Plus je m’éloigne du centre de la capitale de Kigali en me servant d’un taxi vélo qui pédale le long de la rue parsemée de trous et entourée d’une mer de bananier, plus la région de l’Afrique centrale devient rurale. Nous pilotons le vélo à travers un dédale de cabanes en torchis rouge, de petites maisons, de cyclistes et d’étals bourrés qui fourmillent, semble-t-il, pêle-mêle. Partout surgissent de petites collines et de plus grandes collines – ce n’est pas sans motif qu’on nomme ce minuscule morceau du continent africain « le pays des milles collines ». Au bord de la route beaucoup de gens marchent avec des poids lourds sur leur tête. Souvent nous dépassons aussi
d’autres cyclistes qui portent péniblement une armoire ou d’autres fardeaux. Moi, le blanc sous ses traits d’un serpent à lunettes, provoque bien sûr des signes joyeux et cela avant tout chez les enfants qui jouent ici devant les cabanes et maisons et souvent j’entends m’appeler gentiment : « Hello, Mzungu », hé, homme blanc ! Nous traversons une rivière où quelques femmes sont en train de puiser de l’eau pour remplir des bidons qu’elles portent avec peine dans leur village situé tout près derrière la prochaine montagne. Ce tableau idyllique incroyable, le vert intense de la flore ne s’emboîte pas avec les
événements de 1994 dans ce pays avec à peu près la superficie du Brandenbourg, entourant la capitale allemande de Berlin, ces événements qui ont, un ans après, conduit, grâce à la fameuse « résolution 955 » du Conseil de Sécurité de l’ONU, à la création du Tribunal Pénal International pour le Rwanda dans le pays voisin de la Tanzanie.Après de nombreux faits antécédents de l’ancienne colonie d’abord allemande, puis belge caractérisés par des actes cruels commis sans fin soit par les Hutus soit par les Tutsis au
détriment respectif de l’autre côté ethnique, un avion s’est écrasé au sol le 6 avril 1994 aux alentours de l’aéroport de Kigali. A bord était les présidents du Rwanda et du Burundi – un attentat, paraît-il, mais cela n’a jamais été prouvé. [...]
« Steven – ou le visage caché du génocide »
Kigali, le Rwanda, fin juillet 2002
Plus je m’éloigne du centre de la capitale de Kigali[1] en me servant d’un taxi vélo qui pédale le long de la rue parsemée de trous et entourée d’une mer de bananier, plus la région de l’Afrique centrale devient rurale.
Nous pilotons le vélo à travers un dédale de cabanes en torchis rouge, de petites maisons, de cyclistes et d’étals bourrés qui fourmillent, semble-t-il, pêle-mêle. Partout surgissent de petites collines et de plus grandes collines – ce n’est pas sans motif qu’on nomme ce minuscule morceau du continent africain « le pays des milles collines ». Au bord de la route beaucoup de gens marchent avec des poids lourds sur leur tête. Souvent nous dépassons aussi d’autres cyclistes qui portent péniblement une armoire ou d’autres fardeaux. Moi, le blanc sous ses traits d’un serpent à lunettes, provoque bien sûr des signes joyeux et cela avant tout chez les enfants qui jouent ici devant les cabanes et maisons et souvent j’entends m’appeler gentiment : « Hello, Mzungu », hé, homme blanc !
Nous traversons une rivière où quelques femmes sont en train de puiser de l’eau pour remplir des bidons qu’elles portent avec peine dans leur village situé tout près derrière la prochaine montagne. Ce tableau idyllique incroyable, le vert intense de la flore ne s’emboîte pas avec les événements de 1994 dans ce pays avec à peu près la superficie du Brandenbourg, entourant la capitale allemande de Berlin, ces événements qui ont, un ans après, conduit, grâce à la fameuse « résolution 955 » du Conseil de Sécurité de l’ONU, à la création du Tribunal Pénal International pour le Rwanda dans le pays voisin de la Tanzanie.
Après de nombreux faits antécédents de l’ancienne colonie d’abord allemande, puis belge caractérisés par des actes cruels commis sans fin soit par les Hutus soit par les Tutsis au détriment respectif de l’autre côté ethnique, un avion s’est écrasé au sol le 6 avril 1994 aux alentours de l’aéroport de Kigali. A bord était les présidents du Rwanda et du Burundi – un attentat, paraît-il, mais cela n’a jamais été prouvé. En tout cas cela a été le point de départ d’une « éruption » sans précédent pendant 3 mois pour se débarrasser des « ennemis du pays »… Une partie des Hutus qui constituent 85 % de la population suivait la propagande de la station de « Radio Télévision des Mille Collines » (RTML), les politiciens, l’armée et en partie les ecclésiastiques, qui tenaient des propos incendiaires contre la minorité Tutsi; on saisissait les machettes ou triques et assassinait plus de 800.000 hommes, avant tout des Tutsis : voisins, clients, malades, ou même des propres membres de la famille Tutsi ainsi que des Hutus modérés… jusqu’à ce que l’armée Tutsi « Front Patriotique Rwandaise » (FRP), après trois mois enfin, se rende maître du pays et aide la minorité Tutsi à être de nouveau aux leviers de commande.
Je suis en train de me rendre dans un petit village un peu hors du centre de Kigali où, aujourd’hui, un soi-disant « procès Gacaca » traditionnel aura lieu, un procès qui, actuellement, après un long arrêt, a été introduit dans toutes les cellules du pays dans l’intention de venir à bout de plus de 120.000 prisonniers soupçonnés d’avoir participés au génocide.
Après quelques cents mètres on arrive dans un assez grand pré où se trouve une maison spacieuse mais brûlée, devant laquelle on a passé quelques chaises, des tables et des bancs ainsi que deux grandes bâches provenant du UNHCR ont été tendues pour donner de l’ombre. En ce moment il y a un groupe d’hommes d’un certain âge, une partie des juges qui seront 19 finalement. Le procès lui-même dure 3 heures environ et je le suis avec l’aide de mon interprète et ami Emmanuel, un jeune journaliste rwandais.
Pendant que les 250 habitants, à la fin de la procédure, quittent lentement le pré et que je m’apprête à rentrer, un des juges traditionnels se joint à moi ; c’est un homme très gentil, de grande taille mince, âgé de 45 ans à peu près et parlant bien l’anglais. Nous nous asseyons sur un banc près de nous, un peu à l’écart des villageois qui sont toujours là. Emmanuel a rencontré un de ses connaissances et les deux se tiennent accroupis dans l’encadrement brûlé de la grande maison au milieu du pré, à deux pas de nous.
[...]
[1] Toutes indications concernants lieu, événements ou personnages ont été changés si nécessaire pour des raisons concernant la protection contre les abus de l’informatique. L’admissibilité de donner des informations à été fixée avec des collaborateurs du Tribunal Pénal International pour le Rwanda à Arusha en Tanzanie.
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- Master of Arts in Diplomacy, Law and Global Change Gabriel Vockel (Author), 2002, Steven - ou le visage caché du génocide, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/66217
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