Bref présentation de l'histoire constitutionnelle et du droit constitutionnel allemand sous une perspective européenne.
Aujourd’hui, il n’est pas étrange d’affirmer que l’Allemagne est le coeur de l’Europe. Géographiquement d’abord, mais aussi économiquement, puisque l’Allemagne en est désormais la première puissance1, ou encore démographiquement, dans la mesure où la dorsale européenne recouvre la vallée rhénane et que l’Allemagne est la première ou deuxième population européenne selon que l’on prenne ou non en compte la population russe2. Une situation qui permet à l’ancien ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, et au géopolitologue et directeur de l’IRIS, Pascal Boniface, d’affirmer que l’Allemagne « tient la première place en Europe ».
Mais cette affirmation reste difficile à accepter. Non pas par orgueil national mais simplement par la nature instable de la définition même de l’Europe. En effet, même si toutes les organisations internationales, de l’ONU au Comité olympique, caractérisent l’Europe comme un continent à part entière, il faut encore comprendre pourquoi.
D’un point de vue géologique, on définit un continent comme une vaste étendue rattachée à une partie de la lithosphère continentale que l’on nomme croûte continentale (par opposition aux croûtes océaniques). Mais le géographe français, Christian Grataloup, a rappelé que « c’est [avant tout] la façon dont on a désigné les continents qui est à l’origine de la désignation des plaques, plutôt que l’inverse ». Pour définir l’Europe (définir comme le fait de donner des fins, c’est-à-dire des limites), il faut avoir une appréciation historique et culturelle. Ainsi, l’idée que la Méditerranée aurait été le centre commercial de l’Europe pendant des siècles (faisant de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient des régions européennes), la volonté du Tsar Pierre Le Grand à faire de l’Oural la frontière de l’Europe pour y intégrer son Empire ou encore que seuls les pays appartenant à l’Union Européenne soit l’Europe, nous montre que l’Europe est avant tout une notion politique et historique (sans pour autant être forcé de rejoindre le postulat de Hudington qui parle de « civilisations »).
Inhaltsverzeichnis
TITRE 1 : L’EVOLUTION DU CONSTITUTIONNALISME
I. La naissance de l’idée de Constitution
A) Une notion importée au sein du Saint-Empire
1) La marque d’une entité millénaire avec une imperméabilité relative
2) Entre constitutionnalisation « depuis le bas » avec la domination napoléonienne et « depuis le haut » imposée par des enjeux internationaux
B) Du Staatbund au Bundestaat : la Constitution comme moyen de défendre l’idée d’une nation allemande
1) L’antagonisme entre restauration et constitutionnalisme
2) La Deutsche Einigung et la premiqre constitution pour l’Allemagne II. La scientifisation du droit constitutionnel
A) Des expériences extrêmes
1) L’échec de la premiqre démocratie allemande
2) L’Allemagne hitlérienne : un Etat sans constitution ?
B) D’une nouvelle séparation à la Réunification : La constitution comme rempart aux atrocités
1) Naissance d’une République Fédérale à l’Ouest et d’une République Démocratique à l’Est
2) L’évolution des pratiques constitutionnelles
TITRE 2 : LA TENDANCE CONSTITUTIONNELLE ACTUELLE
I. Une organisation institutionnelle
A) Die Staatsstrukturprinzipen : les piliers de l’organisation institutionnelle
1) Une république fédérale en Europe
2) Une Consistance de fond
B) Un parlementarisme rationnalisé
1) Un exécutif dépourvues de toutes élections directes du peuple
2) Le coeur démocratique résultant du bicaméralisme
II. L’activité constitutionnelle allemande
A) La Bundesverfassungsgericht : une autorité sans pareil ?
1) Composition et compétence de la justice constitutionnelle
2) Un Contrôle de constitutionnalité très élargie
B) Quel avenir pour le constitutionnalisme allemand ?
1) Vers une constitution pour l’Europe ?
2) Repenser le système constitutionnel
Aujourd’hui, il n’est pas étrange d’affirmer que l’Allemagne est le cœur de l’Europe. Géographiquement d’abord, mais aussi économiquement, puisque l’Allemagne en est désormais la première puissance1, ou encore démographiquement, dans la mesure où la dorsale européenne recouvre la vallée rhénane et que l’Allemagne est la premiqre ou deuxiqme population européenne selon que l’on prenne ou non en compte la population russe2. Une situation qui permet à l’ancien ministre des Affaires étrangqres, Hubert Védrine, et au géopolitologue et directeur de l’IRIS, Pascal Boniface, d’affirmer que l’Allemagne « tient la première place en Europe »3.
Mais cette affirmation reste difficile à accepter. Non pas par orgueil national mais simplement par la nature instable de la définition même de l’Europe. En effet, même si toutes les organisations internationales, de l’ONU au Comité olympique, caractérisent l’Europe comme un continent à part entiqre, il faut encore comprendre pourquoi.
D’un point de vue géologique, on définit un continent comme une vaste étendue rattachée à une partie de la lithosphqre continentale que l’on nomme crote continentale (par opposition aux crotes océaniques). Mais le géographe français, Christian Grataloup, a rappelé que « c’est [avant tout] la façon dont on a désigné les continents qui est à l’origine de la désignation des plaques, plutôt que l’inverse »4. Pour définir l’Europe (définir comme le fait de donner des fins, c’est-à-dire des limites), il faut avoir une appréciation historique et culturelle. Ainsi, l’idée que la Méditerranée aurait été le centre commercial de l’Europe pendant des siqcles (faisant de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient des régions européennes), la volonté du Tsar Pierre Le Grand à faire de l’Oural la frontiqre de l’Europe pour y intégrer son Empire5 ou encore que seuls les pays appartenant à l’Union Européenne soit l’Europe, nous montre que l’Europe est avant tout une notion politique et historique (sans pour autant être forcé de rejoindre le postulat de Hudington qui parle de « civilisations »6 ). Il peut donc y avoir une multiplicité de délimitation possible de l’Europe, en raison des considérations politiques. Par exemple, le souhait ou non d’y englober des pays à majorité musulmane comme la Turquie, des pays autoritaires comme la Russie, des régimes libéraux comme Israël, des régions autonomes comme le Groenland ou la Polynésie… Par conséquent, il est né- cessaire d’avoir à l’esprit que l’approche purement spatiale n’est pas sérieuse, car elle est forcément un moyen d’instrumentalisation. Et de ces multiples considérations politiques aboutissent une multiplicité de définition juridique de l’Europe en fonction des peuples qui composeraient cet espace en premier lieu.
Dqs lors, l’Europe est une construction juridique résultant ainsi des différents objectifs politiques qui se sont faits avec le temps. Elle est donc le fruit d’idées qui ont circulé dans ce même espace géogra- phique et qui s’est faite autour de peuples qui ont eu pour particularité, au-delà de vivre sur cette aire géographique, d’avoir conscience de leurs identités communes et donc formé des « groupe[s] socia[ux] conscient[s] de [eux]-même »7. Or ce processus d’avoir conscience de sa propre existence en tant que groupe social rejoint fortement un mouvement de pensée très important qui est né au sein même de ces peuples dqs le XVIIIe siqcle. Ce processus à l’échelle des peuples a donc émergé au sein d’un groupe social de ces pays : la bourgeoisie. La bourgeoisie avait conscience de son identité et de son importance, mais n’avait pas le pouvoir politique. Il fallait donc limiter le pouvoir politique. Cette opposition au pou- voir absolu des monarques s’est ensuite affirmée et renforcée avec les Lumiqres pour aller au-delà des simples préoccupations pratiques et « concev[oir] la liberté et le pouvoir comme antinomiques »8. Ce mouvement de pensée est le constitutionnalisme.
Ces penseurs se sont appuyés sur la notion d’Etat qui a commencé à être théorisée quelque temps avant. On constitue l’Etat traditionnellement comme un regroupement entre un territoire, une population et une organisation politique détenant un pouvoir de contrainte souverain. Par conséquent, l’Etat doit être organisé afin de ne pas limiter la liberté par ceux qui exercent le pouvoir. Il y a donc une nécessité à donner à l’Etat une norme juridique, la Constitution, que l’on peut définir comme « l’ensemble des rqgles juridiques suprêmes qui déterminent de manière permanente des relations réciproques entre les gouvernants et les gouvernés et organisent donc les Pouvoirs Publics »9.
Pourtant, alors que le constitutionnalisme est une idéologie née en Europe, cette pensée va se pro- pager jusqu’en Amérique où un Etat s’est doté pour la premiqre fois une constitution écrite à la fin du XVIIIe siècle. Dans le siècle qui va suivre, toujours avec la circulation des idées, le vieux continent va connaitre à son tour ce mouvement d’écriture de constitution. Mais la particularité de la constitutionnali- sation de l’Europe, c’est qu’exception faite des grandes puissances de l’époque ayant déjà structuré des Etats-Nation, comme la France ou le Royaume-Uni, la constitution va être un moyen pour les peuples européens d’affirmer l’existence d’une Nation. Et c’est notamment le cas de l’Allemagne.
Ainsi, l’histoire constitutionnelle de l’Allemagne peut être perçue comme la rencontre de plusieurs idées au sens large. Par conséquent, l’évolution de l’Allemagne « s’inscrit dans un courant d’évolution commun au monde occidental [même si c’est] plus tardivement »10. Mais pour certains, au contraire, ce retard est le fruit d’une particularité nationale. Cette spécificité allemande a été théorisée sous l’appellation de Sonderweg et laisse à penser l’idée d’une voie particuliqre. Une thqse qui « voi[t] dans l’Allemagne fédérale actuelle le sommet de l’histoire [spéciale] allemande »11, mais qui, sans surprises, fait surtout échos au sein de la communauté scientifique allemande.
En tout état de cause, plusieurs siècles après ce premier mouvement consti tutionnaliste, la construction de l’Union Européenne continue sur ces mêmes idées puisque l’on parle aujourd’hui de donner à l’Europe une nouvelle constitution. Mais avant de donner une constitution à l’UE, encore faut-il connaitre de la constitution des Etats membres qui la composent. Et parmi les 27 Etats membres de l’UE, l’Allemagne y est au cœur et présente des caractéristiques qui sont primordiales d’étudier. Il est donc nécessaire de s’intéresser au droit constitutionnel allemand, c’est-à-dire à l’organisation des Pouvoirs Publics actuels dans l’actuelle République Fédérale d’Allemagne.
Cependant, les rejets des citoyens français et néerlandais d’établir une Constitution pour l’Europe suite aux référendums nationaux de juin 2005 montrent que l’UE s’est construite sur des Etats ayant leurs propres caractéristiques et leurs propres histoires. Ainsi, avant de pouvoir donner à l’UE une constitution, il semble nécessaire de connaître, au-delà des différentes constitutions actuelles, leurs fondements histo- riques, sociaux et politiques. La comparaison des droits constitutionnels nationaux doit s’effectuer via une approche qui ne peut pas se borner à connaitre de la situation juridique purement positiviste. En effet, le caractqre politique intrinsqque à la notion de constitution montre qu’il est nécessaire de s’intéresser à l’histoire constitutionnelle des Etats contrairement à ce que laisse à penser l’école comparatiste positi- viste12.
Ainsi, une étude qui va chercher dans les cultures nationales les fondements des droits constitu- tionnels actuels « n‘amoindrit pas la pertinence [par rapport à une approche purement positiviste] »13 ; bien au contraire, c’est une nécessité à le faire. D’ailleurs, l’universitaire Bernard Poloni dit trqs claire- ment que « l’analyse de l’histoire constitutionnelle d’un pays, c’est donc prendre en compte les différents textes fondateurs dans leur succession, mais c’est aussi considérer les relations d’interdépendance qui existent entre ces textes et l’état ou l’évolution du corps social »14. On peut donc prédéfinir le système juridique comme la partie visible, pour ne pas dire positive, d’une culture juridique donnée. Puisque le systqme juridique est l’ensemble des rqgles organisées de façon cohérente d’un Etat ou d’une société territoriale, alors la culture juridique aurait une appréciation plus large et plus profonde (avec par exemple une appréciation historique, politique ou économique).
Dqs lors, l’Allemagne étant en Europe, il serait totalement faux de croire que l’on peut la comprendre sans l’Europe. Il ne s’agit donc pas ici de présenter simplement l’histoire et le droit constitutionnel allemand, mais plutôt de les mettre en lien avec les autres pays européens. L’approche ne doit pas être purement allemande ou franco-allemande, mais être européenne avant tout. C’est-à-dire qu’il faut comparer, des similitudes et des différences, de la naissance même d’idée constitutionnelle à l’application du droit constitutionnel en Allemagne avec les autres pays européens. Il est donc nécessaire d’étudier le modèle constitutionnel allemand à travers des idées et des tendances européennes.
Par conséquent, la démarche doit forcément s’effectuer dans une rencontre de plusieurs perspectives : une perspective historique et idéologique, une perspective européenne et une perspective pratique. Il faut donc savoir, à partir de cet éclairage multiple, dans quelle mesure le droit constitutionnel allemand s’inscrit-il dans une tradition constitutionnelle européenne. En d’autres termes, le droit consti-tutionnel allemand est-il particulier et autonome, selon la théorie du Sonderweg, ou n’est-il pas le reflet d’un mouvement des idées européennes ? Et, à partir de là, au regard de l’évolution de la notion de cons-titution, peut-on dégager des tendances constitutionnelles actuelles et à venir ?
Il est nécessaire d’apprécier les fondements historiques du constitutionnalisme allemand afin d’établir une évolution constitutionnelle (I) pour permettre une meilleure perception de la pratique et l’élan constitutionnel actuel (II).
TITRE 1 : L’EVOLUTION DU CONSTITUTIONNALISME
Tout comme la France, l’histoire constitutionnelle allemande « procède de conflits armés »15, mais aussi des mouvements politiques, économiques, sociaux et culturels. Même s’il s’agit de connaître l’histoire constitutionnelle allemande, l’intérêt comparatif de l’étude ne peut pas se borner à énumérer les différents régimes constitutionnels d’outre-Rhin.
Puisqu’il est question de savoir si l’histoire constitutionnelle de l’Allemagne reflqte ou non des idées et des mouvements politico-juridiques européens, alors il semble beaucoup plus pertinent de s’intéresser à l’évolution globale de la naissance de l’idée constitutionnelle (A) à la « scientifisation » du droit constitutionnel (B) en Allemagne par rapport aux autres pays européens.
I. La naissance de l’idée de Constitution
Historiquement, la Constitution est apparue en deux temps outre-Rhin. D’abord au sein du SaintEmpire (1) puis dans la Confédération (2)
A) Une notion importée au sein du Saint-Empire
L’idée de constitution n’est pas née en Allemagne, mais ne lui a pas pour autant échappée, que ça soit avant la Révolution française (1) ou sous la domination napoléonienne (2).
1) La marque d’une entité millénaire avec une imperméabilité relative
Le Saint-Empire - En 962, le roi de Francie Orientale Otton Ier, petit-fils de Charlemagne (ou Karl der Große), est couronné empereur des Romains par le pape Jean XII faisant de lui le fondateur du Saint-Empire Romain Germanique. Contrairement à l’idée trqs rependue d’une scission entre la civilisa- tion romaine et l’Europe du moyen-âge, la persistance du terme « romain », montre donc que le Saint- Empire « se voul[ait] le continuateur de l’Empire romain »16 en ayant connu une « réception du droit romain »17. Mais par la suite, le Saint-Empire va se structurer selon une organisation féodale avec des codes impériaux, Kaiserliches Rechtsbuch, comme la Bulle d’Or de 1356. L’on est alors bien loin des fastes des empires orientaux et complètement étrangers aux troubles sur les petites îles britanniques ayant poussé à l’écriture de la Magna Carta en 1215. Mais le Saint-Empire va continuer son morcellement et sa division après la réforme protestante, avec des guerres de religion en plus des luttes de pouvoirs pour la couronne impériale. La guerre de Trente Ans va faire du Saint-Empire un champ de bataille et l’éclater davantage en une multitude de petits États indépendants malgré une paix religieuse toute relative avec le traité de Westphalie de 1648. Le Saint-Empire, totalement morcelé avec plus de 300 royaumes et princi- pautés, n’a donc pas su permettre l’émergence d'un Etat moderne comme en France ou en Angleterre « grâce à l’action des rois pour faire place à l’unification »18.
Face aux premiers troubles en Angleterre et en Amérique ± Alors que les souverains anglais sont contraints d’affirmer des droits essentiels, avec l’Habeas Corpus de 1679, avant de se voir imposer une monarchie parlementaire avec la Bill of Rights de 1689 issue de la Glorieuse Révolution et que la France plonge dans l’absolutisme, le Saint-Empire est en réalité qu’une entité politique sans identité. Mais les intellectuels allemands ne vont pas pour autant échapper à l’émergence philosophique des Lu- mières, die Aufklärung, à l’image Leibniz ou Christian Wolff. Mais prqs d’un siqcle aprqs la Bill of Rights britannique, les sujets de la couronne britannique des colonies du nord de l’Amérique ne profitent pas du parlementarisme et vont prendre les armes. L’indépendance américaine ne va pas avoir un grand écho au sein du Saint-Empire dans un premier temps. Aucun des Etats allemands n’a des territoires en Amérique, les Etats-Unis sont loin et ils ne présentent pas de véritable intérêt économique (pour l’Europe, l’Amérique est avant tout les Caraïbes, où se trouvent les nouvelles denrées et richesses). L’exemple nordaméricain n’a donc pas le même accueil au sein du Saint-Empire qu’en France.
Les conséquences de la Révolution française - Un siècle après la Glorieuse Révolution britannique et quelques décennies aprqs l’indépendance américaine, la France connait à son tour un changement important. Si bien qu’en 1789, la Révolution française va permettre l’abolition de l’Ancien Régime et mettre en place une assemblée constituante pour établir la séparation des pouvoirs ainsi que des droits fondamentaux, avec la DDHC. Ces nouvelles idées se traduisant par une monarchie parlementaire, en Angleterre ou en France dans un premier temps de la période révolutionnaire, ou par un régime républicain, aux Etats-Unis ou en France dans un second temps, vont alors s’affirmer outre-Rhin. Assez logiquement, ces changements se font sentir au sein des Etats du Saint-Empire qu’une fois qu’il y eu un important basculement à leurs frontières (et pas de l’autre côté de la Manche ou de l’Atlantique). Si les nouvelles idées politiques gagnent les bourgeois allemands, l’idée d’une nécessité à établir une Constitution à un Etat va complqtement s’accélérer avec l’envahisseur français.
2) Entre constitutionnalisation « depuis le bas » avec la domination napoléonienne et « depuis le haut » imposée par des enjeux internationaux
Constitutionnalisation des Etats - L’une des particularités de la constitutionnalisation outre-Rhin est, comme aux Etats-Unis, qu’il y a eu une « constitution vers le bas ». C’est-à-dire que c’est une partie des Etats eux-mêmes qui ont dans un premier temps établi des réformes fondamentales et écrites des constitutions. Avant la Constitution des Etats-Unis de 1787, certains Etats avaient adopté leurs propres constitutions comme la Virginie en 1776 ou le Massachusetts en 1780 par exemple. Mais on retrouve deux différences fondamentales avec les Etats-Unis dans les premières constitutions allemandes : elles ont « adopté des réformes fondamentales de type napoléonien »19 et les monarques restent les souverains malgré la limitation du pouvoir. Le Royaume de Westphalie adopte une constitution en 1807, mais celle- ci est directement rédigée à Paris pour servir de modqle aux autres Etats allemands. D’ailleurs, cette constitution commence dès son préambule par « Napoléon » et est signée par lui-même20. Et un autre Etat totalement indépendant cette fois-ci, la Bavière, va se doter de « constitution à la française »21 en 1808.
Rejet profond du modèle napoléonien - C’est sous l’envahisseur napoléonien que le sursaut na- tional allemand va voir le jour. L’idée d’une nation allemande est née de l’opposition à la France et à la « Diktatur des Generals Napoléon »22 et est perçue comme une nécessité pour assurer la sécurité des peuples germaniques. C’est pourquoi « à l’aube du XIXe siqcle, alors que français et anglais ont déjà défini et fortifié leur identité nationale, les Allemands ne peuvent que rêver à la consolidation politique ou culturelle d’une nation »23 grâce à l’écriture d’une Constitution non pas des Etats mais de l’ensemble de ceux-ci. Cette aspiration fut notamment revendiquée par le jeune Hegel qui se permettait de déclarer que l’« Allemagne n’est plus un Etat »24 à cause d’une division interne ayant entrainé une désuétude des institutions. Paradoxalement, la conception d’une constitution allemande a donc été favorisée en premier lieu par le rejet des conceptions révolutionnaires. Un rejet qui est d’une certaine façon (bien que minime) à rapprocher du rejet britannique à se lancer dans une écriture d’une constitution selon le modqle améri- cain ou français qui ont tous deux combattus la monarchie. Mais ce rejet doit être analysé avec précaution, car il y a alors un grand intérêt aux modèles étrangers parmi les élites en témoigne les explorations d’Humboldt, les traductions de Friedrich Schleiermacher ou les travaux des frqres Schlegel.
La naissance de la Confédération Germanique - Le Congrès de Vienne va redessiner la carte de l’Europe pour assurer un certain équilibre selon la volonté britannique et austro-hongroise. La Confédé- ration Germanique se crée sur les vestiges du Saint-Empire, mais avec seulement 39 Etats (35 principautés et 4 villes libres) contre plus de 300 avant. Il y a une aspiration à ce que la Confédération ait un rôle sur la scène internationale comme un véritable Etat où « les Etats de l’Allemagne seront indépendants et unis par un lien fédératif »25. Ainsi, le 8 juin 1815, le Deutsche Bundesakte est signé entre les différents Etats qui composent la Confédération. Cet acte pourrait faire penser à la mise en place d’une nouvelle consti- tution, à l’instar des Etats-Unis ou de la Suisse qui ont créé une constitution à partir d’une négociation entre les Etats. Mais ce texte se dissocie des exemples américain et suisse puisqu’il est bien difficile de lui affirmer un caractqre constitutionnel. Au fond, c’est plus un traité international instaurant une organi- sation régionale assez large (regroupant l’Empire d’Autriche, la Prusse, la Rhénanie…) sous la dénomi- nation de confédération. Même s’il y a une armée confédérale et des organes fédéraux timides, comme le Bundestag et le Bundesversammlung, rien n’est prévu pour limiter les pouvoirs des Etats confédérés. Si bien qu’au final, la Confédération va être considérée par les souverains allemands comme une union internationale les protégeant d’une perte de pouvoir.
B) Du Staatbund au Bundestaat: la Constitution comme moyen de dé-fendre l’idée d’une nation allemande
La nation allemande s’est affirmée26 27 en même temps que l’émergence d’une constitution allemande. Et si la constitution a permis à la nation allemande de s’affirmer, c’est en raison de l’antagonisme entre le conservatisme et le constitutionnalisme (1) et surtout grâce à l’unification de celle-ci au sein d’un Empire fédéral (2).
1) L’antagonisme entre restauration et constitutionnalisme
Deux modèles de monarchies - Metternich souhaite entrainer l’Europe à la restauration en consi- dérant que les nouvelles idées sont à l’origine de la guerre. Mais l’acte confédéral prévoit l’établissement de constitution dans chaque Etat confédéré28 et l’Europe occidentale a été marquée par le constitutionna- lisme : l’Angleterre n’ayant pas perdu la guerre conserve son systqme et malgré un retour des familles royales sur l’ancien Empire napoléonien, des monarchies limitées voient le jour en France et au Royaume- Uni des Pays-Bas. Semblablement à l’Europe divisée, l’est de la Confédération reste attaché au systqme d’Ancien-Régime et conserve des régimes autoritaires alors que plusieurs Etats de l’ouest continuent cette aspiration constitutionnelle. Ainsi l’Autriche et la Prusse renouent avec les idées absolutistes en prenant plusieurs mesures liberticides29. ¬ l’inverse, le duché de Nassau adopte une Constitution en 1814, le royaume du Wurtemberg en 1819, le Grand-duché de Hessen-Darmstadt en 1820 et le Bayern effectue une réforme constitutionnelle en 1818 (ayant déjà une constitution depuis 1808). Cette constitutionnali- sation va s’accentuer en Europe dqs 1830 avec une révolution en France, l’indépendance et la mise en place d’une monarchie constitutionnelle en Belgique et des mouvements nationalistes sanglants en Italie, toujours considérée comme une « expression géographique » et non comme un pays par Metternich, et en Pologne, pourtant à l’est. L’Allemagne n’échappe pas à ce phénomqne et « mesure son retard […] à l’égard de la lente et inéluctable évolution historique européenne »30. L'électorat de Hesse, le Saxe et Hambourg adoptent des constitutions libérales entre 1831 et 1833.
Märzrevolution de 1848 - Au début de l’année 1848, le royaume des Deux-Siciles qui fut créé de toute pièce par le Congrès de Vienne, connait des troubles permettant la mise en place d’une nouvelle constitution. Quelques jours aprqs, Paris s’embrase une nouvelle fois sous la pression bourgeoise et per- met la mise en place d’une République. Ce changement va alors se propager à travers l’Europe et fruit du hasard, mais soulignant l’aspiration à changement profond, Marx et Engels publient de façon anonyme depuis Londres le manifeste du parti communiste la même année. Dès mars 1848, la Confédération con- naît des troubles. Cet élan révolutionnaire a dans un premier temps touché les régions frontalières à la France avec la formation d’une assemblée populaire à Mannheim, mais va cette fois-ci atteindre Vienne et Berlin, pourtant fer-de-lance de l’absolutisme et opposés à la libéralisation et au constitutionnalisme. Au sein de l’Empire d’Autriche, Metternich tombe et une assemblée constituante voit le jour afin d’abolir les droits féodaux. Cela va favoriser des révoltes nationales hongroises ainsi que tchèques et à Milan, les soldats autrichiens sont chassés moins d’une semaine aprqs les troubles à Vienne. Au final, même la Prusse va se doter d’une nouvelle constitution en décembre 1848.
L’échec de la constitution de Saint-Paul - Un espoir va naître avec une assemblée constituante pour toute la Confédération germanique qui se rassemble à l'église Saint-Paul de Francfort. Les débats sont nombreux, entre les libéraux, favorables à une monarchie limitée avec un suffrage censitaire, et les démocrates, favorables à un suffrage universel (et même pour les plus extrêmes, une république), mais aussi entre autrichiens, favorables à l’idée d’une grande Allemagne les incluant, et les prussiens, favo- rables à l’idée d’une petite Allemagne excluant donc le rival autrichien. Les constituants allemands ac- cordent des droits fondamentaux « à l’exemple des constitutions américaine [avec la Bill of Rights] et belge »31 et s’inspirent de la récente constitution suisse du 12 septembre 1848 faisant « de la Confédéra- tion helvétique un Etat fédéral moderne »32. Au final, le 28 mars 1849, l’Assemblée constituante vote en faveur d’une Constitution assez moderne prévoyant la solution de la petite Allemagne, la séparation des pouvoirs avec une assemblée bicamérale, un suffrage universel direct et même d’une cour suprême à l’américaine pour régler des conflits de compétence. Néanmoins, Frédéric Guillaume IV refuse le titre d’Empereur, car il considqre que la légitimité historique revient aux Habsbourg et ne souhaite pas se soumettre à une représentation populaire33. La constitution de Saint-Paul qui aurait été la première cons- titution d’inspiration nationale et libérale d’un Etat unifié est donc mort-née.
2) Die Deutsche Einigunget la première constitution pour l’Allemagne
L’unification - Inconsciemment, une unification politique34 aboutie avec une hiérarchisation des gouvernants puisqu’ « à l’époque post-féodale les nobles étaient tributaires des têtes couronnées, qui pouvait anoblir, mais non des aristocraties »35 qui ne leur permettaient d’acquérir aucune supériorité. Mais la bourgeoisie ne cesse de croitre avec la révolution industrielle, si bien qu’elle s’organise en véri- table parti politique moderne en témoigne le Deutsche Fortschrittspartei créé en Prusse en 1861. Dans une Confédération germanique sans processus d’intégration institutionnelle, la Prusse et l’Autriche qui dominent militairement et économiquement cette organisation entrent en guerre. C’est la Prusse qui en sort victorieuse après la bataille de Sadowa de 1866. Elle arrive alors à fédérer économiquement et mili- tairement 21 autres Etats autour d’elle pour créer la Confédération d’Allemagne du Nord en 1868. Moins d’un an aprqs, une constitution est adoptée le 16 avril 1867 et entre en vigueur le 1er juillet 1867. Le chiisme est acté et l’Autriche qui a toujours fait partie de la Confédération germanique ne fera désormais plus partie de la nation allemande en devenir. Quelques années ensuite, avec la défaite française à Sedan en 1870, la Prusse réussit par la force le rêve d’un siqcle : unir les peuples germaniques autour d’une véritable nation allemande.
Empire et première constitution fédérale - Tout comme l’unification italienne où l’ancien roi de Piémont-Sardaigne s’est proclamé roi d'Italie, l’ancien roi de Prusse, Guillaume Frédéric Louis de Hohenzollern, devient Guillaume Ier Empereur d’Allemagne. Mais à la différence du Risorgimento qui s’est fait par une logique d’annexion du Piémont-Sardaigne, l’unification allemande, bien qu’elle présente un caractqre militaire avec les guerres contre les empires autrichiens et français, n’a pas abouti à des annexions (hors mi la seule « Terre d'Empire » qu’est l’Alsace-Lorraine). Il y avait déjà des Etats qui ont décidé de s’intégrer à une nouvelle fédération. Contrairement au nouveau royaume italien qui reprend le Statuto, constitution du Piémont-Sardaigne depuis 1848, le nouvel Empire fédéral allemand doit se doter d’une nouvelle constitution. ¬ la suite de nombreux traités entre les princes des différents Etats, une constitution pour l’Empire allemand est élaborée par Otto von Bismarck, d’où son autre surnom de Bismarcksche Reichsverfassung, et est promulguée en 187136. Mais preuve que la nation allemande est encore récente, l’article 3 de cette constitution accorde une double-nationalité entre l’Etat membre de la Fédération et l’Etat fédéral.
Organisation de l’Empire - La nouvelle Constitution reprend donc une séparation verticale, à l’image du modqle américain avec une véritable « ventilation de […] compétence réciproque »37 entre le Reich et les Etats membres. Par exemple, le Reich s’octroie les domaines régaliens comme les questions territoriales, monétaires et douaniqres, militaires ou encore ferroviaires. Et, chose assez particuliqre, c’est à l’Empire fédéral d’unifier le systqme juridique qui se traduira par la mise en place de nombreux codes (marqués par l’école pandectiste). La nouvelle Constitution reprend également une classique séparation horizontale des pouvoirs. Le pouvoir législatif est bicaméral : le Bundesrat représente avec une pondéra- tion les différents Etats membres selon leurs importances et le Reichstag représente le peuple avec des représentants élus au suffrage universel direct. Le pouvoir exécutif est dans les mains du Kaiser. Le pou- voir du Chef d’Etat n’émane pas du peuple, mais des princes, pour éviter un échec comme la Constitution de Saint-Paul. Le Kaiser nomme ensuite un chancelier, véritable chef de gouvernement, et des ministres. Par conséquent, en raison de l’organisation des pouvoirs publics et la séparation des pouvoirs, ce texte présente les caractéristiques d’une constitution, mais il est ceci dit possible de faire de nombreuses ré- serves sur son caractqre constitutionnel. Il n’y a pas d’organes permettant la résolution des conflits insti- tutionnels et surtout, car ce texte se limite aux aspects techniques et institutionnels, ne faisant aucune référence aux droits fondamentaux. Il n’est pas question d’articles (comme le Statuto Albertino en Italie) ou de textes additionnels (comme les grandes lois anglaises, de la DDHC française ou des 10 premiers amendements américains). Au final, il s’agit d’un texte fondant un Etat sur les bases d’une nation avec des lacunes libérales. Une position qui « a consisté à privilégier dans l’instant l’unité par rapport à la liberté »38 et qui va se traduire par un régime assez autoritaire par la suite.
Bien que les conflits ont joué un rôle crucial, l’idée de constitution allemande trouve ses sources dans le profond changement social lié à la pression bourgeoise et à la révolution industrielle qui a traversé l’Europe. Mais elle reste singuliqre puisque la constitution allemande a d rassembler et mélanger de nombreuses aspirations politiques parfois antagonistes.
Une fois l’unité allemande réalisée et installée, le constitutionnalisme comme simple vecteur d’unité va renaître en puisant dans ses objectifs originels de liberté. Ce changement de tendance va être le fruit d’une « scientifisation » du droit constitutionnel allemand tout au long du XXe siècle.
II. La scientifisation du droit constitutionnel
Le droit constitutionnel allemand est marqué par une forte complexité et pluralité des termes. En effet, il est possible de traduire le droit constitutionnel par le terme « Verfassungsrecht », pourtant la constitution actuelle de l’Allemagne est la « Grundgesetz » (Loi Fondamentale) et les universités de droit d’outre-Rhin offrent des cours de « Staatsorganisationsrecht » (droit d’organisation étatique) en premiqre année39. Cette complexité terminologique tient au fait que tout au long du XXe siècle, la constitution a donné lieu à une véritable science et le constitutionnalisme qui était au départ une idée politique est devenu un acquis et une discipline juridique.
Cette « scientifisation » résulte d’expériences institutionnelles extrêmes qu’a connues l’Allemagne
(1) et d’une volonté de répondre à ces traumatismes par le biais des constitutions (2).
A) Des expériences extrêmes
L’histoire allemande a été marquée par deux expériences institutionnelles malheureuses : l’échec d’un systqme démocratique qu’est la République de Weimar (1) et le traumatisme nazi (2).
1) L’échec de la premiqre démocratie allemande
La chute de l’Empire - Dqs octobre 1918, alors que l’Allemagne se dirige vers une débâcle mili- taire importante et doit faire face à de nombreuses mutineries de soldats, mais aussi d’ouvrier dont les plus radicaux rêvent d’une révolution prolétaire comme l’ont fait les soviets une année plus tôt. Une situation révolutionnaire qui entraine la proclamation de la République de Weimar le 9 novembre 1918, deux jours avant l’armistice. Le fait que la République soit proclamée à la suite d’une révolution et non sur une imposition des forces victorieuses est assez révélateur de la situation politique. On assiste à une lutte entre non plus deux, mais trois groupes sociaux : les nobles favorables à un régime autoritaire, les bourgeois favorables à un régime parlementaire et de démocratie limitée ainsi qu’un nouveau groupe social qui commence à prendre conscience de lui, les classes populaires ou prolétariat. ¬ l’échelle euro- péenne, il y a un souhait de mettre fin aux Empires synonymes de guerres (tout comme l’Empire napo- léonien, il y a un siècle). On assiste à la chute des Empires allemands et russes ainsi que la dislocation de l’Empire austro-hongrois et ottoman. L’Europe entre donc dans une nouvelle ère.
Première République - Une fois la République proclamée, une Assemblée constituante est élue et se rend à Weimer pour permettre l’adoption d’une nouvelle Constitution en 1919. Bien que la révolu- tion bolchévique ne fait rêver que les extrêmes, l’Assemblée décide en toute logique de prendre comme exemple les deux puissances victorieuses qui rayonnent en Europe et à travers le monde : l’Angleterre, monarchie parlementaire, et la France qui est alors un régime parlementaire sous la IIIe République. Mais au final, c’est une démocratie parlementaire qui reste « marquée[e] par la tradition impériale »40. L’Alle- magne ne renonce pas au fédéralisme puisque les anciens royaumes, principautés et duchés deviennent des Freistaates (Etats libres) ou, à l’image de Hesse, des Volkstaates (Etats populaires). Il y a une sépa- ration horizontale des pouvoirs. Le modèle bicaméral antérieur est repris puisque le Reichstag qui n’a pas connu un changement de dénomination malgré le passage à la république, et où les députés sont toujours élus au suffrage universel direct ainsi qu’un Reichsrat (issu du Bundesrat) où les Etats sont représentés. L’exécutif est détenu principalement dans le pouvoir d’un homme, le Reichspräsident, élu au suffrage universel, faisant de lui « le personnage clef du régime »41. Tout comme l’ancien Empereur, il est assisté par un chancelier et un gouvernement. Il y a deux grands changements, la rationalisation du parlementa- risme avec la responsabilité du gouvernement devant le Parlement42 et une référence directe aux droits fondamentaux dans la seconde partie de la constitution43 (en reprenant les aspirations de la Märzrevolu- tion de 1848).
L’échec - En prenant en compte la situation interne et les obligations internationales de l’Alle- magne, beaucoup prétendent que la constitution de Weimar fut très moderne et même « le meilleur com- pris qu’il était possible d’atteindre à l’époque »44. Pourtant, la république de Weimar a connu un échec. L’Allemagne connait de graves troubles économiques, comme l’inflation importante dqs 1923, et des crises budgétaires liées au Traité de Versailles. De plus, le personnel politique allemand va être marqué par des pratiques partisanes, en témoigne les deux dissolutions du Reichstag en 1924 et la faible efficacité des grandes coalitions. Enfin, des modqles extrémistes sont de plus en plus présents en Europe, à l’image de Mussolini qui marche sur Rome dqs 1922 et d’une tentative de coup d’Etat en 1923 par Hitler. Néan- moins, malgré les différentes crises, la République connaitra une stabilisation du régime tout au long des années 20.
2) L’Allemagne hitlérienne : un Etat sans constitution ?
La mise en place du régime nazi - C’est bien la crise de 1929 qui va entrainer la chute de la République de Weimar. Le parti national-socialiste connait un succès électoral avec 230 sièges au Reichs- tag (sur 608 possibles) et Hitler est nommé chancelier par le président Hindenburg. Aprqs l’incendie du Reichstag, de nouvelles élections ont lieu et les nazis obtiennent la majorité. Le parlement vote alors la Loi du 24 mars 1933, Ermächtigungsgesetz (loi d’habilitation), qui offre à Hitler les pleins pouvoirs lui permettant de légiférer par décret et donc sans vote du Parlement alors même que la constitution prévoyait au Président de prendre des Notverordnung (décrets d’urgence)45. Le contexte juridique est assez intéres- sant dans la mesure où la République de Weimar n’a pas pris fin officiellement, pourtant la majorité des constitutionnalistes et historiens définissent la fin de celle-ci en 1933. Pourquoi ?
Opposition entre positiviste et matérialiste - Si l’on s’attache à l’aspect purement positiviste et formel qu’une constitution est simplement un ensemble de normes « fondamentales [de] degré supérieur »46 qui organisent les pouvoirs publics : alors le régime nazi dispose d’une constitution. En témoigne, la loi de reconstruction du Reich du 30 janvier 1934 qui abandonne la tradition fédéraliste au profit d’un Etat unitaire. Une position favorisée par le fait qu’une constitution n’est pas nécessairement écrite et organisée. Cependant, l’idée constitutionnelle est apparue sous la pression libérale des bourgeois et l’exemple de l’absence de caractqre constitutionnel de l’acte confédéral de 1815 montre qu’une constitu- tion doit avoir également un aspect matériel. Un fond tout aussi important, si ce n’est plus. Or l’ensemble des lois répressives nazies édictées sous la Gleichschaltung (mise au pas) nous montrent que le caractère démocratique n’est plus présent sous le régime nazi totalitaire. D’ailleurs, l’exemple américain est fla- grant de cette nécessité de droits fondamentaux à la constitution dans la mesure où la constitution améri- caine de 1787 n’est qu’une convention organisant un systqme entre différents Etats si l’on y exclut la déclaration d’indépendance et surtout les amendements qui vont s’y ajouter par la suite (relatifs à diffé- rents droits que les américains considèrent comme fondamentaux).
Simple caractère démocratique pour établir une constitution ± Mais au final, il ne faut pas prendre plus d’importance à la nécessité d’un caractqre démocratique effectif qu’au caractqre en lui-même. En effet, si l’histoire constitutionnelle nous montre la nécessité d’avoir une organisation du pouvoir public cohérent avec la société avec la séparation des pouvoirs, il ne faut donc pas tomber dans un piège ethno- centrique ou totalement fermé imposant une démocratie effective comme définition de la constitution. Sinon, les régimes anglais ou français du XIXe siècle peuvent-ils se considérer comme ayant une consti- tution alors qu’ils imposent le vote censitaire ? Plus encore, alors qu’on prétend que les Etats-Unis sont au milieu du XXe siècle un « modèle » de constitutionnalisme, peut-on réellement affirmer que ce régime dispose matériellement d’une constitution puisqu’ils tolqrent la ségrégation raciale ? ¬ l’opposé, le sys- tqme communiste se fonde sur un autre modqle démocratique tourné autour de l’égalitarisme, mais faisant totalement abstraction des libertés individuelles. Et c’est à partir de ces considérations, en plus des atro- cités nazies, la science constitutionnelle veut réaffirmer des valeurs universelles, où il y a un souhait de faire de la constitution un rempart contre les atrocités.
B) D’une nouvelle séparation à la Réunification : La constitution comme rem-part aux atrocités
L’Allemagne est donc divisée en deux avec des conceptions juridiques opposées à la fin du régime nazi (1), mettant en avant l’importance du droit constitutionnel face à la dictature communiste (2).
1) Naissance d’une République Fédérale à l’Ouest et d’une République Démocratique à l’Est
La fin du régime nazi - La capitulation allemande signée le 8 mai 1945, les alliés occupent et appliquent la politique des « 5 D. » de la conférence de Potsdam : désarmement, démilitarisation, déna- zification, démocratisation et décentralisation de l’Allemagne. Mais on assiste rapidement à une scission de facto de l’Allemagne en deux blocs, à l’est se forme une Allemagne selon le modqle libéral-occidental et à l’ouest se forme une Allemagne selon le modèle communiste-russe.
Naissance de la RFA - Malgré l’occupation de troupes armées, les alliés occidentaux décident en juin 1948 de laisser aux allemands le choix de l’élaboration d’une nouvelle constitution47. On décide de donner le pouvoir constituant à des représentants élus par les parlements des différents Länders sous domination américaine, anglaise et française au sein d’un Parlamentarischer Rat (Conseil parlementaire) bien qu’il y ait quelques rares modifications faites par les forces armées en présence. Ce texte va être ratifié par 10 des 11 Länder, car le parlement du Bayern va dans un premier temps refuser cette constitution. Mais dans une nation allemande divisée et où il manque la moitié de son territoire et de sa population, la Constitution ne va pas se nommer Verfassung, mais Grundsgesetz (loi fondamentale). Cette loi fondamentale est dqs lors promulguée à l’ouest, le 23 mai 1949, sans faire l’objet d’aucun référendum, alors même qu’elle donne naissance à la République Fédérale d'Allemagne.
Naissance de la RDA - Les Llnder sur la zone d’occupation soviétique ne vont donc pas participer à la nouvelle RFA et quelques mois plus tard, le 7 octobre 1949, le Congrès du peuple adopte à son tour une Constitution. Ce nouvel Etat à l’est se nomme la République Démocratique d’Allemagne. La parti- cularité de cette Constitution est qu’elle présente un compromis entre le modqle occidental de parlemen- tarisme, en s’inspirant énormément de la République de Weimar (avec le bicaméralisme), et le modèle socialiste soviétique (avec la présence du parti communiste dans toutes les sphères institutionnelles). On retrouve dans cette constitution des droits fondamentaux, comme le droit de grève par exemple48, même si le régime reste un régime autoritaire où les libertés individuelles sont trop souvent mises à mal. On retrouve donc dans la RDA une certaine situation analogue à la question des libertés sous le régime nazi avec une grande différence constitutionnelle : la véritable présence du caractère démocratique dans la constitution de la RDA. Une situation qui permet d’affirmer que « la démocratie est [forcément] reven- diquée par tous les pays ayant une constitution »49.
2) L’évolution des pratiques constitutionnelles
Deux systèmes juridiques opposés idéologiquement - La RDA et la RFA ont été construites sur des bases idéologiques opposées et antagonistes. Cette différence idéologique va se ressentir dans leurs organisations institutionnelles alors même qu’elles s’inspirent toutes deux d’un héritage commun comme la révolution de 1848 ou la République de Weimar. D’un côté la RFA se fonde sur la liberté économique et politique. De l’autre côté, la RDA se fonde sur l’économie planifiée et un parti unique. Le parti communiste ne peut être compris et défini de la même maniqre que l’on perçoit les partis politiques en occident à cause de sa large composition et ses nombreux courants internes, mais aussi et surtout, car c’est lui qui garantit le caractère « véritablement » démocratique. Alors que les modèles occidentaux vont assurer leurs légitimités démocratiques à partir du vote, c’est le parti communiste qui assoit la légitimité démocratique à l’est (d’où sa présence au sein de toutes les institutions).
Des interactions juridiques ± La situation de part et d’autre du bloc entraine de nombreux changements juridiques et constitutionnels. La dictature à l’est accélqre et favorise l’idée, de l’autre côté du rideau de fer, d’une nécessité à avoir un gardien des libertés. Les inégalités économiques et la situation des minorités à l’ouest (les noirs en Amérique ou en Afrique du Sud et les peuples opprimés des colonies européennes) favorisent l’idée d’égalitarisme réel à l’est. Ces critiques des autres systqmes s’accompagnent de critiques internes qui vont pousser, à l’ouest, à adopter de nombreuses révisions constitutionnelles et, à l’est, une deuxiqme constitution socialiste en 1968 puis une troisième en 1974. Au final on assiste à un double-alignement juridique opposé. Ce double alignement se fait directement avec l’ensemble des traités internationaux qui lient les Etats des différents blocs, à l’image des communautés européennes à l’ouest, et indirectement puisque le droit de la RFA prend exemple sur le droit américain alors que le droit de la RDA prend exemple sur le droit soviétique.
La réunification ± En Europe de l’Est, des mouvements sociaux où les peuples aspirent à plus de liberté apparaissent, comme le mouvement syndical polonais Solidarnosc, et s’accompagnent d’un affai- blissement structurel de l’URSS. La RDA tombe alors qu’elle était jusqu’alors érigée comme un modqle du socialisme à travers le monde. Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin chute et entraine dans son élan la fin des démocraties populaires en quelques mois, conclue par l’exécution devant les télés du monde de l’ancien chef d’Etat roumain Ceausescu le jour de noël de la même année. Le 3 octobre 1990, l’Allemagne est réunifiée officiellement grâce à la ratification de la Volkskammer du Traité d’Unification. Pourtant, la réunification est souvent qualifiée d’absorption pour des raisons économiques et sociales d’abord, mais aussi pour des raisons juridiques et en premier lieu constitutionnelles. En effet, malgré la réunification, il n’y a pas eu de nouvelle constitution. Alors qu’il était originellement question d’offrir une Verfassung lorsque la nation allemande serait réunifiée, aujourd’hui encore la constitution de l’Allemagne n’est autre que la Grundgesetz du 8 mai 1949.
Ainsi, la notion de constitution a connu en Allemagne de nombreuses aspirations idéologiques tout en étant le fruit de plusieurs considérations et compromis politiques locaux. C’est une situation qui semble être possible de rattacher à la théorie géopolitique de « glocalisation » où malgré un mouvement global d’union et de partage de valeurs, il « subsiste toujours […] des singularités »50 en raison des cultures juridiques et réalités politiques locales.
En raison de la volatilité des idées, cette notion venue d’Atlantique et qui lui a pendant trqs longtemps été étrangère aux peuples germaniques, va donc être reprise. Bien que l’on retrouve comme chez ses voisins la volonté des bourgeois de se défaire des pouvoirs monarchiques trop importants, l’idée de constitution s’est mêlée à l’idéal national. Or, la question nationale a fait de la notion de constitution non pas une finalité, comme on peut l’apercevoir aux Etats-Unis ou en France où elles s’accompagnent de grandes déclarations à caractqre universel, mais comme un moyen. Et c’est peut-être cette faculté de voir la constitution comme un média, au sens grec du terme (c’est-à-dire comme un moyen) qui lui peut être permis d’établir sa propre culture constitutionnelle.
C’est sur cette lente tendance historique à une « scientifisation » constitutionnelle que se fonde l’actuelle République Fédérale d’Allemagne. Et on aperçoit là l’idée sous-jacente, à savoir quels seront donc les aboutissements futurs de cette orientation ?
TITRE 2:LA TENDANCE CONSTITUTIONNELLE ACTUELLE
La République Fédérale d’Allemagne a donc pour constitution une loi fondamentale, la Gundgesetz. Le texte de 1949 est organisé autour d’un préambule et 14 titres et dispose de 193 articles bien qu’ils sont numérotés jusqu’à l’article 146. Elle a donc fait l’objet de révisions constitutionnelles, plus de 50 depuis 66 ans. Ainsi il faut déterminer, toujours sous cet angle comparatiste, si le droit constitutionnel allemand est, ou non, à l’image d’une culture constitutionnelle européenne. Mais pour comparer le systqme constitutionnel allemand aux autres Etats européens, il est nécessaire de s’attacher à la seule structure fédérale et pas aux différentes structures des Länder.
Il faut donc s’intéresser sur l’organisation étatique de l’Allemagne (I) avant de pouvoir s’interroger sur l’essor et l’évolution science juridique constitutionnelle allemande (II).
I. Une organisation institutionnelle
La République Fédérale d’Allemagne s’appuie sur des principes importants (A) et s’organise au- tour d’un systqme institutionnel et politique à l’image de ses voisins européens, le parlementarisme ratio- nalisé (B).
A) Die Staatsstrukturprinzipen : les piliers de l’organisation institutionnelle
Si tous les juristes allemands s’accordent sur l’existence de plusieurs fondements organisationnels, il est difficile d’établir une liste exhaustive acceptée par tous. Ceci dit, il semble possible de les classifier autour de deux axes : de formes (1) et de fonds (2)
1) Une République Fédérale en Europe
Une république ± La loi fondamentale fait de l’Allemagne une République (art. 20 alinéa 1er LF) et renonce donc à son héritage monarchique alors même que la monarchie limitée est à l’origine des premiqres constitutions et de l’essor du constitutionnalisme. Alors qu’à l’aube du XXe siqcle l’Europe était principalement monarchique (seules la France et la Suisse étant des républiques), la décision de ne pas avoir une monarchie limitée a été à l’image de l’Europe de 1949. En effet, en dehors de micro-Etats, seulement Royaume-Uni, le Benelux (Pays-Bas, Belgique et Luxembourg) et quelques pays scandinaves (Suède, Norvège, Danemark) avaient des monarques. L’Espagne ayant renoué avec le systqme monar- chique qu’aprqs la chute de Franco.
Une fédération ± L’Allemagne a ceci dit gardé un systqme historique fédératif avec 16 Etats fé- dérés, les Länder. Aujourd’hui, seulement la Suisse (malgré son appellation trompeuse de confédération), l’Autriche et la Belgique sont aussi des fédérations en Europe. L’Allemagne, à l’instar de la Suisse, tend vers plus d’intégration et de centralisation contrairement à une Belgique ayant un mouvement progressif de séparation (accentué ces dernières années par les partis flamands indépendantistes). Le fédéralisme s’oppose donc au modqle unitaire qu’il soit centralisé à l’image de la Suqde ou du Portugal, ou bien décentralisé, comme en France. En même temps, le fédéralisme se dissocie du régionalisme qui permet la dévolution d’une partie des pouvoirs à des régions ou communautés avec des degrés d’autonomies diverses tout en restant des Etats unitaires puisque le constituant a réaffirmé l’indivisibilité de la Répu- blique pour l’Italie51 ou de la Nation pour l’Espagne52. Si « une seule constitution est présente sur la scène juridique »53 des Etats unitaires et des Etats régionaux, les Etats fédératifs acceptent l’idée d’avoir une dualité d’ordre constitutionnel. Attention, contrairement au modèle américain, la culture européenne se limite à une dualité de textes et ne tolqre pas une dualité d’ordre juridictionnel. Cela signifie que l’Alle- magne, la Belgique ou l’Autriche ne tolqrent pas de dualité entre des juridictions étatiques et fédérales distinctes contrairement aux Etats-Unis. Une culture européenne qui a peut-être poussé à ce que les juges nationaux s’octroient le contrôle communautaire au lieu que des tribunaux européens voient le jour par- tout en Europe. En tout cas, le droit fédéral prime sur le droit des Etats fédérés (art. 31 LF) et l’Etat fédéral dispose de certaines prérogatives propres (énumérées à l’art.73 LF). On parle de fédéralisme coopératif à cause des compétences concurrentes entre la Fédération et les Länder (art. 72 et 74 LF) et par l’existence de loi-cadre. Ceci est la traduction d’une impossibilité à effectuer une séparation verticale rigide.
L’Europe - Faire de l’Europe un des fondements constitutionnels de forme paraît incongru. Mais l’Allemagne a connu toutes les grandes guerres européennes, a directement subi les divisions idéolo- giques, a fait partie des 6 Etats fondateurs de la CECA et surtout, car l’Union Européenne est aujourd’hui une organisation où l’intégration des Etats membres est extrêmement poussée. La loi fondamentale a entiqrement consacré à l’a supériorité de l’Union Européenne en rappelant directement le transfert de souveraineté (art. 23 LF). Contrairement à la doctrine française assez réticente à affirmer la supériorité du droit européen sur la constitution française54 ou la vision anglaise souhaitant plus de flexibilité en droit communautaire et sans même évoquer les Etats refusant d’entrer dans l’Union, la République Fédérale d’Allemagne s’installe fermement et formellement au sein de l’Union Européenne.
2) Une consistance de fonds
Etat démocratique - Le choix entre monarchie et république ou bien entre fédération et unitaire est avant tout institutionnel et ne résout en rien la question démocratique. L’Allemagne a connu, avec le deuxiqme Empire, un régime autoritaire malgré l’existence d’un parlementarisme et une République n’est pas forcément une démocratie effective et totale, comme le montre la Russie contemporaine. Une situa- tion qui permet souvent d’affirmer que « [l]a démocratie est revendiquée par tous les pays ayant une constitution »55. Il faut donc établir un faisceau d’indices permettant de déclarer s’il y a une démocratie effective ou non. Parmi ces indices, l’Allemagne est membre de l’Union Européenne (au-delà qu’elle soit membre du Conseil de l’Europe), il y a une séparation horizontale des pouvoirs, les votes sont au « suf- frage universel, direct, libre, égal et secret » (art. 38 alinéa 1er LF) et surtout la Loi Fondamentale offre un statut constitutionnel pour les partis politiques (art. 21 LF). Sur ce dernier point, le Professeur Sophie- Charlotte Lensk insiste sur le fait que l’on permettait une démocratie effective qu’en instituant dans la constitution le rôle des partis politiques avec la révision de 1967.56
Etat de droit et liberté fondamentale - Une particularité de la constitution allemande n’est pas le fait qu’elle comporte des articles relatifs aux libertés fondamentales, les Etats-Unis ayant adopté des amendements dès 1791, mais par la place que celles-ci ont. En effet, elles occupent le premier titre de la Grundgesetz, contrairement à des amendements qui sont additionnés postérieurement en Amérique ou encore à l’élévation de la DDDHC de 1789 au rang constitutionnel 13 ans aprqs l’adoption de la consti- tution française57. L’article 1er affirme avant toute chose que « [l]a dignité de l’être humain est intan- gible ». Les 19 premiers articles vont affirmer diverses libertés (religieuse, d’agir, d’opinion, de réunion, d’association ou de circulation) ainsi qu’un certain nombre de principes et droit (égalité devant la loi, au mariage, à l’enseignement, à la sécurité des correspondances ou à l’asile). Cela répond au traumatisme du régime nazi, mais ce ne fut pas obligatoire comme le montre l’Italie. Malgré son passé fasciste, le titre 1er de la constitution italienne de 1947 fait référence à des principes fondamentaux et non à des droits fondamentaux. Cela montre qu’au-delà de la place dans le corps du texte constitutionnel, ces droits fon- damentaux occupent une place primordiale dans l’esprit constitutionnel. Une importance qui va d’ailleurs être rappelé par l’affirmation de l’Etat de Droit et du principe de hiérarchisation des normes puisque le premier article précédant l’énumération des droits fondamentaux déclare que « [l]e pouvoir législatif est lié par l’ordre constitutionnel » (art. 20 LF).
Etat social ± La Grundgesetz concrétise le caractère social de l’Etat (art. 20 alinéa 1er et 28 alinéa 1er LF). Il ne semble être pas une « mission d’Etat »58, mais un véritable principe constitutionnel, das Sozialstaatsprinzip. La question sociale n’est pas une nouveauté en Europe puisqu’elle a commencé à émerger dès les révoltes de 1848 en faisant des droits économiques et sociaux une deuxième génération des droits fondamentaux (après les droits civils et politiques depuis la fin du XVIIIe siècle). Mais avec « la crise des années 30 et plus encore aprqs 1945, l’État social va connaître ce qu’on appelle communé- ment son âge d’or »59 grâce à l’Etat-providence en Europe. Par exemple le préambule de la Constitution française de 1946 instaurant la IVe République rappelle le droit d’obtenir un emploi ou le droit de grève et l’article 4 de la Constitution italienne de 1947 reconnaît à tous les citoyens le droit au travail. Bien entendu, le fondement social dépend directement de la vigueur de l’économie60 d’où découle une parti- cularité allemande avec un code propre, le Sozialgesetzbuch, et surtout par le fait que l’ordre social est un ordre juridique séparé de l’ordre ordinaire et distinct de l’ordre juridique liée au travail.
B) Un parlementarisme rationalisé
On parle de régime parlementaire lorsque « l’organe du pouvoir exécutif ou un organe partiel de ce pouvoir, le cabinet ou gouvernement, est politiquement responsable devant une ou plusieurs assemblées représentatives qui peuvent provoquer sa démission »61. Mais pour éviter de tomber dans un régime d’assemblée, l’Allemagne organise un parlementarisme qualifié de rationnel.
Afin de comprendre le caractqre rationalisé de ce systqme, il est nécessaire de s’intéresser aux institutions détenant le pouvoir exécutif (A) et au rôle central du Parlement (B).
1) Un exécutif dépourvu de toutes élections directes du peuple
Le Président fédéral - Comme dans toute république classique, le Chef d’Etat est le Président. Pour le devenir, il faut la nationalité allemande, la qualité d’électeur et avoir 40 ans révolus (art. 54 LF). Mais, dans une Allemagne marquée par l’échec de la République de Weimar et d’un Reichspräsident élu au suffrage universel direct62, le Bundespräsident est cantonné à un rôle de « magistrature morale »63. Il est investi aprqs un vote à plusieurs tours des élus de l’Assemblée fédérale (réunissant les deux chambres parlementaires). L’absence d’élection au suffrage universel du Chef d’Etat n’est pas exceptionnel, c’est le cas dans les régimes monarchiques et dans un certain nombre de républiques comme l’Italie, les Etats- Unis ou encore la France pour la IIIe, IVe et au début de la Ve République (avant le référendum de 1962). Le Bundespräsident a donc des pouvoirs symboliques du Chef d’Etat : il promulgue les lois (art. 82 alinéa 1er LF), il ratifie les traités (art. 59 alinéa 1er LF), il nomine et révoque des hauts fonctionnaires (art. 60 alinéa 1er LF) et aussi les ministres sur proposition du chancelier (art. 64 alinéa 1er LF) et dispose du droit de dissolution (art. 68 alinéa 1er LF). Le président allemand est assimilé par certains seulement comme « le fondé du pouvoir du chancelier et de sa majorité parlementaire »64.
Le Chancelier - L’homme fort est le Chancelier, le Kanzler. D’ailleurs, aujourd’hui, si tous con- naissent l’actuelle chanceliqre, Angela Merkel, peu d’européens connaissent le nom ou le visage du Pré- sident allemand, Joachim Gauck. N’étant pas chef de l’Etat, il est le chef de gouvernement dont il fait lui- même partie (art. 63 LF). Contrairement au président qui est irresponsable pénalement sauf en cas de violation de la constitution et des libertés fondamentales (art. 61 LF), car il est titulaire de la charge publique, le chancelier est responsable pénalement, car il est considéré comme un simple porteur de la charge publique (selon la notion juridique allemande de Bemte et Angestellte)65. Le Chancelier fédéral est élu sans débat par le Bundestag sur proposition du Président fédéral (art. 63 alinéa 1er LF). Cette absence d’élection au suffrage direct est un corolaire à la quasi-totalité des chefs de gouvernements. Que ce soit avec le Premier Ministre anglais, le Président du Gouvernement espagnol, le Ministre d’Etat danois ou encore le Président du Conseil italien. Ainsi, le Chancelier symbolise la démocratie allemande, car il reflète la composition du Parlement en étant bien souvent le leader du parti ayant remporté les élections législatives et fédqre des partis coalisés. C’est pourquoi beaucoup de prérogatives présidentielles nécessitent l’action du Chancelier. Par exemple, si c’est le Président qui nomme les ministres, cette nomination se fait forcément sur proposition du Chancelier (art. 64 alinéa 1er LF).
Le gouvernement - Le pouvoir exécutif est donc bicéphale, car il est détenu par le Bundespräsi- dent et le gouvernement dont dirige et fait partie le Chancelier. Les membres du gouvernement prêtent serment ensemble devant le Bundestag66 et dépendent donc de la vie politique du pays. Il permet l’appli- cation des lois et dispose même d’un pouvoir de contrainte fédérale (art. 37-1 LF). Suivant les lignes directrices fixées par le Chancelier, le gouvernement dispose de l’initiative législative comme dans tout régime parlementaire classique67. Ceci dit, il a aussi des pouvoirs extraordinaires courants, comme un pouvoir législatif via l’édiction de rqglement (art. 80 LF) qui n’est que le corolaire de nombreuses pra- tiques européennes à l’image des ordonnances en France68 ou des Decreto-leys en Espagne69, et des pou- voirs accrus en cas de crise (Notstand), suite à la révision constitutionnelle du 24 juin 196870.
2) Le cœur démocratique résultant du bicaméralisme
Le Bundestag - Le Bundestag est « la pièce maîtresse du nouvel ordre constitutionnel »71 dans la mesure où il est l’institution ayant « la plus grande légitimité démocratique »72. Les députés siègent au Bundestag et sont les seuls représentants fédéraux à être élus au suffrage universel direct. Cette élection au suffrage universel direct n’est pas une surprise si l’on considqre que c’est l’un des attributs essentiels des chambres basses censés représenter aux mieux la société, à l’image de la House of Commons au Royaume-Uni, la House of Representatives aux Etats-Unis ou l’Assemblée Nationale en France. La par- ticularité du Bundestag n’est donc pas son mode d’élection, au suffrage universel direct, mais avant tout à son mode de scrutin atypique. Le mode de scrutin du Bundestag répond au système de proportionnelle personnalisée, d’où ses perpétuelles retouches (la derniqre révision date du 21 février 2013). Ce systqme souhaite mêler son essence proportionnelle (comme c’est le cas dans les chambres basses d’Italie, d’Es- pagne, de Belgique) avec les avantages du scrutin uninominal (que ce soit à un tour au Royaume-Uni ou bien à deux tours en France). Ainsi, l’électeur dispose de deux voix, une pour un candidat (le caractère uninominal) et l’autre pour les partis politiques (le caractqre proportionnel). Tout parti ayant plus de 5 % doit pouvoir y siéger. Cette légitimité démocratique lui offre des compétences larges et de nombreuses restrictions aux députés, comme l’interdiction des mandats impératifs (art. 38-1 LF). Le Bundestag a un rôle dans tout le processus législatif puisque les députés sont présents lors de l’initiative de la loi (art. 76- 1 LF) avant de discuter et débattre selon le principe des trois lectures. Ainsi, le Bundestag s’organise autour de deux types acteurs : les partis politiques et les commissions. Enfin, comme dans tout régime parlementaire, le Bundestag peut mettre en jeu la responsabilité du chef du gouvernement, le chancelier, grâce à la motion de censure (art. 67 LF).
Le Bundesrat - L’autre assemblée du Parlement allemand est le Bundesrat qui peut être qualifié de chambre haute. Les chambres hautes ont pour trait principal de représenter une autre aspiration que celle du peuple ou de la nation. Alors que le Sénat français représente les collectivités territoriales ou que la House of Lords est issue de la représentation de la noblesse et du clergé, le Bundesrat représente les 16
Länder (art. 50 LF). Ce choix suit le modèle des autres Etats fédéraux, que ça soit avec le Sénat américain ou le Conseil des Etats suisse. Il y a une restriction un mode de scrutin puisque les représentants des Länder ne sont pas élus par les citoyens au suffrage universel. La restriction pour la chambre haute est assez rependue et résulte de cette aspiration à représenter un caractère spécial. Même pour le Sénat italien, pourtant élu au suffrage universel direct, il y a une restriction liée à l’âge puisqu’il faut avoir au minimum 25 ans pour participer à son élection. Contrairement au Conseil des Etats en Suisse ou au Sénat américain qui offrent à chaque Etats fédéré a 2 représentants quel que soit son poids démographique ou économique, il y a une pondération liée à la démographique au Bundesrat (offrant entre 6 et 3 représentants par Land). Enfin, le Bundesrat a des compétences limitées par rapport au Bundestag. L’Allemagne n’a donc pas un bicaméralisme parfait, à l’instar de l’Italie ou de la Suisse. Le Bundesrat n’intervient ni pour la désignation du Chancelier ni pour la responsabilité du gouvernement. Si le Bundestag dispose de la loi, le Bundesrat est bien souvent réduit à approuver ou s’opposer à celle-ci via un droit de véto (article 77 LF), bien qu’il peut être contourné pour les lois simples.
Pouvoir constituant - Au-delà de ses compétences législatives ou son rôle pour l’élection du pré- sident, le Parlement allemand dispose d’un pouvoir constituant puisqu’une modification de la constitution doit être approuvée par le Bundestag et le Bundesrat (art. 79 LF). Ce modèle de révision est le seul inscrit dans une Loi Fondamentale puisqu’elle ne prévoit pas de référendum. Ce mécanisme de révision est soumis à des impératifs procéduraux, contrairement au Royaume-Uni qui n’en prévoit pas. Il n’y a pas de nécessité à avoir une pluriconsultation, à l’image de l’Italie qui impose une double délibération à un intervalle de temps défini73. Il est question dans la constitution allemande d’un impératif quantitatif avec une majorité beaucoup plus accentuée qu’en en France74 ou en Espagne75 qui nécessitent 3/5 des votes (soit 60%) contre 2/3 en Allemagne (soit 66%). Au-delà des restrictions de forme, il existe une restriction de fonds. Il est impossible de réviser les bases du fédéralisme et les droits fondamentaux énumérés aux articles 1ers à 20 de la Grundgesetz (art. 79 alinéa 3 LF).
L’organisation étatique de l’Allemagne ne présente donc pas des grandes particularités même si elle s’appuie naturellement sur des fondements issus de son histoire. On trouve d’importants particularismes comme le caractère fédéral, la place des libertés fondamentales, mais surtout la quasi-absence du suffrage universel direct au rang fédéral (et lorsqu’il a lieu au Bundestag, c’est avec un mode de scrutin atypique). Mais globalement, l’Allemagne ne déroge donc pas à la tendance européenne d’un régime parlementaire, la France étant au final plus l’exception confirmant la rqgle.
Malgré une organisation politique ne représentant pas une situation exceptionnelle, la soumission du droit aux normes constitutionnelles est exceptionnelle. La Bundesverfassungsgericht, Cour Constitutionnelle Fédérale, est l’institution qui assure cette soumission si bien qu’elle est une « autorité juridictionnelle inégalée »76 en Europe. C’est une situation d’autant plus étrange, car elle ne concentre pas dans ses mains toute la justice constitutionnelle puisque les Länder disposent de tribunaux constitutionnels pour veiller au respect de leurs propres constitutions77 et, car la nécessité de constitution nationale peut être critiquée dans un mouvement d’européanisation et de globalisation. Mais alors pourquoi joui-elle d’autant de prestige et est-ce que cette situation peut encore perdurer ?
II. L’activité constitutionnelle allemande
L’Etat de droit se fonde sur le principe de légalité, c’est-à-dire la recherche de la conformité à la loi. Or, la plus haute des lois d’un Etat n’est autre que la constitution.
Par conséquent, il est nécessaire de s’interroger sur l’établissement de la justice constitutionnelle actuellement établie en Allemagne (A) avant de se pencher sur son futur (B).
A) La Bundesverfassungsgericht : une autorité sans pareil ?
Le système juridique allemand se fonde autour de 5 ordres : commun, administratif, financier, so- cial et du travail. Chacun de ces ordres dispose de juridictions inférieures et d’une Gerichtshof (Cour de derniqre instance). De plus, malgré l’absence de dualité juridictionnelle entre le droit fédéral et des Llnder, puisqu’il s’agit d’un système fédéral et que certains Länder disposent de constitution, il existe également des tribunaux constitutionnels régionaux. Mais toutes ces juridictions sont auréolées par la Cour Consti- tutionnelle Fédérale.
L’efficacité de la justice constitutionnelle tient à la compétence et l’organisation propre de la Cour constitutionnelle (1), mais surtout à un contrôle de constitutionnalité très poussé (2).
1) Composition et compétence de la justice constitutionnelle
Organisation Générale - Bien qu’elle fut créée en son principe en 1949 (art. 93 à 94 LF), ce n’est qu’avec la loi du 12 mars 1951 que la Cour constitutionnelle fédérale fut établie. Malgré la réunification, elle siège toujours à Karlsruhe. Les juristes allemands aiment rappeler que la Constitution de Weimar prévoyait déjà une sorte de juridiction constitutionnelle, mais en réalité, les constituants se sont inspirés à la fois du modèle autrichien (expérimenté de 1921 à 1930) et du modèle américain (développé après la guerre de Sécession)78. Il s’agit d’une juridiction spécialisée dans les litiges d’ordre constitutionnel selon le modqle autrichien. C’est un point que l’on retrouve également dans le systqme français où le Conseil Constitutionnel s’occupe exclusivement des litiges constitutionnels en n’étant pas une juridiction de droit commun et en ayant rejeté le contrôle de conventionalité79. Et, en vertu de l’inspiration américaine, il y a l’idée qu’elle doit « être en mesure de veiller à ce que toutes les juridictions appliquent correctement la Constitution fédérale, et spécialement les règles constitutionnelles protectrices des droits fondamentaux des individus »80. Une inspiration qui est également à l’origine de la révision constitutionnelle instituant la Cour Suprême du Royaume-Uni à partir de 2009 à la place de la Chambre des Lords81. Contrairement au Conseil Constitutionnel français, elle est constituée exclusivement de juristes, 16 au total, dont 6 doi- vent avoir travaillé au moins 3 ans dans l’une des 5 Gerichtshofs82 et dont les 10 autres doivent être des juristes diplômés avec plus de 40 ans83. Ils sont élus à moitié par le Bundestag et le Bundesrat (Art. 94 alinéa 1er LF) pour des mandats de 12 ans. Cette juridiction est divisée en 2 chambres de 8 juges, surnom- mées les Senates.
Grundrechtssenate - Le premier sénat est compétent principalement pour le contrôle des normes et les recours liés aux droits fondamentaux d’où son surnom de Grundrechtssenate84. Ses décisions ont généralement une large portée, en raison de la double-prétention de faire de la Cour constitutionnelle fédérale à la fois une juridiction extraordinaire pour l’ordre constitutionnel et facteur d’unification du droit. C’est donc à partir de 1958, avec l’arrêt Luth85, que les droits fondamentaux vont passer de droits permettant de défendre l’individu contre les abus étatiques à une idée de valeurs transcendantes. Dans cet arrêt, le juge constitutionnel a regardé si le juge ordinaire a interprété des normes de droit privé « confor- mément aux droits fondamentaux »86. Ce fut là une très grande innovation, si bien que le Professeur David Capitant a rapidement émis l’idée d’« effet horizontal des droits fondamentaux»87 sur les autres branches du droit. La Cour constitutionnelle évoquera, dqs 1973, d’« effet rayonnant»88 des droits fondamentaux.
Staatsrechtssenat - Le deuxième sénat est quant à lui compétent pour les litiges institutionnels et les relations fédératives, d’où son surnom de Staatsrechtssenat89. C’est l’image classique de gardien de la fédération. Il y a là l’idée que c’est un pouvoir indépendant qui doit trancher des litiges entre les diffé- rentes institutions, les Etats fédérés ou entre l’Etat fédéral et un Etat fédéré. Cette vision est présente dans tous les Etats fédéraux, de la Cour Suprême américaine à la Cour Constitutionnelle belge, appelée Cour d’Arbitrage, jusqu’en 2007, pour souligner davantage cette conception. C’est donc une compétence assez traditionnelle au fond d’autant plus que la saisine pour ces conflits est limitée à certaines institutions (ex : le gouvernement fédéral, les gouvernements des Länder, le Président, le Bundestag, les partis politiques). Toujours dans cette idée de gardien constitutionnel, la Cour constitutionnelle fédérale est également com- pétente pour les litiges procéduraux d’importance démocratique en assurant notamment la bonne tenue des élections (art 41 alinéa 2 LF).
2) Un Contrôle de constitutionnalité très élargie
Un contrôle n’allant pas forcément de soi - Si le contrôle de constitutionnalité semble être une évidence aujourd’hui dans de nombreux pays, ce fut loin d’être toujours le cas. En effet, il est né de la pratique et non d’un texte constitutionnel avec l’arrêt Marbury v. Madison en 1803 de la Cour Suprême des Etats-Unis (qui, rappelons-le, était encore à cette époque un jeune Etat isolé de l’autre côté de l’océan, plutôt marginal économiquement et avec peu d’influence). Et ce contrôle de constitutionnalité a mis beau- coup temps avant de s’implanter sur le vieux continent encore marqué par son histoire constitutionnelle et le légicentrisme. D’ailleurs, aujourd’hui encore, le Royaume-Uni ou la Suisse qui sont des vieux Etats ne possqdent pas de contrôle de constitutionnalité (l’Angleterre se cachant derriqre la souveraineté du Parlement et la Suisse possédant simplement un contrôle de conventionalité). L’Allemagne connait au- jourd’hui une pratique de contrôle de constitutionnalité poussée où le juge constitutionnel permet à la fois le respect de l’organisation institutionnel et l’uniformité du droit (avec notamment le respect des libertés fondamentales). Un contrôle qui s’inspire à la fois le modqle par voix d’action du juriste autrichien Hans Kelsen et le modqle par voix d’exception du systqme américain. Cependant le contrôle de constitution- nalité allemand ne doit pas se comprendre de la même manière que le juriste français le perçoit en le bornant à deux contrôles possibles, a priori ou a posteriori, en raison des modes de saisines et de l’action de son propre juge constitutionnel. En effet, parmi les multiples modalités de saisine, le juriste allemand parle de contrôle abstrait et de contrôle concret.
Die abstrakt Kontrolle - Le juriste français aurait tort de penser que le contrôle abstrait de cons- titutionnalité des normes renvoie forcément à un contrôle a priori. En effet, le contrôle abstrait peut être un contrôle préventif, avant la promulgation d’une loi donc, mais également s’exercer a posteriori (art. 93 alinéa 1er LF). Le caractqre abstrait renvoie à l’idée d’un contrôle objectif dans la mesure où le juge constitutionnel cherche à regarder la conformité du droit à la Constitution ou celle du droit local au droit fédéral. La Cour poursuit donc un objectif « pure, assez proche du modèle kelsenien »90. Ce contrôle, forcément déclenché par le gouvernement fédéral, les gouvernements étatiques ou 1/3 des députés du Bundestag peuvent poursuivre deux objectifs : demander l’annulation de la loi ou bien la confirmation de sa validité pour l’appliquer. C’est donc un contrôle institutionnel, d’où sa faible utilisation puisque l’on parle de 3 décisions par an en moyenne91.
Die konkrete Kontrolle - Mais, la Cour fédérale applique également un contrôle sur le fond. En effet, il est possible à tous les juges de saisir la Cour constitutionnelle fédérale lorsqu’une exception d’inconstitutionnalité est soulevée par une partie : c’est le contrôle concret. Si la QPC française issue de la réforme constitutionnelle de 2008, s’en inspire énormément puisque le juge du fond peut désormais saisir le juge constitutionnel, il y a une grande différence procédurale. La saisine de juge constitutionnel est beaucoup plus souple en Allemagne qu’en France. En effet, le juge allemand décide souverainement et indépendamment de la demande des parties de faire un recours alors que le juge français ne peut agir d’office puisqu’il est lié par l’initiative des parties. Le juge constitutionnel allemand va alors pouvoir établir une décision en annulation. Attention, le contrôle concret ne doit surtout pas être confondu avec une autre modalité de saisine du juge constitutionnel, Die Verfassungsbeschwerde, permettant à chaque individu un recours constitutionnel s’il considqre que ses droits fondamentaux sont bafoués (à l’image de l’amparo en droit constitutionnel espagnol92 ).
B) Quel avenir pour le constitutionnalisme allemand ?
Il est frappant de voir que l’histoire constitutionnelle et l’organisation constitutionnelle de l’Allemagne connaissent d’importants points de contact avec le droit institutionnel de l’Union Européenne. Une caractéristique étonnante alors même que nos systèmes juridiques et Etatiques sont en plein questionnement avec l’évolution de nos sociétés et du monde.
C’est pourquoi s’il semble certain de voir l’avenir du droit constitutionnel au niveau européen, à l’heure où l’on parle de systqme confédéral pour l’UE (1), il est nécessaire d’envisager d’autres évolutions possibles du constitutionnalisme (2).
1) Vers une constitution pour l’Europe ?
Défense européenne des libertés fondamentales - Avant d’être l’Union Européenne, l’Europe institutionnelle est avant tout le Conseil de l’Europe. Fondé par le Traité de Londres de 1949, même si des Etats ont mis du temps avec le ratifier, l’ensemble des Etats européens y sont désormais membres. L’idée est de défendre des droits de l’homme et affirmer des principes démocratiques d’un texte européen, la CEDH, avec l’établissement d’une institution judiciaire supranationale pour en assurer l’effectivité. Du coup, est-ce que les libertés et droits fondamentaux ont encore un avenir dans les constitutions nationales et ne serait-il pas plutôt judicieux d’établir ces droits à l’échelle européenne ? En montrant l’exemple démocratique russe ou turc pourtant membre du Conseil de l’Europe, cela ne semble pas être suffisant d’où l’affirmation par certains de garder les droits fondamentaux dans le champ constitutionnel national. D’autant plus que la Cour Européenne des Droits de l’Homme s’inspire énormément des cours nationales, comme la Cour de Karlsruhe. De plus, les libertés fondamentales ont été élevées en principes généraux de l’Union Européenne par le TUE93 et, parallqlement, la CJUE s’est prononcée défavorablement à l’ad- hésion de l’Union Européenne à la CEDH94. Une situation qui laisse la possibilité d’une défense des libertés fondamentales plus efficace au Luxembourg qu’à Strasbourg ou qu’issue des juridictions natio- nales.
Une Européanisation des droits constitutionnels nationaux ± Tout comme les législations na- tionales sont directement influencées et soumises au droit communautaire, il est possible de constater une tendance d’européanisation du droit constitutionnel par les Etats communautaires. Le processus se dis- tinguerait de deux façons : une européanisation « interne », dans la mesure où il y a une adaptation du droit constitutionnel national mis en œuvre par l’Etat lui-même et une européanisation « externe », avec une modification du droit constitutionnel national par le droit communautaire95. Et, force est de constater que ce phénomqne européen n’échappe pas à l’évolution constitutionnelle allemande aux vues de la cons- titution (art. 23 LF), des différentes révisions constitutionnelles et de la jurisprudence de la Cour de Karl- sruhe. L’arrêt Sollange II est un exemple d’européanisation trqs connu : alors lors que la Gundgesetz interdisant les tribunaux d’exception en Allemagne (art. 101 alinéa 1er LF), il va être étendu à la juridiction européenne en raison de l’intégration de plus en plus poussée de l’Union Européenne96. L’on est donc bien loin en réalité de la peur de certains de voir la cour du Luxembourg dirigée dans l’ombre par celle de Karlsruhe dans la mesure où le juge constitutionnel allemand se déclare compétent pour statuer sur certaines institutions de l’Union Européenne97. Au contraire, on assiste à une intégration constitutionnelle en raison de la soumission des droits constitutionnels nationaux face à la force unificatrice du droit communautaire.
Une constitution pour l’Union ? ± Malgré l’intégration constitutionnelle, une séparation des pou- voirs à l’échelle européenne, la primauté du droit communautaire, la présence d’une institution juridic- tionnelle supranationale et le transfert de nombreuses compétences nationales au niveau européen et alors même que certains universitaires affirment que « la notion de constitution n’est plus liée à l’Etat »98, il semble bien difficile d’affirmer que l’Union Européenne dispose d’une constitution à l’heure actuelle. Au même titre que la Confédération Germanique autrefois, cela résulte d’abord de l’absence de véritable limitation profonde du pouvoir des Etats membres. Ceci dit, de nombreuses limitations commencent à se faire sentir avec l’élargissement des transferts de souveraineté. La raison secondaire qui pousse donc à réfuter l’idée d’une constitution existante vient tout simplement du rejet de celle-ci par les peuples euro- péens eux-mêmes. Il s’agit bien d’un rejet actuel de Bruxelles et d’un processus que certains qualifient « d’intégration opportuniste »99 et non pas d’une méfiance comme pourrait avoir les américains face au pouvoir fédéral de Washington ! Cela est de plus en plus visible : les craintes des pays anciennement sous domination soviétiques, la question du Brexit, la crise de l’Euro en 2010, la remise en cause du principe de libre circulation des personnes ou encore la montée des partis nationalistes et populistes dans de nom- breux Etats. Ceci dit, peut-être faut-il avoir pour le cas de l’UE une vision plus large et moins conjonctu- relle, auquel cas, nous assistons à une lente constitutionnalisation de l’UE.
2) Repenser le système constitutionnel
La place du référendum - La constitution allemande passe sous silence le référendum, à contre- courant des autres pays. Surtout que l’on voit se développer, à côté des référendums classiques (sur l’ini- tiative des gouvernants), les référendums d’initiative populaire (demandés par une partie des citoyens). Si ce procédé reste inconnu dans de nombreux pays, dont la France, il est possible dans d’autres. Trqs courant à l’échelle locale des Etats-Unis, la Suisse est aujourd’hui avant-gardiste, car le référendum d’ini- tiative populaire, initialement prévu pour les cantons, existe désormais au niveau fédéral. Il permet même de demander une révision partielle de la constitution. Aujourd’hui, cette tendance se fait sentir à l’échelle locale allemande puisque l’Etat de Baviqre, par exemple, autorise le référendum d’initiative populaire100. Cet élan devrait s’affirmer dans la mesure où il existe désormais un droit d'initiative citoyenne à l’échelle européenne (même s’il n’est pas encore question de référendum, mais d’orientation politique)101. Ceci dit, « la démocratie participative ne constitue qu’une continuation de la politique traditionnelle par d’autres moyens »102 et ne semble pas engager une véritable évolution de la pensée du constitutionnalisme.
Le futur des libertés fondamentales ± Le constitutionnalisme avance par essence avec la question des libertés fondamentales. Le système constitutionnel allemand a su allier à la fois les libertés fonda- mentales de première génération nées à la fin du XVIIIe siècle (avec des droits civils et politiques), les libertés fondamentales de deuxième génération apparue le long du XIXe siècle (avec les droits sociaux et économiques) et aussi de nouvelles libertés fondamentales que l’on qualifie de troisiqme génération, voire de quatrième génération. Mais ces nouvelles libertés sont encore trqs vagues puisqu’elles regroupent des préoccupations très diverses comme les droits environnementaux, le droit à la paix ou le droit à la diffé- rence. Malgré tout, certains affirment que ces droits ne doivent pas être compris de manière synthétique, mais « comme une symbiose »103. Et il est donc intéressant de savoir, à l’heure du numérique, où le champ des libertés fondamentales va s’étendre.
Définir et Redéfinir la Constitution ± Avec la grande diversité des régimes politiques qu’elle a connue et ses nombreuses tentatives constitutionnelles, l’Allemagne nous permet d’établir une définition empirique de la notion de constitution via des critqres formels et des critqres matériels. D’un point de vue formel, outre le fait que la constitution n’est pas forcément écrite, il faut forcément une séparation hori- zontale des pouvoirs (écartant les régimes absolutistes des princes allemands) et, facultativement, en cas de caractqre fédéral, une limitation verticale des pouvoirs (écartant la Confédération Germanique). D’un point de vue matériel, une constitution doit forcément se baser sur des principes démocratiques (écartant le régime nazi), protéger les libertés fondamentales (écartant la RDA) et être acceptée volontairement et fondamentalement par la société (écartant l’Union Européenne actuelle). C’est donc la réunion de ces critqres formels et matériels, qui permet à la constitution d’acquérir ce caractère de norme suprême, don- nant donc lieu à une nécessité à la protéger, notamment via un contrôle constitutionnel poussé. De cette définition, trois remarques peuvent être établies. Premièrement, cette liste de critère est non exhaustive puisqu’elle est tirée d’une définition empirique singuliqre (issu du cas allemand). Deuxiqmement, que la supériorité de la norme constitutionnelle est un critqre de second temps, c’est-à-dire un critère par ricochet. Et troisièmement que ces critères matériels dépendent de la période et la société puisque l’exclusion des pauvres avec le vote censitaire ou des minorités raciales aux Etats-Unis pendant longtemps ne peut pas exclure l’existence d’une constitution à la lumiqre des droits fondamentaux tels qu’ils sont établis au- jourd’hui ou le seront demain. Et ce dernier point mérite d’être soulevé, car il montre une réalité primor- diale : l’idée que la constitution n’est au fond qu’une lutte des pouvoirs. Entre les monarques disposant autrefois du pouvoir politique et des bourgeois auquel s’est ajouté au fil du temps le prolétariat (d’où le passage d’un vote censitaire à un vote universel) qui disposent du pouvoir économique. Une lutte des pouvoirs qui continue perpétuellement, à l’image des groupes sociaux autrefois oubliés et qui s’affirment, comme l’exemple des femmes, se traduisant par l’acquisition de véritables droits fondamentaux en raison de leurs poids dans nos sociétés, le droit de vote des femmes ou l’égalité sexuelle pour poursuivre l’exemple. La Constitution n’est donc pas un contrat entre les gouvernants et les gouvernés, mais entre les gouvernants des différentes sphqres du pouvoir, par exemple politique ou économique. Or, aujourd’hui les gouvernants de la sphère économique ne sont plus les bourgeois ou le prolétariat, mais ce sont des personnes morales, les sociétés, qui fonctionnent avec leurs propres raisonnements. Par conséquent, est- ce que l’avenir constitutionnel ne se trouve-t-il pas dans le rôle accru des sociétés et des firmes multina- tionales ? D’une maniqre concrqte, aprqs le passage d’un vote censitaire à un vote universel, alors nous bientôt connaître un vote mixte-personnel, où prendrait parti à la fois les personnes physiques et les per- sonnes morales ?
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1 World Bank, «Gross domestic product 2014», World Development Indicators database, 29 décembre 2015.
2 Eurostat, Total population, n°124/2015, 10 juillet 2015.
3 Pascal BONIFACE et Hubert VEDRINE, Atlas du monde global - 100 cartes pour comprendre un monde chaotique, 3e éd., Paris, Fayard et Armand Colin, 2015, p. 94.
4 Christian GRATALOUP, L’invention des continents : comment l’Europe a découpé le monde, Paris, Larousse, 2009, p. 26.
5 Eric Hobsbawm, « L’Europe : mythe, histoire, réalité ͩ, Le Monde, 25 septembre 2008.
6 Samuel HUNTINGTON, Le choc des civilisations, trad. par Jean-Luc FIDEL, Geneviève JOUBLAIN, Patrice JORLAND et Jean-Jacques PEDUSSAUD, Boston, Odile Jacob [coll. «Poches»], 2000, pp. 43-68[1993].
7 Stéphane PIERRE-CAPS, Droit constitutionnels étrangers, 2e éd., Paris, P.U.F. [coll. «Quadrige Manuel»], 2010, p.2.
8 Francis HAMON et Mochel TROPER, Droit Constitutionnel, 36e éd., Paris, LGDJ [coll. «Manuels»], 2015, p. 31.
9 Michel DE GUILLENCHMIDT, Droit Constitutionnel et Institutions Politiques, 3e éd., Paris, Economica, 2010, p.46.
10 Id., p.5.
11 Dieter GROH, «Le « Sonderweg » de l'histoire allemande : mythe ou réalité ?», Annales. Économies, Sociétés, Civilisations., 38e année, n°5, 1983, p. 1168.
12 Konrad ZWEIGERT et Hein KÖTZ, Introduction to Comparative Law, 3e éd., trad. par Tony WEIR, Oxford, Oxford University Press, 1998, pp 8-10.
13 Pierre LEGRAND, Le Droit Comparé, 4e éd., Paris, P.U.F. [coll. «Que Sais-je ?»], 2011, p.85.
14 Bernard POLONI, Histoire constitutionnelle de l’ llemagne, Paris, Ellipses [colle. «Les Essentiels de la civilisation allemande»], 2000, p. 3.
15 PIERRE-CAPS, op.cit., note 7, p. 94.
16 Claude WITZ, Le droit allemand, Strasbourg, Dalloz [coll. «Connaissance du droit»], 2001, p 9.
17 Ibid.
18 Jean DUPUY-DUTEMPS, La Constitution fédérale de l'Allemagne de 1815 à 1866, Paris, Librairie sociale et économique, 1939, p. 7.
19 POLONI, op. cit., note 14, p 15.
20 Constitution du Royaume de Westphalie du 15 novembre 1807.
21 POLONI, op. cit., note 14, p.16.
22 Matthias ARMGARD, cours « Europäische Verfassungsgeschichte », Université de Constance (BadeWurtemberg), 2nd Semestre 2013.
23 Jacky HUMMEL, Le constitutionnalisme allemand (1818-1918) : Le modèle allemand de la monarchie limitée, Paris, P.U.F. [coll. «Léviathan»], 2002, p 4.
24 Georg Wilhelm Friedrich HEGEL, La Constitution de l’ llemagne, trad. par Michel Jacob, Francfort, Editions Champ Libre, 1974, p 25 [1799-1802].
25 Article 6, alinéa 2 du Traité de paix de Paris du 30 mai 1814.
26 Traduction : Confédération.
27 Traduction : Fédération.
28 rticle 13 de l’ cte confédéral allemand du 8 juin 1815͘
29 Les décrets de Karlsbad du 20 septembre 1819.
30 Jacky HUMMEL, op. cit., note 23, p 151.
31 POLONI, op. cit., note 14, p. 65.
32 Id., p. 37.
33 Id., p. 66.
34 Traduction : L’unification allemande͘
35 Arno MAYER, La persistance de l’ ncien Régime : L’Europe de 1848 ă la Grande Guerre, trad. par Jonathan MANDELBAUM, Princeton, Flammarion [coll. «Champs»], 1983[1981].
36 POLONI, op. cit., note 14, p.75.
37 Id., p.76.
38 Id., p 83.
39 Le terme de Staatsrecht a été écarté car il revoit ă l’idée plus large de droit public͘ Le terme de Grundrecht a été écarté car il revoit ă l’idée précise des droits fondamentaux͘
40 Philippe LAUVAUX et Armel LE DIVELLEC, Les grandes démocraties contemporaines, 4e éd., P.U.F. [coll. « Droit Fondamental »], 2015, p. 709.
41 Ibid.
42 Article 54 de la Constitution de Weimar.
43 Article 109 à 165 de la Constitution de Weimar.
44 POLONI, op. cit., note 14, p 101.
45 Article 48, alinéa 2 de la Constitution de Weimar.
46 Hans KELSEN, Théorie pure du Droit, trad. par Henri Thévenaz, 2e éd., Vienne, de la Baconnière, 1988 [coll. « Être et penser - cahiers de philosophie »] p. 132[1962].
47 POLONI, op. cit., note 14, p. 115.
48 Article 14 de la Constitution de la République Démocratique d’ llemagne du 7 octobre 1949͘
49 PIERRE-CAPS, op. cit., note 7, p. 6.
50 LEGRAND, op. cit., note 13, p. 49.
51 Article 5 de la constitution italienne de 1947.
52 Article 2 de la constitution espagnole de 1978.
53 Jean GICQUEL, Jean-Éric GICQUEL, Droit constitutionnel et institutions politiques, 29e éd., Paris, L.G.D.J. [coll. «Domat Droit Public»], 2015, p. 96.
54 Pascal PUIG, « Hiérarchie des normes : du système au principe », Revue trimestrielle de droit civil - Dalloz, 2001 p.749.
55 PIERRE-CAPS, op. cit., note 7, p. 6.
56 Sophie-Charlotte Lensk, cours « Staatsorganisationsrecht », Université de Constance (Bade-Wurtemberg), 1er Semestre 2013, 21/11/2012.
57 Conseil constitutionnel, Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Liberté d'association.
58 Christian AUTEXIER, Introduction au droit public allemand, Sarrebruck, P.U.F. [coll. «Droit Politique et Théorique], 1997, p. 108.
59 Christophe RAMAUX, L’Etat social : pour sortir du chaos néolibéral, Paris, Fayard [coll. «Mille et une nuits»], 2012, p. 212.
60 Jochen ZENTHÖFER, Staatsrecht 1 : Staatsorganisationsrecht, Francfort, Richter-Verlag [coll. «Grundkurs»], 2012, p. 46. [Langue originale : « Somit sei eine gut Wirtschaftspolitik die beste Sozialpolitik »].
61 Gérard CORNU, Vocabulaire Juridique, 9e éd., Paris, P.U.F. [coll. «Quarige - Dicos poche»], 2011, p. 729.
62 Article 48, Constitution allemande de Weimar.
63 J. GICQUEL et J.-E. GICQUEL, op. cit., note 53, p. 370.
64 Id., p. 372.
65 Jochen ZENTHÖFER, op. cit., note 60, p. 72. [Langue originale : « Die Bundeskanzlerin ist keine Beamte, aber Trägerin eines öffentlichen Amtes, so dass strafrechtliche Vorschrisften auf sie Anwendung finden »]
66 Article 64 alinéa 2 et Article 56 de la Loi Fondamentale.
67 LAUVAUX et LE DIVELLEC, op. cit., note 40, p. 751.
68 Article 38 de la Constitution française de 1958.
69 Article 86 de la Constitution espagnole de 1978.
70 Titre Xa - Etat de Défense, articles 115a à 116l de la Loi Fondamentale.
71 LAUVAUX et Armel LE DIVELLEC, op. cit., note 40, p. 741.
72 Ibid.
73 Article 138 alinéa 1 de la Constitution italienne de 1947.
74 Article 89 alinéa 3 de la Constitution française de 1958.
75 Article 167 alinéa 1 de la Constitution espagnole de 1978.
76 J. GICQUEL et J.-E. GICQUEL, op. cit., note 53, p. 375.
77 WITZ, op. cit., note 16, p 40.
78 Michel FROMONT, « Présentation de la Cour constitutionnelle fédérale d'Allemagne », Cahiers du Conseil Constitutionnel, n° 15, 2004 [accessible sur le site : http://www.conseil-constitutionnel.fr/].
79 Conseil Constitutionnel, Décision n° n° 74-54 DC du 15 janvier 1975, Interruption Volontaire de Grossesse.
80 Michel FROMONT, op. cit., note 78.
81 Article 23 à 60 du Constitutional Reform Act 2005 (Chapiter 4), du 24 mars 2005.
82 Article 2, alinéa 3 de la loi sur la Cour Constitutionnelle Fédérale du 12 mars 1951.
83 Article 3, alinéa 1 et 2 de la loi sur la Cour Constitutionnelle Fédérale du 12 mars 1951.
84 ZENTHÖFER, op. cit., note 60, p. 90.
85 BVerfGE 7, 198, Lüth, 15 janvier 1958
86 David CAPITANT, Les effets juridiques des droits fondamentaux en Allemagne, Paris, L.G.D.J. [coll. «Bibliothèque constitutionnelle et de science politique»], 2001, p. 263.
87 Id., p. 244.
88 BVerfGE 34, 269, Soraya, 14 février 1973 [Traduction de CAPITANT, op. cit., note86: « Ausstrahlungswirkung »]
89 Ibid.
90 Constance GREWE, « Le contrôle de constitutionnalité de la loi en Allemagne : quelques comparaisons avec le système français », Le Seuil - Pouvoirs, 2011/2, n° 137, p. 147.
91 LAUVAUX et LE DIVELLEC, op. cit., note 40, p. 720.
20
92 Article 161, alinéa 1, (d) de la Constitution espagnole de 1978.
93 Préambule, rticle 2, rticle 3, alinéa 3 et rticle 6, alinéa 3 Traité de l’Union Européenne͘
94 Cour de justice de l’Union européenne, Communiqué de Presse, n° 180/14, 18 décembre 2014.
95 Rainer ARNOLF, « Peut-on définir le phénomène d’européanisation des droits constitutionnels nationaux ? » dans L’européanisation des droits constitutionnels ă la lumière de la constitution pour l’Europe, sous la dir. de Jacques ZILLER, Florence, L’Harmattan [coll͘ «Logiques Juridiquesͩ, 2003, p 87͘
96 BVerfG, 73, 339, Sollange II, 22 octobre 1986.
97 Marie CHARREL, « La BCE de nouveau sur le gril de la justice constitutionnelle allemande », Le Monde, 16 février 2016.
98 Rainer ARNOLF, op. cit., note 95, p 85.
99 Jean-Christophe VICTOR, Le Dessous des cartes - Itinéraires géopolitiques, Paris, Arte Editions et Tallandier, 2012, p.25.
100 rticle 72 alinéa 1 et 74 de la Constitution de l’Etat libre de Bavière du 2 décembre 1946.
101 Règlement (UE) n° 211/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 relatif à l'initiative citoyenne.
102 Loïc BLONDIAUX, Le nouvel esprit de la démocratie - Actualité de la démocratie participative, Lille, Seuil [coll. «La République des Idées»], 2008, p. 110.
103 Diego Uribe VARGAS, La troisième génération des Droit de l’Homme et de la Paix, Paris, C.I.E.M., 1985, p. 83.
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- Sophiane Ben Ali (Author), 2016, Le Droit Constitutionnel Allemand sous une perspective européenne, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/339133
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