Les droits des mineurs se présentent comme l’une des plus importantes problématiques de la société contemporaine. Les changements législatifs enregistrés durant ces dernières années ont été tellement significatifs qu’ils ont pu faire penser à un véritable tournant dans le rapport entre mineurs et justice et de manière plus générale entre enfance et société.
On ne peut nier dès lors la tendance de certaines personnes à recourir aux mariages précoces, c’est pour cela que ces derniers représentent un fléau social à remédier.
A travers cette problématique, on peut se poser certaines questions qu’on aura la chance de traiter tout au long de notre travail. Quelle est la position du législateur marocain par rapport au mariage des mineurs? Quelles sont les causes du mariage des mineurs au Maroc, ainsi que ses conséquences? Quels sont les facteurs socio-économiques qui contribuent à l’aggravation de ce fléau?
On répondra à ces questions selon deux parties ; une première qui sera dédiée à l’aspect juridique et procédural concernant le mariage des mineurs, notamment le mariage de l’incapable en première sous partie, puis les prérogatives du juge de la famille en deuxième sous partie. Puis une seconde partie relative à l’aspect social qui traitera les facteurs socio-économiques menant au mariage des mineurs en première sous parties, puis ses conséquences en deuxième sous partie.
REMERCIMENT:
Tout projet nécessite un soutien, un guide et un encadrement.
Pour cela nous tenons en premier lieu à présenter nos sincères remerciements ainsi que notre respect et admiration pour notre chèr Professeur Driss Lagzouli, pour son présence, son disponibilité, son écoute, son encadrement mais surtout sa compréhension.
Sans oublier les personnes qui nous ont soutenues pendant notre cursus universitaire, notamment nos admirables professeurs.
Enfin nous adressons nos profonds remerciements et notre gratitude à nos familles et proches.
« Les mineurs ne se marient pas, mais ils sont mariés, alors que le mariage sous-entend un accord mutuel. En dépit de l'âge minimum légal fixé dans le Code de la famille, certains juges autorisent le mariage d'enfants extrêmement jeunes pour les protéger du mariage par la Fatiha ou en raison des positions patriarcales …»
Sanae El Adji -
INTRODUCTION:
Les droits des mineurs se présentent comme l’une des plus importantes problématiques de la société contemporaine.
Les changements législatifs enregistrés durant ces dernières années ont été tellement significatifs qu’ils ont pu faire penser à un véritable tournant dans le rapport entre mineurs et justice et de manière plus générale entre enfance et société.
Tout en s’inspirant de l’article premier de la Convention des Droits de l’Enfant, on peut définir l’enfant comme étant un individu n’ayant pas atteint l’âge de majorité déterminé par sa législation nationale, généralement fixé à l’âge de 18 ans1. Sa vulnérabilité, son immaturité, son inaptitude naturelle commandent de le placer sous un régime de protection, dont l’incapacité de l’exercice est la règle cardinale.
Le préambule du Code de la Famille, tel qu’adopté par le Parlement le 3 février 2004, intègre une grande partie du discours prononcé par le Roi Mohammed VI lors de la présentation du projet du Code devant le Parlement le 10 octobre 2003. Il s’agit de « préserver les droits de l’enfant en y insérant les dispositions pertinentes des conventions internationales ratifiées par le Maroc et en garantissant l’intérêt de l’enfant »2.
Toutefois, l’article 543, un des articles les plus longs du Code, détaille l’essentiel des droits des enfants à l’égard de leurs parents qui ont pour obligation de protéger leurs vies et leurs santés de la grossesse à l’âge de la majorité fixé à dix-huit ans par notre législation et responsabilise l’Etat en matière de préservation de ces droits. Les autres articles prennent en charge les détails qui couvrent un grand nombre de situations où l’intérêt de l’enfant est en jeu.
Abondant dans le même ordre d’idées, la famille « unité fondamentale de la société et milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres, et en particulier des enfants »4 ; reste une notion variable dans le temps et dans l’espace, soumise au poids de la tradition et aux contingentes elle ne peut faire l’objet d’une définition précise.
S’occuper des droits des enfants, des mineurs en particulier, une vision spécialisée qui pourra nous mener, de plus en plus au cœur d’un débat profond qui adoptera le mineur comme critère fondamental.
A cet égard, on ciblera le développement des mariages des mineurs, qui sont bel et bien des mariages précoces, d’une mentalité juridique spécialisée qui laissera des traces visibles pouvant contribuer au changement législatif du concept de famille et de milieu de vie du mineur.
Plusieurs problématiques subsistent encore, notamment la manière avec laquelle le législateur marocain va traiter la question du mariage des mineurs. Ceci étant dit, plusieurs questions se posent : est-ce que le législateur va garder les mêmes mesures et les mêmes dispositions relatives au mariage des mineurs ?
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de souligner un aspect fondamental ; l’évolution des mentalités au Maroc. Cette dernière est incontestablement le point de départ des bouleversements du droit de la famille dans la mesure où l’on assiste à une restructuration que le droit appréhende avec difficulté. Au confluent du droit des personnes protégées, du droit des obligations et du droit de la famille, la protection des mineurs est originale.
Avant d’attaquer la problématique du mariage des mineurs, il serait avant tout judicieux de définir le mariage et traiter sa philosophie. Ce dernier est défini comme étant une union légale entre deux individus (homme et femme) en vue de fonder une famille et constituer un foyer stable dans le respect, la paix et l’affection et cela selon les dispositions du code de la famille marocain ou la Moudawana5 et des prescriptions de la Chariaâ6.
Les mariages précoces ou mariages des enfants (mineurs), bien qu’ils restent marginaux, existent toujours. Ils sont définis comme étant l’union conjugale d’une fille ou d’un garçon avant l’âge de majorité ; dix-huit ans pour le cas du Maroc. Un phénomène en croissance, touchant en grande majorité les jeunes filles. Il est non seulement élevé mais il progresse d’une année à l’autre. Cette définition très largement partagée, en raison de sa cohérence avec les conventions internationales des droits de l’Homme en général, et de l’Enfant, en particulier, doit être appréhendée à partir de la pratique sociale qui fait de la jeune fille la principale victime7 de ce type d’union.
Le mariage de mineurs est surtout présent dans le milieu rural. Bien souvent issues de milieu modeste, voire pauvre, les enfants (de sexe féminin généralement) sont confrontés à une pression sociale dès leur jeune âge pour se marier. Ce mariage forcé et précoce met un frein brutal à une enfance qui se voit violement bafouée. Au lieu de mener une vie paisible dans son milieu familial et jouir de ses droits fondamentaux les plus élémentaires dont notamment l’éducation, la santé et la protection, l’enfant marié tôt se trouve emprisonné dans un environnement avec des perspectives d’avenir très limitées. Ce fléau représente une réalité dramatique pour les filles, il les maintient dans des conditions de pauvreté et d’impuissance, de génération en génération, et ne leur permet pas de poursuivre leurs études et de sortir de la pauvreté.
Ceci s’agit bel et bien d’une situation injuste et d’un énorme potentiel perdu pour le développement des communautés et des pays.
Dans certains cas, les parents autorisent le mariage de leurs enfants par nécessité économique, la fille est considérée comme un fardeau ; la mettre sous la tutelle d’un homme (la marier) c’est se libérer de ce fardeau, sécuriser l’avenir de leur fille et la protéger d’éventuelles agressions sexuelles, d’éviter les grossesses hors mariage.
Le mariage précoce des filles mineures, ancien fléau social, "demeure un challenge pour le Maroc" sans tenir compte des progrès plus ou moins remarquables accomplis en matière d'égalité entre les sexes et de promotion des droits des femmes et des enfants comme la levée des réserves sur la Convention relative à l'élimination des discriminations à l'égard des femmes8.
Le Maroc a aussi procédé à plusieurs changements législatifs notamment l'adoption d'une nouvelle Constitution, le Code de la famille, qui introduit l'égalité dans la capacité de contracter le mariage à 18 ans9, ainsi que la récente révision du Code pénal concernant le mariage des jeunes filles mineures victimes de viol10. Ainsi que des changements institutionnels comme l’instauration de l’instance d’équité et de réconciliation11 et la mise en place de l’autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discriminations12.
Par ailleurs, le mariage des enfants reçoit aujourd’hui une attention sans précédent. En parallèle, de nouvelles données sur les femmes et les filles touchées par le mariage des enfants, ainsi que des projections du nombre de femmes et filles susceptibles de l’être, ont récemment fait surface.13 Si l’étendue des données disponibles peut porter à confusion, il existe néanmoins des statistiques communes qui peuvent nous aider à expliquer pourquoi il est urgent d’agir.
À l’échelle mondiale14 ;
- 36 % des femmes âgées de 20 à 24 ans se sont mariées ou vivaient en ménage avant d’avoir atteint l’âge de 18 ans
- On estime à 14 millions le nombre d’adolescentes de 15 à 19 ans qui accouchent chaque année. Les filles de cette tranche d’âge courent deux fois plus de risques que les femmes de 20 à 30 ans de mourir pendant la grossesse ou l’accouchement
- C’est en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud que le mariage précoce des filles est le plus répandu.
INTERETS DU SUJET:
3 intérêts principaux nous ont poussé à choisir le sujet du mariage des mineurs ; Un intérêt d’ordre personnel ; en tant que juristes et activistes dans le milieu associatif, nous avons eu des occasions de rencontres avec des femmes qui ont témoigné les effets négatifs et dévastateurs de leur mariage précoce, généralement sans leur consentement, un mariage qui a violement bafoué leur enfance. Au lieu de mener une vie paisible dans son milieu familial et jouir de ses droits fondamentaux, l’enfant marié tôt se trouve emprisonné dans un environnement avec des perspectives d’avenir très limitées.
Un intérêt d’ordre juridique ; on ne peut nier que le législateur marocain dans un but d’adaptation aux exigences internationales en matière de droit de l’enfant, a donné beaucoup d’importance à cette catégorie vulnérable. A ce titre, une panoplie de textes juridiques visant la protection des mineurs ont été promulgué. Le Maroc a concrétisé son engagement envers la protection de cette catégorie fragile, en ratifiant une multitude de conventions internationales notamment la Convention internationale sur les droits de l’enfant, avec 3 protocoles facultatifs. Toutefois, le taux du mariage des mineurs ne cesse de progresser dans notre société malgré toutes les mesures législatives susmentionnées.
Un intérêt d’ordre social ; plusieurs pays du monde sont concernés par le mariage des mineurs, mais la situation au Maroc ne fait qu’empirer. 16 % des femmes âgées entre 20-24 ans ont été mariées avant l’âge de 18 ans, et 3 % avant 15 ans ; des chiffres au-dessus de la moyenne mondiale15. 25% des filles mineures ayant moins de 15 ans ont bénéficié d’un verdict favorable pour les demandes d’authentification de mariage. Avec ces chiffres, on se rend compte que les efforts menés par le Maroc pour réduire et contrecarrer le mariage des mineurs sont souvent sapés par les exceptions juridiques et par le manque d’encadrement social.
PROBLEMATIQUE:
On ne peut nier dès lors la tendance de certaines personnes à recourir aux mariages précoces, c’est pour cela que ces derniers représentent un fléau social à remédier.
A travers cette problématique, on peut se poser certaines questions qu’on aura la chance de traiter tout au long de notre travail ;
- Quelle est la position du législateur marocain par rapport au mariage des mineurs ?
- Quelles sont les causes du mariage des mineurs au Maroc, ainsi que ses conséquences ?
- Quels sont les facteurs socio-économiques qui contribuent à l’aggravation de ce fléau ?
On répondra à ces questions selon deux parties ; une première qui sera dédiée à l’aspect juridique et procédural concernant le mariage des mineurs, notamment le mariage de l’incapable en première sous partie, puis les prérogatives du juge de la famille en deuxième sous partie. Puis une seconde partie relative à l’aspect social qui traitera les facteurs socio-économiques menant au mariage des mineurs en première sous parties, puis ses conséquences en deuxième sous partie.
PLAN:
I. Le mariage des mineurs à la lumière du code de la famille de 2003;
1. Le mariage de l’incapable ; cadre juridique national et international
2. Le juge de la famille ; quelles prérogatives en matière de mariage des mineurs
II. L’abolition du mariage des mineurs au Maroc ; une innovation largement ignorée
1. Un fléau alimenté par des facteurs socio-économiques
2. Les issues du mariage des mineurs ; des conséquences néfastes
I. Le mariage des mineurs à la lumière du code de la famille de 2004 :
Le mariage étant un acte de haute importance et donnant lieu à des conséquences lourdes ne peut qu’être conditionné par la capacité des deux parties.
Le mariage est un pacte fondé sur le consentement mutuel afin d’établir une union durable. Ce pacte produit des effets juridiques de grande importance. Cela implique logiquement des parties capables, conscientes de leurs droits et obligations et faisant preuve de responsabilité et de stabilité émotionnelle et financière. D’ailleurs plusieurs législations, ont fait de l’âge de majorité, fixé généralement à 18 ans une condition sine qua non pour contracter un mariage sans aucune dérogation possible.
Le Maroc s’est partiellement soumis à cette règle. Si ce dernier a fixé l’âge de capacité matrimoniale a 18 ans, il s’est empressé de rajouter une dérogation à ce principe. La personne n’ayant pas acquise la capacité matrimoniale peut désormais contracter un mariage, sous réserve de l’obtention de l’approbation des parents, tuteur ou représentant légal en plus d’une autorisation du juge de la famille chargé des mineurs. Ce derniers procède préalablement à l’écoute des parents ou représentants légaux et effectue une expertise médicale ou une enquête sociale.
Toutes ces réflexions nous poussent à s’interroger sur le mariage de l’incapable et sur la position du législateur marocain ainsi que d’autres législations comparées face à ce mariage (1), puis sur les prérogatives attribuées au juge de la famille chargé des mineurs dans le cadre des mariages des mineurs (2)
1. Le mariage de l’incapable : Cadre juridique national et internationale.
Le pacte matrimonial produit des effets juridiques de haute importance. Ces effets se produisent en droit et devoirs vis-à-vis des conjoints, des enfants et des proches parents.
Cela nécessite clairement des futurs conjoints capables, jouissant de leurs droits et ayant pleine conscience de leurs devoirs et obligations. On voit mal un prodigue, un faible d’esprit ou encore un enfant mineur supporter les charges financières lourdes d’un ménage ou encore assumer les autres responsabilités résultant de l’union conjugale.
La loi marocaine comme une multitude de législations comparées à veiller à fixer un âge minimum pour pouvoir conclure un acte de mariage. Les mineurs garçon ou filles ne peuvent pas se marier tant qu’ils n’ont pas acquis l’âge de majorité fixé à 18 ans par le code de la famille.16
On ne peut que saluer l’introduction de cette disposition par le législateur. En effet l’ancien code du statut personnel de 1958 dans son article 8 traitants de la capacité matrimoniale, faisait la distinction entre les garçons et les filles.17 L’aptitude au mariage s’acquérait à 18 ans pour les hommes avec possibilité d’obtention d’une dispense d’âge laissée à la discrétion du juge, alors que pour les femmes l’aptitude au mariage s’acquérait a 15 ans.
Le code de la famille de 2004 est venu mettre fin à cette inégalité et cette injustice, et est venu élever l’âge de capacité matrimoniale pour les filles à 18 ans. En mettant les femmes au même rang que les hommes, le législateur marocain a fait preuve d’engagement envers l’abolition de la discrimination de genre. Cette disposition est aussi venu mettre fin aux anciennes pratiques de mariage forcés et précoce.
Cela ne peut s’avérer que bénéfique pour les parties, puisqu’à ce stade les deux futurs époux ont atteint un certain degré de maturité, ayant largement conscience de leurs droits, devoirs et obligations, faisant la différence entre le mal et le bien et ayant déjà acquis la capacité de communiquer de manière plus flexible. Les parties peuvent à ce moment plus ou moins prendre en main les charges financières d’un ménage et constituer un foyer stable et durable, de manière a éviter les différentes situations de violence conjugal, de viol conjugal, les cas de délaissement, de divorce et de dissolution des cellules familiales.
Mais si le législateur marocain a fixé l’âge de capacité matrimoniale a dix-huit ans, interdisant ainsi le mariage des enfants mineurs, ce dernier s’est empressé de rajouter l’article 2018 et 2119 qui sont venu mettre à échec l’article 19 du code de la famille.
L’article 20 du CF dispose que le juge de la famille chargé du mariage peut autoriser le mariage du garçon et de la fille avant l'âge de la capacité matrimoniale prévu à l'Article 19 par décision motivée précisant l'intérêt et les motifs justifiant ce mariage. Ainsi cet article vient faire obstacle à l’article 19, et autorise le mariage des mineurs. Le même article dispose que le juge devrait entendre au préalable, les parents du mineur ou son représentant légal et devrait même procéder à une expertise médicale qui atteste que l’enfant est capable de se marier ou à une enquête sociale. A noter que cette autorisation n’est susceptible d’aucun recours.
Cela ouvre la voie à la personne qui n’a pas encore atteint l’âge de majorité requis à contracter un acte de mariage après obtention de l’autorisation du juge de la famille.
Cette autorisation concerne désormais les hommes et les femmes, contrairement à l’ancien code du statut personnel qui disposait que l’autorisation de dispense d’âge ne pouvait être conférée qu’aux mineurs garçons.
Le mariage des mineurs ne se trouve pas uniquement au Maroc, en effet ce fléau se retrouve dans plusieurs autres pays, même ceux les plus développés. L’exception du mariage des mineurs se trouve dans plusieurs autres législations qui autorisent exceptionnellement et sous certaines conditions le mariage des personnes n’ayant pas atteint l’âge de majorité.
L’âge de dix-huit ans représente généralement l’âge de capacité matrimoniale.
Conformément à notre législation, la Tunisie fixe l’âge de majorité matrimoniale à dix-huit ans grégoriens révolus et prévoit que les personnes n’ayant pas atteint cet âge ne peuvent se marier qu’avec une autorisation spéciale du juge, qui doit être accordé en présence de motifs graves.
Contrairement au Maroc, l’Algérie fixe l’âge de capacité matrimoniale à dix-neuf ans pour les deux genres, sauf que la dispense d’âge est possible sous condition d’obtention d’une autorisation du juge de la famille pour des cas de nécessité20.
L’Arabie saoudite connu comme étant l’exemple incontournable de la société patriarcale à quand même connu un avancement remarquable on ce qui concerne le mariage des mineurs surtout les filles.
Désormais l'âge minimum pour le mariage de jeunes filles en Arabie Saoudite est fixé à seize ans. Cela peut être considéré comme une garantie accordé aux filles impubères, qui était mariée auparavant dès leur jeune âge puisqu’il n’existait aucune restriction d’âge. Ces dernières sont également tenue à donner leurs consentement devant le juge, et devrait procéder à des examens médicaux prouvant que l’union ne nuit pas à la santé de la future épouse.
« On se souvient en 2008 de cette petite fille âgée de huit ans que son père n'avait pas hésité à marier de force à un cousin quinquagénaire. L'affaire avait à l'époque défrayée la chronique. La presse internationale et les organisations des droits de l'homme étaient alors « vent debout ». »21
Vers une destination différente et un système complètent opposé à celui de l’Arabie saoudite on retrouve la France qui fixe dans son code civil l’âge de capacité matrimoniale à dix-huit ans pour les hommes et les femmes et cela après la modification22 de ce même article qui disposait que le mariage pouvait être contracté a l’âge de 18 ans pour les hommes et a l’âge de 15 ans pour les femmes23.
Même la France n’a pas échappé à la dispense d’âge accordé aux mineurs par le procureur de la république à condition que les parties invoquent des motifs graves. Le motif grave généralement invoqué est la grossesse de la prétendante.
Mais le législateur marocain en fixant l’âge de capacité matrimoniale à dix-huit transmet un message clair : la personne ne peut conclure un acte de mariage dont les effets juridiques sont lourds que lorsqu’elle est majeure et apte à répondre a ses actes et assumer ses responsabilités. De même que le Maroc fait preuve de réel engagement envers la protection des droits de l’enfant en tentant d’abolir les mariages précoces et les mariages forcés appelés aussi les mariages du Jabre, très rependu dans les ères préislamiques.
Tout cela n’empêche pas néanmoins qu’en cas de nécessité, le juge de la famille peut autoriser le mariage des individus mineurs, n’ayant pas atteint les dix-huit ans requis par le code de la famille, et cela sous certaines conditions que nous aurons l’occasion de traiter en seconde sous partie.
2. Le juge de la famille : quelles prérogatives en matière de mariage des mineurs ?
Le mariage comme forme admise par notre législation pour constituer une famille24 n’est autre qu’une union légale par laquelle les futurs époux s’unissent en vue d’une vie conjugale commune et durable. Parmi les conditions primordiales à l’établissement de cette union on retrouve la capacité fixée à dix-huit ans. Sauf que le code de la famille marocain conscient des problèmes générés par les cas de nécessité a donné la possibilité aux personnes n’ayant pas atteint le stade de majorité légale de se marier et contracter des actes d mariage avec certaines conditions et en cas de nécessité.
En effet, le CF marocain dispose dans ses articles 20 et 21 que les individus n’ayant pas atteint l’âge de dix-huit ans peuvent contracter un acte de mariage. Mais le législateur marocain s’est brièvement attardé sur les conditions de cette dérogation et a présenté la procédure d’obtention de l’autorisation du juge comme étant une procédure simple et rapide donnant lieu à un vide juridique, notamment l’indulgence du texte vis-à-vis les prérogatives du juge chargé des mineurs et le grand pouvoir discrétionnaire accordé à ce dernier.
D’ailleurs parmi les dispositions qui nécessite une attention particulière, sont celles qui découlent de l’article 20 du CF et qui accorde au juge de la famille un grand pouvoir d’appréciation et une autorité souveraine ne matière de mariage des mineurs ; ce pouvoir discrétionnaire peut être défini comme étant le pouvoir conféré au juge caractérisé par la liberté qui lui est reconnu dans l’appréciation et la détermination du contenu d’un texte législatif.25
Sauf que le plus inquiétant demeure la mauvaise conception de la notion du pouvoir discrétionnaire, ce dernier n’étant pas un pouvoir absolu et inconditionné, mais plutôt un pouvoir limité et relatif aux textes législatifs et au système juridique applicable.
Ainsi le juge ne devrait pas abuser de son pouvoir et s’éloigner de l’esprit du législateur et devrait prendre en considération les limites déterminé par la loi. Si le législateur a donné au juge le pouvoir d’appréciation, ce dernier l’a bien conditionné par la nécessité de l’existence de motifs raisonnables et sérieux motivant sa décision.
Il serait inadmissible que le juge accorde l’autorisation de mariage aux mineurs de manière arbitraire et sans motivation logique de sa décision.
Les statistiques démontrent qu’au titre de l’année 2006, 30.312 demandes de mariage, dont l’un des futurs époux est mineur, ont été statuées.
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Dans 26.919 cas, soit 88,81%, une suite favorable a été donnée à la demande ; et seulement 3.064 demandes furent refusées à savoir 10.11% alors que dans 329 cas, il y a eu renoncement à la demande de dérogation.26
L’autorisation au mariage de l’incapable est soumise à une procédure spéciale. Elle commence par une demande visant l’autorisation du mariage de l’incapable et aboutissant à une décision favorable ou défavorable de la part du juge. Le juge se prononce après avoir accomplie les formalités fixées par l’article 20 du CF ; l’écoute des parents ou du représentant légal, la réalisation d’une expertise médicale ou une enquête sociale.
A priori l’objectif même de l’exception du mariage du mineur est la préservation de l’intérêt du mineur lui-même, le législateur a donné au juge la possibilité de s’assurer que les intérêts du mineur sujet de demande d’autorisation mariage sont sauvegardés, de ce fait le juge de la famille peut procéder par l’écoute des parents ou représentant légal du mineur27, étant donné que ces derniers sont les mieux placé à apprécier les intérêts du mineur.
Cela permet au juge de constituer une idée claire sur les parties sujettes de la demande, leur union et les chances de son aboutissement.
Cela dit le CF ne s’est pas prononcé sur l’écoute du mineur lui-même étant donné que ce dernier est l’intéressé principal. Il aurait était préférable que le juge s’entretienne avec la partie mineur sans présence de ses parents ou représentant légal, pour que ce dernier puisse aisément expliquer sa situation au juge, ainsi que donner son réelle opinion sur cet union loin des pressions exercées par l’autre partie généralement majeure ou des représentants légaux. Ceci permettra aussi au juge de s’assurer de la stabilité émotionnelle du mineur ainsi que d’apprécier sa capacité à supporter les charges lourde du foyer conjugal.
Mais si l’entretient du juge devrait se faire en présence des deux parents, la demande de l’autorisation du mariage est signé par seulement le père avec le mineur. La mère n’ayant pas la qualité de tuteur légal28, ne peut signer la demande. Cela ne porterait-il pas atteinte au droit de la mère à se prononcer sur le mariage de son enfant ?
L’entretient avec les parents ou le représentant légal demeure une étape cruciale précédant l’obtention de l’autorisation au mariage, qui doit être accomplie minutieusement par le juge, non pas comme simple formalité ou simple étape procédurale, mais plutôt comme mesure d’appréciation de l’intérêt du mineur. Il serait judicieux de mentionner que le juge n’est pas tenu de prendre en considération l’avis des parents ou du représentant légal si il s’avère que les intérêt du mineur sont incompatible avec leurs allégations.
L’article 20 du CF parle également d’expertise médicale ou d’enquête sociale, réalisées par le juge de la famille.
Ce dernier procède à cela pour s’assurer de la capacité de l’incapable à supporter les charges financières et morales du mariage et assumer les responsabilités et les obligations qui en découlent.
Le juge reste souverain en ce qui concerne le choix entre l’expertise médicale ou l’enquête sociale. L’article 20 du CF dispose que le juge peut recourir à l’expertise médicale ou l’enquête sociale, lui laissant une grande marge de manœuvre. Sauf que les deux procédées n’appellent pas au même objectif, dans la mesure où l’expertise médicale tant a déterminer la capacité physique et psychique de l’individu, alors que l’enquête sociale joue un rôle dans l’appréciation des conditions sociales et économiques de l’incapable. Cela représente sans doute un vide juridique à combler par le législateur dans la mesure où les deux procédés sont importants et doivent tous les deux êtres pris en considération.
L’article 20 du CF dispose que le juge devrait procéder par une expertise médicale ; cette dernière peut être définie comme étant un avis médical émis par un médecin. Ce dernier est dans ce cas technicien comme l’architecte ou encore le carrossier automobile. Le juge n’étant pas compétent dans ces domaines fait appel à sa compétence29. Cette dernière est régie par le Code de la procédure civile marocain.30 Son introduction dans les affaires de famille est considérée comme avancement notable de la part du législateur. L’expertise est utilisée dans les affaires de reconnaissance de paternité et d’autres affaires dont l’appréciation de la capacité du mineur à se marier dans notre cas. Le médecin sous l’ordre du juge de la famille procède à tous les examens médicaux et cliniques sur la personne de l’incapable puis rédige un rapport détaillé sur ses constatations. Ce rapport est remis au juge par le biais du greffe, est constitué un élément permettant au juge de mieux apprécier la situation et la capacité du mineur. L’expertise médicale demeure alors le moyen le plus rependu et le plus utilisé dans la procédure de l’obtention de l’autorisation du mariage selon les jugements émis par les tribunaux du Royaume31, à côté de l’enquête sociale.
Comme suscité, le législateur marocain dans son article donne au juge le choix de recourir à l’expertise médicale ou à l’enquête sociale.
Cette dernière, bien que rare dans la pratique, reste une option pour le juge pour apprécier la situation du mineur et sa capacité à se marier.
L’enquête sociale consiste en une étude sur la situation économique, financière mais aussi la situation morale du mineur. Elle peut être réalisée par le juge ou par un autre organisme comme la police judiciaire si le juge en décide ainsi.
[...]
1 Article premier de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant : « Au sens de la présente Convention, un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable. »
2 Préambule du Code de la famille : « … 8- Préserver les droits de l’enfant en insérant dans le code les dispositions pertinentes des conventions internationales ratifiées par le Maroc … »
3 Article 45 du CF : « Les parents doivent à leurs enfants les droits suivants : 1. La protection de leur vie et de leur santé depuis la grossesse jusqu'à l'âge de majorité; 2. La préservation de leur identité notamment en ce qui concerne le nom et le prénom, la nationalité, et l'inscription à l'état civil ; 3. La filiation, la garde et la pension alimentaire, conformément aux dispositions du livre III du présent code ; 4. L'allaitement au sein par la mère si possible ; 5. La prise de toutes les mesures possibles afin d’assurer la croissance normale des enfants en préservant leur intégrité physique et psychologique et en veillant sur leur santé par la prévention et les soins ; 6. L'orientation religieuse, l’éducation fondée sur la bonne conduite, les valeurs de noblesse et l’honnêteté dans la parole et l’acte et la prévention de la violence entraînant des dommages corporels et moraux, ainsi que la prévention de toute exploitation préjudiciable aux intérêts de l'enfant ; 7. L’enseignement et la formation les habilitant à accéder à la vie active et à être un membre utile dans la société ; Les parents doivent préparer à leurs enfants autant que possible, les conditions adéquates pour poursuivre leurs études compte tenu de leurs facultés mentales et physiques ; Lorsque les époux se séparent, ces devoirs sont répartis entre eux conformément à ce qui est prévu en matière de garde. Au décès de l'un des conjoints ou des deux, ces devoirs sont transférés à la personne assurant la garde de l’enfant et au représentant légal, selon la responsabilité de chacun d'eux. Outre les droits précités, l’enfant handicapé a droit à une protection spécifique, compte tenu de son état, notamment à l’enseignement et à la qualification adaptée à son handicap en vue de faciliter son insertion dans la société. L'Etat est responsable de la prise des mesures nécessaires à la protection des enfants, à la garantie et à la préservation de leurs droits conformément à la loi. Le ministère public veille au contrôle de l'exécution des dispositions ci-dessus. »
4 Préambule de la convention internationale relative aux droits de l’enfant : «… Convaincus que la famille, unité fondamentale de la société et milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres, et en particulier des enfants, doit recevoir la protection et l'assistance dont elle a besoin pour pouvoir jouer pleinement son rôle dans la communauté… »
5 Article 4 du CF : « Le mariage est un pacte fondé sur le consentement mutuel et une union légale et durable, entre un homme et une femme. Il a pour fin la vie dans la fidélité, la pureté et la fondation d’une famille stable sous la direction des deux époux conformément aux dispositions du présent code. »
6 Sourat les Byzantins ( Ar-rûm ) – Verset 21
7 Selon l’organisation mondiale de l’UNICEF, chaque année 12 millions de filles sont mariées avant leurs 18 ans.
8 La lettre Royale au Conseil consultatif des Droits de l'Homme (CCDH) du 10 décembre 2008 annonce, à l'occasion du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme (DUDH), la levée des réserves émises à propos de la Convention pour l'élimination de toutes formes de discriminations à l'égard des femmes (CEDEF) lors de sa ratification par le Maroc en 1993.
9 Préambule du Code de la famille : « … 3- Assurer l’égalité entre l’homme et la femme pour ce qui concerne l’âge du mariage, fixé uniformément, à 18 ans, en accord avec certaines prescriptions du Rite Malékite; et laisser à la discrétion du juge la faculté de réduire cet âge dans les cas justifiés. Assurer également l’égalité entre la fille et le garçon confiés à la garde, en leur laissant la latitude de choisir leur dévolutaire, à l’âge de 15 ans… »
10 Le parlement a voté favorablement à la modification de l’article 475 du code pénal le 24 Janvier 2014
11 L’Instance Equité et Réconciliation a été installée officiellement par Sa Majesté le Roi Mohamed VI le 7 janvier 2004. Dans le discours prononcé à cette occasion, le Souverain lui a confié des responsabilités éminentes en le définissant comme une commission pour la vérité et l’équité.
12 Article 164 de la constitution : « L'autorité chargée de la parité et de la lutte contre toutes formes de discrimination, créée en vertu de l'article 19 de la présente Constitution, veille notamment au respect des droits et libertés prévues à ce même article, sous réserve des attributions dévolues au Conseil national des droits de l'Homme. »
13 Filles, Pas Epouses : Le Partenariat Mondial pour la Fin du Mariage des Enfants
14 https://www.unicef.org/french/protection/files/Le_mariage_des_enfants.pdf
15 http://telquel.ma/2015/05/20/comment-eradiquer-mariage-mineurs_1447642
16 « La capacité matrimoniale s’acquiert, pour le garçon et la fille jouissant de leurs facultés mentales, à dix-huit ans grégoriens révolus »
17 L'aptitude au mariage s'acquiert : Pour l'homme, à dix-huit ans révolus ; Cependant, si de graves difficultés sont à craindre, le cas est soumis au juge en vue de l'obtention d'une dispense d'âge ; Pour la femme, à quinze ans révolus.
18 Article 20 du CF : « Le juge de la famille chargé du mariage peut autoriser le mariage du garçon et de la fille avant l’âge de la capacité prévu à l’article 19 ci- dessus, par décision motivée précisant l’intérêt et les motifs justifiant ce mariage, après avoir entendu les parents du mineur ou son représentant légal, et après avoir eu recours à une expertise médicale ou procédé à une enquête sociale. »
19 Article 21 du CF : « Le mariage du mineur est subordonné à l’approbation de son représentant légal. L’approbation du représentant légal est constatée par sa signature apposée avec celle du mineur sur la demande d’autorisation de mariage et par sa présence lors de la conclusion du mariage. Lorsque le représentant légal du mineur s’abstient d’accorder son approbation, le juge de la famille chargé du mariage statue en l’objet. »
20 2010 قانون الاسرة الجزائري, دراسة فقهية و نقدية مقارنة –احمد الشامي – دار الجامعة الجديدة -
21 http://www.leparisien.fr/international/16-ans-devient-l-age-minimum-de-mariage-pour-les-filles-en-arabie-saoudite-07-03-2013-2624243.php
22 La loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, par son article premier, a modifié l'article 144 du code civil
23 Article 144 du code civil français : « L’homme avant l’âge de 18 ans révolus, la femme avant l’âge de 15 ans ne peuvent contracter de mariage »
24 Article 4 du CF : « Le mariage … Il a pour fin … la fondation d’une famille stable sous la direction des deux époux… »
25 Lexique des termes juridiques – édition Dalloz - 2007
26 La Moudawana – Le référentiel et le conventionnel en Harmonie – T3 – Rajaâ NAJI EL MEKKAOUI – 2009
27 Article 20 du CF : « …après avoir entendu les parents du mineur ou son représentant légal… »
28 Article 236 du CF : « Le père est de droit le tuteur légal de ses enfants tant qu’il n’a pas été déchu de cette tutelle par un jugement. En cas d’empêchement du père, il appartient à la mère de veiller sur les intérêts urgents de ses enfants »
29 Expertises médicales ; dommages corporels, assurances de personnes, organismes sociaux – édition Masson- 2001
30 Code de procédure civile – Articles 59 jusqu’à 66
31 زواج القاصر- دراسة سوسيو قانونية – واد فلي بن يوسف
- Arbeit zitieren
- Abdellah Kourkouz (Autor:in), 2018, Mariage des mineurs. Une enfance menacée par une législation indulgente, München, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/1337393
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