En novembre 2014, le Bénin a souffert d’une épidémie de fièvre Lassa. Sa proximité géographique avec le Nigéria, un pays voisin où la maladie est endémique, est une menace permanente qui pèse sur l’ensemble des pays de la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest. La gestion des épidémies de fièvre à virus est une expérience qui permet d’évaluer la capacité des systèmes sanitaires à organiser efficacement des plans de riposte. La mise en place des stratégies pour contrôler la fièvre Lassa, nécessite des travaux de recherche, tant en santé publique qu’en sciences sociales. L’objectif de cette recherche est de comprendre comment les perceptions et les pratiques à risque des acteurs, favorisent la propagation du Virus Lassa en milieu Aïzo à Allada. L’analyse des données recueillies révèle que les logiques et perceptions des acteurs, les pratiques induites et la défaillance du système de communication pour la santé favorisent la propagation de la fièvre Lassa en milieu Aïzo à Allada.
Mots clés : fièvre de Lassa, logiques, pratiques, risque, construction sociale
SOMMAIRE
DEDICACE
REMERCIEMENTS
AVANT PROPOS
RESUME
ABSTRACT
INTRODUCTION
CHAPITRE I : FONDEMENTS THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE
1.1 FONDEMENTS THEORIQUES DE LA RECHERCHE
1.2. Hypothèses de recherche
1.3 Justification du choix du sujet
CHAPITRE II : DISPOSITIFS METHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE
2.1.Situation sanitaire du Bénin
2.2 Nature de la recherche
CHAPITRE III : LOGOQUES ET PERCEPTIONS DU RISQUE
3.1 Connaissance de la Fièvre de Lassa
CONCLUSION
REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUE
DEDICACE :
- A mon père et ma mère
- A mon épouse
- A tous mes enfants
- A tous mes frères, sreurs et amis
- A toi Justin Avocanh pour ton leadership
REMERCIEMENTS
La concrétisation de ce travail a été possible grâce au soutien de quelques personnalités que je tiens â remercier sincèrement :
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AVANT PROPOS
L’Ecole Doctorale Pluridisciplinaire, Espace Culture et Développement de l’Université d’Abomey-Calavi a innové ces dernières années dans la formation doctorale en Sociologie-Anthropologie en mettant en place le Master Recherche en Sociologie-Anthropologie de la Santé.
En effet, le système de santé des pays africains sollicite de plus en plus des compétences des socio-anthropologues de la santé qui ont pour mission de contribuer au renforcement de l’efficacité des interventions en santé, â travers la recherche au sein d’une équipe pluridisciplinaire. Les domaines de compétence du socio- anthropologue de la santé sont multidimensionnels et sont de nos jours très sollicités dans les domaines de santé et culture, maladie biologique et maladie vécue, les modèles explicatifs de la maladie et les systèmes biomédicaux, la consultation comme négociation de modèles explicatifs, la planification en santé, la communication en santé, la recherche en santé, le role de l’anthropologue en milieu clinique, l’anthropologie des médicaments etc.
La présente recherche est l’aboutissement d’un processus de formation â l’Ecole Doctorale Pluridisciplinaire, Espace Culture et Développement de l’Université d’Abomey-Calavi en vue de l’obtention d’un Master Recherche en Sociologie- Anthropologie de la Santé. Le sujet abordé se propose de comprendre les logiques, les perceptions et les pratiques â risque des acteurs qui favorisent la propagation de la Fièvre de Lassa en milieu Aizo â Allada au Sud du Bénin.
SIGLES ET ACCRONYMES
AES: Accident par Exposition au Sang
CAD: Cellule d’Archive et de Documentation
CDC: Centers for Disease Control and Prevention
CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l’Afrique de L’Ouest
CHD: Centre Hospitalier Départemental
CHUD: Centre Hospitalier Universitaire Départemental
CICR: Comité International de la Croix-Rouge
CNHU/HKM : Centre National Hospitalier Universitaire/Hubert Koutoukou Maga
CPN: Consultation Prénatal
CSCOM: Centre de Santé de Commune
DDS: Direction Départementale de la Santé
DNSP: Direction Nationale de la Santé Publique
DS-A : Département de Sociologie-Anthropologie
EDP/ECD : Ecole Doctorale Pluridisciplinaire/Espaces, Culture et Développement
EPS : Education pour la Santé
FASH: Faculté des Sciences Humaines et Sociales
FL : Fièvre de Lassa
HOMEL: Hopital de la Mère et de l’Enfant Lagune.
HZ : Hopital de Zone
HZS: Hopital de Zone Sanitaire
IEC: Information- Education-Communication
INERIS: Institut National de l’Environnement et des Risques
INRS: Institut National de Recherche Scientifique
IRD: Institut de Recherche pour le Développement
MS: Ministère de la Santé
MSF: Médecin Sans Frontière
OFSP: Office Fédérale de la Santé Publique
OGM : Organisme Génétiquement Modifié
OMS: Organisation Mondiale d la Santé
PPP : Politiques Publiques de Santé
RSI: Règlement Sanitaire International
SESS : Service d’Epidémiologie et de Surveillance Sanitaire
SGM : Secrétariat Général du Ministère
SIDA : Syndrome d’Immunodéficience Acquise
TIC : Technologie de l’Information et de la Communication
UAC: Université d’Abomey-Calavi
UNICEF: United Nations of International Children's Emergency Fund.
USA: United States of América
WHO: World Health Organization
RESUME
En novembre 2014, le Bénin a souffert d’une épidémie de fièvre Lassa. Sa proximité géographique avec le Nigéria, un pays voisin oü la maladie est endémique, est une menace permanente qui pèse sur l’ensemble des pays de la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest. La gestion des épidémies de fièvre a Virus est une expérience qui permet d’évaluer la capacité des systèmes sanitaires a organiser efficacement des plans de riposte. La mise en place des stratégies pour controler la fièvre Lassa, nécessite des travaux de recherche, tant en santé publique qu’en sciences sociales. L’objectif de cette recherche est de comprendre comment les perceptions et les pratiques a risque des acteurs, favorisent la propagation du Virus Lassa en milieu Aizo a Allada. L’analyse des données recueillies révèle que les logiques et perceptions des acteurs, les pratiques induites et la défaillance du système de communication pour la santé favorisent la propagation de la fièvre Lassa en milieu Aizo a Allada.
Mots clés : fièvre de Lassa, logiques, pratiques, risque, construction sociale
ABSTRACT
In November 2014, Benin suffered from an epidemic of Lassa Fever. Its geographic proximity to Nigeria, a neighboring country where the disease is endemic, is a permanent threat to all of the countries of the Economic Community of West African States. Managing epidemics of Hemorrhagic Fever Virus is an experiment that assesses the capacity of health systems to effectively organize response plans. The implementation of strategies to control Lassa Fever requires research, both in public health and in the social sciences. The objective of this research is to understand how the risk perceptions and practices of actors, promote the spread of the Lassa Virus in Aizo environment in Allada. Analysis of the data collected reveals that the actors' logics and perceptions, induced practices and the failure of the health communication system favor the spreading Lassa Fever in the Aizo environment in Allada.
Keywords: Lassa fever, logics, practices, risk, actors
INTRODUCTION
En Afrique de l’Ouest, la fièvre de LASSA est une maladie grave â grand potentiel épidémique. Elle a été confirmée pour la première fois en 1969 au Nigéria oü elle est endémique. La fièvre de Lassa est endémique en Guinée, au Libéria, en Sierra Léone et elle est sans doute présente dans d’autres pays comme le Mali, le Burkina- Faso, le Ghana, la Cote d'Ivoire et le Togo (Aubry, 2019).
La fièvre â Virus Lassa est un véritable problème de santé publique en Afrique Occidentale oü elle est responsable d’épidémie mortelle surtout lorsqu’elle touche des individus fragiles comme les réfugiés, les enfants, les personnes âgées (OMS, 2017).
Depuis la découverte du premier cas au Bénin en novembre 2014, la fièvre de Lassa est devenue une préoccupation majeure pour le Ministère de la Santé et ses partenaires techniques et financiers. Les comportements et pratiques â risque infectieux au sein de la population béninoise sont présents au quotidien (Ridde 2015). Les facteurs associés â la persistance de ces comportements et pratiques â risque de propagation sont multiples et nécessitent d’etre explorés suffisamment pour mettre en place un système performant de riposte contre la Fièvre Lassa (OMS, 2019)
Face â la menace d’une crise sanitaire en contexte d’épidémie de fièvre de Lassa au Bénin, les interventions de l’Organisation Mondiale de la Santé se sont multipliées pour aider les pays directement touchés â endiguer les flambées par la prise en charge rapide, l’isolement et le traitement des nouveaux cas, la formation du personnel soignant â vite diagnostiquer la maladie, la fourniture du matériel et des équipements médicaux, le soutien des campagnes d’éducation pour la santé (OMS, 2017) . En effet, la mise en reuvre d’un plan de riposte est une intervention incontournable de prevention et de controle d’une flambée épidémique. Lorsque la population est exposée au risque infectieux du Virus Lassa, le choix des traitements peut etre limité, l’organisation des interventions directes peut prendre un certain temps, et les ressources peuvent se faire rares. Pour cette raison, la communication efficace de conseils et de directives demeure souvent l’outil le plus important pour gérer les comportements et pratiques â risque de propagation du Virus Lassa (OMS, 2018).
Le terme fièvres â Virus (FHV) désigne un ensemble de maladies virales graves, parfois associées â des signes hémorragiques. Elles sont causées par différents virus dont le Virus Lassa. L’Organisation Mondiale de la Santé confirme que bien qu’ayant été décrit pour la première fois dans les années 1950, le virus â l’origine de la fièvre de Lassa n’a été identifié qu’en 1969 chez deux infirmières missionnaires dans la ville de Lassa, dans l’Etat de Borno au nord du Nigéria. La fièvre de Lassa est une fièvre hémorragique provoquée par un arenavirus nommé virus Lassa proche de la Maladie â Virus Ebola (Institut Pasteur, 2012).
La fièvre de Lassa est la FHV la plus souvent exportée hors des frontières oü elle sévit. L’infection est propagée par le contact avec les excréments, les urines et autres sécrétions biologiques d’un rongeur péri-domestique (Mastomys natalensis), un animal originaire de l’Afrique subsaharienne. En raison de leur proximité, le Mastomys natalensis peut transmettre le virus de la fièvre de Lassa â d’autres espèces de rongeurs et tous vivent non loin des maisons, voire â l’intérieur des habitations dans les zones d’endémie (Institut Pasteur, 2012).
La transmission se fait aussi par manipulation d’animaux (rongeurs) vivants ou morts ou en mangeant leur viande. La transmission interhumaine se fait par contact direct d’un sujet sain avec un sujet infecté. La transmission de la fièvre de Lassa se fait â partir du réservoir (rongeur Mastomys) oü le virus se maintient dans la population des rats mastomys, dans leurs urines et excréments. En ce qui concerne l’infection primaire chez l’homme, 80 â 90% des Hommes se contaminent par ingestion d’aliments contaminés ou par exposition â des objets contaminés par les urines et/ou excréments de rats infectés ou par contact direct avec des rats Mastomys infectés. L’infection humaine secondaire révèle que la transmission secondaire interhumaine se produit par contact direct avec le sang, les sécrétions, les organes ou autres fluides corporels de personnes infectées. (Cf Introduction â la fièvre de Lassa, controle des risques infectieux, OMS) Le personnel soignant et les gardes malades sont particulièrement exposés au contact direct avec les liquides physiologiques infectés comme le sang, les sécrétions (salive, sueur...), les vomissures, les selles ainsi que d'autres liquides biologiques des personnes infectées ou par contact direct avec le matériel ou les objets contaminés ou souillés (lits, habits, ustensiles...) (Ministère de la Santé du Bénin, 2015).
L’infection est asymptomatique dans environ 80 % des cas. La maladie incube pendant 6 a 21 jours. Les premiers signes cliniques apparaissent généralement 6 jours après l’infection. Les premiers symptomes qui apparaissent sont peu spécifiques : fortes fièvres, des courbatures, des pharyngites, vomissements, céphalées. L’OMS signale que dans les cas sévères, les signes cliniques s’aggravent : avec l’apparition d'redèmes, d’hémorragies dans la cavité buccale, nasale, dans le vagin et dans l'appareil digestif, d'épanchements péricardiques et pleuraux, et parfois d'encéphalites. A un stade tardif, des états de choc, convulsions, tremblements sont diagnostiqués, entrainant généralement la mort deux semaines après l’apparition des premiers symptomes (OMS, 2016).
Le diagnostic de la fièvre a Virus Lassa est difficile et nécessite un plateau technique adéquat. En effet, Les premiers signes cliniques qui apparaissent sont peu spécifiques et peuvent correspondre a de nombreuses autres maladies sévissant dans la région comme le paludisme, la dysenterie, la fièvre typhoide, la fièvre jaune ou autres fièvres hémorragiques virales. C’est pourquoi il est très difficile de diagnostiquer la maladie a un stade précoce, ce qui augmente les risques de sa propagation rapide au sein de la population (OMS, 2017).
Pour confirmer avec précision le diagnostic, il est nécessaire d’effectuer une sérologie, ce qui est rarement possible dans les zones endémiques. Il n’existe pour cette maladie aucun vaccin pour le moment. Un diagnostic précoce et une prise en charge rapide permettent de sauver des vies (Institut Pasteur, 2012)
La fièvre de Lassa est particulièrement grave pour les femmes enceintes et leurs fretus avec un taux de mortalité fretale supérieur a 85 %. La moralité maternelle est accrue au troisième trimestre avec plus de 30%. La fièvre Lassa constitue une cause importante d’hospitalisations pédiatriques dans certaines zones d’Afrique de l’Ouest. Les nourrissons (jusqu’a 2 ans) peuvent présenter un “syndrome du bébé gonflé”, associé a un fort taux de mortalité. L'histoire du patient est essentielle et doit se concentrer sur l’exposition aux rongeurs et/ou vivant ou ayant voyagé dans une zone ou un village endémique et/ou contact avec un cas de fièvre de Lassa (Cf controle des risques infectieux, OMS).
L’OMS recommande que le traitement de la fièvre de Lassa soit fait en soins intensifs sous une grande surveillance de l’équilibre des liquides et des électrolytes et la fonction rénale avec une réhydratation prudente. Les traitements médicamenteux symptomatiques par l’utilisation des analgésiques, antiémétiques pour les vomissements, anxiolytiques pour l’agitation, + /- antibiotiques et/ou antipaludiques. Le médicament antiviral Ribavirine peut etre administré au début de la maladie.
Le Ministère de la santé du Bénin avec l’appui de l’OMS et des partenaires, s’efforce de mettre en place un mécanisme de coordination et de gestion de flambée épidémique depuis le diagnostic confirmé du premier cas de la fièvre de Lassa au Bénin. Dans les stratégies de riposte, quelques mesures de lutte ont été initiées: enquete sur le terrain, renforcement de la surveillance, prise en charge des cas, lutte contre l’infection et prevention, recherche et suivi des contacts, et mobilisation sociale. En appui â la riposte, l’OMS a déployé une équipe pluridisciplinaire dans les régions touchées. Le Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique (OMS/AFRO) a envoyé deux experts et a apporté une aide financière au pays (OMS, 2016).
Malgré cette riposte organisée par le Ministère de la Santé et ses Partenaires Techniques et Financiers (PTF) contre la fièvre de Lassa, il existe au sud du Bénin et précisement â Allada dans le département de l’Atlantique, des pratiques â risque de contagion qui sont développées par les populations Aizo. Qu’est ce qui motive ces pratiques â risque de contagion de la fièvre de Lassa et comment sont-elles construites socialement dans le groupe social Aizo d’Allada ?
La présente recherche se propose de mieux cerner les logiques et les perceptions qui fondent les pratiques favorables au risque de propagation de la fièvre de Lassa au sein du groupe social Aizo dans la commune d’Allada. Nous essayerons d’élucider les dynamiques autour de la construction sociale des comportements et pratiques â risque d’infection de la fièvre de Lassa â Allada.
Notre démarche consistera dans un premier temps â aborder les fondements théoriques de la recherche. Ensuite nous détaillerons l’approche méthodologique envisagée. Nous finirons ce travail par le traitement et l’analyse des logiques ét facteurs associés au risque de propagation de la fièvre de Lassa en pays Aizo.
CHAPITRE I : APPROCHE THEORIQUE DE LA RECHERCHE
Cette partie de notre travail comporte essentiellement l’état de la question qui nous permet de procéder a l’élaboration de la problématique, des hypothèses, des objectifs de la recherche.
1.1. Etat de la question
L’état de la question de cette recherche aborde les données épidémiologiques de la fièvre de Lassa en Afrique de l’Ouest et au Bénin, les travaux de recherche en santé publique et en sciences sociales, les lacunes de ces travaux de recherche et les nouvelles pistes de recherche qui se dégagent.
1.1.1 Epidémiologie de la fièvre de Lassa
La fièvre de Lassa est une fièvre dont l’agent pathogène est un arénavirus appelé virus de Lassa. Ce Virus est endémique dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, oü il infecte de 100 000 a 300 000 personnes par an dont 5 000 a 6 000 cas de décès (Nancy, 2015). Il n’existe a ce jour aucun vaccin contre ce virus qui représente non seulement un problème de santé publique, mais qui est aussi utilisé comme agents potentiellement employable pour le bioterrorisme (Institut Pasteur, 2012).
1.1.1.1 Un virus endémique en Afrique de l’Ouest
Le Virus responsable de la fièvre Lassa doit son nom a la ville du Nigéria dans laquelle il a été isolé pour la première fois en 1969 chez une infirmière qui est tombée malade dans l’exercice de ses fonctions après avoir administré des soins. Elle en mourut après avoir contaminé deux autres personnels soignants. (Institut Pasteur, 2019). La fièvre de Lassa est endémique au Nigeria, en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone. Des flambées épidémiques surviennent régulièrement dans ces pays avec une exposition des pays voisins au risque de propagation par exportation du Virus Lassa.
Les troubles politiques ayant entrainé un afflux de réfugiés dans les zones touchées ont favorisé l’augmentation de l’incidence de la maladie ces dernières années. Enfin, la fièvre de Lassa est la fièvre la plus fréquemment importée dans les pays du Nord, avec plus de vingt cas recensés depuis 1969 (Institut Pasteur, 2019).
1.1.1.2. Un petit rongeur domestique, réservoir du virus
Le principal réservoir du virus Lassa est un petit rongeur péri-domestique appelé Mastomys natalensis. Le virus se transmet â l’homme par contact avec les excréments de l’animal (urines, fèces). Un grand nombre de ces rongeurs vivent â proximité, voire â l’intérieur des habitations, et leur taux d’infection peut aller jusqu’â 80%. Les contacts entre l’homme et le réservoir infecté sont donc très fréquents dans les villages, et le nombre de personnes infectées chez les individus vivant en zone d’endémie peut ainsi atteindre 50%. (Institut Pasteur, 2019). La transmission interhumaine du virus peut également se faire d’homme â homme, principalement dans un contexte hospitalier, par contacts cutanéomuqueux avec les fluides biologiques d’un patient. Le personnel soignant et les gardes malade sont particulièrement exposés. (OMS, 2016).
1.1.1.3 Situation épidémiologique au Bénin
En Novembre 2014, le premier cas de fièvre Lassa a été enregistré au Bénin. C’est â la suite du décès suspect de quatre membres du personnel de santé de l’hopital de Tanguiéta sur une courte période (entre le 23 octobre et le 3 novembre), qu’une investigation dans la zone a été menée. Six cas suspects ont été identifiés. Des prélèvements ont été effectués et transmis au laboratoire de référence de l’Université de Lagos agréée par l’OMS. Les résultats ont identifié deux cas positifs â la fièvre de Lassa. Au total, 14 cas ont été enregistrés dont deux confirmés et huit décès (y compris les deux cas confirmés). Parmi les décès, quatre sont survenus au sein du personnel de santé de l’hopital de Tanguiéta et les quatre autres ont été enregistrés dans la commune de Cobly. Au total, 170 contacts ont été identifiés dans les communes de Tanguiéta et de Cobly et font l’objet d’un suivi quotidien. Une quarantaine de relais communautaires continuent la recherche active de nouveaux cas contacts sur le terrain. (OMS, 2014)
Le 25 janvier 2016, le point focal national RSI pour le Bénin a notifié â l’OMS une flambée de fièvre de Lassa. Cette flambée a été initialement détectée le 21 janvier 2016 â la suite de rapports faisant état d’une fièvre inexpliquée chez un groupe d’agents de santé de la commune de Tchaourou, dans le département du Borgou au Nord du Bénin. En effet, le 3 janvier, ces agents de santé ont dispensé des soins â un patient souffrant d’une fièvre hémorragique (MS-Bénin, 2016). Du 21 janvier au 16 février 2016, 71 cas (6 cas confirmés, 10 cas probables et 55 cas suspects) ont été signalés dans sept départements, â savoir Borgou (52), Collines (13), Ouémé (2), Alibori (1), Atlantique (1), Kouffo (1) et Littoral (1). Au cours de la meme période, on a enregistré 23 décès au total dans les départements de Borgou (16), Collines (4), Atlantique (1), Ouémé (1) et Plateau (1). Sept des cas notifiés (3 cas confirmés, 1 cas probable et 3 cas suspects), dont 2 mortels (1 cas confirmé et 1 cas probable) ont concerné des agents de santé. Six (6) cas, dont 2 mortels, ont été confirmés en laboratoire par PCR après transcription inverse â l’Unité de Virologie du Central Research Laboratory, â Lagos University Teaching Hospital au Nigéria. Le sécrétariat général du ministère de la Santé du Bénin conclu qu’â la date du 07 mars 2016, les données suivantes ont été enregistrées : 41 cas (10 confirmés, 13 probables et 18 suspects) ; 20 décès enregistrés dont 4 décès parmi les 10 cas confirmés (létalité 40%) ; 13 probables décédés ; 03 décès parmi les suspects (Létalité globale= 49%).
Le Vendredi 16 mars 2018, le Ministre de la santé a déclaré la fin de la quatrième épidémie de la fièvre de Lassa au Bénin. A travers une conférence de presse, le Ministre de la santé, la fin de la quatrième épidémie de la fièvre de Lassa au Bénin. En effet, le 8 janvier 2018, le Bénin a enregistré le tout premier cas présumé index de la fièvre de Lassa dans la commune de Boukounbé (département de l’Atacora). A la date du 16 mars 2018, quinze cas suspects, cinq cas confirmés tous décédés et trois cas probables ont été enregistrés (MS-Bénin, 2018).
Le 13 décembre 2018, les autorités sanitaires du Bénin ont notifié 3 cas de fièvre de Lassa (deux confirmés et un probable). Les cas ont été notifiés dans la municipalité de Parakou, dans le département du Borgou, dans le nord du pays. Tous les cas venaient du village de Taberou au Nigéria situé a 5 kilomètres de Tandou dans la commune de Tchaourou (MS-Bénin, 2018) En Aout 2019, la commune d’Allada a enregistré deux cas suspects dont un décès (Zone Sanitaire Allada-Ze-Toffo, 2019). Ces cas suspects ont fait l’objet d’une alerte au Ministère de la Santé. Les sérologies effectuées se sont révélées négatives. Signalons que le département de l’atlantique qui abrite la commune d’Allada, site de notre recherche, avait déja enregistré (1) cas confirmé de fièvre de Lassa en 2016 a Abomey-Calavi (OMS, 2016).
1.1.2 Travaux de recherche en Santé Publique
Des études sur la fièvre de Lassa en référence a l'Afrique de l'Ouest, ont été réalisées par « Medline Entrez-PubMed ». Ces travaux indiquent que la rareté des ressources disponibles pour le système de prestation des soins de santé et l'instabilité politique qui caractérise les pays d'Afrique de l'Ouest continueront d'entraver les efforts de lutte contre la fièvre de Lassa dans la sous-région et précisent qu’il faut une formation adéquate des agents de santé en matière de diagnostic, de soins intensifs des patients isolés, de recherche des contacts, de mesures de précaution adéquates dans la manipulation des échantillons de laboratoire infectieux, de controle du vecteur ainsi que de soins et d'élimination des déchets infectieux ( Ajuluchukwu, 2007).
Une recherche publiée par The Center for Disease Control and Prevention (CDC) confirme que le réservoir, ou hote, du virus Lassa est un rongeur connu sous le nom de « rat plurimammaire » (Mastomys natalensis). Ce rongeur une fois infecté, est susceptible d’excréter le virus par le biais de l’urine. L’intéret de cette étude est de spécifier que cette excrétion du virus Lassa par l’urine se fait pendant une période prolongée, et peut-etre meme pour le reste de la vie de l’animal, d’oü l’importance des interventions de la Santé Publique en matière de protection des nourritures et ustensiles de cuisine contre les liquides biologiques et excréments des rongeurs Mastomys. Cette étude du CDC a eu le mérite d’apporter des détails sur la description des espaces de vie du rongeur plurimammaire Mastomys natalensis. En effet, les rongeurs Mastomys se reproduisent fréquemment et sont très prolifiques. Les résultats de cette étude rapportent que ces rats Mastomys sont très nombreux et vivent dans les savanes et les forets, non seulement de l’Afrique de l’Ouest comme l’ont fait savoir auparavant de nombreuses études, mais aussi de l’Afrique Centrale et de l’Afrique de l’Est. Il a été aussi souligné par le CDC â travers ces travaux de recherche que les rongeurs Mastomys colonisent facilement les maisons â la recherche des endroits oü sont entreposés les aliments et nourritures.
Tous ces facteurs constituent en Santé Publique des priorités sur lesquelles il faut agir efficacement car ils contribuent selon le CDC â la transmission relativement efficace du Virus Lassa, du rongeur infecté aux humains. Il est â noter que « The Centers for Disease Control and Prévention » (CDC) précise dans ses travaux que la transmission du Virus Lassa se produit le plus fréquemment non seulement par ingestion mais aussi par inhalation. L’élément nouveau de cette recherche est donc la contamination par inhalation du Virus Lassa, ce qui interpelle le personnel soignant â adopter systématiquement des mesures rigoureuses de protection en milieu hospitalier. Les conclusions de cette étude insistent sur le fait que les rongeurs Mastomys excrètent le virus par l’urine et les déjections, par contact direct avec ces excréments, â travers le contact avec des objets souillés, l’ingestion d’aliments contaminés ou l’exposition â des coupures ou des blessures ouvertes peuvent provoquer la contagion. Toutes ces informations permettent de mieux orienter les interventions en Santé Publique pour réduire le risque de propagation rapide de la fièvre de Lassa au sein des populations exposées.
En dehors de la contamination primaire qui se fait directement du rat Mastomys aux humains, Le CDC confirme également â travers ses publications que la transmission interhumaine est possible â travers l’exposition au Virus Lassa présent dans le sang, les tissus organiques, les sécrétions ou les excrétions d’un individu infecté par le Virus Lassa. Cette recherche clarifie également que le simple contact (y compris le contact corporel sans échange de fluides corporels) ne transmet pas le Virus Lassa. La transmission interhumaine est courante dans les établissements de soins de santé par les infections nosocomiales lorsqu’un équipement de protection individuel adapté n’est pas disponible ou n’est pas correctement utilisé.
Par ailleurs, a travers ses travaux de recherche, le Centre René Labusquière, Institut de Médecine Tropicale, Université de Bordeaux, Bordeaux (France) souligne que pendant 40 ans, il a été supposé que Mastomys natalensis était le seul hote du Virus Lassa. Pourtant, de récentes études réalisées confirment désormais, qu’il existe des preuves que le Virus Lassa est également hébergé par d'autres espèces de rongeurs : la souris de bois africaine Hylomyscus pamfi au Nigeria, et la souris multimammate de Guinée, Mastomys erythroleucus au Nigéria et en Guinée. Les souches de Virus Lassa détectées chez Mastomys erythroleucus appartiennent aux lignées III et IV. La souche provenant des amas de H. pamfi est proche de la lignée I (pour le gène S) et entre II et III (pour le gène L). La découverte de nouveaux hotes rongeurs a des implications sur l'évolution de la fièvre Lassa et sa propagation dans de nouvelles zones en Afrique de l'Ouest. En conséquence, les interventions en Santé Publique doivent cibler leurs stratégies par rapport a ces nouveaux hotes pour mettre en place des systèmes plus adaptés de protection et de promotion de la santé des populations. Cette recherche du Centre René Labusquière, Institut de médecine Tropical en France a eu le privilège de clarifier qu’il existe 4 souches différentes de virus dont trois circulent au Nigeria et une (la souche Josuah et variants) dans la ceinture de la fièvre de Lassa (Sierra Leone, Guinée, Liberia). Les souches du Nigeria seraient plus virulentes que la souche de la ceinture de la fièvre Lassa. Les travaux du Centre René Labusquière ont fait remarquer que le Virus Lassa a été isolé pour la première fois en 1969 aux Etats-Unis dans un contexte d’épidémie nosocomiales, a partir d’une infirmière rapatriée de la Ville de Lassa dans l’Etat de Borno au Nord du Nigéria, aux Etats-Unis a New York, elle-meme contaminée dans la ville de Lassa par une sagefemme décédée sur place. Les memes études pilotées par le Professeur Pierre Aubry et le Docteur Bernard Alex G. précisent que La fièvre de Lassa est une infection nosocomiale.
En effet, la flambée en 2004 en Sierra Leone, indiquent ces chercheurs, a été due a l’administration parentérale de médicaments provenant de flacons multi-doses contaminés par le virus Lassa. En Santé Publique, la protection et la promotion de la santé sont indispensables pour prévenir la propagation de la fièvre de Lassa. A cet effet, le CDC a publié des recherches qui ont prouvé qu’en matière de sensibilité aux désinfectants, le Virus Lassa est sensible â l'hypochlorite de sodium â 0,5 %, aux composés phénoliques, â l'acide acétique â 3 % (PH de 2,5), aux solvants de lipides et aux détergents comme le SDS, â la fixation au formaldéhyde et au paraformaldéhyde, â la fumigation au formaldéhyde et au ß-propiolactone. En pratique dans les hopitaux africains, c’est l'hypochlorite de sodium â 0,5 % qui est utilisé pour la désinfection des locaux, cadavres et vetements et l'hypochlorite de sodium â 0,05 % pour la désinfection des mains. Cette recherche a permis aux acteurs chargés de la protection et de la promotion de la santé, de mettre en place des mesures préventives par l’utilisation des solutions chimiques adaptées.
Une équipe internationale composée de chercheurs du Scripps Research Institute, de l'UdeM, des universités Harvard et Tulane, Nigeria Irrua Hospital et Sierra Leone Kenema Government Hospital a réalisé une recherche sur la diffusion du Virus Lassa et les résultats de leurs travaux, parus récemment dans la revue scientifique Cell, démontrent que des souches éloignées du virus de Lassa ont été découvertes au Nigeria dans un virus ancetre commun datant de plus de 1000 ans. Cela a particulièrement surpris les chercheurs, car la fièvre qu'il provoque a été rapportée au Nigeria pour la première fois seulement en 1969. Les chercheurs ont trouvé que l'infection s'est répandue au cours des 400 dernières années en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone, les memes régions touchées depuis 2013 par le virus Ebola.
Ces memes chercheurs renseignent qu’avec sa propagation, le virus muté semble s'etre adapté aux mammifères hotes. Actuellement, il tue son hote humain rapidement, ce qui limite l'épidémie et constitue une préoccupation de grande importance en Santé Publique en matière de prevention et de prise en charge rapide pour limiter la transmission interhumaine. Mais une plus grande survie des malades permettrait au virus de se transmettre davantage et ainsi favoriser sa propagation par transmission interhumaine. Les nouvelles données montrent également que la plupart des cas de fièvre de Lassa sont causés par l'animal réservoir, qui lui, est un porteur asymptomatique et le transmet ensuite aux humains. Le fait que la fièvre se propage moins fréquemment de personne â personne a permis jusqu'â maintenant de limiter sa dissémination, indique Jesse Shapiro. Ce qui note une difference majeure entre le virus de Lassa et le virus Ebola dont la transmission interhumaine est plus rapide.
The African Field Epidemiology Network â travers The Pan African Medical Journal a publié les travaux d’une étude portant sur « Les Connaissances et attitudes des relais communautaires sur les fièvres de Lassa et Ebola dans le département de la Donga (Nord Bénin) » (Cossi, 2017). L’objectif de cette étude a été d’évaluer les connaissances et attitudes des relais communautaires vis-â-vis des fièvres hémorragiques â virus Ebola et Lassa et leur implication dans la mise en reuvre des activités de prévention de ces maladies. Ces travaux de recherche ont permis d’évaluer la conduite â tenir devant un cas suspect de fièvre hémorragique virale Lassa ou Ebola. Quarante-et-un relais communautaires (70,7%) feraient recours aux agents de santé sans toucher au malade, neuf (15,5%) feraient appel â l’ambulance et huit (13,8%) transporteraient le cas sur leur propre moto ou sur un taxi-moto vers le centre de santé le plus proche. A travers une enquete transversale et descriptive, 58 relais communautaires ont été enquetés dans 40 villages du département de la Donga. Cette recherche a permis de conclure que le renforcement des capacités des relais communautaires sur les fièvres hémorragiques virales contribuerait â l’amélioration de leurs connaissances sur ces épidémies mortelles et â la qualité de leurs interventions dans la population.
La Confédération Suisse indique dans ses investigations que le personnel médical, de laboratoire ou les membres de la famille font partie des groupes â risque, particulièrement lors des soins apportés aux malades, en cas de contact direct avec fluides corporels, tout comme les collaborateurs d‘organisations (ex. CICR) qui travaillent dans une zone d‘épidémie (OFSP, 2019). Les memes investigations précisent que l’application des normes d‘hygiènes usuelles et la conservation des aliments hors de portée des rongeurs réduisent le risque d’infection dans les régions endémiques. L’OFSP attire l’attention des décideurs en Santé Publique sur le fait qu’aucun symptome n’apparait chez 40-80 % des personnes infectées. Toutefois, L’Office Fédérale de Santé Publique fait remarquer que bien qu’aucun symptome n’apparait chez 40 â 80% des personnes infectées, ces personnes constituent un risque de propagation de la Fièvre Lassa car une personne infectée asymptomatique est une source de contamination, d’oü le respect des règles usuelles d’hygiène dans les relations sociales en milieu hospitalier et au sein de la population â travers des perceptions, attitudes, comportements et pratiques susceptibles de favoriser la propagation de la Fièvre de Lassa.
Les travaux effectués sur le risque infectieux hospitalier sont utiles pour notre recherche en raison du caractère nosocomiale de l’infection â Virus Lassa. En effet, le risque infectieux en milieu hospitalier est une vieille préoccupation de la protection sanitaire que l’on a cru voir disparaitre avec l’apparition des antibiotiques. Devenues aujourd’hui un enjeu majeur de Santé Publique, les Infections Nosocomiales (IN) sont censées désigner â la fois les infections qui touchent les malades et les professionnels de santé. Toutefois, force est de constater que les Infections Nosocomiales touchant les malades ont davantage de visibilité sociale que celles susceptibles de concerner les soignants (Danièle C. 2008). C’est le cas de l’infection Nosocomiale â Virus Lassa qui, â partir de la transmission interhumaine en milieu hospitalier, a une grande résonnance sociale, devenant ainsi une préoccupation majeur pour les spécialistes de la Santé Publique et des Sciences Humaines. La préoccupation fondamentale des travaux de recherche de Danièle Carricaburu et de ses collègues chercheurs, est de comprendre les risques liés â l’activité professionnelle et l’interdépendance entre les représentations du risque infectieux comme risque pour soi et comme risque pour les malades. Ces travaux ont eu le mérite de tracer le processus de repérage des axes de transmission â travers les discours des professionnels â savoir, la transmission de soignant â soignant, celle enfin de patients â soignants qui est largement dominante. Ces recherches ont aussi abordé la question de la hiérarchisation des risques infectieux en fonction des catégories d’acteurs excrcant l’activité professionnelle en milieu hospitalier. Ainsi, certains agents (Infirmiers, chirurgiens, aides-soignants etc..) sont plus exposés aux accidents par exposition au sang (AES).
1.1.3 Travaux de recherche en Science Sociales
La recherche documentaire nous a permis de recenser et de d’analyser quelques travaux de recherche en Sciences Sociales en rapport avec la Fièvre de Lassa.
En effet, dans un article publiée dans la Revue Internationale d’Anthropologie de la Santé autour de la thématique « La Fièvre â Virus Lassa au Bénin en 2014 en contexte d’Ebola : une épidémie révélatrice de la faiblesse du système sanitaire », les auteurs ce sont intéressés aux conditions sociales du déclenchement et de l’évolution de l’épidémie de FHVL d’une part, et les processus techniques, politiques et institutionnels de sa gestion par l’État et le réseau international d’alerte et de riposte sanitaire, d’autre part ( Ridde, 2015). Les conclusions de cette étude ont confirmé que cette épidémie â Virus Lassa survenue en 2014 au Nord du Bénin, est révélatrice d’une faiblesse du système sanitaire du pays, notamment en matière de communication et de diagnostic. En effet, les structures décentralisées du système de soins ne se sont pas approprié leurs roles et l’État manque d’un système de surveillance et de capacités de gestion des épidémies d’urgence.
Par ailleurs, dans un ouvrage intitulé « Les maladies de passage. Transmissions, preventions et hygiènes en Afrique de l’Ouest », Bonnet, Doris & Jaffré, Yannick ont rapporté les résultats de terrain d’une recherche ethnographique menée en abordant les conceptions populaires de la transmission des maladies et des pratiques d’hygiène dans les sociétés ouest-africaines. Ces travaux qui ont développé une approche systémique, bien que n’ayant pas abordé la Fièvre de Lassa de facon spécifique, ont pourtant eu le mérite de rendre compte des écarts qui persistent â divers niveaux entre les discours et actions des acteurs. En effet, il existe une incompatibilité entre discours des éducateurs pour la santé et réalité des attitudes populaires de prudence face â la maladie et ses vecteurs. Cet écart qui existe entre les normes de Santé Publique en matière de protection individuelle et collective et les pratiques contradictories observées au sein des populations, relance les preoccupations anthropologiques autour des discours des patients sur les règles d’évitement de la contamination et certaines conduites transgressives observées au quotidien par les acteurs sociaux (Poirée, 2003). Ces travaux de recherche parviennent â conclure qu’au Mali, au Niger ou en Guinée maritime, une large part des affections connues résulte d’un contact, provoqué ou non, avec l’agent pathogène responsable du mal. Le corps et tout ce qui en émane est souvent le principal véhicule de beaucoup de pathologies : liquides, saletés et impuretés corporels sont ainsi présentés comme d’importants vecteurs. Toucher ou consommer des aliments souillés peut également rendre malade. S’asseoir a l’endroit oü s’est reposé un malade expose le corps sain a une chaleur résiduelle tout aussi contaminant que la salive de l’épileptique au Mali. Mais la contiguité directe n’est pas indispensable pour que se transmette une maladie.
Une autre étude transversale a été réalisée sur la « Fièvre de Lassa dans la Commune de Tchaorou au Bénin, un modèle d’intervention en promotion de la Santé » (BOKOSSA, 2019). L’objectif de cette recherche était d'identifier les défaillances dans les déterminants sociaux de la santé en lien avec la Fièvre Hémorragique Lassa afin d'élaborer un cadre conceptuel d'intervention assorti de stratégies utiles a la lutte contre la Fièvre de Lassa dans la commune de Tchaourou, Bénin. Au terme des travaux de recherche, les résultats indiquent que la consommation de souris, la pratique de chasse en période épidémique, la pratique de feu de brousse, le manque d'instruction, l'inaccessibilité du centre de santé, l'inexistence de centre de santé a la frontière Bénin-Nigeria sont les facteurs favorables majeurs a la survenue de la Fièvre de Lassa a Tchaorou.
De meme, dans les résultats issus de leurs travaux de recherche intitulés « Renforcement de la recherche en sciences sociales en appui des priorités regionales du bureau Régional Afrique de l'Ouest et du centre de l'Unicef : analyses thématiques », (Egrot, 2017) évoquent les difficultés qui ont été notées en termes d’insuffisance des réponses techniques et biomédicales pour la gestion et le controle des épidémies en Afrique de l’Ouest. Ces chercheurs soulignent dans leurs travaux les enjeux d’une approche des sciences sociales dans la gestion et la prevention de la survenue des épidémies en mettant en évidence l’impact des erreurs de la riposte qui ont suscité des resistances de la part des populations. Ils précisent dans les résultats de leurs recherches l’insuffisance des connaissances médicales face, entre autres, aux Fièvres Hémorragiques a Virus en Afrique de l’ouest, conjuguée a des interventions sanitaires implémentées en urgence et de manière autoritaire, prenant peu en compte l’impact social et les interprétations culturelles, dans un contexte sociopolitique tendu, a retardé le controle de l’épidémie (Egrot, 2017).
De meme, ces travaux de recherche ont mentionné que les mesures de santé publique jouent un role essentiel et impliquent d’instaurer la confiance des populations dans le système de soins, dans des contextes oü leurs perceptions préexistantes des services de santé peuvent etre négatives (en fonction d’aspects historiques ou politiques), en contexte de pluralisme médical.
1.1.4 Les lacunes des recherches en Sciences Sociales
La plupart des recherches en Sciences Sociales en rapport avec la Fièvre de Lassa se sont beaucoup plus intéressées a la gestion des épidémies et l’efficacité des dispositifs mis en place par le pouvoir public pour faire face aux Flambées épidémiques (Ridde, 2015). Elles n’ont pas abordé véritablement les perceptions et pratiques des acteurs, favorables a la propagation rapide de la Fièvre Lassa au sein des populations.
D’autres travaux en Sciences Sociales qui se sont focalisées sur la gestion de la prévention de la Fièvre de Lassa dans les zones endémiques de l’Afrique de l’Ouest ou de l’Afrique Centrale ont eu essentiellement comme préoccupations la gestion des écarts qui existent entre les discours et actions des acteurs en charge de la communication pour la santé et les pratiques contradictories populaires observées au sein des bénéficiaires de leurs interventions (Bonet, 2003). La limite de ses travaux se traduit par le manque d’approfondissement des recherches pour comprendre les logiques et pratiques des acteurs qui justifient lesdits écarts, favorables a la propagation de l’infection a Virus Lassa. Le champ social de la pratique hospitalière en matière de la gestion des risques d’infection nosocomiale a Virus Lassa semble très peu exploré.
Ces travaux de recherche n’ont pas véritablement abordé la construction sociale du champ de la prevention de l’infection a Virus Lassa par une triple investigations a savoir, l’exploration des facteurs socioculturels et comportementaux favorables a la contamination primaire entre les rongeurs et les humains ; l’analyse socio- anthropologique des connaissances, attitudes et pratiques du personnel soignant en milieu hospitaliers, favorables au risque d’infection nosocomiale â Virus Lassa et enfin la capacité des acteurs institutionnels ( Ministère de la santé et ses partenaires) â conduire efficacement des stratégies politico-sanitaires visant â controler la Fièvre de Lassa et â prévenir sa propagation au sein de la population. Quelques travaux en Sciences Sociales se sont intéressés aux déterminants sociaux de la santé en lien avec la Fièvre de Lassa pour connaitre les facteurs favorisant la survenue de l’infection â virus Lassa (Bokossa, 2019) mais les déterminants réels de ses facteurs n’ont pas été explorés.
Ces differentes limites des travaux de recherches en sciences sociales qui ont été recensés et analysés ouvrent des perspectives sur de nouvelles pistes de recherche. Aucune recherche en Sciences Sociales sur la Fièvre de Lassa n’a été faite en milieu Aizo â Allada.
1.1.5 Les nouvelles pistes de recherche
En dehors des différents travaux de recherche en Sciences Sociales qui ont été recensés, quelques nouvelles pistes de recherches se dégagent:
- construction sociale du champ de la prévention de la Fièvres â Virus Lassa ;
- logiques et pratiques du personnel soignant dans la gestion des infections nosocomiales â Virus Lassa ;
- la prévention de la Fièvres â Virus Lassa en milieu scolaire et universitaire : un défi de Santé Publique ;
- facteurs associés â l’inobservance populaire des règles d’hygiène favorables â la propagation de l’infection â Virus Lassa ;
- communication pour la santé : entre Logiques des acteurs de la Santé Publique et pratiques sociales d’inobservance des règles d’hygiène, favorable â la propagation de la Fièvre de Lassa ;
- fièvre de Lassa et représentations sociales des rats en zone endémique ;
- régulation politico-sanitaire de la pratique de la chasse, de l’abattage et de consommation des rats en zone endémique de Fièvre Lassa ;
- pratiques des rites funéraires et propagation Fièvre â Virus Lassa dans les zones endémiques ;
- pratique de la médecine traditionnelle et risque de propagation de la Fièvre de lassa ;
- Fièvre de Lassa et Santé et sécurité au travail chez le personnel soignant.
1.1.6 Intéret du présent travail
L’intéret de notre recherche peut etre pécu autour des dimensions scientifiques, sociale et institutionnelle.
1.1.6.1 Intéret scientifique
La Sociologie et l’Anthropologie sont des disciplines â caractère scientifique qui dispose d’une démarche méthodologique rigoureuse visant â produire des connaissances qui, loin d’etre statiques, sont dynamiques par le biais de nouvelles recherches. Elles se complètent et se perpétuent.
L’intéret scientifique de notre travail réside dans la validité et la valorisation des résultats de recherche afin de les rendre utilisables par les acteurs â divers niveaux qui tiennent compte des réalités de terrain longtemps méconnues ou négligées dans le processus de conception, d’élaboration, de mise en muvre, des programmes et politiques de riposte face â la propagation de la Fièvre de Lassa.
1.1.6.2 Intéret social
La Sociologie et l’Anthropologie se réclament des Sciences Humaines et Sociales et de ce point de vue, elles mettent l’Homme au cmur de leurs préoccupations. Cette recherche perdrait sa validité scientifique s’il est dépourvu de tout intéret social. En effet, en travaillant sur la Fièvre de Lassa et la construction sociale des pratiques â risque, notre recherche envisage de contribuer â la promotion, â l’adoption et â la consolidation des comportements et pratiques sains, défavorables â la propagation du Virus Lassa au sein de la communauté Aizo â Allada et au Bénin. L’intéret social de ce travail est donc d’utiliser ses résultats pour initier ou renforcer des programmes d’action visant â limiter le risque de propagation du Virus Lassa dans la société afin de prévenir une crise sanitaire et permettre aux populations, d’etre â l’abri de toutes flambée épidémique pour que les secteurs de l’éducation, de la santé, de l’économie, du tourisme ne soient affectés.
1.1.6.3 Intéret institutionnel
L’intéret institutionnel de notre recherche est de contribuer au renforcement des capacités institutionnelles â partir des insuffisances ou faiblesses issues des résultats de nos travaux. En effet, le Ministère de la Santé â travers ces structures décentralisées au niveau central, intermédiaire et périphérique est â la recherche permanente de renforcement de ses capacités organisationnelles et opérationnelles pour faire face efficacement â la gestion, au controle, et â la prévention de la fièvre de Lassa. A partir des résultats issus des travaux de notre recherche, les acteurs institutionnels seront mieux éclairés pour adapter leurs interventions aux réalités de terrain.
Chapitre II FONDEMENT METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
2.1 Problématique
2.1.1 Enoncé du problème
L’enquete exploratoire a permis de dégager quelques constats qui constituent la base de la problématique de ce travail de recherche en milieu Aizo a Allada. Ces constats empiriques sont détaillés ainsi qu’il suit.
Le premier constat qui retient l’attention a Allada dans le cadre de notre travail est la commercialisation des raticides dans les rues, les maisons et les marchés. Les vendeurs ambulants poussent souvent des cris publicitaires qui peuvent laisser entendre « Adjaka », « Adjaka voleurs » ce qui signifie en langue Aizo « rat », « rats voleurs ». Très souvent, ces vendeurs ambulants, sans meme porter des gants, gardent en main un rat mort et déshydraté pour mieux capter l’attention de leurs clients sur l’efficacité des raticides commercialisés. L’intensité et la fréquence de cette activité commerciale en milieu Aizo est révélatrice de la présence des rats dans les habitations humaines. En effet, les rats vivent dans les maisons, aux alentours des habitations, dans certains bar-restaurants, dans les marchés, dans les magasins de stockage des produits alimentaires, dans les champs etc. La fièvre de Lassa est une zoonose dont l’agent réservoir du Virus est un rat dont le nom scientifique est le Mastomys natalensis, un animal originaire de l’Afrique de l’Ouest oü la Fièvre de Lassa est responsable de flambées épidémiques (Institut Pasteur, 2019). Ces rats prolifèrent facilement dans les brousses et colonisent les maisons a la recherche de nourritures surtout pendant la période allant de décembre a février. En milieu Aizo, la cohabitation des rats avec les humains expose ces derniers au risque de l’infection a Virus Lassa par contact avec les urines, les excréments et autres sécrétions biologiques des rats sur les aliments stockés et les nourritures parfois non protégées. Face a ce risque infectieux auquel les populations Aizo sont exposées, aucun travail de recherche sur les connaissances, attitudes et pratiques des acteurs sociaux face a la transmission primaire du Virus Lassa entre le rat et les humains n’a été réalisé en milieu Aizo depuis 2014 oü le premier cas de Fièvre de Lassa a été diagnostiqué au Bénin.
Deuxièmement, force est de constater en milieu Aizo â Allada qu’il existe non seulement l’activité commerciale de vente de la viande des rongeurs destinée â la consommation humaine, mais aussi des étalages de vente, dans les marchés, d’animaux de brousse morts y compris les rongeurs morts, complétement déshydratés et secs (rats, musaraignes, écureuils, aulacodes etc) â des fins qui nécessitent une enquete approfondie pour comprendre le fondement de ses pratiques de vente de rongeurs morts qui attirent un nombre impressionnant de clients vers les marchés. Tous ces animaux vendus dans les marchés « Noukoukou Sodji » qui signifie « marché d’animaux morts » encore appelé « Nounwanoun sodji » c’est-â-dire « marché d’ingrédients â base d’animaux morts » ne sont pourtant pas destinés â la consommation humaine comme nourriture. Il importe donc de mener des travaux de recherche pour cerner les usages sociaux des rats et comprendre les représentations sociales des rats en milieu Aizo. Malheureusement, aucune recherche n’a été faite dans ce sens en milieu Aizo â Allada pour tenter de comprendre ce qui fonde les pratiques et usages sociaux des rats.
Troisièmement, il a été constaté qu’il existe des relations de proximité non seulement entre les malades et le personnel soignant, mais aussi entre les malades et leur voisinage immédiat depuis le domicile jusqu’au centre de santé. Ces rapports de proximité des malades avec le personnel soignant sont responsables du risque d’infection nosocomiale â Virus Lassa (Aubry, 2019). Aucune recherche n’a été réalisée en milieu Aizo sur les pratiques des acteurs qui favorisent l’infection nosocomiale â Virus Lassa en milieu hospitalier. Notre recherche exploratoire révèle qu’en milieu Aizo, en cas de décès d’un malade â domicile, la pratique des rites funéraires sur le corps du défunt existe depuis la lune des temps. Toutefois, aucune étude anthropologique portant sur les rites funéraires et risque de flambée épidémique de Fièvre de Lassa n’a été faite pour apporter des éléments d’analyse approfondis.
Enfin, nous avons constaté que les structures sanitaires décentralisées (Zone Sanitaire, Direction départementale de la Santé ayant en charge la mise en reuvre de la politique nationale de santé ne disposent pas d’un document de politiques, normes et procédures en matière de communication pour un changement de comportement. En conséquence, il est constaté qu’il n’existe aucun plan stratégique de communication ni au niveau central de la pyramide sanitaire, ni au niveau décentralisé â Allada.
En Aout 2019, l’Hopital de Zone Sanitaire d’Allada a enregistré un cas déclaré suspect de Fièvre Lassa et ayant fait l’objet d’une alerte. Malheureusement ce cas est décédé et enterré avant l’obtention des résultats de la sérologie Lassa qui se sont révélés négatifs. Face â tous ces constats et lacunes en matière de recherche observés en milieu Aizo â Allada dans le département de l’Atlantique au Sud du Bénin, la question principale que suscite cette recherche est de savoir comment les perceptions et pratiques â risque, favorisent la propagation de la Fièvre de Lassa en milieu Aizo â Allada ?
Sur la base de cette question principale de recherches, trois questions subsidiaires ont retenu notre attention : en quoi les logiques et les perceptions des acteurs contribuent-elles â la propagation du Virus Lassa en milieu Aizo â Allada ? Existent-ils des facteurs qui fondent la construction sociale des comportements et pratiques â risque de propagation de la Fièvre de Lassa en milieu Aizo â Allada ?
Comment les insuffisances du système de communication pour la santé génèrent-elles la persistance des comportements et pratiques â risque de propagation de la Fièvre Lassa en milieu Aizo â Allada ?
[...]
- Citation du texte
- Towimin Ange Armel Akpassoumala (Auteur), 2019, Épidémie de fièvre de Lassa et construction sociale des pratiques à risque en milieu Aizo à Allada (sud du Bénin), Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/937836
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