports entre nature et société en s'appuyant sur une démarche systématique.
L'utilisation de l'approche systémique appliquée à l'étude d'un objet complexe défini à l'interface des sciences de la nature et des sciences sociales s'étant généralisée au cours de ces vingt dernières années, il était intéressant de s'interroger sur la valeur opérationnelle de ce concept dans le cadre des recherches interdisciplinaires examinées ici. Issu d'une discipline qui est elle-même à la jonction du physique et du social et né de la volonté de lutter contre le fractionnement des savoirs et des objets de recherche ainsi que du souci de trouver un nouvel ancrage spatio-temporel, le géosystème apparaissaita priori,comme une notion pouvant être logiquement revendiquée par les chercheurs impliqués dans les opérations pluri ou interdisciplinaires. Le dépouillement du corpus montre qu'il n'en a rien été et que rares sont les chercheurs qui ont utilisé le concept. Trois cas seulement ont été relevés ; ils sont le fait de géographes (Richaud, 1985 ; Muxart, 1987 ; Cohen, 1989). Par contre plusieurs tentatives d'utilisation de cette notion ont été signalées. Bien qu'elles se soient soldées par un échec et par son abandon, leurs auteurs ont en général insisté sur le fait que la problématique qui en était résulté avait enrichi leur démarche.
a-L'analyse du géosystème comme modèle d'analyse
Le concept de géosystème dont le terme fut employé pour la première fois en 1960 par le chercheur V. B. SOCHAVA fondateur de l'Institut Géographique de Sibérie et d'Extrême-Orient d'Irkoutsk, a été surtout développé en ex-URSS. Le premier ouvrage qui en traite s'intitule“ Définition de quelques notions et termes de géographie physique ” (Sochava, 1963, in Rougerie et Beroutchachvili, 1991) et il constitue un des ouvrages fondamentaux qui a permis de répandre très vite ce terme et cette notion en ex-URSS et à l'étranger. C'est d'ailleurs à Irkoustk que s'est tenu en 1971 un Symposium international sur le thème de la “ topologie des géosystèmes. “ Sur le plan épistémologique, le concept de géosystème s'inscrit dans un axe de recherche propre à la science du paysage ou “Landschaftovedenie” qui est née en Russie sous l'impulsion de géographes naturalistes tels que Berg, Visotski et Morosov (Beroutchachvili et Georges Bertrand, 1978) et s'est largement développée en U.R.S.S. Le premier colloque consacré à laLandschaftovedenies'est tenu en 1955 à Léningrad mais déjà, aux XVIIIe et XIXe siècles, les précurseurs de cette école dont la Russie s'est voulue le pays fondateur et l'ardent défenseur ytravaillaient. En effet, à la fin du XIXe siècle la question se posait de mettre en valeur les vastes steppes d'Ukraine et de Sibérie méridionale dont les fameuses terres à chernozems représententune source de richesses agricoles importantes. Ainsi, durant les vingt dernières années de ce siècle, le célèbre pédologue DOKOUTCHAEV élaborait le concept fondateur de “ Complexe Naturel Territorial ” ou C.N.T. qui privilégiait l'étude des sols et marquait le point de départ de la science du paysage.
Le fonctionnement d'un système est de nature hiérarchique ;loi de la conservation dessystèmes (hiérarchiquement organisé, un système doit assurer sa conservation, sa survie. Il intervient ici les notions d'étatstationnaireet d'homéostasie;loi du besoin devariété).La variété ou diversité d'un système est une conditionsine qua nondu maintien de son équilibre, de sa stabilité dynamique. La diversité est liée à la richesse des composantes du système considéré et à leurs interactions ;loi del'évolutiondes systèmes.Lesystème complexe, organisé (structuré et fonctionnel), diversifié et biocénotiquement stable (stabilité dynamique) évolue, dans le temps, vers toujours plus de complexité. L'approche systémique englobe, par définition, l'ensemble des éléments du système considéré. L'examen du «systèmerural» permet d'illustrer les portées respectives des deux approches. Ce système peut être subdivisé en six sous-systèmes, à savoir les écosystèmes caractéristiques de la région, qui déterminent les potentialités de la production. Ensuite, le système de production proprement dit et l'aménagement intégré du territoire où s'inscrit le système de production considéré. Enfin, les caractéristiques socio-économiques du milieu dont dépendent les conditions de vie de la population, les catalyseurs internes et les les catalyseurs externes.
Alors que l'approche écosystémique se limite à l'écosystème, l'approche systémique, elle, englobe l'ensemble des composantes du système rural, à savoir ses six sous-systèmes. Or, tout réductionnisme est un obstacle à la solution des problèmes complexes qui se posent dans l'environnement, et par voie de conséquence, s'oppose au développement durable. Beaucoup d'études s'intéressent au contexte dans lequel population et environnement interagissent. Le contexte, vu comme un médiateur des interactions, détermine les réponses possibles à l'accroissement de la population (des changements technologiques, des migrations, des dégradations environnementales, etc.).
D'après Marquette et Bilsborrow (1997), cette approche peut permettre de montrer que la démographie et l'environnement des pays en développement sont très influencés par la politique et l'économie internationales. Les grands problèmes environnementaux internationaux sont le résultat de modèles de développement. Les approches systémiques de la relation population-environnement considèrent les interactions entre le système humain (socioculturel, démographique et économique) et le système écologique, au sein d'un système plus vaste : le système socio écologique (Deutsch, 1974, p.10). Ce sont les approches les moins contraignantes conceptuellement mais les plus délicates à mettre en œuvre.
Puis, très tôt, le géosystème est devenu plus qu'un concept, à la fois une unité spatiale et un objet d'étude du paysage et de sa complexité et il a eu un large écho en France par l'intermédiaire de deux géographes G. Bertrand et J. F. Richard. Avec eux d'autres auteurs ont contribué à étendre l'espace d'application et approfondir le champ de recherche de ce concept qui se distingue de celui d'écosystème par une approche plus large, plus globale et moins hiérarchisée (G. Bertrand, 1968, 1978, 1982, 1984 et 1986). En jetant les bases de l'approche systémique, la notion d'écosystème, antérieure à celle de géosytème, lui a permis de s'inspirer d'une partie de ses fondements pour aller plus loin dans l'étude des systèmes en intégrant un plus grand nombre d'éléments. Au sein du géosystème, l'étude des relations existant entre les constituants biotiques et abiotiques n'est conditionnée par aucune hiérarchie à l'inverse de l'approche écosystémique qui privilégie les éléments biotiques. Ainsi, durant les vingt dernières années de ce siècle, le célèbre pédologue Dokoutchaev élaborait le concept fondateur de “ Complexe Naturel Territorial ” ou C.N.T. qui privilégiait l'étude des sols et marquait le point de départ de la science du paysage.Landschaftovedenieou science du paysage et topologie des géosystèmes ou géotopologie ont joué le rôle de “ passerelle ” entre complexes et systèmes comme le précise le chercheur sibérien Krauklis au Congrès International de Géographie de Paris en 1984 (Rougerie, 1991 p 55 ) : “ le développement d'une conception dynamique en rapport avec l'objet paysage est devenu le point de départ permettant de traiter un complexe géographique naturel comme un géosystème... le géosystème doit être étudié comme un système ”. Ce qui correspond au concept qu'en avait donné (Sochava 1978 p145, in Rougerie et Beroutchachvili, 1991) dans son ouvrage fondamental “ Introduction à la science des géosystèmes ”. On est ainsi passé du complexe au système comme l'indique le titre d'une publication de Beroutchachvili et Bertrand (1978) “ Le Géosystème ou “ Système territorial naturel ” qui les unissent et les régissent. Pour Beroutchachvili et Georges Bertrand (1978) “ l'écosystème représente une approche biocentrique et métabolique dans laquelle les éléments non vivants sontsubordonnés au milieu vivant au cours du processus de la photosynthèse et de la chaîne trophique. ” La page suivante présente trois figures indiquant la signification d'un géosystème, les diverses relations qui caractérisent ses éléments et sa comparaison avec l'écosystème. Si certaines études du paysage ont abouti à la réalisation d'organigrammes méthodologiques (Panareda Clopés, 1973, Amat et Hotyat, 1984), l'approche systémique est intrinsèquement orientée vers la modélisation.
La figure n° 1 montre comment le C.N.T. s'articule avec l'écosystème et le géosystème. Dans le premier cas (a), l'écosystème marginalise certains éléments du C.N.T. tels que l'aéromasse, l'hydromasse et la lithomasse et s'identifie donc comme un système partiel. En revanche, dans lesecond cas (b), le géosystème englobe le C.N.T. dans toute son entité et le lie à l'actionanthropique alors que celle-ci n'est pas prise en compte dans l'écosystème.
La figure n° 2 indique clairement l'intérêt prioritaire porté aux éléments vivants dans un écosystème qui dans toute son entité devient une partie seulement du géosystème.
(Figure 3 et 4).
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Figure 3 : La relation d'emboitement entre les deux entités : écosystème, Complexe Naturel Territorial (CNT).
Source:beroutchachvil
La figure n° 1 illustre le niveau de prise en compte des éléments biotiques et abiotiques, de l'action anthropique ainsi que la place qu'ils occupent dans le géosystème. Biotope, biocénose et action anthropique sont les trois volets d'un objet d'étude envisagé dans son intégralité. Le géosystème, et sur lequel ils exercent une action capable de modifier son état (structure et dynamique). Ces deux volets sont tous caractérisés par des laisons réciproques qu'ils assurent entre eux.
Dans le premier cas (a), l'écosystème marginalise certains éléments du C.N.T(Complexe Naturel Territorial) tels que l'aéromasse (la voute forestière), l'hydromasse et la lithomasse et s'identifie donc comme un système partiel. En revanche, dans le second cas (b), le géosystème englobe le C.N.T. dans toute son entité et le lie à l'action anthropique alors que celle-ci n'est pas prise en compte dans l'écosystème.
Figure 4 : L'essence complexe du géosystème et le réductionnisme biocentrique de l'écosystème, selon mon inspiration.
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Source : In milieu naturel
K : climat ; W : eau ; R : Relief ; PL : pédo-et lithosphère; B : biosphère; G : société
La figure n° 2 indique clairement l'intérêt prioritaire porté aux éléments vivants dans un écosystème qui dans toute son entité devient une partie seulement du géosystème. Elle montre aussi comment le CNT qui privilégiait l'étude des sols et marquait le point de départ de la science du paysage ; il s'articule avec l'écosystème et le géosystème.
La classification des unités spatiales du géosystème, à l'image des poupées russes, est établie par des emboîtements d'échelle suivant une structure horizontale. Un géosystème s'étend de plusieurs centaines de kilomètres carrés à quelques kilomètres carrés. Il comprend les sous-unités suivantes :
-le géofaciès, unité paysagère de quelques hectomètres carrés à quelques décamètres carrés, pouvant atteindre quelques kilomètres carrés ; d'aspect plus homogène que le géosystème et comme toutes ses sous-unités, il se définit par sa propre physionomie, sa propre masse et son énergie interne ;
-le géotope, de quelques décamètres carrés à quelques mètres carrés, s'inscrit dans le géofaciès en délimitant les communautés végétales spécialisées (une clairière par exemple) et -l'écotope, de quelques mètres carrés à quelques décimètres carrés, pouvant être représenté par un rocher ou un buisson.
La structure verticale est organisée par superposition degéohorizonsdont la hauteur, la masse et l'énergie varient suivant les milieux :
-le niveau aérien ou supérieur ;
-le niveauvégétaloù l'on observe un accroissement sensible de la masse totale est subdivisé en strates ;
-le niveaupédologiquecaractérisé par une élévation continue de la masse globale proportionnelle à l'augmentation des densités est subdivisé en horizons et -le niveaugéologiquecorrespondant à la roche mère où la masse se stabilise.
Le géosystème est composé au minimum de deux géofaciès ou d'une série de géofaciès formant alors une sorte de “ mosaïque ” ou de “ puzzle ” et qui assurent entre eux des relations étroites en termes de transferts de matière et d'énergie. Dans le fonctionnement global du géosystème, la circulation de ces flux peut être résumée comme suit :
-les transformations de l'énergie solaire (ensemble du bilan thermique et radiatif du géosystème). Une très faible part de cette énergie est utilisée pour la photosynthèse (moins de 2 % en moyenne),
-les transformations de l'énergie gravitationnelle comprenant la circulation de l'eau, la chute des feuilles et les divers processus érosifs liés à la gravité (éboulements, glissements de terrain, solifluxion, reptation, etc.),
-les cycles biogéodynamiques qui commandent les échanges qualitatifs et quantitatifs de matière (cycles biogéochimiques de l'oxygène, de l'azote, du carbone, du silicium, du calcium, etc.) et dont les transformations de la matière vivante par humification et minéralisation, et les divers processus d'encroûtements constituent le moteur,-les processus géomorphologiques liés à l'érosion qui modifie les modelés et les volumes rocheux et participe à l'évolution des formes du relief,
-les mouvements de la masse aérienne (fréquence et intensité des vents, changements de température et de pression atmosphérique (ascendance frontale, orographique, thermoconvection etc.).
b-Composantes du modèle conceptuel de gestion géosystémique de l'Anguédédou
Le Modèle conceptuel de gestion géosystémique de l'Anguédédou proposé, comprend quatre sous- systèmes en interaction dynamique tel que le sous-système Acteurs, le sous-système Ressources, le sous-système Usages et le sous-système Institutions. Ces sous-systèmes et leurs éléments caractéristiques sont présentés dans le tableau 2 suivant.
Tableau 2:Sous-systèmedu modèleconceptuel de gestion géosystémiquede L'anguédédou
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Source : nosenquêtes2019
Figure 5 : Représentation dynamique des sous-systèmes du modèle conceptuel de gestion
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Source : nosenquêtes,2019
Toutes ces representations traduisent des interactions entre elles. Le géosystème forestier au centre de cette action, entreprend des échanges dynamiques des acteurs entre dynamique institutionnelle, dynamique des usages et dynamiques des ressources. Elles sont dependante les unes des autres. Qu'en est il des sous-systèmes acteurs dans la dynamique des couverts forestiers.
c-Sous-système Acteurs
Ce sous-système s'intéresse aux acteurs utilisateurs des ressources forestières et/ou de l'espace forestier (populations locales, exploitants forestiers, touristes, chercheurs) et aux acteurs dont les activités affectent l'élaboration ou la mise en place des politiques et lois forestières en Côte d'Ivoire (Gouvernement, Bailleurs de fonds). Ce sous-système porte également sur la compréhension de la dynamique des différents groupes d'acteurs en présence ainsi qu'à la prise en compte des intérêts, valeurs et perceptions de ces acteurs.
Pour faciliter la compréhension du modèle conceptuel de gestion écosystémique des forêts, ce sous-système a été divisé en deux, soit les acteurs utilisateurs des ressources forestières (sous- système Acteurs) et les acteurs institutionnels (sous-système Institutions).
À l'échelle locale (Sud de la Côte d'Ivoire), le sous-système Acteurs est formé de trois groupes d'acteurs : les populations locales, les exploitants forestiers et les autres utilisateurs (ONGs, chercheurs, touristes). Ces acteurs interagissant dans le domaine de dynamique forestière sont representés par la figure 6 ci-dessous.
Figure 6 : Représentation de la dynamique du sous-système « Acteurs »
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Pour illustrer la dynamique interne du sous-système Acteurs, nous avons retenu la sous composante « populations locales ». Cette illustration est basée sur les résultats obtenus sur la participation des populations locales à la foresterie communautaire et les implications des changements institutionnels sur le système d'action locale de l'Anguédédou. Ces travaux ont mis en évidence le rôle et l'importance des normes sociales dans la structuration des rapports des populations à la forêt classée de l'Anguédédou et à la gestion des forêts communautaires. Les valeurs et intérêts des acteurs ainsi que leurs perceptions de la forêt ont été identifiées comme des paramètres déterminants de leur participation effective à la gestion forestière à l'échelle locale.
Ces éléments doivent donc faire partie des paramètres à intégrer dans l'analyse de la dynamique des acteurs utilisateurs locaux des ressources forestières. En outre, sur le plan du pouvoir décisionnel local, deux pôles décisionnels ont été identifiés, autour desquels s'articulent des interactions d'acteurs en rapport avec la gestion des redevances forestières et la gestion des forêts communautaires. Finalement, pour favoriser la gestion géosystémique des forêts, ces travaux suggèrent de tenir compte non seulement des facteurs qui affectent la dynamique locale propre aux groupes d'acteurs (populations locales), mais aussi des interactions entre ces groupes et les autres groupes d'acteurs utilisateurs des forêts, tels les exploitants forestiers et les acteurs dont les activités affectent l'élaboration ou la mise en place des politiques et lois forestières au en Côte d'Ivoire (Gouvernement, bailleurs de fonds, ONGs environnementales). Les sous- systèmes acteurs entretiennent des rapports avec les sous-systèmes ressources.
d-Sous-système Ressources
Ce sous-système porte sur la caractérisation de différentes ressources forestières tant celles qui font l'objet d'appropriation et d'usages actuels que celles qui ne le sont pas. L'analyse de la dynamique des ressources est à faire pour mieux évaluer l'impact des prélèvements etpouvoir y apporter des réponses conséquentes. La dynamique des ressources est une dimension importante en gestion écosystémique des forêts. Elle interpelle non seulement l'évolution spatio-temporelle des ressources forestières, mais aussi et surtout le fonctionnement même des géosystèmes forestiers. Dans les forêts tropicales, la diversité des ressources (biodiversité) complexifie le fonctionnement de ces écosystèmes. Ainsi, chercher à cerner la dynamique du couvert forestier de l'Anguédédou pourrait constituer un programme de recherche en soit (voir figure 7).
Figure 7:Représentation de la dynamique du sous-système « Ressources »
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Tous les sous-systèmes ressources dans leur agissement, concomitent avec les sous-systèmes usages.
e-Sous-système Usages
Ce sous-système porte sur la caractérisation de différentes ressources forestières tant celles qui font l'objet d'appropriation et d'usages actuels que celles qui ne le sont pas. L'analyse de la dynamique des ressources est à faire pour mieux évaluer l'impact des prélèvements etpouvoir y apporter des réponses conséquentes. La dynamique des ressources est une dimension importante en gestion écosystémique des forêts. Elle interpelle non seulement l'évolution spatio-temporelle des ressources forestières, mais aussi et surtout le fonctionnement même des écosystèmes forestiers. Dans la forêt classée de l'Anguédédou, la diversité des ressources (biodiversité) complexifie le fonctionnement de ces géosystèmes. Ainsi, chercher à cerner la dynamique du couvert forestier de l'Anguédédou pourrait constituer un programme de recherche en soit.
À titre d'illustration, la Figure 6 donne une représentation des principales sous-composantes qui peuvent faire partie du sous-système Ressources.
Figure 8 : Représetation de la dynamique du sous-système « Usages »
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Source : Nosenquêtes,2019, Réalisation: ANOGBRO P., 2019
L'analyse de la sous-composante usages (usages par les populations locales, exploitation forestière industrielle) et spécifiquement les usages des ressources forestières faits par les populations locales, a conduit à l'identification de deux types de facteurs qui affectent la durabilité des usages locaux des ressources forestières. Ces facteurs agissent, en influençant le rapport des acteurs à la forêt ou en affectant directement les usages. La prise en compte de ces deux types de facteurs en gestion géosystémique de l'Anguédédou est donc importante pour atténuer l'impact des usages locaux sur la durabilité des forêts classées. Bien que les usages faits par les exploitants forestiers ne faisaient pas,nous soulignons tout de même que leur prise en compte aurait forcément introduit d'autres contraintes à considérer au modèle conceptuel. En effet, les moyens utilisés par les exploitants forestiers et les impacts potentiels de leurs activités d'exploitation forestière industrielle sur la durabilité des forêts sont plus importants que ceux des usages locaux des ressources forestières. En termes d'implications pour la gestion géosystémique, les résultats obtenus sur les impacts des usages locaux des produits forestiers non ligneux et des ressources fauniques invitent à réajuster les contraintes dans l'étape de spécification pour restreindre ou proscrire les usages de certaines de ces ressources les plus exploitées. Cette analyse des sous- systèmes usage donne part aux sous-systèmes institutions.
f-Sous-système Institutions
Le sous-système institution englobe les aspects relatifs à l'élaboration des politiques et lois forestières, à leur mise en application qu'à la coordination des activités de gestion forestière (aménagement, exploitation, contrôle, fiscalité, investissement). Ce sous-système inclut principalement cinq groupes d'acteurs institutionnels (Figure 7) qui interviennent dans l'élaboration et la mise en œuvre du cadre légal de la gestion forestière en Côte d'Ivoire ainsi que le suivi de sa mise en œuvre. Dans ce sous système, la dynamique institutionnelle est articulée autour de la Primature (Premier ministère) qui s'occupe de l'harmonisation et de la cohérence des activités gouvernementales parmi lesquelles le secteur forestier. La Présidence et l'Assemblée nationale interviennent dans la phase d'adoption et de promulgation des lois forestières alors que les ministères techniques comme le ministère des Forêts et de la faune (MINFOF) et le ministère de la Protection de la nature (MINEP) travaillent à l'élaboration des politiques spécifiques à leur département ministériel ainsi qu'au suivi de leur mise en œuvre, une fois les lois promulguées. Quant aux autres ministères, ils collaborent dans la mise en œuvre de la loi forestière à travers des responsabilités en gestion forestière assumées par leur personnel ou à travers la tutelle de certains organismes publics de gestion forestière. Ces ministères incluent le ministère de l'Économie et des finances (MINEFI) qui assure la tutelle du Programme de sécurisation des recettes forestières (PSRF) et le ministère de l'Administration territoriale et de la décentralisation (MINATD) qui est la structure dont relève les administrateurs (sous-préfets, préfets) ainsi que les maires qui coordonnent la mise en œuvre des lois forestières dans l'unité administrative sous leur responsabilité. Dans cette réalisation de la gestion durable de la farêt classée de l'Anguédédou actuellement en cours en Côte d'Ivoire, il n'y a pas de lien dynamique entre l'élaboration des politiques et des lois forestières à l'échelle nationale (dynamique institutionnelle) et l'utilisation des ressources forestières par les acteurs à l'échelle locale (dynamiques des acteurs et des usages locaux). Ainsi, malgré les bonnes intentions de la loi forestière de 1994 visant à responsabiliser les populations locales à la gestion forestière décentralisée et au développement local à travers la gestion des forêts, communautaires et des redevances forestières, ces populations sont dans leur majorité écartées du processus décisionnel sur les forêts communautaires et l'impact des retombées de cette forêt sur le développement local mitigé. Dans le même sens, la marginalisation des populations et la polarisation des processus décisionnels des forêts communautaires autour de deux acteurs (sous-préfet, maire) au lieu des populations locales illustrent autant de situations qui sont entretenues dans la preservation durable des forêts et dont la prise en compte institutionnelle (feedback, rétroaction, gestion adaptative) n'est pas effective. En gestion géosystémique, cette situationdevraient conduire à des ajustements institutionnels (arrêté, décision ministérielle, décret) pour cadrer l'objectif de départ qui est d'aider les populations à gérer elles-mêmes leur forêt. Les facilitateurs (sous-préfet, maire) devraient demeurer des facilitateurs. Un tel retour continuel aux objectifs (justification) pour réajuster les situations qui n'avaient pas étaient prévues par la loi forestière, intervient à toutes les phases de la gestion géosystémique (Figure 9) grâce au potentiel d'adaptation qui le caractérise (gestion adaptative).
Figure 9 : Relation fonctionnelle du sous-système « Institutions »
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Source : Nosenquêtes,2019, Réalisation: ANOGBRO P., 2019
Il est timportant que le sous-système Institutions soit flexible afin d'intégrer des ajustements qui se présentent pour assurer la gestion géosystémique. L'intégration pourra alors se faire à deux niveaux. Dans un premier temps, l'ntégration ascendante vise à intégrer, sur la base des changements institutionnels (arrêtés, décision, décret) inspirés des impondérables résultant de l'application locale de la loi forestière. Elle est non encadrée par un texte organique (Exemple : trouver une solution à la marginalisation de certains acteurs locaux au processus décisionnel des forêtscommunautaires. Situation créée par les normes sociales pour favoriser la participation de tous les acteurs comme suggérée par le concept de gestion durable des forêts). Dans un second temps, le sous-système interpelle la dynamique institutionnelle à prendre en compte les contraintes macro-économiques et politiques (conditionnalités des bailleurs de fonds, chute de prix des cultures d'exportation) dans la modulation du cadre légal de gestion forestière et l'application du concept de gestion durable des forêts classées. Les quatre sous-systèmes (acteurs, ressources, usages, institutions) qui viennent d'être présentés sont intégrés dans le modèle conceptuel représenté par la Figure 10. Dans ce modèle, chaque sous-système renferme des sous-composantes qui interagissent et les quatre sous-systèmes sont reliés entre eux par des interactions dynamiques. En outre, le modèle est relié et influencé par l'environnement international.
Figure 10 : Modèle conceptuel de gestion géosystémique de la forêt classée de l'Anguédédou
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Source:Rougerie,1980,Réalisation: ANOGBRO P.,2019
Les usages effectués dans le sous-système Usages ( figure 9) affectent la durabilité des ressources forestières du sous-système Ressources et cette relation est symbolisée par(1).La dynamique des ressources fournit un indicateur qui permet d'ajuster les usages en conséquence. En effet, La disponibilité ou la rareté d'une catégorie de ressources agit comme un signal pour autoriser ou interdire les usages selon les cas. Cette relation liant ainsi le sous-systèmeRessources au sous-système Usages est symbolisée par(2).
Le sous-système Institutions établit des lois et règlements qui encadrent les usages desressources. Ainsi, la relation qui lie le sous-système Institutions au sous-système Usages estde type réglementaire et elle est symbolisée par(3).Les usages ainsi réglementés génèrentdes recettes pour les Institutions gouvernementales qui disposent du droit de propriété sur lesforêts et la relation qui lie le sous-système Usages au sous-système Institutions est symbolisée par(4).
Le sous-système Institutions veille à la coordination des activités des acteurs impliqués dans le secteur forestier et aux arbitrages nécessaires pour assurer une gestion durable des forêts. Cette relation «Institutions-acteurs» est symbolisée par(5).Par ailleurs, le rapport qui lie le sous-système acteurs au sous-système institutionnel est essentiellement un rapport de pouvoir pour préserver les intérêts de certains groupes d'acteurs utilisateurs des ressources forestières et disposant de plus de pouvoir que les autres. Ce rapport «Acteurs-Institutions» est symbolisé par(6).Pour illustrer ce type de relation, nous pouvons nous référer aux aménagements qui ont été apportés à la Loi forestière ivoirienne qui interdisait l'exportation des grumes après 1999. Une ordonnance présidentielle a été émise pour ménager les exploitants forestiers étrangers dont les intérêts étaient menacés si l'interdiction d'exportation des grumes était appliquée dans la forme initiale. Dans le même sens, les groupes environnementaux internationaux exercent aussi la pression sur le système institutionnel pour faire valoir la cause de la conservation de la biodiversité.
Les acteurs du sous-système Acteurs prélèvent différentes ressources dans le sous-système Ressources et ce rapport est symbolisé par(7).Le sous-système Ressources agit comme une réserve dans laquelle les acteurs viennent prélever le type de ressources forestières dont ils ont besoin. La relation « Ressources-acteurs » est •symbolisée par(8).Les acteurs font plusieurs usages des ressources prélevées. Cette relation acteurs-usages est représentée par(9).Il faut noter que ces usages répondent ainsi à des besoins variés exprimés par les acteurs (alimentation, vente) et la relation usages-acteurs est symbolisée par(10).Le droit depropriété des forêts appartient à l'État ivoirien et la relation Ressources-Institutions est une relation d'appartenance qui est représentée par(11).L'État (Institutions) s'occupe de la planification et de l'affectation des usages des ressources du géosystème forestier et cette relation Institutions-Ressources est symbolisée par(12).Qu'en est- il de la méthode de representation ?
1.2.3. La périurbanisation et ses effets
La périurbanisation désigne le processus d'extension des agglomérations urbaines, dans leur périphérie, entraînant une transformation des espaces ruraux. Elle est liée à l'arrivée d'une part de nouveaux habitants, dont une partie quitte les centres des agglomérations pour s'installer en périphérie, et d'autre part d'activités consommatrices d'espace (grandes surfaces, infrastructures de transport). La périurbanisation peut prendre appui sur les noyaux habités préexistants (villages, bourgs) et sur les grands axes de communication qui relient ces espaces aux espaces urbains initiaux. La périurbanisation commença à partir de la fin des années 1960 et du début des années 1970, dans des espaces qualifiés de ruraux. Phénomène relatif, aléatoire et mouvant, la périurbanisation recouvre plusieurs réalités. La périurbanisation avant d'être une définition statistique pouvait être une description de l'étalement urbain.
La périurbanisation n'est-elle qu'un sous-produit de l'étalement urbain ? Rien n'est moins certain. L'étalement peut, en effet, être compris de deux manières : celle d'une croissance incrementale et non-planifiée du développement urbain (European Environment Agency, 2006) ; celle d'une urbanisation dispersée indépendante des politiques d'aménagement (Bruegmann R., 2008 ; Reckien D., Karecha J., 2007). Galster et Hanson considèrent, quant à eux, qu'il y a étalement dès lors qu'au moins une des variables suivantes présente des valeurs faibles : densité, continuité, concentration, polarisation, nuclearité, multifonctionnalité, et proximité (Galster G.et al.,2001). Mais lesleapfrogspropres à la périurbanisation sont des sauts spatiaux dans le processus d'urbanisation, par-dessus des dispositifs réglementaires (ceintures vertes, zones inconstructibles). Ils se font souvent au bénéfice de villages existants de la périphérie (DeGrove J., Turner R., 1991). Ils relèvent bien de la périurbanisation et ne sont pourtant pas un simple étalement. Plus précisément, en Europe, l'achat avec réhabilitation ou non, avec transformation ou non de bâtiments existants dans des périphéries attractives (corps de ferme, maisons isolées, maisons de villages ou villages entiers) par des populations urbaines plutôt aisées, relève d'une périurbanisation sans étalement, sautant par-dessus des espaces moins attractifs pour des raisons foncières, paysagères, de transports ou autres. Un aspect fait toutefois consensus dans le champ de l'aménagement : la périurbanisation est avant tout un phénomène de croissance urbaine périphérique aux espaces urbains, associée à une logique de desserrement des agglomérations concernées. On parle aussi marges urbaines(urban fringes)(Adell G., 1999 ; McGregor D.et al.,2006).
C'est la conséquence à la fois d'un « désir de campagne » et de la disponibilité de l'automobile conjuguée à l'amélioration des moyens et des voies de communication, c'est-à-dire des facteurs de localisation. La périurbanisation peut parfois être accompagnée d'une « dédensification » de la ville-centre (phénomène des villes en déclin ou «shrinking cities» en anglais), quand il y a fuite des habitants du centre vers les communes périphériques (moindre coût du foncier et des locations, cadre de vie, ou sécurité jugée plus élevée parfois). Elle peut également être liée dans les pays du Sud à l'impossibilité d'accéder à la ville, et donc au report de l'exode rural aux périphéries des villes. La dynamique périurbaine engendre des effets très différents et séparés, même s'ils sont en relation (Clay G., 1994). Les segmentations spatiales finissent par créer des fragmentations sociales, alors que les populations périurbaines se regroupent dans une recherche d'entre-soi choisi, ou un entre- soi subi (Jaillet M. C., Rougé L., 2007). Le long des lignes à haute tension, à proximité de nuisances diverses (décharges, stations d'épuration, carrières, etc.) et dans les espaces les plus périphériques sans aménités particulières, se trouvent les zones résidentielles les plus abordables (Davis M., 2005). Sous l'effet des incitations publiques, des familles appartenant aux fractions les plus pauvres des classes intermédiaires y satisfont leur désir de maison individuelle, tout en devenant captives d’une localisation sous contrainte (Castel J.-C., 2007). Les maisons qu'ils habitent sont loin d’être en rapport avec leur rêve pavillonnaire initial. Ils ne cherchent paradoxalement pas à compenser cette « assignation à résidence » par une implication dans la vie locale. Ils s'en tiennent plutôt en retrait et développent un sentiment exacerbé d'abandon par le politique à hauteur de leurs désillusions (Lionel R., 2009).A contrario,les zones les plus plaisantes en matière d'environnement et les plus accessibles sont investies par des populations très aisées (Louargant S., Roux E., 2011). Cela se vérifie dans des lieux aussi différents que la côte méditerranéenne espagnole et la région parisienne, même si les mécanismes en jeu sont distincts. En Espagne, dans la Costa Blanca, Zasada a mis en évidence ce phénomène dans le cas de retraités en provenance d'Europe du nord (Zasada I.et al.,2010). Le phénomène est auto-entretenu, la réputation du voisinage augmentant encore l'attractivité de ces espaces. Ce phénomène est renforcé par le fait que sur l'ensemble du littoral méditerranéen, la pression sur le foncier joue un rôle majeur dans la dynamique de périurbanisation. Les marchés fonciers acquièrent une place déterminante, avec des stratégies spéculatives des propriétaires qui influant fortement sur les usages du sol dans le sens d'une résidentialisation généralisée (Martinez S., 2006). Dans l'imaginaire collectif, les zones favorisées du périurbain sont aussi associées à des lieux d'innovation, attirant investisseurs, entrepreneurs et créateurs (Scott A. J., 2000), ce qui favorise l'ancrage local des nouveaux résidents qui peuvent trouver un travail à proximité de leur lieu de vie. La Haute Vallée de Chevreuse, en région parisienne, avec son parc naturel régional et ses centres de recherche à Orsay ou à Saclay, représente l'exemple type de cette situation (Jabot D., 2007).
Cette fragmentation pose la question de la légitimité des institutions et des règles d'arbitrage entre les échelles territoriales et les intérêts collectifs sous-jacents (Rauws W., Van Dijk, T., 2013). Souvent, les règles d'urbanisme sont réinterprétées pour répartir les densités ou séparer l'habitat et les autres activités afin de préserver les qualités d'un environnement de proximité, mais seulement pour quelques-uns. Tel est le cas lorsque l'implantation d'espaces naturels ou d'espaces porteurs d'aménités de loisirs, dans des zones périurbaines déjà attractives accroît la fragmentation du périurbain. Ainsi, les parcs agricoles prévus par le Plan territorial de la province de Milan sont créés dans des zones périurbaines déjà prospères qui se distinguent ainsi encore plus des zones pauvres adjacentes (Branduini P., Scazzori L., 2011).
1.2.4. Les impacts et la gestion forestière
Depuis les années 1920, la croissance démographique de certaines régions ivoiriennes est indissociable du développement de la culture du cacao. Pour des raisons essentiellement historiques, liées à la colonisation, la culture du cacao a d'abord été entreprise à l'est de la Côte d'Ivoire dès les années 1920. Après la deuxième guerre mondiale, cette culture s'est étendue vers le centre du pays. La production cacaoyère y a connu un tel développement dans les années 1950 et 1960 que cette zone a été surnommée ‘la boucle du cacao'. A partir des années 1960, elle a pris un véritable essor dans le centre-ouest de la Côte d'Ivoire où de nombreux espaces forestiers ont été mis en valeur en moins de quinze ans (Chauveau et Richard, 1977). Très rapidement, le mouvement de colonisation foncière s'estamplifié et déplacé vers l'ouest et particulièrement le sud- ouest, suivre l'évolution dela population entre 1988 et 2000). Cette région peu peuplée connaît alors un mouvementd'ampleur considérable qui a ouvert plusieurs fronts pionniers et multiplié la population par 15en une douzaine d'années (Lesourd, 1982 ; Ruf, 1988 ; Schwartz, 1993 ; Ruf, 1994).
Malgré tout, cette dynamique s'est essoufflée vers la fin des années 1980 avec l'épuisement des ressources forestières. En fait, l'histoire de l'économie et de la démographie ivoirienne peut se résumer comme une succession de cycles de prospérité et de crises. F. Ruf (1988) explique qu'une région commence à émerger comme un pôle de production cacaoyère, attire les migrants et les capitaux, puis végète pour décliner au profit d'une autre zone encore peu exploitée et présentant des ressources forestières, et ainsi de suite.
Un cadre juridique très souple, plus indicatif que dirigiste, a largement impulsé cette dynamique. Le libre accès aux espaces forestiers et une politique d'immigration non restrictive ont largement favorisé le développement des exploitations. Il convient pourtant d'insister sur les conditions sociales et techniques qui ont accompagné le développement des exploitations cacaoyères à partir des années 1950. L'Etat s'étant adjugé la propriété des forêts, les droits coutumiers sur ces terres sont limités. Ces disponibilités foncières ont motivé l'afflux d'une main d'oeuvre très importante allochtone (majoritairement baoulé) et allogène (Burkina Faso, Mali).« Pour accéder à moindre coût àcette main d'oeuvre, il fallait pouvoir lui garantir àcourt terme la cession des réserves forestières.La capacitéde chaque planteur à développerrapidement son exploitation et àmaintenir un rythme d'accumulation élevé dépendaitdonc largement de soncontrôlesur ces réserveset des possibilités d'échangerce foncier contre du travail. Cetteéquivalenceterre-travail a alimentéune véritablecourse àla forêtet a favoriséla propagationtrèsrapide des fronts pionniers» (Léonard et Oswald, 1993). Le faible coût des facteurs de production privilégie les systèmes faisant appel à un capital technique limité (haches, machettes,) et à la culture sur brûlis, pour affecter la plupart des arbres sans les abattre et profiter de leur potentiel nutritif. Le système d'association de l'igname et du cacao s'impose rapidement. En effet, ce système représente un coût très limité, dans la mesure où la production vivrière rémunère une grande partie du travail effectué. Ensuite, le développement des bananiers puis des cacaoyers permet d'étouffer rapidement la végétation adventice, évitant ainsi un entretien fastidieux. Un travailleur peut ainsi planter 0,5 à 1 hectare de cacaoyers par an, tout en s'approvisionnant en vivrier. L'efficacité de ce système correspond à une exploitation minière agricole des forêts denses humides (Chaléard, 1994).
La crise entamée à la fin des années 1980 bouleverse le système. Face à la baisse des prix, les planteurs se trouvent en position plus ou moins favorable suivant la taille de leurs plantations. Cette baisse de la rentabilité joue en faveur de l'adoption de systèmes de cultures plus extensifs. D'ailleurs le comportement des planteurs est différent selon les types d'exploitations (Léonard et Oswald, 1993). Les grandes exploitations de plus de 20 ha ne remettent pas en cause la mono culture cacaoyère, et elles interviennent seulement sur la main d'oeuvre. Lorsque les contraintes foncières sont fortes (3 à 8 ha) il faut maximiser le revenu obtenu à l'hectare. Une telle stratégie n'est possible que lorsque les paysans disposent d'une force de travail familiale suffisante. Ainsi, cette stratégie est essentiellement mise en oeuvre parles producteurs d'origine burkinabais qui peuvent s'appuyer sur des réseaux familiaux ouvillageois leur assurant une force de travail stable et peu exigeante. Pour les planteurs qui disposent d'une main d'oeuvre familiale limitée et d'une plantation trop petite, la majorité des cas, la stratégie la plus adoptée consiste à accroître la surface de plantation par travailleur (Léonard et Oswald, 1993). Ainsi, il existe des conditions structurelles pouvant favoriser une évolution des paysages ivoiriens.
Les arbres constituent une ressource économique de première importance dans le budget de plusieurs états africains, notamment la Côte d'Ivoire. L'Etat ne cherche pas à développer des politiques cohérentes par rapport à l'exploitation forestière, dépossédant d'une part les autorités locales de leur pouvoir de contrôle, favorisant d'autre part un laxisme ne profitant le plus souvent qu'à des étrangers au terroir exploité. La priorité des Etats se limite souvent à quelques points : la réglementation forestière, la mise en défens de certaines forêts, les projets forestiers comme les pépinières ou les boisements en régie. Pour ce faire, la SODEFOR est créée en Côte d'Ivoire. Le regain d'intérêt de la communauté internationale en faveur de la préservation de l'environnement dans la perspective d'un développement durable se traduit par l'acquisition d'une plus grande autonomie de gestion des ressources qui lui sont confiées. Toutefois, le paysage a déjà irrémédiablement évolué et cette prise de conscience est très tardive. La dégradation accélérée qui a découlé de cette politique a eu pour résultat de réduire les superficies sylvicoles de 12 millions d'ha en 1960 à moins de 2,5 millions aujourd'hui, ceci notamment au profit d'une agriculture multi- stratifiée (Fairhead et Lech, 1998).
Il s'agit de multiples associations culturales qui se superposent sur une même parcelle.
Cela signifie que la gestion des ressources vivantes d'un terroir ou d'une parcelle doit tenir compte des synergies et des complémentarités entre espèces. Les champs multi-stratifiés se caractérisent par un espace cultivé dans lequel se trouvent exploitées ensemble plusieurs espèces qui participent à la production agricole, fourragère ou ligneuse. Ce sont des champs où l'exploitation du capital foncier est intensive et où les exploitants poursuivent simultanément plusieurs objectifs agricoles.
a-Forêt classée et environnements
Dans un sens plus large, l'environnement comme le milieu, est ce qui entoure un lieu. Il est ce qui constitue le cadre de vie des sociétés humaines. Ces deux termes incorporent donc, outre des éléments « naturels », les équipements variés que les sociétés ont introduits (habitats, usines, voies de communications, espaces cultivés etc.). Cet environnement, de ce fait, agit plus ou moins sur les forêts classées. Il a une dimension matérielle, physique, conçue en ce sens. Les notions de milieu et d'environnement privilégient les relations d'une société avec l'espace construit où elle vit. Parlant de rapport homme et milieu
) a élargi les perspectives en donnant un intérêt plus grand aux facteurs sociaux et ont étudié l'impact des actions de l'homme sur la forêt. On passe alors à une géographie active à partir d'une géographie des particularités et des typologies : l'équilibre homme-milieu avec les facteurs endogènes et exogènes. C'est donc l'étude des interactions entre les diverses sociétés humaines et leur environnement et les déséquilibres qui en résultent.
Bally A et Ferras R (2004), ont traité de la question de l'environnement et des forêts dans leur ouvrage. Abordant la question de l'environnement, les auteurs ont d'emblée fait un bref historique de cette notion dont le sens a considérablement évolué. De 1917, la notion de l'environnement qui se résumait en une plante, a été définit en 1964, comme l'ensemble des facteurs biotiques (vivants) ou abiotique (physico-chimique) de l'habitat.
Quant à la notion de forêt, Bally A et Ferras R (2004), affirment que c'est ce qui nous entoure. Plus loin, Ciattoni A et Veyret Y (2007), abordent le concept de couvert forestier comme l'ensemble des relations existant entre le cadre physique, de la place des facteurs naturels dans l'aménagement à différentes échelles spatiales. Pour les deux auteurs, le terme recouvre à la fois un couvert forestier (milieu naturel).
George P (1970), précise l'objet de l'environnement comme l'ensemble des rapports réciproques entre les groupes humains et leur domaine spatial, les interrelations qui lient les sociétés et le milieu dans lequel elles se situent.
COMOLET (1991), le terme d'environnement désigne « l'entour, c'est-à-dire un ensemble de choses et de phénomènes localisés dans l'espace ». Pour insister sur les interactions qui existent entre l'environnement et les activités économiques, l'auteur analyse la notion d'environnement, ses composantes et ses relations avec le système. Il choisit la définition de Passet R. 1998, qui l'amène à distinguer l'environnement naturel de l'environnement urbain.
Singer, (1975), et Serres (1990), selon eux, l'environnement constitue aujourd'hui un enjeu de connaissance majeur. Le fonctionnement et l'évolution des systèmes biogéophysiques qui constituent la planète, leur influence sur le fonctionnement des sociétés humaines, mais aussi les effets induits par les activités humaines sur ces systèmes. Et plus généralement la dynamique de la forêt (souvent envisagée sous l'angle du « changement global »). Ils se trouvent ainsi au cœur des préoccupations des chercheurs. De nombreux programmes de recherche, largement encouragés par la sphère politique (comme en atteste l'organisation de plusieurs conférences internationales), s'attachent ainsi à étudier et à modéliser l'environnement en vue de comprendre la complexité des processus, à proposer des évolutions crédibles et à éclairer les décisions publiques pour concevoir un développement durable.
Dans un tel contexte, les dispositifs d'orientation, de pilotage et de pérennisation de la recherche apparaissent d'une importance majeure. Comme tout grand champ d'investigation scientifique, l'étude de l'environnement nécessite d'être organisée et soutenue dans la durée, afin que s'affirment des axes problématiques clairs, qu'émergent, le plus souvent à la croisée des disciplines traditionnelles, les compétences spécifiques nécessaires et que se constituent et se structurent les communautés nouvelles qui les supportent. À l'échelle internationale, les efforts ont été produits en ce sens dès les années 1970, à l'instar de l'initiative Man and Biosphère (MAB) de l'Unesco, ou du réseau des Long Term Ecological Research (LTER), créé en 1980 aux États-Unis, puis élargi au monde entier à partir de 1993 avec le métaréseau ILTER.
b-Les multiples configurations de l'interface agriculture et forêt
L'interface agriculture et forêt recouvre des réalités, qui vont de la complémentarité à la concurrence. Certains systèmes cultivés peuvent remplir, au moins en partie et au niveau local, les fonctions environnementales généralement attribuées aux seuls milieux forestiers.
Les bénéfices globaux des forêts tropicales font encore l'objet d'incertitudes et de controverses. Les systèmes agroforestiers, qui intègrent arbres et/ou milieu forestier dans le système de culture, représentent sans doute la forme la plus marquante de complémentarité entre agriculture et forêt. Ils renvoient à une grande diversité de situations, mais ont généralement en commun d'entraîner une perturbation relativement faible tout en répondant aux besoins des agriculteurs. Ils apparaissent de plus en plus depuis une quinzaine d'années comme une réponse possible à la déforestation, en contribuant à réduire la pression sur les forêts naturelles et en créant les conditions d'une reforestation. L'exemple des agroforêts à Damar en Indonésie est connu. Ces agro-forêts permettent notamment de préserver l'essentiel des potentialités du milieu forestier en matière de biodiversité (Levang et al.,1997). Les projets agroforestiers fleurissent, encouragés en particulier par les ONGs et les bailleurs de fonds internationaux (Current et al., 1995 p.45).
Le système de culture itinérante sur brûlis, souvent présenté comme destructeur de la forêt, peut en réalité, lui aussi, constituer une forme de système agroforestier, dès lors que la jachère permet au milieu forestier de se reconstituer. L'effet "déforestant" dépend de la durée de rotation agricole : plus les temps de jachère s'allongent, plus la végétation qui repousse est dense et haute. Lorsque la jachère dépasse trente ans, l'écosystème n'est que faiblement perturbé d'autant que le défrichement est généralement léger afin de ne pas gêner la recolonisation végétale, et laisse les arbres "utiles" ainsi que ceux difficiles à abattre. La conversion agricole des terres n'est donc que temporaire et peut être considérée comme un "emprunt" à la forêt (Wood, 1993). Le système est agroforestier, au sens où il n'implique pas de réelle distinction entre cultures et forêt : c'est la forêt elle-même qui est cultivée. Dans le cas des cultures de rente, qui seraient à l'origine des dynamiques massives en raison de leur logique marchande et non pas seulement vivrière, l'effet déforestant dépend aussi du type de spéculation et des pratiques culturales. Le café, le cacao ou l'hévéa, par exemple, sont des cultures arbustives qui permettent de lutter contre l'érosion du sol, de maintenir un climat local humide (même s'il est différent de celui procuré par une forêt dense) et de laisser des arbres sur la plantation. Ces systèmes de culture peuvent se rapprocher des milieux forestiers lorsque les défrichements sont maîtrisés, conservent leurs caractéristiques ou quand la rotation des parcelles est organisée sur l'exploitation agricole.
L'agriculture ne constitue donc pas en soi une menace pour la forêt. Les degrés de concurrence et de complémentarité sont variables d'un mode de conversion agricole des forêts à l'autre. L'approche globalisante de la conversion agricole des forêts reflète mal la diversité des configurations de l'interface agriculture-forêt. Des travaux précisent que certaines fonctions, généralement exclusivement attribuées aux milieux forestiers, peuvent être également assurées par les milieux cultivés.
c-La question latente des relations entre dynamiques des forêts et mutations environnementales
La question des relations entre dynamique des forêts et mutations environnementales apparaît à l'heure actuelle comme un problème majeur dans les études touchant au développement rural des milieux tropicaux comme la Côte d'Ivoire. L'importance de cette question tient au fait que les évolutions environnementales actuelles imposent de profondes dynamiques dans le cadre forestier. Celles-ci se rapportent à la mobilité spatiale de la population agricole, aux modes de gestion des terres, aux modes d'accès à la terre, aux méthodes culturales, aux types de cultures, etc. Ces processus sont pourtant à l'origine de la dynamique des formations forestières et savanicoles. D'un point de vue environnemental, la disparition de l'écosystème forestier entraîne un blocage de nature structurelle du système agricole ivoirien. Léonard et al. (1996), indiquent en effet que l'épuisement des réserves forestières ne permet plus la reproduction de la société agraire par propagation des fronts pionniers. Celle-ci va devoir se faire dans un espace fermé, les paysans étant contraints de mettre en place des systèmes de production qui ne dépendent plus de l'existence d'un capital de” précédent-forêt », aussi bien en ce qui concerne les cultures vivrières que les cultures pérennes.
Des recherches approfondies doivent être entreprises sur les interactions qui existent entre la raréfaction des ressources naturelles, les dynamiques des forêts et l'évolution de l'espace rural. Comprendre la réalité de la mobilité spatiale de la population agricole me paraît indispensable pour comprendre l'évolution du milieu rural. L'analyse des données de recensement de la population (à différentes dates) et les données d'enquêtes socio-économiques sont susceptibles de renseigner sur les niveaux d'attractivité des différentes régions. L'impact du dynamisme spatio-temporel de la population agricole sur le paysage se traduit par une pression foncière variable suivant le type de milieu et le type de culture. À l'échelle du massif forestier, l'étude de l'évolution de l'occupation du sol permet de comprendre la dynamique spatio-temporelle des relations entre forêt et agriculture. L'évaluation du niveau de «réserve» des terres par habitant aboutit à la mise en évidence de milieux différents en termes de vulnérabilité. En effet, devant la raréfaction des ressources forestières dans certaines régions, les réserves forestières ne suffiraient pas à combler les besoins des populations riveraines. Ils se verraient obligées de pratiquer une agriculture très destructrice, laissant peu de temps de jachère au milieu. Dans un contexte de raréfaction des ressources forestières qui est celui de la Côte d'Ivoire, le couplage des données agro-forestières avec les données de télédétection sur les réserves forestières doit déboucher sur l'étude des risques de disparition des massifs forestiers. L'ampleur de ces risques est liée (entre autres facteurs) à l'implantation des villages, au poids de la population rurale en périphérie des îlots forestiers et aux aménagements et infrastructures. Ces risques sont sources de contrainte à la protection des forêts classées.
Pour Legrand (1998), il devient de plus en plus urgent de créer des politiques et des programmes pour limiter les effets négatifs de l'activité humaine sur l'environnement. L'auteur interpelle ici, les autorités sur la menace de la dégradation de l'environnement occasionnée par les diverses actions et activités de l'homme. Pour mieux prendre en compte la question latente des relations entre dynamiques des forêts et mutations environnementale.
Dans le rapport final du Profil Environnemental de la Côte d'Ivoire (2006), Halle B.etal,dressent les conclusions de la synthèse des différents aspects environnementaux de la Côte d'Ivoire.
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- Arbeit zitieren
- Pascal Anogbro (Autor:in), 2023, Analyse de la dynamique d'utilisation des terres de la forêt classée d'Anguédédou. Une étude basée sur la télédétection et les SIG, München, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/1371601
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