Il y a mille façons d’aborder Voyage au bout de la nuit. Que l’on s’intéresse tout particulièrement au style (les notions de plurilinguisme et de plurivocalisme, l’onomastique, les néologismes, les recherches de rythme, la satire des discours, etc.) ou à l’ambiguïté idéologique (la vision de l’homme par rapport à une politique de droite, la question de l’anarchisme, la critique sociale, etc.) ou encore au refus de l’illusion réaliste (une structure non définie de l’enchaînement narratif et du cadre spatio-temporel, un récit entre l’Histoire et le fantastique, un brouillage identitaire entre l’auteur, le narrateur et son alter ego, etc.) les pistes d’analyses sont multiples. Cependant, ces phénomènes pouvant aller de pair, nous ne comptons pas nous restreindre à un seul axe d’analyse. En partant de la problématique des pulsions de mort, notre intention est bien plus d’étudier les transformations sémantiques qui s’opèrent autour de passages comparables ; les grands axes d’analyse seront abordés au fil des extraits dans la mesure où ils contribuent à la compréhension de la problématique posée.
C’est en parcourant plusieurs des ouvrages critiques consacrés au Voyage que notre intention s’est porté sur l’idée d’une complicité des hommes et de la matière avec la mort. Cette thématique n’est abordée dans les ouvrages critiques que brièvement et d’une manière générale. A notre avis, le développement de la thématique des pulsions de mort est cependant indispensable à la compréhension du message anti-idéaliste et antihumaniste du roman ; en exhibant l’horreur du réel sans la tempérer par un discours des valeurs, le narrateur expose la cruauté fondamentale de l’homme, d’abord à la guerre puis en temps de paix. De cette idée d’une cruauté fondamentale résulte la conviction que tout homme est à la fois habité par une passion homicide et une volonté suicidaire : « Il existe pour le pauvre en ce monde deux grandes manière de crever, soit par l’indifférence absolue de vos semblables en temps de paix, ou par la passions homicides des mêmes en la guerre venues. » , « Je savais moi, ce qu’ils cherchaient, ce qu’ils cachaient avec leurs airs de rien les gens. C’est tuer et se tuer qu’ils voulaient. »
Inhaltsverzeichnis
Avant-propos
Introduction
1. Le contexte historique et sa transposition dans le récit
1.1 La crise économique et sociale
1.2 Les colonies
1.3 L’Amérique
2. La genèse du Voyage
2.1 Les sources littéraires
2.2 Les sources philosophiques
3. Problématique et méthodologie d’analyse
Première partie : les grands voyages
1. Le récit de guerre
1.1 La mort du colonel et du cavalier
1.2 Le commandant Pinçon
2. Le récit des aventures africaines
2.1 L’Amiral-Bragueton
2.2 Les Tropiques
3. Le récit du voyage américain
3.1 New York
3.2 Les usines Ford
Deuxième partie : le sens du « Voyage »
1. La Garenne-Rancy
1.1 Les angoisses de Bardamu
1.2 Les angoisses de Robinson
2. Le caveau de Toulouse
3. L’asile de Vigny-sur-Seine
3.1 La gifle de Bardamu
3.2 Le suicide de Robinson
Conclusion
Bibliographie
« La vérité de ce monde, c’est la mort. »1
« Le sadisme unanime actuel procède avant tout d’un désir de néant profondément installé dans l’homme et surtout dans la masse des hommes, une sorte d’impatience amoureuse, à peu près irrésistible, unanime, pour la mort... »2
Avant-propos
Quand j’ai lu la première fois Voyage au bout de la nuit - il y a bientôt dix ans de cela - je ne savais pas qui était Céline. Personne ne m’en avait parlé. Je ne savais pas qu’il était ce détestable personnage dont la critique me dresserait le portrait par la suite. Et c’est un peu mon problème avec Céline car je l’ai immédiatement aimé et n’ai pu me défaire de ce sentiment, malgré tout. Cette langue décousue mais travaillée, ce vocabulaire et populaire et littéraire m’ont tout de suite laissé bouche bée. Céline est pour moi un styliste hors-pair et c’est trop me demander que de mettre sa haine des juifs dans la balance. L’écriture du Voyage m’avait tout de suite intrigué et comme le formule si bien Philippe Djian à propos du style de Céline, elle avait eu sur moi « l’effet d’un alcool fort dont on ne sait pas si la brûlure est agréable ou non tandis qu’il se répand déjà dans votre cerveau. »3 Mais il serait faux de réduire Céline à son style. Le récit du Voyage n’est pas seulement une magnifique leçon d’écriture mais surtout les aventures fantastiques d’un narrateur à la recherche de son Moi. Et même si, lors de ma première lecture, je ne pouvais aucunement m’identifier aux personnages - leurs pensées n’étaient pas les miennes, je ne parlais pas comme eux, je n’agissais pas comme eux - je n’ai pu détourner mon attention du périple que traverse le narrateur d’un bout à l’autre du récit. De la Grande Guerre aux colonies africaines, des Amériques aux banlieues parisiennes le Voyage m’avait emporté, bon gré mal gré, sur son manège de la comédie humaine.
Aujourd’hui, en relisant Voyage, les choses n’ont pas vraiment changé. Je suis plus attentif à d’éventuels commentaires antisémites mais la première œuvre de Céline est à ce sujet très loin des pamphlets tel que Bagatelle pour un massacre et c’est un peu en vain qu’on y cherche une idéologie raciste. Au contraire, à la lecture de Voyage on s’imaginerait bien Céline comme un humaniste contrarié par l’éternelle sauvagerie de ses semblables ou plus simplement comme un misanthrope. A fortiori je retiendrais de Voyage plutôt une charge contre l’exploitation des pauvres par les riches, des faibles par les forts, une charge contre le pouvoir de l’argent que des propos antisémites. Ce qui me frappe aujourd’hui peut-être plus qu’il y a dix ans, c’est cette fabuleuse puissance expressive que possédait Céline. Son écriture balaye tout, elle charrie toutes les horreurs et merveilles du monde. Un tel mouvement me pétrifie. Céline vomissait la vie, et s’il ne laisse personne indifférent, il est parfois difficile de le suivre. Il faut peut-être avoir connu ce monde de fous qu’étaient les années de l’entre-deux-guerres pour pouvoir pénétrer cette haine absolue ; si bien que je ne peux pas prendre Céline à la lettre.
Voyage au bout de la nuit est un formidable acte de protestation. Sa force tient à la fois à la langue dans laquelle il se formule - ce français populaire que Céline réintroduit dans la littérature - et à sa diversité des facteurs d’oppression contre lesquels il s’élève. Mise à part cette volonté de dénonciation qui semble conduire le récit d’épisode en épisode, c’est la dynamique d’un imaginaire et l’invention d’un style qui font de Voyage une œuvre majeure de la littérature française du XXe siècle. « Il est de ces livres qui surgissent dans l’histoire de la littérature en rupture avec la production contemporaine et qui s’imposent à l’instant. »4
Introduction
1. Le contexte historique et sa transposition dans le récit
Voyage au bout de la nuit paraît en 1932. Une période mouvementée, pleine d’effervescence idéologique et de rebonds politiques. A la sortie du roman, nous sommes au début de ce malaise moral qu’on nommera en France « L’esprit des années 30 ». Le sentiment est celui d’une rupture avec la décennie précédente. L’après-guerre s’achève en laissant une impression générale d’amertume et d’échec. Les espoirs qu’avaient fait naître la victoire sur l’Allemagne tout comme la certitude que le pays allait rapidement remonter la pente se sont avérés illusoires.
La Grande Guerre de 14-18, les années folles de l’après-guerre et le début de la crise économique et sociale des années 30 constituent la charpente du Voyage - il y a une transposition du contexte historique dans le récit fictif.
1.1 La crise économique et sociale
Dès 1930 la France est touchée par la crise économique et sociale. Le désastre boursier de 1929 se fait ressentir. L’industrie voit sa production chuter - ce qui entraîne une baisse des indices d’activités économiques (le PIB ne retrouvera son niveau de 1929 que dix ans plus tard), le budget de l’état devient déficitaire et le chômage explose. Par conséquent, les oppositions politiques se durcissent et une dépression gagne le pays. Si les conditions économiques ne sont pas tout à fait les mêmes dans les colonies, le malaise ne sévit pas qu’en métropole. L’empire colonial, dernier bastion de la Grande Nation, est également atteint par le marasme ; il y a prise de conscience que la France n’occupe plus une place éminente sur la scène internationale (cf. Damour, 1985, p. 18). On ne prendra alors que peu de mesures pour parer la crise - certaines, s’inspirant d’un libéralisme à l’anglo-saxon, se contentent de baisser la pression fiscale ; d’autres, participant au réformisme sociale, accordent aux plus nécessiteux quelque exonération5. Qu’elle soit de droite ou de gauche, la politique déçoit face à la crise. Les réformes lancées par le gouvernement en place semblent plutôt commandées par la proximité des élections de 1932 que par un souci de résoudre réellement les problèmes - au détriment des revenus les plus modestes. Le pouvoir d’achat baisse de 10% en quelques mois et la hausse du nombre des sans-emploi devient préoccupante. D’une façon générale la crise atteint particulièrement les catégories sociales démunies (les femmes, les enfants, les vieillards, les petits rentiers, les employés et les ouvriers immigrés pour l’essentiel).
C’est entre 1929 et 1932, au début de la crise économique et sociale, que Louis-Ferdinand Destouches, alias Céline rédige le manuscrit du Voyage. Alors médecin en banlieue parisienne, l’auteur est témoin des répercussions de la crise sur les petites gens. En s’orientant vers une médecine sociale, Céline se rend au cœur de la déchéance humaine. Les ménages les plus touchés par la crise lui ouvrent leur porte et ce n’est pas sans un certain dégoût devant leur fatalisme qu’il y soigne les malheureux. Assurément, les années folles de l’après-guerre et la crise économique tout comme le malaise moral qui en écoula a fortement contribué à la misère de toute une couche sociale. Cette expérience de la précarité, Céline la transpose dans le récit du Voyage. A l’instar de l’auteur, ce sont les plus démunis que le narrateur côtoie jour après jour lors de ses visites médicales dans la banlieue. Là, touchés de plein fouet par la crise, les infortunés s’enlisent dans la misère. Mais plus que leur situation précaire, c’est leur passivité face à l’injustice, leur docilité face au patronat qui écœure le narrateur. Le récit renvoie ici indubitablement au réel vécu par Céline au moment de la rédaction de son manuscrit : même terrain (la banlieue parisienne), mêmes malades (les nécessiteux), même situation économique (la crise) et même réaction devant la résignation (le dégoût).
1.2 Les colonies
Au début des années trente, alors que la crise économique et sociale sévit en métropole, les français sont nombreux à vouloir émigrer. Les États-Unis d’Amérique se trouvant en pleine récession, les colonies françaises deviennent le premier choix de beaucoup. Malgré la crise internationale, on espère encore pouvoir y faire fortune facilement. Les destinations les plus prisées sont assurément les colonies équatoriales. Si la débâcle boursière ne se fait pas autant ressentir en Afrique centrale qu’en métropole, c’est que les facteurs économiques des colonies obéissent en partie à une loi propre au marché des matières premières dont l’exploitation est - dans le cas des territoires colonisés - assurée par une main-d’œuvre pratiquement gratuite.
Toutefois, les nouveaux venus sont loin de trouver aux colonies l’eldorado espéré. Bien au contraire, ils s’y trouvent davantage confrontés à un marasme généralisé et à des conditions de vie difficiles : l’exploitation de l’indigène, la hiérarchie féroce du système mercantile, le climat et les maladies tropicales contribuent impitoyablement à baisser le moral de bien un colon. Si la majorité, se raccrochant désespérément au dernier lambeau d’espoir d’une vie souvent misérable, croit toujours à une réussite sous le soleil équatorial, le pressentiment gagne les plus lucides qu’ils sont, au même titre que l’indigène, exploités au profit de quelque investisseur resté en métropole. Et pourtant depuis 1914 jusqu’à la fin de la deuxième Guerre Mondiale l’immigration coloniale ne décline pas.6
Comment s’explique cette confiance aveugle en une émigration prospère ? Une raison est sans doute la volonté de l’homme à croire à des horizons meilleurs, une autre est assurément la coriacité du mythe de la puissance impérialiste. Dans la première moitié du XXe siècle on croit en métropole encore aux bienfaits de la France d’outre-mer. « On prône l’unification morale, intellectuelle et culturelle de l’Empire sous l’égide du drapeau tricolore. »7 Ainsi, l’opinion publique est convaincue de la charité de la colonisation française (alphabétisation, missions médicales, etc.). Mais la vérité est tout autre. S’il est vrai que quelques organisations indépendantes mais minoritaires s’accordent à soutenir et à éduquer l’indigène, le colon n’a jamais réellement cherché à élever le niveau de vie de la population locale ; il s’est bien plus contenté d’entretenir une bureaucratie sclérosée mais puissante dont la première fonction, avant la gloire militaire, est de protéger le commerce colonial.
Céline a bien connu l’ouest africain. Il y a été à deux reprises. Il embarque la première fois pour l’Afrique à la fin de l’année 1916, après qu’une blessure le dispense des tranchés. A la recherche d’un travail, il fait halte au Cameroun, où il est embauché dans une compagnie forestière. Il y travaille pendant presque une année. Ce premier séjour en Afrique marque le jeune rescapé. Nous retrouvons ses impressions des colonies dans les Lettres et premiers écrits d’Afrique (1916-1917). Bien des années plus tard, en 1926, après ses études de médecine, il retourne en Afrique équatoriale. Une mission d’aide au Kenya l’y retient presque deux ans. La vie dans les colonies françaises d’Afrique laisse une empreinte profonde chez Céline. Ce sont ces impressions du système colonial qu’il transpose dans le récit africain de Voyage.
Tout comme l’auteur, le narrateur n’était pas préparé à la réalité des colonies. A l’encontre de toute attente, elles se sont révélé un grand bourbier mercantile. Le narrateur s’en rend vite compte dans cette colonie de Bambola-Bragamance où il atterrit un peu par hasard. Là, l’indigène est continuellement exploité au profit du colonisateur. Mais il n’y a pas que l’indigène de spolier. Dès son arrivée aux colonies, tout européen n’appartenant pas à une classe sociale élevée se trouve habituellement abusé par la machine coloniale. La loi du profit ne fait pas halte devant les questions de nationalité - dans Voyage le supérieur violente et exploite toujours son subalterne. Les abominations du colonisateur ne rappellent au narrateur que trop les ignominies du militaire. Finalement il n’y a pas grande différence entre le système colonial corrompu et la hiérarchie militaire pervertie. La qualité de Blanc a beau donner à elle seule, dans le monde idéologique de la colonisation, une supériorité sur les Noirs, la ligne de partage ne passe pas entre Noirs et Blancs, mais entre ceux qui profitent du système et les autres (cf. Godard, 1991, p. 20). La fuite s’impose. Mais pour aller où ? Comme nous le verrons, les escales du narrateur n’offrent guère d’alternative à la misère. L’homme reste l’homme.
1.3 L’Amérique
Les années 1920 marquent une période de forte croissance aux États-Unis. Entre 1920 et 1929 la production industrielle augmente de 50%. L’industrie automobile et immobilière connaît un véritable boom ; la main-d’œuvre y est embauchée en masse. Parallèlement, l’immigration augmente. Nombreux sont ceux qui espèrent profiter du miracle économique pour réaliser le rêve américain. Mais, si le travail ne manque pas dans les métropoles américaines, il mène qu’exceptionnellement à la prospérité. Les masses sont employées à la chaîne ; un travail sans perspectives, mal rémunéré et dans la plus part des cas avilissant. Le premier à en souffrir est le prolétariat immigré. Parlant mal ou pas du tout l’anglais, d’ordinaire sans qualification, il est exploité au profit des grandes entreprises. Cela étant, avoir un emploi et pouvoir construire une nouvelle vie dans un pays auquel l’avenir semble appartenir, permet aux immigrés d’accepter des conditions de travail dures et suffit souvent à leur contentement.
Au début de l’année 1929 l’économie commence à montrer des signes de faiblesse - la production automobile chute de 622'000 véhicules à 416'000 en quelques mois. La production industrielle, elle, baisse de 7% entre mai et octobre.8 Enfin, le 24 octobre, c’est le krach à la bourse de New-York. Un flux constant des capitaux disponibles à la bourse plutôt qu’à l’économie « réelle » a mené à l’asphyxie. La débâcle de Wall Street plonge le pays dans une grande dépression que beaucoup interprètent alors comme une faillite du monde capitaliste. Cette crise économique déstabilise les démocraties, marque un retour à la tension et balaie les fragiles espoirs (cf. Barberger, 2004, p. 12). Mise à part l’extraordinaire afflux dont jouissent quelques partis politiques douteux, les conséquences de cette crise sans précédent touchent en première ligne la croissance économique du pays. Quantité d’entreprises sont obligées de réduire leurs effectifs - le chômage explose (en 1932, on compte 30 millions de chômeurs dans le monde). Souvent incapables de se reconvertir dans une autre branche, les immigrés sont les premiers touchés par le chômage. Après le jeudi noir de 1929, l’Amérique semble pour beaucoup avoir perdu son statut de terre promise.
C’est en février 1925, quelques années avant le krach boursier, que Céline embarque la première fois pour les États-Unis. Une mission médicale au titre de la Société Des Nations l’envoie avec des confrères latino-américains pour quelques mois à travers le pays. Leur voyage est rythmé par divers discours, conférences des intervenants et visites guidées en matière d'hygiène et de médecine du travail. Les étapes de cette mission américaine sont nombreuses ; de la Louisiane à Pittsburgh en passant par Detroit, la délégation de la SDN parcoure plusieurs états et visite plusieurs villes de la côte est. C’est au cours de ce voyage que Céline se forme une idée concrète de cette Amérique alors en pleine progression. Ces expériences, ces impressions et quelques anecdotes seront, quelques années plus tard, partiellement transposées dans le récit de Voyage. Nous disons bien partiellement parce que les rapports médicaux pour la SDN sont bien moins dépréciatifs du système social américain que le sont certains passages du récit de Voyage : contrairement à l’opinion du narrateur dans le récit, Céline juge acceptables les conditions de travail des ouvriers dans les grandes usines. A notre avis, cela s’explique pour deux raisons : d’une part, les rapports au titre de la SDN obligent à une perspective économiste des dispositifs de santé en vigueur dans les grandes entreprises - le point de vue de l’employeur et non celui du malade est d’importance ; d’autre part, ce qui n’est encore au moment des visites médicales des usines qu’un vague pressent i- ment chez Céline - le danger d’un système social visant entièrement le profit au détriment de l’homme - se justifie quelques années plus tard avec la crise économique et est alors de bon gré transposé dans le récit. Le rapport de Céline Note sur l’organisation des usines Ford à Detroit est un bon exemple de ce décalage entre la déclaration scientifique et sa transposition dans la fiction. Nous nous référons ici à la thèse de David Labreure : « Louis-Ferdinand Céline, une pensée médicale ».
Le rapport Note sur l’organisation des usines Ford à Detroit est écrit lors de l’étape au Michigan dont l’objectif consiste en une analyse des conditions hygiéniques dans les quartiers industriels de Detroit et tout particulièrement dans les usines du constructeur automobile Ford. Ce rapport est ambivalent dans la mesure où il est, d’un point de vue général, admiratif de l’organisation sanitaire des usines Ford tout en soulevant des critères de recrutement douteux et concluant sur une vision négative (cf. Labreure, 2007, p. 5). Ainsi, le rapport relève à juste titre qu’une mécanisation avancée des moyens de production suscite une moindre force physique pour l’accomplissement du travail mais que ce même avantage incite l’entreprise Ford à employer un grand nombre de vieux, d’handicapés ou de malades, dont « l’état de santé [...] destine à l’hôpital plutôt qu’à l’industrie. »9 En effet, une visite médicale avant embauche confirme l’impression de Céline. Il ne s’y présente que des éclopés, malades aussi bien physiquement que mentalement. Cela n’empêche toutefois aucunement l’embauche. Un des médecins de l’usine dit d’ailleurs à Céline que des animaux feraient le travail tout aussi bien : « le médecin chargé des admissions nous confiait d’ailleurs que ce qu’il leur fallait, c’était des chimpanzés, que cela suffisait pour le travail auquel ils ét aient destinés. »10 Une anecdote reprise dans le récit du Voyage, exception faite que c’est un chauffeur de taxi qui explique au narrateur « que ce qu’il trouvait bien chez Ford c’est [...] qu’on y embauchait n’importe qui et n’importe quoi. »11 (cf. Labreure, 2007, p. 5). Ce que Labreure omet de relever, c’est que la transposition du rapport de la SDN dans le récit de Voyage est nettement plus explicite puisque, à l’instar du médecin chargé des admissions mentionné dans le rapport, l’examinateur médical des usines Ford dans le récit dit clairement au narrateur : « Nous n’avons pas besoin d’imaginatifs dans notre usine. C’est de chimpanzés dont nous avons besoin. »12
Céline décrit ensuite minutieusement dans son rapport le service social de l’usine. Il relève que celui-ci est réduit au minimum dans le but de faire des économies - la mécanisation du travail nécessitant moins d’ouvriers spécialisés, il devient inutile, en terme de rentabilité, de faire attention à leur santé. Si Céline ne semble étrangement pas indigné par cet état de fait : « Cet état de choses, à tout prendre au point de vue sanitaire et même humain, n’est point désastreux quant au présent »13, le constat final de son rapport à la SDN exprime toutefois un certain désillusionnement quant à une compatibilité du progrès technologique et du progrès social : « Chez Ford, la santé de l’ouvrier est sans importance, c’est la machine qui lui fait la charité d’avoir encore besoin de lui. »14
Selon Labreure, les rapports de la mission américaine ne contiennent qu’en germe les véritables réflexions de Céline sur l’hygiène et la médecine sociale (cf. Labreure, 2007, p. 5). Nous ne voulons pas comparer ces écrits à d’ultérieurs rapports du médecin Destouches, mais nous constatons également qu’ils ne laissent que partiellement augurer les vigoureuses dénonciations du fordisme dans Voyage. Ces premiers rapports sont toutefois précieux dans le sens où ils laissent entendre et comprendre la voix célinienne dénonciatrice des injustices sociales qui sévit avec tant de rigueur dans le récit de Voyage.
Somme toute, nous remarquons que le récit de Voyage au bout de la nuit est étroitement lié aux voyages, aux expériences, aux rencontres de Céline. Il nous a ainsi paru nécessaire de prendre en compte dans nos analyses du récit et le contexte historique et le parcours de l’auteur.
2. La genèse du Voyage
Les conditions de la rédaction du Voyage au bout de la nuit restent incertaines. Céline n’a jamais donné d’indications très précises à ce sujet. Il aurait commencé l’écriture du Voyage dans le courant de 1929 et l’aurait terminée peu avant sa publication en 1932. A cette époque l’écrivain habitait à Clichy où il assurait une permanence au dispensaire municipal. Après de longues années d’errances dans la précarité Céline venait enfin de trouver, à l’âge de 35 ans, une certaine aisance matérielle. Cependant, jusqu’à la publication du Voyage, les déceptions étaient au rendez-vous tant sur le plan littéraire (les manuscrits de Semmelweis et de l’Eglise ont été refusé par la NRF en 1927 et 1928) que sur le plan professionnel (dégoût devant l’impuissance des sciences et de la médecine à libérer l’homme de ses misères).
Si sa vocation médicale laissait à Céline peu de temps pour l’écriture, celle-ci lui était indispensable et il y consacrait sans répit ses heures creuses : « Une heure par ci, une demi- heure par là, en fin de journée », « ... J’écris comme je peux, où je peux... Pendant toute ma vie, j’ai volé des heures à ceux qui m’employaient » (Entretien avec Robert Poulet, 1956). Si pour Céline l’écriture semble être une nécessité, il refusait toutefois la professionnalisation de son activité d’écrivain. Ecrire ne devait pas devenir un travail ordinaire que l’on entreprend à des heures fixes, dans des lieux consacrés, mais rester jusqu’au bout cet acte asocial par excellence : la traduction de la révolte profonde de son être contre la société.
2.1 Les sources littéraires
L’expérience personnelle de Céline est indubitablement la source première du récit. Il est impossible de ne pas relever d’analogies entre l’itinéraire de l’auteur et le « voyage » du narrateur : la Grande Guerre, le séjour en Afrique, la connaissance de l’Amérique et l’exercice de la médecine dans les faubourgs parisiens ont fourni la charpente du roman. Mais la transposition de ces expériences dans un récit fictif résulte également de multiples sources littéraires. Ce n’est toutefois pas sans certaines précautions que l’on se doit de prononcer le mot « sources » lorsqu’il est question de Céline. Bien que l’on trouve assurément dans l’œuvre de l’écrivain des traces de ses lectures, il serait faux de dire qu’il imite des auteurs, contemporains ou non. Plus que s’inspirer de ses modèles, Céline s’y oppose, ou le plus souvent développe jusqu’à son terme le potentiel qu’ils avaient mais ne pouvaient ou ne voulaient pas exploiter, faute d’audace. Lorsqu’on lui parle d’inspirateurs à propos du Voyage, Céline mentionne avec quelques variations : Henri Barbusse, Eugène Dabit, Paul Morand et Charles-Ferdinand Ramuz (cf. Damour, 1985, p. 43).
Le roman Le Feu (1916) de Barbusse est un récit de la Grande Guerre. Si Céline s’en est assurément laissé inspirer pour son propre récit de guerre, l’auteur du Voyage va plus loin dans la transposition du réel que Barbusse dont la description du front ne va guère au-delà du simple naturalisme15. Barbusse s’applique bien à reproduire la langue populaire des soldats avec une certaine fidélité mais le récit reste en contrepoint chargé d’énoncés très littéraire ; cette juxtaposition finit par rendre artificielle la langue orale des soldats et par laisser apparaître le plurivocalisme comme un exercice de style. On mesure, à l’évidence, combien Céline, en effaçant cette dualité dans son roman, dépasse Barbusse.
À l’époque de la publication du Voyage, Céline affirme à mainte reprise avoir été inspiré par la lecture du roman d’Eugène Dabit, l’Hôtel du Nord (1929). En effet, à l’instar de Dabit, Céline puise largement dans son expérience personnelle le matériau de ses romans : nous retrouvons dans le récit du Voyage, comme dans celui de l’Hôtel du Nord, des références à des personnages et des décors que l’auteur avait personnellement connu dans sa jeunesse. L’expérience des quartiers ouvriers et plus tard celle de la Grande Guerre sont ainsi thémati- sées dans les deux romans. Cela étant, l’Hôtel du Nord a surtout été pour Céline une source d’inspiration du point de vue stylistique. Cultivant une certaine véracité du récit, Dabit s’est appliqué à reproduire dans l’Hôtel du Nord le français parlé des milieux sociaux modestes. Il s’agit pour Dabit de garantir l’authenticité de la langue en évacuant de la narration toute forme de lyrisme - le récit doit être garant de la brutalité et de la simplicité des faits. Si Céline souscrit pleinement à cette devise, il juge cependant la tentative de Dabit trop timide. « Les personnages de l’Hôtel du Nord, s’ils sont misérables, sont néanmoins sauvés du pessimisme le plus noir par leur goût des petits bonheurs, des petites joies de la vie quotidienne auxquels ils se raccrochent : les ouvriers et les soldats de Dabit oublient leurs misères dans la chaleur affective et trouvent leur bonheur dans la solidarité avec leur semblables, ainsi que dans la soumission à l’ordre naturel des choses. »16 C’est en créant des caractères profondément négatifs, des personnages destitués de toute félicité que Céline établit un univers plus conforme à une langue âpre et brutale.17
Avec Paul Morand, Céline partage un goût prononcé pour le cosmopolitisme et le voyage. Ce qui, à l’évidence, plaît particulièrement à Céline, c’est que les romans de Morand, comme Paris-Tombouctou (1929) ou New-York (1930), ne sont pas des récits de voyage dans le sens classique du terme ; les héros de Morand, plus qu’à la recherche d’aventures ou d’horizons inconnus, sont en fuite d’un ici sans cesse angoissant et oppresseur. Comme Morand, Céline éprouve le sentiment très vif de vivre une époque charnière. La guerre a détruit toutes les illusions humanistes et a laissé les âmes vides. Les rescapés sont alors en quête de certitudes et prêts à se livrer aux expériences les plus diverses (entre autre l’érotisme). Morand a incontestablement séduit Céline par son immoralisme et son individualisme, par son culte de la modernité, et surtout par le caractère très discontinu de son discours.
Les romans de Charles-Ferdinand Ramuz ont inspiré Céline plus pour leur style que pour leur récit. L’auteur suisse a mené un combat de longue halène contre la rhétorique classique ; il défend l’idée que la langue écrite - ce français officiel que l’on apprend à l’école - est artificielle, et donc, impropre, par son exactitude, à traduire les sensations et les sentiments vécus. Céline adhère ici parfaitement à Ramuz et ira même, en s’adonnant à un vocabulaire roturier et à une narration éclatée, jusqu’à pousser cette idée d’une liberté lexicale et syntaxique à son paroxysme.
2.2 Les sources philosophiques
Mise à part la littérature, nombreuses sources philosophiques ont indubitablement influencé l’élaboration de Voyage au bout de la nuit. Le poids des théories psychanalytiques sur son écriture est d’ailleurs affirmée par Céline lui-même au moment de la publication du Voyage : « Depuis Balzac (tout respect à Balzac), les critiques ne semblent plus rien vouloir apprendre sur l’Homme. L’échelle est tirée. L’énorme école freudienne est passée inaperçue. »18 ; « Les travaux de Freud sont réellement très importants, pour autant que l’Humain soit important. »19
Nous savons par ailleurs que Céline possédait d’une collection fondée par son éditeur Denoël des textes psychanalytiques comme l’essai d’Allendy Psychanalyse, doctrines et applications (1932) ou encore l’étude d’Otto Rank Don Juan et son double (1932). Cependant, l’auteur de référence reste Freud. Céline fait à maintes reprises l’éloge du savant autrichien et dans sa correspondance et dans ses interviews.
Les Essais de psychanalyse de Freud sont édités en français pour la première fois en 1927. Cette publication consiste en une collection d’essais parus chez l’éditeur allemand Dietrich Simon entre 1890 et 1920. Certains de ces essais ont profondément influencé Céline dans sa conception de la vie.
Dans les Considérations actuelles sur la guerre (1915), Freud analyse les conséquences de la première guerre mondiale sur l’inconscient : « Nous supprimons personnellement et à toute heure du jour tous ceux qui nous ont offensés ou lésés [...] A en juger par nos désirs, nos souhaits inconscients, nous ne sommes qu’une bande d’assassins. »20 Ces instincts de la mort dont Freud parle à partir des névroses de guerre observées chez des combattants incluent un désir inconscient de meurtre, chez les soldats comme chez les civils.
Après la Grande Guerre, Freud entreprend la psychanalyse de rescapés de guerre. Les données de ces recherches empiriques démontrent que l’instinct aspire à reproduire avant tout ce qu’il a vécu, même s’il s’agit d’une expérience traumatisante comme la guerre. Freud tire de ce résultat imprévu des conséquences importantes qui, dans une certaine mesure, viennent abroger quelques-unes de ses théories antérieures : dans Au-delà du principe du plaisir (1920) le « principe de plaisir » est contrarié par « la contrainte de répétition » (cf. Freud, 1920, pp. 8-12). Cette contradiction s’explique par un principe dualistique des pulsions de vie et de mort. Le concept de pulsion de vie proclame le caractère conservateur des instincts (procréation et narcissisme) alors que le concept de pulsion de mort affirme que la mort n’est rien d’autre qu’un retour à un état antérieur à celui de la vie, si bien que la « fin vers laquelle tend toute vie est la mort ; et inversement : le non-vivant est antérieur au vivant. »21 Le concept de pulsion de mort part de l’idée qu’une propriété générale des pulsions est la répétition. De ce fait, tout organisme aspire à rétablir un état antérieur auquel il avait dû renoncer - et l’état antérieur à la vie étant l’inorganique, on peut dire que la pulsion tend à ramener l’organisme ver l’inorganique, ou encore que la fin vers laquelle tend toute vie est la mort.22 Cette hypothèse, encore aujourd’hui controversée dans le champ de la réflexion psychanalytique, désigne une tendance à retourner à l’état inorganique et à renoncer à l’effort constant de l’individuation (cf. Godard, 1991, pp. 82-83). Ainsi, l’homme serait, paradoxalement, dominé et par une pulsion d’autoconservation et par une pulsion d’auto destruction - c'est-à-dire un désir suicidaire. Mais le concept freudien de pulsion de mort va plus loin. Comme il en fait part dans Considération actuelles sur la guerre (1915), il insinue, à côté des envies suicidaires, des passions homicides ; l’homme ne cherche pas qu’à s’autodétruire mais également, et plus simplement, à détruire son semblable.
Céline, lui, prend cette hypothèse au pied de la lettre. Il trouve dans l’expérience de la Grande Guerre une réalisation expéditive de ce désir : « Tous les hommes de la terre n’ont qu’à aller à la mairie dire : „Moi, vous savez, je ne vais pas à la guerre.” Eh bien, il n’y aura pas de guerre. Si donc ils la conservent, c’est parce qu’ils aiment ça, ce désir général, ce désir de destruction. »23 Céline a, semble-t-il, attentivement lu les Essais de psychanalyse. Plus que simplement reproduire dans Voyage son expérience personnelle de la Grande Guerre, il crée des personnages qui tire de cette épreuve traumatisante des conclusions littéralement freudiennes : une envie latente de tuer et d’être tué.
3. Problématique et méthodologie d’ana lyse
Il y a mille façons d’aborder Voyage au bout de la nuit. Que l’on s’intéresse tout particulièrement au style (les notions de plurilinguisme et de plurivocalisme, l’onomastique, les néologismes, les recherches de rythme, la satire des discours, etc.) ou à l’ambiguïté idéologique (la vision de l’homme par rapport à une politique de droite, la question de l’anarchisme, la critique sociale, etc.) ou encore au refus de l’illusion réaliste (une structure non définie de l’enchaînement narratif et du cadre spatio-temporel, un récit entre l’Histoire et le fantastique, un brouillage identitaire entre l’auteur, le narrateur et son alter ego, etc.) les pistes d’analyses sont multiples. Cependant, ces phénomènes pouvant aller de pair, nous ne comptons pas nous restreindre à un seul axe d’analyse. En partant de la problématique des pulsions de mort, notre intention est bien plus d’étudier les transformations sémantiques qui s’opèrent autour de passages comparables ; les grands axes d’analyse seront abordés au fil des extraits dans la mesure où ils contribuent à la compréhension de la problématique posée.
C’est en parcourant plusieurs des ouvrages critiques consacrés au Voyage que notre intention s’est porté sur l’idée d’une complicité des hommes et de la matière avec la mort. Cette thématique n’est abordée dans les ouvrages critiques que brièvement et d’une manière générale.24 A notre avis, le développement de la thématique des pulsions de mort est cependant indispensable à la compréhension du message anti-idéaliste et antihumaniste du roman ; en exhibant l’horreur du réel sans la tempérer par un discours des valeurs, le narrateur expose la cruauté fondamentale de l’homme, d’abord à la guerre puis en temps de paix. De cette idée d’une cruauté fondamentale résulte la conviction que tout homme est à la fois habité par une passion homicide et une volonté suicidaire : « Il existe pour le pauvre en ce monde deux grandes manière de crever, soit par l’indifférence absolue de vos semblables en temps de paix, ou par la passions homicides des mêmes en la guerre venues. »25, « Je savais moi, ce qu’ils cherchaient, ce qu’ils cachaient avec leurs airs de rien les gens. C’est tuer et se tuer qu’ils voulaient. »26
C’est durant la guerre que le narrateur constate une envie latente des hommes de s’envoyer mutuellement au trépas. La guerre est révélatrice des pulsions de mort dans la mesure où elle crée un univers dans lequel chaque homme peut réaliser licitement le goût non avoué du meurtre qu’il porte en lui. Mais si la guerre autorise et en quelque sorte légitime les pulsions de meurtre, celles-ci restent condamnables en dehors d’elle. Ainsi, les volontés homicides restent en dehors des champs de batailles un propos abstrait, rejeté par les sociétés modernes, contredit par le bon sens et a priori par l’instinct de toute personne mentalement saine. Néanmoins, le narrateur pressent dans la vie de tous les jours, tout autour de lui, des volontés homicides : « D’ailleurs, dans la vie courante, réfléchissons que cent individus au moins dans le cours d’une seule journée bien ordinaire désirent votre pauvre mort, par exemple tous ceux que vous gênez, pressés dans la queue derrière vous au métro, tous ceux encore qui passent devant votre appartement et qui n’en n’ont pas, tous ceux qui voudraient que vous achevez de faire pipi pour en faire autant, enfin, vos enfants et bien d’autres. »27 Cette réflexion du narrateur est essentielle à la compréhension du mobil de ses pérégrinations ; la certitude que la plupart des hommes dans son entourage aspirent au meurtre déclenche le désir de fuite et l’espoir du refuge qui est le moteur du Voyage. Depuis la guerre le narrateur ne cesse, dégoûté des mauvaises intentions des hommes qui l’entourent, de fuir l’ici à la recherche d’un là-bas salvateur. Mais toute nouvelle destination n’est finalement jamais qu’un autre ici, une farce qui révèle inlassablement la nature hostile des hommes et des sociétés occidentales. Où qu’il aille, le narrateur rencontre des hommes aux envies meurtrières - les passions homicides ne connaissent pas de frontières.
Si les pulsions suicidaires sont moins flagrantes que les volontés homicides, leur impact sur l’homme n’est pas moindre. Elles envahissent tous ceux qui, comme le narrateur, connaissent une expérience traumatisante : « La plupart des gens ne meurent qu’au dernier moment ; d’autres commencent et s’y prennent vingt ans d’avance et parfois d’avantage. Ce sont les malheureux de la terre. »28 Mourir à l’avance, c’est ne plus faire partie intégrale du présent et donc être dans l’impossibilité d’en jouir. La représentation anticipée de sa propre mort incite au suicide. Tout comme pour le désir de tuer, la guerre est pour le narrateur une expérience matricielle du désir d’être tué - elle est le moment où il commence à mourir. Cependant, il n’y a pas que la guerre qui ne cesse de réapparaître dans le périple du narrateur ; il y a aussi la maladie. Tout comme la guerre, celle-ci peut mener à mourir à l’avance et est donc une expérience révélatrice des pulsions suicidaires. « La guerre et la maladie, ces deux infinis du cauchemar »29 touchent le narrateur et bien d’autres personnages du Voyage de plein fouet, « ce sont les malheureux de la terre ». La mort devient alors pour eux la seule finalité, ici-bas.
Elle ne se contente pas de se manifester dans l’Autre et dans le Moi mais également dans les objets et la nature. Une fois la mort commencée, tout converge au trépas.
Somme toute, Voyage est un univers profondément mortifère. Notre objectif est d’étudier les instincts de mort qui s’emparent du narrateur dès le début du récit et l’accompagne jusqu’au bout de la nuit. Comment se manifestent les volontés homicides et les pulsions suicidaires chez le narrateur mais aussi chez d’autres personnages du récit ? Quelles en sont les conséquences ? D’où vient au narrateur cette certitude que tout individu, toute société et tout environnement naturel ne cherche qu’à nuire à autrui ? Comment en résulte-t-il, en terme freudien, une envie latente de tuer et d’être tué ? Et comment le narrateur échappe-t-il, malgré les pulsions qu’il se reconnaît, et au meurtre et au suicide, alors que son double, Robinson y succombe pleinement ?
L’analyse suivra la linéarité du discours. Le roman n’étant pas partagé en chapitres, nous nous proposons de découper le récit en deux parties que nous divisons, à leur tour, chacune en trois sections. Nous prenons comme critère de découpage les déplacements du héros. Ainsi, la première partie (pp. 7-236) comprend les grands voyages du narrateur : ses tribulations dans la France en guerre, en Afrique et en Amérique ; la deuxième partie (pp. 237-505), elle, comprend ses errances médicales : la vie en banlieue parisienne, la brève excursion à Toulouse et le séjour à l’hôpital psychiatrique de Vigny.
Le Temps du récit est essentiellement chronologique30 et s’étire sur une quinzaine d’années. Les repères temporels y sont rares, mais le cadre est défini par deux indications : le narrateur a au début du récit 20 ans (p. 12) et à la fin, au stand du « Tirs des Nations », « voilà 15 ans qui viennent de passer... Une paye ! »31 La première partie du roman s’ouvrant sur un défilé des troupes françaises place Clichy et sur l’engagement militaire du narrateur, nous sommes au début du récit dans les premiers mois de la Grande Guerre, en 1914. Il est ensuite difficile de situé la durée des grands voyages.
Le prochain repère temporel, le narrateur nous le donne après avoir abandonné sa profession médicale dans la banlieue de Rancy pour une vie, au jour le jour, à Paris. En arrivant place Clichy, il nous donne l’indication suivante : « Tout au bout c’est la statue du maréchal Moncey. Il défend toujours la Place Clichy depuis 1816 contre des souvenirs et l’oubli, contre rien du tout, avec une couronne en perles pas très chère. J’arrivais moi aussi près de lui en courant avec 112 ans de retard par l’Avenue bien vide. »32
Nous sommes donc au début des errances parisiennes en 1928. Entre l’engagement militaire de 1914 et le retour à la place Clichy en 1928, il est impossible de définir exactement les déplacements du narrateur dans le Temps. Nous remarquons toutefois que la place Clichy est un point de repère dans le récit. C’est là que commence et se termine le voyage du narrateur et il y retourne à plusieurs reprises, toujours quand il ne sait pas trop où aller et quoi faire. Ainsi commence la deuxième partie du récit : de retour des Amériques, le narrateur tourne « pendant des semaines et des mois tout autour de la place Clichy, [...], et aux environs aussi, à faire des petits métiers pour vivre, du côté des Batignolles. Pas racontables ! »33, puis il reprend ses études et passe ses examens après « cinq ou six années de tribulations académiques. »34 En guise de repère temporel, le narrateur ce permet ici une ellipse considérable. Ce sont ces « petits métiers » et « cinq à six années de tribulations académiques » qu’il omet de nous conter. Après le récit de la Garenne-Rancy, le narrateur revient à la place Clichy avant d’aller travailler au Tarapout, un cabaret de Montmartre. Et à la fin du roman, cette même place conduit à la mort : d’elle part le taxi où Madelon tue Robinson. La place Clichy est donc tout autant un repère temporel qu’un repère spatial du récit. D’après Barberger, elle irait même jusqu’à remettre en question l’idée que le narrateur progresse, comme ses nombreux déplacements laisseraient penser, un tant soit peu d’un bout à l’autre du roman (cf. Barberger, 2004, pp. 30-31). Et en effet, malgré ses velléités de départ, Bardamu passe finalement son temps à faire des tours et des détours autour de la place Clichy. L’idée même de voyage, écrit Barberger, finit par se dissoudre dans un va-et-vient autour de ce pôle d’attraction mortifère qu’est la place Clichy. Cela dit, en considérant les passages du narrateur à la place Clichy, nous pouvons à peu près déterminer la durée de ses déplacements et ainsi le Temps du récit de la manière suivante :
- Ouverture du récit sur la place Clichy en 1914, le narrateur a alors 20 ans ;
- Engagement militaire, voyage en Afrique et en Amérique, retour sur la place Clichy, nous sommes vers 1920 ;
- Ellipse des cinq à six années d’études de médecine et de petits métiers, puis deux à trois ans d’exercice de la profession médicale dans la banlieue parisienne et retour sur la place Clichy, nous sommes en 1928 ;
- Séjour à Toulouse et à l’hôpital psychiatrique de Vigny, dernière excursion à la fête foraine en passant par la place Clichy, 15 ans viennent de passer, nous sommes en 1929, le narrateur a 35 ans (ici nous remarquons une incohérence temporelle : une année pour toutes les errances et le temps à l’hôpital semble un peu court ).
Première partie : les grands voyages
Les trois sections : le récit de guerre (pp. 7-110) ; le récit des aventures africaines (pp. 111183) ; le récit du voyage américain (pp. 184-236) configurent notre première partie. Ces grands voyages racontent les tribulations à travers le monde du narrateur, Bardamu, « un pauvre garçon, tour à tour soldat épouvanté, colonial malingre, émigrant prolétaire, et toujours marginal. »35
1. Le récit de guerre
Pour Bardamu la guerre dure cinq mois, d’août à décembre 1914. Le récit se passe en Flandres, dans la Meuse et à Paris ou dans la proche banlieue.
La guerre n’est pas un simple thème du Voyage, ni même un épisode parmi d’autres dans le parcours de Bardamu mais une scène d’origine : c’est là que s’ouvre le roman et se décident et le destin du narrateur et sa vision du monde. Cette guerre, Bardamu n’a jamais vraiment voulu y participer. Il s’y laisse entraîner un peu par mégarde et une fois qu’il comprend que tout cela n’est pas que musique et fanfare, il est trop tard : « En résumé, que je me suis dit alors, quand j’ai vu comment ça tournait, c’est plus drôle ! C’est tout à recommencer ! J’allais m’en aller. Mais trop tard ! Ils avaient refermé la porte derrière nous les civils. On était faits, comme des rats. »36 Même s’il se compte encore parmi les civils, Bardamu s’est bel et bien engagé dans l’armée et il n’y a évidemment plus manière de reculer. Au front, l’expérience des tranchés est assurément traumatisante. Bardamu ne comprend pas ce qui a bien pu se produire d’extraordinaire dans tous ces hommes pour aller s’entretuer, comme ça, avec conviction et brutalité. Tout cela lui apparaît tout à coup « comme l’effet d’une formidable erreur. »37 Ne pouvant toutefois plus faire marche arrière sans déserter et ainsi risquer la peine capitale, il prend part à cette « immense et universelle moquerie. »38 Ce qui paraît insupportable à Bardamu, c’est de tuer et d’être tué sans savoir pourquoi, et pourtant, pendant la guerre, des nations toutes entières lui semblent soudainement devenues incapables d’autre chose. Mais la raison de cet enthousiasme collectif pour l’hécatombe, Bardamu la comprend le jour où il assiste à une cérémonie militaire de son régiment : « Dans un pré qu’elle avait lieu cette cérémonie, au revers d’une colline ; le colonel avec sa grosse voix avait harangué le régiment : „Haut les cœurs ! qu’il avait dit... Haut les cœurs ! et vive la France !” Quand on a pas d’imagination, mourir c’est peu de chose, quand on en a, mourir c’est trop. Voilà mon avis. Jamais je n’avais compris tant de choses à la fois. »39
Appeler au patriotisme pour faire marcher ses hommes, avec entrain et la tête haute, vers une mort quasi certaine, voilà l’intention de ce colonel - l’amour de la patrie doit justifier tous les risques à prendre. Si cette sommation ne fait pas son effet sur Bardamu, c’est que lui a de l’imagination, contrairement à la majorité des soldats. Et selon Bardamu, c’est bien de l’imagination que l’homme a besoin, s’il veut encore pouvoir croire que ça en vaille la peine ici-bas, d’une manière ou d’une autre. Un pouvoir imaginatif prononcé est la raison pour laquelle Bardamu s’est engagé dans l’armée (il s’imaginait y trouver la camaraderie, l’aventure, etc.) et est maintenant, l’image d’une armée fraternelle et juste s’étant avérée un leurre, la raison de ne pas se laisser tuer pour des idéaux mais de continuer à vivre dans la conviction que l’imaginaire est réalisable. Bref, « c’est tout à recommencer ».
Cette faculté d’imaginer comment la vie pourrait et devrait être est une espèce de moteur. C’est elle qui tient Bardamu à la vie et l’anime à chercher toujours, jusqu’au bout de la nuit, sécurité, amour et amitié. Que cette quête échoue sur tous les plans et aboutit à la résignation - « qu’on en parle plus », ainsi s’achève le roman - témoigne douloureusement du clivage entre le réel (à l’intérieur du récit) et l’imaginaire. Si Bardamu ne trouve, tout au long de ses aventures, que désenchantement et déception, c’est que la vie ne correspond définitivement pas à l’image de celle créée par son imagination. Dans ce sens Voyage peut être, à notre avis, compris comme un roman d’apprentissage : le narrateur traverse pays et aventures à la recherche d’un entourage (hommes, société, nature) n’étant pas en contradiction totale avec son imagination et échoue. L’aboutissement du Voyage est la prise de conscience de cet échec et l’acceptation que l’imagination n’est finalement qu’une chimère qui, si elle retient de mourir, elle empêche de vivre aussi.
Mais alors comment continuer ? Cette question, le narrateur ne se la pose pas concrètement dans le récit : « qu’on en parle plus » sont ses derniers mots. Toutefois, nous pensons que le fait d’en avoir parlé (la fonction énonciative du récit) peut être compris comme une réponse à cette question. L’ultime voyage du narrateur est celui de la narration ; quand le réel détruit l’imaginaire, c’est à la fiction qu’il faut recourir. Il y a ici bien entendu une ambiguïté entre la fonction du narrateur et celle de l’auteur : pendant qu’il faut attribuer la narration au narrateur et l’écriture à l’auteur, la fiction veut que le narrateur soit une création de l’auteur. Ainsi, le narrateur porte, sinon les traits réels de l’auteur du moins ceux de son imagination. Et l’imaginaire se forme au contact du réel, il n’y a pas, à notre avis, d’imagination ex nihilo. Nous voulons ici vérifier ce principe en nous dégageant du niveau fictif, en quittant brièvement Bardamu pour Céline. En exergue du roman, Céline écrit :
« Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déceptions et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force.
Il va de la vie à la mort. Hommes, bêtes, villes et choses, tout est imaginé. C’est un roman, rien qu’une histoire fictive. Littré le dit, qui ne se trompe jamais.
Et puis d’abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux.
C’est de l’autre côté de la vie. »40
Voyage serait donc, si l’on en croit l’épigraphe, une histoire fictive, un récit entièrement imaginaire - et c’est de bonne foi que nous croyons l’auteur (plusieurs aspects41 du récit certifient d’ailleurs cette affirmation). Nous discernons toutefois une ambiguïté : si les voyages incitent le développement de l’imagination et ainsi, en partie, engendrent la fiction - aussi longtemps que tout le reste n’est que déceptions et fatigues, il semble en effet difficile d’en contracter de l’imagination - cela implique qu’il est nécessaire qu’un voyage (réel celui- ci) précède le voyage fictif. Par conséquent, nous devons supposer que la narration n’est autre qu’une transposition des expériences vécues du narrateur. Et l’histoire fictive voulant que le narrateur ne soit que la création de l’auteur, il nous faut attribuer à l’auteur l’imagination générée par des aventures vécues, a fortiori lors de voyages. Nous précisons ici encore une fois que Voyage n’est pas le récit des histoires vécues de son auteur mais entièrement une histoire fictive (l’épigraphe en fait preuve). Néanmoins, il faut considérer que des expériences réelles de l’auteur, et tout particulièrement celles contractées lors de voyages, sont à la base de l’imaginaire du récit ; le réel engendre l’imagination qui à son tour engendre la fiction. Ainsi, nous retrouverions dans le récit, sous une forme altérée par l’imagination et à travers une instance narrative, les voyages de l’auteur.
Mais nous voulons maintenant, en considérant nos acquis, revenir au récit de guerre. Les expériences des tranchés, de la hiérarchie militaire, de la camaraderie, et cetera ont assurément fait travailler l’imagination du narrateur et ce sont leurs transpositions, parfois peu réalistes, souvent satiriques et délirantes que nous retrouvons dans le récit - les épreuves traumatisantes du front ont de telle sorte affectées le narrateur que ce qui était au début de ses aventures que des observations deviennent au fil des voyages des idées fixes. C’est ainsi qu’après la guerre se concrétise dans l’imagination du narrateur une obsession de la mort dont il ne peut plus se défaire et qui détermine ses actions.
Et si l’on veut maintenant bien tenir compte que le narrateur n’est qu’une création de l’auteur, il nous faut chercher la source de l’imagination du narrateur dans les expériences vécues de l’auteur. Sans vouloir trop approfondir la biographie de Céline, nous trouvons en effet plusieurs points communs42 entre le parcours militaire de l’auteur et celui du narrateur. Nous nous interrogeons donc, quant aux sources de l’imaginaire dans le récit, tout particulièrement sur les expériences de l’auteur successibles à éclaircir cette obsession de la mort qui envahit le narrateur après son engagement dans l’armée.
Il y a bien sûr, tout d’abord, comme nous l’avons démontré dans notre introduction, l’influence de nombreuses lectures, littéraires et philosophiques. Mais il y a aussi l’expérience du front. Dans les premiers mois de la Grande Guerre, Céline sert dans un régiment de cuirassiers. Là, il voit tomber nombre de camarades avant d’être lui-même, au retour d’une mission, touché par balle au bras droit et projeté de son cheval par l’explosion d’un obus. Il est alors hospitalisé au Val de Grâce puis, médaillé militaire, affecté au service des passeports avant d’être réformé le 2 septembre 1914. Cette brève mais intense expérience de la guerre a profondément marqué Céline. C’est là que se forge son attitude pacifiste mais aussi son obsession de la mort. Plus qu’une finalité, celle-ci devient pour le jeune auteur, rescapé des tranchés, une entité omniprésente et absolue.43
[...]
1 Céline, Voyage au bout de la nuit, Gallimard, 1996, p. 200.
2 Allocution prononcée à Médan le 1er octobre 1933, reproduite dans Marianne le 4 octobre 1933. Reprise dans les Cahiers Céline, n°1, p. 73-83, Gallimard, 1976.
3 Djian, 2002, p. 32.
4 Godard, 1991, p. 11.
5 Damour renvoie d’une part aux réformes allégeant les impôts sur la propriété foncière et immobilière, sur les bénéfices industriels et commerciaux et d’autre part aux réformes dégageant des fonds pour la réalisation de grands travaux, la retraite du combattant ou encore la suppression des frais de scolarité en sixième (cf. Damour, 1985, p. 19).
6 Conformément à la thèse de Raymond R. Gervais Etat colonial et savoir démographique en AOF, 1904-1960, selon laquelle la démographie des colonies ouest-africaines resterait stable entre 1914 et 1945 (cf. Gervais, 1996, p. 2). Les dossiers d’archives concernant la Statistique générale de France (SGF) n’ont toutefois pas pu être retracés avant 1946. Conformément à l’Institut National d’Études Démographiques, des statistiques exactes sur la population antérieures à 1951 ne sont pas accessibles pour les territoires et départements d’outre-mer.
7 Damour, 1985, p. 22.
8 Conformément aux données de Wikipédia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Krach_de_1929
9 Céline, 1925, p. 123.
10 Ibid. p. 123.
11 Céline, 1932, p. 224.
12 Ibid. p. 225.
13 Céline, 1925, p. 128.
14 Ibid. p. 130.
15 Ce sont ici les thèmes très largement exploités par la littérature de « gauche » : la folie du genre humain, les inégalités sociales, la défense par la classe bourgeoise de ses privilèges, etc.
16 Ibid. p. 44.
17 Nous remarquons ici que la critique n’est pas unanime : si pour les uns, la noirceur extrême et assidue des personnages du Voyage contribue à la vraisemblance du récit, pour les autres, au contraire, elle participe à son incrédibilité.
18 Céline, 1933, Lettre à Albert Thibaudet, Cahiers Céline 5, p. 169.
19 Céline, 1933, Lettre à une amie, Cahiers Céline 5, p. 175.
20 Freud, 1915, p. 251.
21 Freud, 1920, p. 48.
22 Nous nous référons ici au Concept de pulsion de mort, un article de Thierry Bokanovski, Membre Titulaire de la Société Psychanalytique de Paris et ancien rédacteur de la Revue française de Psychanalyse : http://www.psychanalyse.lu/articles/BokanowskiPulsionMort.htm
23 Interview de 1959, Cahiers Céline 2, p. 128.
24 Bilon, 2007, « la fascination de la mort », p. 67 ; Godard, 1991, « tuer et se tuer », pp. 73-81 ; Damour, 1985, « le Moi et les Autres », pp. 53-55 ; Destruel, 2000, « univers anthropocentrique », pp. 20-24.
25 Céline, 1932, p. 82.
26 Ibid. p. 270.
27 Céline, 1932, pp. 116-117.
28 Ibid. p. 36.
29 Ibid. p. 418.
30 Voyage suit un ordre chronologique, bien que ce mode narratif soit apparu aux romanciers de la modernité, comme un code à subvertir. On peut cependant repérer quelques très rapides et peu nombreuses analepses : le narrateur soldat évoque un séjour linguistique en Allemagne (p. 11) et ses années d’études à propos de la visite du bijoutier Puta, son ancien patron (p. 102). On trouve une seule prolepse explicite : le voyage en Amérique souhaité au contact du corps de Lola (p. 49).
31 Ibid. p. 480.
32 Ibid. p. 350.
33 Ibid. p. 237.
34 Ibid. p. 237.
35 L. Baladier, art. cité.
36 Céline, 1932, p. 10.
37 Ibid. p.12.
38 Ibid. p. 12.
39 Ibid. p. 19.
40 Epigraphe p. 5.
41 Quoique les aventures du narrateur s’enchaînent dans des lieux réels et dans l’Histoire, le récit n’est pas du genre réaliste. Nous y trouvons plusieurs passages fantastiques, des personnages et des lieux au nom imaginaire et, tout au long du récit, une figure ambiguë comme Robinson, personnage qui met définitivement en cause la vraisemblance du récit.
42 A l’instar du narrateur, Céline a servi pendant la Grande Guerre dans un régiment de Cuirassiers. Maréchal- des-logis, il a parcouru à cheval une bonne partie des Hauts-de-Meuse, de la Lorraine et des Flandres. Ses expériences du terrain, de la vie de camps, des combats, etc. sont partiellement transposées dans le récit du Voyage. Nous renvoyons à ce propos aux recherches de Jean Bastier, professeur à l’Université des Sciences sociales de Toulouse. Son livre, Le Cuirassier blessé, retrace à l’aide de documents historiques le parcours du cuirassier Destouches et aide ainsi à reconstituer une part des sources d’inspiration du Voyage.
43 Voir Casse-pipe, un roman largement autobiographique et le Carnet du Cuirassier Destouches, journal sur les premières impressions du corps militaire.
- Quote paper
- lic. phil. I David Stamm (Author), 2010, Voyage au bout de la nuit, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/163766
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