Les "Lettres persanes" et "Lettres d'une péruvienne" sont de par leur auteur respectif, Montesquieu et Mme de Graffigny, des romans épistolaires du XVIIIe siècle qui peignent avec acuité les mœurs françaises d'alors.
On lit chez Montesquieu que Usbek et Rica, deux jeunes Persans, quittent leur pays et vont à la recherche du savoir (voyage d'études) en France, d'où ils s'écrivent et écrivent de leur voyage, de leur découverte de l'Occident à leurs proches. Dans les "Lettres d'une péruvienne", c'est Zilia, la promise de Inca, qui, arrachée de son pays et embarquée pour la France, raconte son vécu plein d'admirations et parfois de déceptions à son cher ami Aza, à qui elle témoigne aussi dans ces mêmes écrits un amour-passion.
Dans les deux œuvres, les figures Usbek, Rica et Zilia décrivent l'Occident avec beaucoup d'émerveillement, mais aussi le caricaturent. Les styles au service de cette caricature se prêtent bien au jeu au point où la satire vient à phagocyter leur émerveillement.
Kangnikoé Adama
Synthèse poétique des œuvres Lettres persanes (1721) de Montesquieu et Lettres d’une péruvienne (1747) de Mme de Graffigny.
Les Lettres persanes et Lettres d´une péruvienne sont de par leur auteur respectif, Montesquieu et Mme de Graffigny, des romans épistolaires du XVIIIe siècle qui peignent avec acuité les mœurs françaises d´alors. On lit chez Montesquieu que Usbek et Rica, deux jeunes Persans, quittent leur pays et vont à la recherche du savoir (voyage d´études) en France, d´où ils s´écrivent et écrivent de leur voyage, de leur découverte de l´Occident à leurs proches. Dans Les Lettres d´une péruvienne, c´est Zilia, la promise de Inca, qui, arrachée de son pays et embarquée pour la France, raconte son vécu plein d´admirations et parfois de déceptions à son cher ami Aza, à qui elle témoigne aussi dans ces mêmes écrits un amour-passion.[1] Dans les deux œuvres, les figures Usbek, Rica et Zilia décrivent l´Occident avec beaucoup d´émerveillement, mais aussi le caricaturent. Les styles au service de cette caricature se prêtent bien au jeu au point où la satire vient à phagocyter leur émerveillement.
Nous ferons ici une analyse synthétique de ces deux œuvres tout en abordant les parallèles et les dissimilitudes, puis verrons comment Montesquieu et Mme de Graffigny, tout en faisant parler leurs figures qui peignent satiriquement la France, voire l´Occident qu´ils découvrent pour la première fois, font de l´ignorance des étrangers un moyen de corriger les mauvaises mœurs.
I. L´Occident: le point de mire des étrangers
Lorsque les Persans et la Péruvienne découvrent pour la première fois l´Occident et plus précisément Paris, grande fut leur étonnement. Rica, le plus jeune des Persans dans Lettres persanes est beaucoup plus pointu dans ses observations, lesquelles, s´attaquant à la religion, la politique et les femmes, font de Rica, non pas un étranger, mais un averti et un connaisseur de la France, vu le caractère pertinent et risible que revêtent ses descriptions. A l´inverse, Usbek est un peu plus pondéré dans ses remarques et descriptions. Ceci pourrait se comprendre par son expérience de père de famille: à Ispahan en Perse, il dirige une grande cour composée de ses cinq (5) épouses laissées désormais à la charge des eunuques. Pendant leur séjour (8 ans), leur plume sarcastique met en question la société française. «Rica et moi sommes peut-être les premiers parmi les Persans que l'envie de savoir ait fait sortir de leur pays, et qui aient renoncé aux douceurs d'une vie tranquille pour aller chercher laborieusement la sagesse.»[2]
Ces propos d’Usbek à Rustan, son ami vivant à Ispahan, résume déjà l´objectif de leur voyage «envie de savoir». Toutefois, l´énonciateur Usbek reconnaît que chez lui en Perse, la vie est beaucoup plus paisible: «douceurs d´une vie tranquille». Il prend néanmoins soin de nuancer ses propos, car il ne pouvait en aucune façon savoir si un Persan a déjà foulé le sol français bien avant eux. L´adverbe de modalité marquant le doute «peut-être» lui permet alors de prendre cette distance et de nuancer sa position.
Le même Usbek, avant son départ, énonça encore clairement ce qui le débusque:«J'allai au roi; je lui marquai l'envie que j'avais de m'instruire dans les sciences de l'Occident; je lui insinuai qu'il pourrait tirer de l'utilité de mes voyages.»[3] Les figures de Lettres persanes sont donc conscientes de leur «tare» et voyagent pour compléter leur savoir. L´évocation du roi dans ses arguments montre la grande place qu´il occupe dans son pays.
Le périple pour la France fut long. Conscients à priori de leur voyage, les Persans ne sont pas moins éblouis. Leur émerveillement ineffable à la vue la toute première fois d´une ville occidentale fut énorme au point où cela ne pourrait être que vécu pour mieux l´appréhender, les mots ne pouvant vraiment trahir ce que les yeux voient.
C'est un grand spectacle pour un mahométan de voir pour la première fois une ville chrétienne. Je ne parle pas des choses qui frappent d'abord tous les yeux, comme la différence des édifices, des habits, des principales coutumes. Il y a jusque dans les moindres bagatelles, quelque chose de singulier que je sens, et que je ne sais pas dire.[4]
Les adjectifs «grand, chrétienne, singuliers» témoignent non seulement de l´appartenance religieuse - bref pas à 100% - de la capitale française, mais aussi de sa taille et surtout des petits détails, auxquels les Français s´adonnent souvent. L´adjectif «singulier» vient surtout déprécier la valeur déjà annoncée par le substantif «bagatelle». «Singulier» dans ce sens montre déjà - on le verra bien en seconde partie de cette étude – que les choses dont les Français accordent de la valeur n´ont pas un sens particulier. «Singulier» s´oppose alors à «distingué», qui par contre, n´est pas péjoratifet à valeur individuelle. «Distingué» a donc le sens de raffinement. Une chose est donc distinguée si elle est reconnue pour son rang, son mérite, bref si elle est célèbre, ce qui n´est pas le cas des «bagatelles» en France selon Usbek. Il reconnaît néanmoins que les «des édifices, des habits, des principales coutumes» en France «frappent les yeux». La locution adverbiale «d´abord» montre une certaine indifférence, une distanciation et une gradation de l´énonciateur. De ce fait, on aurait dit que « des édifices, des habits, des principales coutumes» dont il parle ici font figure simplement d´un «tape-à-l´œil». En réalité, ces premières remarques sur Paris présagent déjà la satire que les Persans nous livreront plus tard dans leurs différentes correspondances.
[...]
[1] L´invocation – oui il faut le dire car Zilia prend Aza parfois même comme son Dieu– de Aza par Zilia témoigne de l´intimité poussée existant entre les deux êtres. Stendhal définit à cet effet quatre différentes catégories d´amour: L'amour-passion, L'amour-goût, L'amour physique et L'amour de vanité. Cf. Stendhal, De l´amour, I.
[2] Montesquieu, Lettres persanes (1721), Paris, Gallimard (Folio classique), 2003, Lettre I. Toutes les autres références de Montesquieu suivront ce modèle et seront extraites de l´œuvre au programme à nous proposée.
[3] Ibd., Lettre VIII.
[4] Ibd., Lettre XXIII.
- Quote paper
- Kangnikoé Adama (Author), 2015, Synthèse poétique des "Lettres persanes" et "Lettres d'une peruvienne", Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/307917
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