Naples, deuxième plus grande métropole balnéaire après Barcelone, est située au sud-ouest de l'Italie près du Vésuve sur la côte ouest du golfe de même nom, où elle est baignée par la mer tyrrhénienne, partie de la mer Méditerranéenne. Or,
paradoxalement Anna Maria Ortese par l’intitulé de son ouvrage « la mer ne baigne pas Naples » paraît prétendre le contraire. Nous allons donc analyser la question, comment la mer Méditerranée est représentée dans son texte "Un paio de
occhiali", en particulier par l’approche de la scène du balcon. À des fins de comparaison, nous allons procéder à une mise en parallèle d’une visualisation de la mer à partir d’un autre balcon, à travers les yeux de Paul Valéry dans "Inspirations
méditerranéennes". Depuis sa naissance Paul Valéry se trouve en contact étroit avec un port de moyenne importance au pied d`une colline situé sur la côte du Languedoc. Il nous communique son bonheur d'y être né ; ce qui dénote une atmosphère sereine sur laquelle nous achèverons l'examen.
Table des matières
1) Introduction
2) La mer Méditerranée chez Anna Maria Ortese
3) La mer Méditerranée chez Paul Valéry
4) Conclusion
1) Introduction
Naples, deuxième plus grande métropole balnéaire après Barcelone, est située au sud-ouest de l'Italie près du Vésuve sur la cote ouest du golfe de méme nom, oü elle est baignée par la mer tyrrhénienne, partie de la mer Méditerranéenne. Or, paradoxalement Anna Maria Ortese par l’intitulé de son ouvrage « la mer ne baigne pas Naples » parait prétendre le contraire. Nous allons done analyser la question, comment la mer Méditerranée est représentée dans son texte « Un paio de occhiali»1, en particulier par l’approche de la scène du balcon. A des fins de comparaison, nous allons procéder a une mise en parallèle d’une visualisation de la mer a partir d’un autre balcon, a travers les yeux de Paul Valéry dans « Inspirations méditerranéennes ». Depuis sa naissance Paul Valéry se trouve en contact étroit avec un port de moyenne importance au pied d'une colline situé sur la cote du Languedoc. Il nous communique son bonheur d'y étre né ; ce qui dénote une atmosphère sereine sur laquelle nous achèverons l'examen.
2) La mer Méditerranée chez Anna Maria Ortese
Alors que l’histoire se déroule a Naples, c’est a peine si l’auteure y mentionne la mer. Jusqu'a la scène du balcon, la méditerranée nous apparait comme absente. Dès le début de l'histoire nous apercevons sous une autre forme le rapport de cette masse d’eau avec la famille mal lotie d’Eugenia, comme nous pouvons le constater dans la citation suivante : «die, ächzend vor Gelenkschmerzen, im Bette lag; und überdies hatte sie ein krankes Herz.»2. L’auteure y fait allusion par le biais de Madame Rosa, qui en proie a des douleurs articulaires a cause de l’humidité due aux infiltrations d’eau dans la maison, se trouve en position allongée. Ainsi, le rapport avec l'eau de cette famille pauvre est-il plutot d'ordre négatif.
La mer jouant un role différent en fonction de la classe sociale, nous nous focalisons a présent sur l’analyse de la scène du balcon du bel appartement au troisième étage de la Marchesa, personne aisée. Eugenia y est invitée a prendre possession d’une vieille robe usée et raccommodée en guise de cadeau pour sa tante Nunzia. Pendant que la Marchesa répond au téléphone, Eugenia en profite pour explorer les lieux. C'est alors que sur le balcon elle découvre la mer qui agit sur elle comme une révélation perturbante.
« Sie trat auf den Balkon. So viel Luft, so viel Blau ! Die Häuser wie unter einem himmelblauen Schleier, und dort tief unten die Gasse, wie ein Brunnen, und eine Unzahl Ameisen kamen, und gingen... genau wie die Menschen, die ihr nahestanden... Was taten sie ? Wo gingen sie hin ? Sie huschten aus ihren Löchern und eilten wieder hinein, dicke Stücke Brot tragend, das taten sie, hatten sie gestern getan, würden sie morgen tun, immerzu. immerzu. »3
Le bleu y est abondant. Cette couleur est a la fois celle de la mer et du ciel et donc de la vision du lointain ; elle symbolise la pureté et la vérité.4 En l'occurrence il s'agit de la vérité sur l'injustice qu'Eugenia pergoit du haut du balcon. Méme si Eugenia ne porte pas encore ses lunettes, son impression visuelle se trouve subitement élargie au vaste horizon de la mer. De méme en est-il de son esprit et de ses pensées qui s'étendent. Elle se rend compte d’une autre sorte d'ensoleillement et d'une mer différente de ce qu'elle avait pu imaginer. De cette toute nouvelle perspective, elle voit le monde sous différentes facettes avec une justice a plusieurs niveaux selon le rang hiérarchique. Par exemple seul l’appartement de Mme Marchesa au troisième étage est ensoleillé et de ce point surélevé la mer est visible. En revanche, dans le basso la vue est entravée par les murs d’autres fhabitations serrées. La perception des habitants y est restreinte; ceux-ci ne prennent donc pas conscience de ce dont ils sont privés. Les bienfaits, comme ceux dispensés par la mer et le soleil, ne sont donc pas accessibles a tous de manière égale en particulier a ceux de la classe sociale inférieure.
Les fourmis sont le symbole de l'application et de l'assuidité.5 Elles représentent les personnes comme la famille d'Eugenia, qui en raison de l'injustice, sont condamnées a travailler sans relâche chaque jour pour survivre sans grand espoir de changement. En comparaison, ceux vivant dans l'aisance comme la Marchesa ne sont pas tenus a des contraintes pénibles pour assurer leur existence. Ortese dénonce done la situation déplorable qui frappe les démunis a Naples.
3) La mer Méditerranée chez Paul Valéry
« Il n’est pas de spectacle pour moi qui vaille ce que l’on voit d’une terrasse ou d’un baleon bien plaeé au-dessus d’un port. Je passerais mes jours â regarder ce que Joseph Vernet, peintre de belles marines, appelait les différents travaux d’un port de mer. L’reil, dans ce poste privilégié, possède le large dont il s’enivre... »6 7
Dans « inspirations méditerranéennes » Paul Valéry parle de lui-méme et de la sensiblité artistique qu'il manifeste au contact de la mer Méditerranée, laquelle n’a cessé de lui étre présente, soit aux yeux, soit a l’esprit. Il s’agit lâ d’un auteur comblé du fait de sa proximité avec la mer. Il n'aurait pas pu espérer naitre a un meilleur endroit que celui-la et il est conscient de la position privilégiée qu'il occupe sur son balcon. Il compare ses impressions de la mer avec les tableaux d'un célébre peintre de ports en mettant comme lui en évidence l'esthétique de la mer. Il y observe les activités humaines incessantes du port. Il prend plaisir a s'installer dans ses réveries oü l'reil ne rencontre aucun obstacle ; sans bornes, sa vue aussi infinie que le large l'engage au voyage. S'inspirant de la mythologie et de l'histoire, son esprit a tout loisir de s'évader dans un monde de fantasmes et de poésie. Paul Valéry vit un réve éveillé en se fondant dans sa propre peinture.
« L’reil ainsi embrasse â la fois l’humain et l’inhumain. C’est lâ ce qu’a ressenti et magnifiquement exprimé le grand Claude Lorrain, qui, dans le style le plus noble, exalte l’ordre et la splendeur idéale des grands ports de la Méditerranée : Génes, Marseille ou Naples transfigurées, l’architecture du décor, les profils de la terre, la perspective des eaux, se composant, comme la scène d’un théâtre oü ne viendrait agir, chanter, mourir parfois, qu’un seul personnage : LA LUMIÈRE ! »7 Par une plume poétique, Paul Valéry nous communique sa félicité et son enthousiasme comme le feraient par la peinture des artistes tels que Joseph Vernet et Claude Lorain. Comme eux il se sent attiré par le spectacle de la mer qu'il contemple avec fascination de son balcon. A l'aide de toute une palette de couleurs, Valéry met en évidence la beauté de la mer et tout ce qui s'y rapporte. Par la répétition du mot « oeil », le sens premier mis en valeur est celui de la vue. Cette perception lui permet d'admirer le paysage comme s'il jouissait d'un spectacle théâtral. Si les impressions olfactives sont loin d'étre absentes dans le texte de Valéry, il y est surtout question d'une lumière personnifiée. La mise en scène de la nature constitue pour lui l'essentiel. Il combine l'humain - donc les immeubles - et l'inhumain - comme la nature dont la mer - dans un tableau dont il fait partie intégrante et avec lequel il se sent en parfaite symbiose.
4) Conclusion
Chez Ortese la mer n'est pas présente d'emblée. De plus elle est représentée de manière négative du point de vue des pauvres car elle se manifeste sous forme d'humidité tandis que chez Valéry le mer est omniprésente et se manifeste de manière positive sous les formes de l'art, de l'esthétique et du bonheur. Valéry connait la mer depuis sa plus tendre enfance et il ne saurait s'imaginer étre né ailleurs tandis qu'Eugenia n'a jamais réellement eu conscience de sa proximité avec la Méditerranée avant la scène du balcon. En conclusion, pour les deux auteurs la mer est bien présente, immense, a portée du regard a condition qu'on puisse l’apercevoir d’un point surélevé, aussi symboliquement parlant sur l’échelle sociale. Pour cela la vue est primordiale. Non seulement il faut voir les choses avec le sens de la vue mais encore faut-il avoir l'opportunité de disposer d'un balcon avec vue sur la mer. Que ce soit symboliquement en tant que fourmis ou concrètement comme des travailleurs du port, les activités des hommes y sont décrites ; le monde réel du travail est donc évoqué dans les deux textes.
[...]
1 "Un paio di oeehiali" (De: Anna Maria Ortese: Il mare non bagna Napoli, Mailand: Adelphi 1994, P. 15-34).
2 Anna Maria Ortese, Neapel Stadt ohne Gnade. Fischer Verlag 1955. P. 7.
3 Anna Maria Ortese, Neapel Stadt ohne Gnade. Fischer Verlag 1955 P. 26-27.
4 Cf. Udo Becker. Lexikon der Symbole. Verlag Herder Freiburg im Breisgau 1992. P. 44.
5 Cf. Udo Becker. Lexikon der Symbole. Verlag Herder Freiburg im Breisgau 1992. P. 19.
6 Paul Valéry. Gallimard 1957. P. 1084-1085.
7 Paul Valéry. Gallimard 1957. P. 1085.
- Quote paper
- Annely Kühn (Author), 2018, La représentation de la mer Méditerranée chez Anna Maria Ortese et Paul Valéry, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/1323717